Technologie : futurs drones de combat au sein du SCAF

L’avenir des capacités aériennes se construit autour du système de combat aérien futur (SCAF), combinant des avions pilotés de plus en plus performants et onéreux avec des drones moins chers. Tous vont évoluer dans un environnement de haute intensité, où les défenses antiaériennes améliorent leur efficacité.

Ce thème a fait l’objet d’un rapport publié, en avril 2024 à Levallois-Perret (banlieue parisienne), par la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et rédigé par Philippe Gros, maître de recherche à la FRS, et Jean-Jacques Patry, ancien fonctionnaire au ministère des Armées.

Anticipation des évolutions. Les drones sont passés du statut de capteurs d’appoint à celui de pilier du renseignement puis de capteurs et effecteurs au cours des guerres récentes en Lybie (2011) et en Ukraine (depuis 2022). La robotisation du combat aérien se poursuit. Face à l’évolution de la menace, l’emploi des drones doit s’intégrer dans le concept d’opérations « multi-milieux et multi-champs », afin d’optimiser les synergies entre les plateformes ISR (renseignement, surveillance et reconnaissance), les plateformes effectrices aériennes, navales et terrestres ainsi que les munitions et autres charges utiles. Cela influe sur la doctrine tactique du C2 (commandement et contrôle) pour la mise en œuvre des drones, l’évolution des fonctions des chefs de patrouille, du commandement de la mission et de la gestion du combat aérien, mais aussi de la fonction C2 à l’échelle interarmées. Sur le plan opérationnel, les drones peuvent transformer toutes les missions. Pour celles de renseignement, ils fournissent des réseaux de capteurs pénétrants étendant la couverture ISR. Pour la supériorité aérienne, ils fournissent des capacités déportées de leurrage, de brouillage, de ciblage et d’engagement, en collaboration avec les chasseurs maintenus en arrière. Ils permettent des modes d’action de désorientation et de saturation, indispensables à l‘aveuglement et à la désintégration des défenses antiaériennes adverses, et créent des ciblages d’opportunité dans le temps long et dans un environnement d’intensité moyenne. Pour la supériorité terrestre, ils accroissent la masse pénétrante en début de campagne puis maintiennent plus longtemps le dispositif couvrant de grandes zones et ainsi démultiplier les capacités de ciblage d’opportunité nécessaires à l’appui aérien rapproché. Enfin, grâce à la fourniture de réseaux de capteurs avancés et de relais de transmission, les drones augmentent la portée et la robustesse de la fonction « gestion du champ bataille (échange d’informations sur le terrain), commandement et contrôle ». Par ailleurs, l’intelligence artificielle facilitera des évolutions technologiques : systèmes partiellement autonomes ; « cloud tactique » (réseau pour la distribution de données et le partage d’informations) permettant la décentralisation, au niveau des plateformes, des capacités de décision actuellement réservées à des postes de commandement à distance, voire hors théâtre ; services collaboratifs entre les systèmes de mission de diverses plateformes ; miniaturisation des équipement et armements. Enfin, la simulation nécessite moins d’heures de vol réelles pour la préparation opérationnelle. Par ailleurs, le combat collaboratif entre avions et drones nécessite un « « cloud de combat », dont la création, pour une coalition, dépend de la réalisation du projet de réseau multi-senseurs et multi-effecteurs et pose la question de l’interopérabilité. Or depuis la guerre du Golfe (1991), les dispositifs aériens de coalition s’accommodent mal des zones de responsabilité nationale. L’évaluation commune de la situation tactique exige de prendre en compte l’interopérabilité entre les systèmes américain NGAD, français SCAF, britannique GCAP et les autres dès leur conception, afin de développer des liaisons de données, des outils de traduction et surtout des procédures de partage du C2, comme pour la gestion de combat actuelle avec les avions de chasse.

Projet américain. Après des années d’atermoiements, l’armée de l’Air et la Marine américaines développent l’aéronef de combat collaboratif (CCA en anglais) pour renforcer leurs flottes aériennes de combat, considérée comme insuffisantes face à une agression chinoise. Ces CCA s’intégreront dans le système de systèmes dénommé « dominante aérienne de nouvelle génération » (NGDA) centré sur un avion de chasse. Cette vaste architecture de combat collaboratif doit permettre d’acquérir la supériorité aérienne en remplissant diverses missions, dont la chasse, la neutralisation des défenses antiaériennes ennemies, le déni d’accès, l’appui aérien rapproché et le relais de communications. Deux projets sont en cours de réalisation et concernent surtout des engins récupérables basés à terre, à savoir le drone de combat furtif XQ-58, fabriqué par Kratos, et le drone furtif multi-rôles, construit par Boeing. L’armée de l’Air devrait acquérir au moins mille exemplaires du modèle retenu, destinés à opérer avec l’avion furtif multi-rôles F-35, puis le chasseur NGAD. Ces futurs systèmes reposeront sur une architecture ouverte modulaire et sur le drone Skyborg, piloté par l’intelligence artificielle et déjà mis au point. Des travaux sont aussi en cours sur des drones consommables aérolargués.

Projet français. Les réflexions d’Airbus et de MBDA sur le SCAF français rejoignent celles sur le NGAD américain. Selon la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire 2024-2030, le SCAF devrait bénéficier de multiples avancées capacitaires, notamment pour réaliser le chasseur de nouvelle génération, successeur du Rafale. En matière de drones, il s’agira de réduire le « coût par effet » en utilisant des systèmes consommables ou récupérables avec des mises à poste variées. Cela implique de développer : des équipements et des munitions spécifiques ; l’architecture de connectivité ; des solutions d’autonomie pour la plateforme habitée, dont l’équipage gérera les missions des drones, et pour les drones ailiers eux-mêmes mais selon des règles d’engagement très strictes. Tout dépendra du contexte opérationnel, notamment de l’environnement électromagnétique plus ou moins déconnecté ou intermittent et qui affecte le fonctionnement du « cloud de combat ».

Projets d’autres pays. La Grande-Bretagne développe le programme de combat aérien global (GCAP). BAE Systems met au point deux types de drones, lancés depuis le sol et récupérables mais avec des niveaux technologiques différents. L’Australie coopère avec Boeing pour la fabrication du drone furtif multi-rôles MQ-28 Ghost Bat, selon un concept similaire à l’aéronef de combat collaboratif américain. La Corée du Sud s’en inspire aussi pour développer un drone ailier pour accompagner les nouvelles versions de son chasseur polyvalent KF-21 Boramae. Avec l’aide des États-Unis, le Japon développe un drone capable d’opérer avec son futur chasseur F-X dans les années 2030. De son côté, la Russie développe le drone ailier S-70 Okhotnik, lourd (25 t) et furtif, et le Kronshadt Grom destiné à opérer avec l’avion de défense aérienne Su-35 et le chasseur furtif multi-rôles Su-57. Toutefois, ces programmes sont ralentis en raison des sanctions de pays occidentaux et de l’absence de solution quant au mode de propulsion. La Chine développe une famille de systèmes de combat aérien collaboratif avec le chasseur J-20, le drone FH-95 Feihung, dédié à l’ISR et à la guerre électronique, et le drone de combat FH-97, tous deux proches des modèles américains récupérables. L’Inde développe le système de systèmes CATS de Hindoustan Aeronautics Limited, comprenant le chasseur Tejas et plusieurs drones, dont le CATS Warrior, proche des MQ-28 et XQ-58 américains, et un drone de type missile de croisière récupérable, ainsi que des munitions rôdeuses (drones suicides) Alfa. La Turquie développe son propre chasseur F-X Kaan, le drone supersonique Kizilelma, le drone furtif Anka-3 et les drones consommables Super Simsek et Autonomous Wingman Concept.

Loïc Salmon

Défense : démonstrateur SCAF, missile ANL et futur site du Commandement de l’espace

Drones : applications à la guerre d’aujourd’hui et de demain

Défense : l’IA dans le champ de bataille, confiance et contrôle

 




Armement : l’IA dans l’emploi des drones aériens et sous-marins

L’intelligence artificielle (IA) va inverser la logique d’utilisation des drones aériens. Elle doit devenir un équipier de confiance de l’humain dans la coordination des véhicules sous-marins semi-autonomes.

Cette problématique a été abordée lors du colloque « Intelligence artificielle et commandement militaire » organisé, le 28 septembre 2023 à Paris, par le Centre de recherche Saint-Cyr Coëtquidan (CReC) et le groupe Nexter, spécialisé dans les systèmes pour les forces terrestres. Y sont notamment intervenus : Jean-Marc Moschetta, professeur à l’Isae-Supaéro (Institut supérieur d’aéronautique et de l’espace) ; Jean-Michel Tran, directeur du domaine technique IA chez Naval Group (construction navale de défense).

Les essaims de drones aériens. Alors que la mise en œuvre d’un drone de combat de grandes dimensions mobilise plusieurs personnels, celle d’un essaim de petits drones ne nécessite qu’un seul opérateur, explique Jean-Marc Moschetta. Le rapport de mars 2021 du groupe d’experts du Conseil de sécurité de l’ONU sur la Libye indique que les forces armées et les convois logistiques de la faction du maréchal Khalifa Haftar ont été pourchassés et pris à partie à distance par des drones de combat ou des systèmes d’armes létaux autonomes et autres munitions rôdeuses, programmés pour attaquer des cibles en mode de guidage automatique. Cela a été possible grâce à la miniaturisation de drones peu onéreux et aux progrès réalisés dans l’informatique distribuée et dans l’information à fréquences millimétriques (60 GHz+ et très large bande). Les essaims de drones présentent des avantages : discrétion, facilitée par une faible signature visuelle ou radar ; saturation, qui désorganise la défense adverse par leur surnombre ; coût peu élevé, comme les drones en carton de 120 km de portée ; résilience par des réseaux « ad hoc » de relais d’information et des calculs en essaim. Toutefois, des faiblesses persistent : déploiement simultané à proximité de l’adversaire ; élongation et endurance réduites nécessitant des remplacements ou l’insertion de nouveaux drones ; sensibilité au vent limitant la vitesse d’évolution ; emport de charge utile réduite par la miniaturisation ; risque de piratage informatique. Déployés en masse par avion ou véhicule terrestre, les essaims de drones évoluent en patrouille avec une réduction des 30 % – 40 % de la traînée induite de chacun. Ils ne tirent pas leur efficacité de chacun d’eux mais de leurs relations et favorisent plus d’IA et d’intelligence collective, non traçable et capable d’initiatives. L’intelligence collective, indique Jean-Marc Moschetta, ne résulte pas du travail à plusieurs ni de la somme des intelligences individuelles. Elle existe dans la nature : dynamiques de groupes des oiseaux migrateurs, qui évitent la collision, conservent le cap par alignement et non-éloignement des individus ; saturation pratiquée par les gnous africains lors du passage d’un rivière infestée de crocodiles ; allocation dynamique des tâches parmi les « travailleurs à bec rouge », oiseaux sauvages d’Afrique. Selon Jean-Marc Moschetta, l’emploi de l’IA avec les essaims de drones présente certains risques. Le premier concerne la perte de contrôle sur l’exécution précise de l’action militaire, en raison de l’impossibilité de contrôler chaque drone et de la dispersion des sous-munitions avec des effets collatéraux. S’y ajoute l’effet d’emballement où plus rien ne fonctionne bien. Le deuxième risque porte sur l’infraction aux règles d’engagement en raison de l’absence de discrimination entre combattants et non-combattants et de l’obligation de nombreuses mises en situation.

Les véhicules sous-marins autonomes. L’autonomie d’un drone sous-marin repose sur une interdépendance entre la décision de l’opérateur, la communication avec le drone et la position du drone, explique Jean-Michel Tran. L’organe de décision mène la mission opérationnelle. Celui de la communication transmet les informations relatives au besoin opérationnel, les intentions et un possible recouvrement des communications après une période d’interruption. L’organe de positionnement permet une garantie contre une erreur de position. L’emploi des drones sous-marins rencontre des difficultés spécifiques : absence de système de positionnement externe type GPS ; impossibilité d’équiper la zone d’intervention de moyens de repères fixes ; soumission des mesures inertielles à la dérive du drone ; présence de courants, variables dans le temps et l’espace ; impossibilité d’utiliser parfois certains senseurs par souci de discrétion ; coûts très élevés des senseurs performants ; portée limitée à quelques kilomètres ; débits très réduits de l’ordre de 50 bits/s utiles ; absence de communication simultanée ; interférences avec certains senseurs acoustiques ; impossibilité de maintenir une ouverture permanente du canal de communication ; délai de propagation de plusieurs secondes ; variabilité de la qualité du canal en raison de trajets multiples, de la bathycélérimétrie, de l’environnement biologique, du trafic maritime et des conditions météorologiques (pluie ou vent). Dans ces conditions, le suivi humain s’avère difficile pour les missions de longue durée, en raison des évolutions imprévisibles dans un environnement non structuré, dynamique et pas ou partiellement connu. Le déplacement d’un drone coûte cher et prend du temps. Il convient donc de bien planifier une mission de haut niveau selon des objectifs et des contraintes. En effet, le drone « comprend » ses objectifs et peut s’adapter à des situations changeantes et imprévisibles durant toute la durée de sa mission. Par ailleurs, la doctrine militaire doit être prise en compte. Par exemple, dans le golfe Arabo-Persique, un drone pourrait devoir intercepter un navire transportant des véhicules et effectuer une recherche dans une zone présentant des endroits interdits à la navigation et des navires à éviter. L’opérateur a accepté la planification initiale, puis le drone effectue sa mission en ré-évaluant régulièrement différentes options. Il n’existe pas nécessairement de solution optimale, afin de respecter la doctrine militaire qui doit être facilement reprogrammable. Il convient donc de conserver une certaine part d’audace et de proposer des solutions alternatives plus efficaces, mais qui ne respectent pas strictement la doctrine. En intelligence artificielle, l’apprentissage par renforcement permet à un robot ou un drone d’apprendre à prendre des décisions dans un environnement dynamique, en tenant compte du temps, de l’incertitude et des conséquences, non immédiates, de ses actions. Au niveau de l’apprentissage, le drone est entraîné à résoudre les problèmes que rencontrent les marins. Lorsqu’il définit la mission du drone, l’opérateur doit en préciser les contraintes (navigation, émissions électromagnétiques et acoustiques), les marges à respecter (énergie, position) et les traits de caractères (curiosité, discrétion). Il doit aussi délivrer des autorisations d’autonomie pour une replanification de la mission : altération des paramètres des objectifs de mission ; abandon total ou partiel de certaines parties ; réengagement de la mission ; éloignement plus ou moins temporel et spatial du contrat initial. Vu le coût onéreux des drones sous-marins, leur emploi en essaim nécessitera une hétérogénéité de drones performants et chers avec d’autres qui le sont moins, mais qui sont spécialisés dans une mission précise pour un temps donné. La complexité d’emploi de tels systèmes nécessitera des systèmes d’aide à la décision et l’utilisation de grosses unités porte-drones ou porte-armes pour remplir la mission. Le déploiement des drones plus petits et perdables sera probablement laissé à ces grosses unités et échappera complètement aux opérateurs, afin de limiter la complexité de la mission. Grâce à des séquences d’action de haut niveau pour chaque drone, l’essaim pourra atteindre son objectif via une coopération entre les drones, malgré des communications marines limitées. Naval Group y travaille.

Loïc Salmon

Défense : l’adaptation des SALA aux combats de demain

Défense : l’IA dans le champ de bataille, confiance et contrôle

Défense : l’IA pour décupler les performances des systèmes opérationnels des armées




Armée de l’Air et de l’Espace : sûreté aérienne, la sécurisation du Salon aéronautique du Bourget

La sûreté aérienne met en œuvre des radars de surveillance et des centres de détection et de contrôle ainsi que des avions de chasse, des hélicoptères et d’autres moyens. Elle a été renforcée lors du Salon international de l’aéronautique et de l’espace, tenu du 19 au 25 juin 2023 au Bourget (région parisienne).

Le général Étienne Faury, commandant de la brigade aérienne de la posture permanente de sûreté-Air (PPS-Air, police du ciel), a présenté, le 15 juin 2023 à Paris, le dispositif de sécurisation aérienne.

Le dispositif particulier de sûreté. Lors de la visite d’un chef d’État ou d’un grand évènement, un dispositif particulier de sûreté aérienne est déployé. Il consiste à renforcer, de façon ponctuelle et localisée, les moyens de défense aérienne sans dégrader la PPS-Air, L’armée de l’Air et de l’Espace crée alors une zone interdite à tous les aéronefs à certains horaires pour éviter toute perturbation de l’événement. Ce dispositif particulier inclut des interactions interarmées et interministérielles avec la Direction générale de l’aviation civile, les différentes préfectures et la Direction générale de la sécurité intérieure plusieurs mois à l’avance. La sécurité commence dès le décollage d’un aéronef et implique une coordination entre différents aérodromes. Les moyens d’alerte en vol s’interposent, identifient et, si besoin, détournent ou arraisonnent tout appareil intrus. Puis, les forces de sécurité intérieures interviennent pour les suites judiciaires.

La protection du salon du Bourget. Le Salon du Bourget, qui accueille 2.400 exposants et plus de 300.000 visiteurs, inclut des démonstrations en vol. Le dispositif PPS-Air intègre alors les participations du groupe ADP (Aéroports de Paris) et des organisateurs. Le Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes évalue les menaces : détournement d’un avion de ligne, très peu probable en raison des mesures de sécurité au sol et dans les aéroports ; avions légers égarés, protestant contre l’événement ou ayant l’intention de nuire ; drones envoyés par des gens curieux ou contestataires. Le nombre de survols des zones interdites est alors limité pour protéger les démonstrations en vol et éviter les accidents. Les moyens aériens en alerte varient selon les besoins : avion E-3F AWACS (système de détection et de commandement aéroporté) pour la surveillance de zone ; drone de combat Reaper ; Rafale ou Pilatus PC21 pour lever le doute, s’interposer et contraindre un appareil intrus à se poser ; hélicoptère Fennec. Au sol, la protection inclut des moyens complémentaires en fonction des conditions météorologiques et du nombre d’appareils pouvant arriver : missile ASMP-T de moyenne portée ; système de missile sol-air Crotale de courte portée ; lutte anti-drones ; guet à vue ; détachement de liaison sur chaque aéroport de Paris pour coordonner les démonstrations en vol du salon avec les décollages, sous certaines conditions, des avions usagers.

La lutte anti-drones. La brigade PPS-Air travaille avec la Gendarmerie des transports aériens et la Préfecture de police de Paris pour protéger le site, les spectateurs et les démonstrations aériennes de drones, dont la menace évolue avec la technologie. Les systèmes Bassalt (radars et caméras) fonctionnent jour et nuit. La Gendarmerie déploie des véhicules pour compléter la détection. Des systèmes « aéroscopes » voient 95 % des trafics. Les systèmes de brouillage Dedrone et ceux montés sur des fusils s’insèrent dans les bandes de fréquences et immobilisent les drones. Règlements et procédures les complètent. Une base aérienne a été projetée sur le site du Bourget pour loger 400 personnels pour la défense sol-air, la protection au sol des aéronefs, la lutte anti-drone, le poste de commandement dans la préfecture et celui pour la lutte anti-drones, le tout en liaison avec le Centre national des opérations aériennes à Lyon-Mont Verdun.

Loïc Salmon

Aviation militaire : le BEA-É pour la sécurité aérienne

Drones : menaces aériennes à très basses altitudes

Sécurité : détection, identification et neutralisation des drones malveillants

 




DGA : qualifications du mini-drone Marine et du parachute pour chuteurs opérationnels

Le système de mini-drones aériens Marine (SMDM) et le système de mise à terre du combattant opérationnel (SMTCOPS), qualifiés fin juillet 2022 par la Direction générale de l’armement, peuvent être employés en opérations.

Le SMDM. Chaque système se compose de deux drones d’environ 16 kg chacun et propulsés par un moteur électrique pour une autonomie de trois heures. Lancés par catapulte (photo), ils sont récupérés automatiquement à bord dans un filet à l’issue de leur mission. Ils équiperont les patrouilleurs de haute mer et ceux d’outre-mer, les frégates de surveillance et d’autres plateformes encore à l’étude, en vue d’enrichir la compréhension de la situation tactique. Les images et données collectées pendant le vol sont retransmises en temps réel de jour comme de nuit. Le SMDM investigue des zones jusqu’à 50 km, afin de repérer des navires au-delà de la portée des radars et de caractériser la menace par un flux vidéo en temps réel. Cette allonge informationnelle facilite l’identification de navires inconnus, le repositionnement discret de son propre dispositif ou la recherche de naufragés. Trois SMDM ont déjà été livrés sur les 11 commandés fin 2020. Les livraisons s’échelonnent jusqu’en 2023. Modulaire, le SMDM intégrera des technologies plus performantes.

Le SMTCOPS. Ce système permet de sauter à plus de 9.000 m d’altitude avec une charge de 200 kg, contre 7.000 m et 160 kg avec le système précédent. Les commandos effectuent des « sauts à ouverture commandée retardée à très grande hauteur » avec des équipements respiratoires d’oxygène. Ils ouvrent leur parachute dès la sortie de l’avion pour profiter des vents et de la finesse du parachute, afin de planer jusqu’à 50 km dans le dispositif adverse en évitant la détection de l’avion largueur. Après l’ouverture du parachute, sa vitesse ne doit pas dépasser 130 km/h, afin que le groupe de commandos ne soit pas détecté par un radar. Le système de navigation, qui allie GPS, altimètre et compas, permet de se diriger sous voile, de prendre un cap et de poser toute l’équipe avec précision. De plus, le « dispositif d’aide au posé pour chuteur opérationnel » permet de limiter les risques de blessures à l’atterrissage de nuit, y compris pour les sauts en tandem. Un laser assure la précision de mesure nécessaire. La discrétion est maintenue grâce à un retour audio dans le système radio. Les premiers SMTCOPS seront livrés d’ici à la fin 2022. Par ailleurs,15.000 « ensembles de parachutage du combattant » améliorés, destinés au largage massif à basse altitude de parachutistes lourdement chargés, ont été livrés en 2021.

Les forces spéciales. Certains largages d’opérations spéciales se font de nuit sans aide de personnels au sol, afin d’éviter d’être détecté et de diminuer le temps d’exposition à l’adversaire. Les groupes de commandos sont largués à 200 m d’altitude en entraînement mais à 125 m en opérations. En effet, cela assure une protection et limite la dispersion au sol et la vulnérabilité de l’avion ou de l’hélicoptère. Le « saut à ouverture commandée retardée à grande hauteur », effectué de jour comme de nuit entre 1.200 m et 4.000 m, correspond à une ouverture du parachute à basse altitude, pour la mise en place rapide et discrète au plus près de l’objectif d’un groupe entièrement équipé. Les chuteurs opérationnels se répartissent dans l’armée de Terre (7 unités parachutistes), les commandos Marine et de l’Air, le service Action de la Direction générale de la sécurité extérieure, la Gendarmerie (GIGN) et la police (RAID).

Loïc Salmon

Marine nationale : les drones aériens embarqués, une plus-value opérationnelle

Défense : les opérations aéroportées, capacités spécifiques selon les missions

Forces spéciales : l’innovation pour une plus grande efficacité




Ukraine : les drones, symboles de la résistance pour Kiev

Une industrie locale de drones militarisés et l’acquisition de systèmes militaires étrangers ont permis à l’armée ukrainienne d’infliger de lourdes pertes à la force expéditionnaire russe au début de la guerre.

Aude Thomas, chargée de recherches, l’explique dans le numéro de juin 2022 de la revue Défense & Industries de la Fondation pour la recherche stratégique.

Les fabrications ukrainiennes. La résistance ukrainienne résulte d’abord de la réforme des forces armées en 2016 avec le soutien financier et matériel des pays occidentaux, puis du renseignement fourni par le centre des opérations aériennes combinées de l’OTAN et enfin de la livraison d’armements de pays membres de l’Alliance Atlantique. En outre, l’armée ukrainienne a pu s’entraîner à l’extérieur du pays et a intégré les drones dans son dispositif. Dès mai 2014, la startup IT Academy de Kiev lance un programme de transformation de petits drones commerciaux à voilure tournante Phantom et Mavic-Air 2 de l’entreprise chinoise DJI. Depuis, celle-ci a vendu à l’Ukraine 2.372 modèles DJI Mavic 3, puis a suspendu ses activités en Russie et en Ukraine en avril 2022. Lors de l’invasion de la Crimée par les forces séparatistes pro-russes du Donbass à l’été 2014, l’armée ukrainienne s’est trouvé dépourvue d’une vision globale du champ de bataille et d’appui aérien rapproché. De plus, ses convois de ravitaillement sont tombés fréquemment dans des embuscades. Des diplômés en informatique fondent alors « l’unité Aerorozvidka », qui sera intégrée aux forces armées ukrainiennes. Outre la cybersécurité, cette unité collecte le renseignement sur les cibles de haute valeur par des capteurs sur le champ de bataille, drones de reconnaissance, interceptions de fréquences radio et sources humaines. Les forces ukrainiennes disposent d’une carte numérique en temps réel des mouvements des troupes russes et peuvent mener des frappes. Aerorozvidka fabrique ses propres drones R-18 (rayon d’action 4 km, endurance 40 mn) emportant une munition anti-char RPG ou une caméra thermique pour la reconnaissance de nuit. L’entreprise Athlon Avia produit l’A1-SM Furia à voilure fixe (50 km, 3 h) pour la reconnaissance et l’ajustement des tirs d’artillerie. Ukrspecsystems produit le Leleka-100 (45 km, 2h30) et SPE Urkjet l’UJ-22 (100 km, 7 h).

Les acquisitions étrangères. Le constructeur turc Baykar a vendu à l’Ukraine 20 systèmes de drones tactiques Bayrakar TB-2 (300 km, 27 h) en mars 2019, puis 16 de plus en janvier 2022. Les TB-2 ont ciblé des camions et véhicules de transport russes, puis des systèmes de défense sol-air Buk et Tor et des véhicules blindés. Le taux quotidien de destruction serait passé de 7 véhicules entre les 24 et 28 février 2022 à 0,9 entre le 1er et le 15 mars. Le 13 avril, il aurait servi de leurre contre la défense anti-aérienne du croiseur russe Moskva, touché par deux missiles antinavire RK-360 MT Neptune ukrainiens. Par ailleurs en avril, les Etats-Unis ont déjà livré à l’Ukraine : 700 munitions maraudeuses Switchblade (10-39 km, 15-40 mn), pour cibler des personnels, véhicules légers et chars ; des munitions à guidage laser compatibles avec les TB-2 ; 121 drones munitions maraudeuses Phœnix Ghost à capteur infrarouge pour usage de nuit. En outre, le milliardaire américain Elon Musk a livré gratuitement des antennes satellites Starlink à l’Ukraine. De plus, sa société Space X à mis à jour un logiciel protégeant les communications tactiques ukrainiennes contre les tentatives russes de brouillage.

Loïc Salmon

Drones : applications à la guerre d’aujourd’hui et de demain

Ukraine : hégémonie navale russe en mer Noire

Ukraine : risques nucléaire, biologique et chimique




OTAN : actualisation du concept stratégique et complémentarité navale franco-américaine

Le resserrement du partenariat stratégique entre la Russie et la Chine est perçu par l’OTAN comme déstabilisateur de l’ordre international. Pour les Etats-Unis, l’importance de la présence navale française dans la zone indopacifique contribue de façon significative à la sécurité régionale.

Un document de l’OTAN, rendu public lors du sommet des 29-30 juin 2022 à Madrid, réactualise le concept stratégique de 2010. Le 11 juillet, une source de l’Etat-major de la Marine française a indiqué les perspectives navales avec les Etats-Unis. Le même jour, l’Etat-major des armées (EMA) a exposé la situation du conflit en Ukraine.

Situation en Ukraine. Les gains territoriaux au Nord de la Crimée et à l’Ouest du Donbass augmentent (stries rouges sur la carte). Selon l’EMA, les frappes russes (astérisques jaunes) demeurent intenses sur toute la ligne de front et dans la profondeur, surtout sur le Donbass, et ciblent à nouveau les régions de Sumy et Chernihiv. L’artillerie ukrainienne vise les dépôts logistiques russes. Sur le front Nord, les frappes ont repris au Nord-Ouest et les combats se poursuivent autour de Kharkiv (1). Sur le front Est, les forces russes poursuivent leur offensive, lente et méthodique, vers les localités de Sloviansk et Kramatorsk. Les forces ukrainiennes tiennent leurs lignes de défense (2). Sur le front Sud, la situation s’est stabilisée. Les forces ukrainiennes font face aux dernières lignes de défenses russes dans les régions de Kherson et Zaporizhia, ciblant leurs approvisionnements sur leurs arrières (3). Selon la source navale française, cette guerre permet d’exploiter les erreurs de la Russie et d’évaluer ses capacités tactiques terrestre et navale (Île aux Serpents). Elle souligne le risque de chantage alimentaire en Afrique, en raison du contrôle russe de la mer Noire. Au 11 juillet, la Russie avait tiré plus de 1.000 missiles de croisière, dont une centaine depuis la mer. En conséquence, la Marine française portera ses efforts sur la lutte contre les drones et le brouillage des communications.

Russie et Chine. Pour l’OTAN, la Russie constitue la principale menace pour la paix et la stabilité dans la zone euro-atlantique. Avec des moyens conventionnels, cyber ou hybrides, elle tente d’exercer un contrôle direct et d’établir des sphères d’influence par la coercition, la subversion, l’agression et l’annexion. Brandissant la menace nucléaire, elle modernise ses forces nucléaires et développe de nouveaux vecteurs à capacités conventionnelle et nucléaire aux effets perturbateurs. Outre la déstabilisation des pays situés à l’Est ou au Sud du territoire de l’Alliance atlantique, elle entrave la liberté de navigation dans l’Atlantique Nord, zone d’acheminement de renforts militaires vers l’Europe. Son intégration militaire avec la Biélorussie et le renforcement de son dispositif militaire en mer Baltique, mer Noire et Méditerranée sont considérés comme portant atteinte à la sécurité et aux intérêts des pays de l’Alliance atlantique. Toutefois, estimant ne pas présenter une menace pour la Russie, l’OTAN ne cherche pas la confrontation et souhaite maintenir des canaux de communications pour gérer et réduire les risques, éviter toute escalade et accroître la transparence. Par ailleurs, selon l’OTAN, la Chine renforce sa présence dans le monde et projette sa puissance par des moyens politiques, économiques et militaires. Elle cible notamment les pays de l’Alliance atlantique par des opérations hybrides ou cyber malveillantes, une rhétorique hostile et des activités de désinformation. Elle tente d’exercer une mainmise sur des secteurs économiques et industriels clés, des infrastructures d’importance critique, des matériaux (terres rares) et des chaînes d’approvisionnements stratégiques. En outre, elle sape l’ordre international fondé sur des règles, notamment dans les domaines spatial, cyber et maritime (entraves à la liberté de navigation).

NRBC, cyber, technologies, climat. Selon l’OTAN, des Etats et des acteurs non-étatiques hostiles recourent à des substances ou des armes chimiques, biologiques radiologiques ou nucléaires, qui menacent la sécurité des pays de l’Alliance atlantique. Ainsi, l’Iran et la Corée du Nord poursuivent leurs programmes d’armement nucléaire et de missiles. La Syrie, la Corée du Nord, la Russie et des acteurs non-étatiques ont déjà employé des armes chimiques. La Chine développe son arsenal nucléaire à un rythme soutenu et met au point des vecteurs de plus en plus sophistiqués. Dans le cyberespace, théâtre d’une contestation permanente, des acteurs malveillants essaient d’affaiblir la défense de l’OTAN en cherchant à endommager des infrastructures d’importance critique, perturber le fonctionnement des services publics, dérober des renseignements, voler des contenus soumis à la propriété intellectuelle ou entraver des activités militaires. En outre, des pays compétiteurs stratégiques et des adversaires potentiels de l’OTAN investissent dans des technologies émergentes ou de rupture, capables d’endommager ses capacités spatiales, et de cibler ses infrastructures civiles ou militaires. Enfin, multiplicateur de crises et de menaces, le changement climatique provoque une montée du niveau des mers et des feux de végétations, désorganisant des sociétés. Souvent appelées à intervenir en cas de catastrophe naturelle, les forces armées doivent désormais agir dans des conditions climatiques extrêmes.

Zone indopacifique. Face à la Chine, les Etats-Unis ont besoin d’Alliés, indique la source navale française. Ils ont pris en compte l’implantation de la France dans la zone indopacifique, car ils partagent avec elle la même prudence vis-à-vis de la Chine, la nécessité de la prévention des combats dans la région et le souhait d’y limiter le développement des activités militaires. Depuis la seconde guerre mondiale, la Marine américaine domine les océans. Mais la Marine chinoise développe ses capacités de mener des opérations de coercition et de se déployer dans le monde, comme l’a démontré l’escale d’une frégate chinoise à Bata (Guinée). Elle a mis au point un porte-avions à catapulte et son avion spécifique et a loué des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) russes de la classe Akula. Autre alliée des Etats-Unis dans la région, l’Australie a annulé le contrat de sous-marins avec la France pour se tourner vers eux. Or le taux de remplacement dans la Marine américaine est passé de 2 unités par an à 1 par an, repoussant à 2040 la perspective pour l’Australie de prendre livraison de SNA opérationnels, à prélever sur la flotte américaine. Pour se renforcer dans le Pacifique, les Etats-Unis ont réduit de 70 % leur présence dans l’océan Indien, compensée par celle de la France, dont la posture stratégique dans la zone indopacifique complique l’analyse géopolitique de la Chine.

Interopérabilité navale. Selon la source navale française, des arrangements techniques entre les Marines américaine et française portent sur la validation, à différents niveaux, des systèmes d’informations concernant le commandement, les sous-marins et l’avion de chasse F-35 C. La 4ème génération de ce dernier en augmentera la furtivité, mais la 5ème entraînera un comportement différent, enjeu de la coordination avec le Rafale Marine

Loïc Salmon

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Stratégie : maîtrise des fonds marins, ambition et opérations

La connaissance des fonds marins jusqu’à 6.000 m permettra à la France de mieux les connaître, en vue de garantir sa liberté d’action de ses forces, de protéger les zones d’intérêt national et, éventuellement, d’agir militairement.

Le 14 février 2022 à Paris, Florence Parly, ministre des Armées, et le général Thierry Burkhard, chef d’Etat-major des Armées (CEMA), ont présenté ce projet stratégique et sa feuille de route.

Les enjeux. La ministre a rappelé que, pour les besoins industriels, des drones et robots télé-opérés sont capables de mener des opérations militaires à plusieurs kilomètres de profondeur. La compétition dans les grands fonds marins résulte d’abord de la raréfaction des ressources terrestres en pétrole et gaz et métaux rares pour les technologies numériques, laquelle pousse à en rechercher au fond des mers. Il s’ensuit des tensions géopolitiques, notamment en mer de Chine méridionale et en Méditerranée. En outre, de grandes puissances militaires et les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft), explorent les fonds marins avec une certaine ambivalence des objectifs, civils ou militaires, en raison de l’emploi de moyens à double usage. Enfin, le droit de la mer se trouve contourné par la conjugaison d’activités secrètes, commerciales, scientifiques et militaires, avec des actions au seuil de la conflictualité, difficiles à caractériser et attribuer. Par ailleurs, les 450 câbles sous-marins véhiculant 99 % des données numériques constituent des infrastructures sensibles que certaines nations pourraient surveiller ou dégrader. L’absence de surveillance incite tôt ou tard à piller ou contester. Selon Florence Parly, il s’agit de garantir la liberté d’action des armées, protéger les infrastructures sous-marines et faire peser une menace crédible sur les pays tentés de s’en prendre aux intérêts de la France, dans son espace maritime, ou de ses partenaires stratégiques. La doctrine dans ce domaine évoluera au gré des avancées technologiques et des préoccupations des pays alliés et de l’OTAN, conclut la ministre des Armées.

Les opérations. Face à la stratégie hybride d’actions difficilement attribuable, explique le CEMA, il faut pouvoir peser sur le rapport de force pour éviter le fait accompli. Cela implique d’anticiper et de faire connaître sa capacité à réagir de façon indépendante avec les ressources nécessaires. Les moyens de surveillance de la Marine nationale, de la surface à quelques centaines de mètres actuellement, seront portés à 6.000 m de profondeur. Le système de lutte anti-mines marine futur (SLAMF, voir plus loin) utilisera l’intelligence artificielle, les drones et les robots. En synergie avec la Direction générale de l’armement (DGA), le Service hydrographique et océanographique de la Marine (Shom) utilisera les données des sous-marins et des navires de surface pour améliorer la cartographie des fonds destinée aux forces navales. En 2023, la Marine nationale disposera d’une capacité d’exploration des grands fonds par le couple drone-robot. La future doctrine interarmées, interalliés et avec les industriels visera à : protéger les approches des eaux territoriales et les zones économiques exclusives (ZEE) ; maintenir la souveraineté dans les Outre-mer ; disposer de moyens projetables et aérotransportables pour renforcer la défense des côtes.

L’environnement. Selon le ministère des Armées, les sous-marins étrangers doivent naviguer en surface dans les eaux territoriales. Des entreprises étrangères peuvent poser des câbles et des pipelines dans les ZEE. Au-delà de 6.000 m de profondeur (17 % des fonds marins), la « zone hadale » se trouve dans l’obscurité totale et le froid. La pression de l’eau équivaut à 1 t/cm2. Les ondes acoustiques y passent, mais pas les ondes électromagnétiques. Les GAFAM financent 50 % des câbles de communication par internet. Les fonds marins intéressent également la Chine, la Russie, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie, l’Italie, l’Inde et le Japon. Dans son Plan d’investissement 2020-2030, la France prévoit 300 M€ pour mieux les connaître et les exploiter. Elle dispose du Shom, de l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) et de la capacité d’archéologie sous-marine. Elle coopère avec les pays étrangers pour l’échange d’informations et de technologie, en vue d’améliorer les moyens existants. Le ministère des Armées s’appuie sur les technologies civiles qui bénéficient d’investissements très importants. Un amiral assurera la coordination des actions dans ce domaine. A l’Etat-major des armées, un groupe de travail réunit des représentants du Shom, de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie, de la DGA et des services de renseignement. L’épave du sous-marin Minerve, disparu en Méditerranée en1968, a été retrouvée en 2019 en cinq jours à 2.350 m de profondeur par un navire norvégien de travaux sous-marins. En décembre 2021, un avion de chasse britannique F-35B, abîmé en Méditerranée, a été récupéré en trois semaines. Un F-35C américain, qui s’est écrasé en mer de Chine en janvier 2022, fait l’objet de recherches.

Les moyens techniques. La guerre des mines nécessite navires de surface, sonars remorqués robots télé-opérés et plongeurs démineurs et, demain, des drones de surface pilotés depuis la terre ou la mer et des drones sous-marins autonomes. Le bâtiment de guerre des mines prépare la mission et engage les moyens. Trois groupes de plongeurs démineurs (40-60 hommes), basés à Cherbourg, Brest et Toulon avec leur bâtiment base, peuvent agir jusqu’ à 80 m. Les sonars remorqués détectent, classifient et localisent les mines. Les robots télé-opérés les identifient et les neutralisent jusqu’à 150 m. Le centre de commandement traite les images par l’intelligence artificielle. Le SLAMF (système de lutte anti-mines futur) inclura des « bâtiments-mères » mettant en œuvre : un drone de surface pour envoyer des informations en temps réel ; un drone sous-marin pour des images haute résolution et multi-angles jusqu’à 300 m. La Marine nationale dispose du robot Ulisse qui descend jusqu’à 1.000 m et du robot Diomede jusqu’à 2.000 m. En 2023, le ministère des Armées devrait acquérir deux « couples robots-drones » civils, capables d’atteindre des profondeurs de 3.000 à 6.000 m. D’ici à 2030, La DGA et les industriels français auront développé des unités capables de très grandes précision et rapidité de transmission.

Loïc Salmon

Les fonds marins s’étendent sur 361 Mkm2 à une profondeur moyenne de 3.800 m. La connaissance métrique ne porte que sur 2 % de leur surface. Environ 75 % de ce fonds se situent à des profondeurs supérieures à 3.000 m. Des moyens d’intervention et de surveillance jusqu’à 6.000 m de fond permettront de les rendre accessibles à 97 %. Selon la Convention de Montego Bay en vigueur depuis 1994, la souveraineté des Etats, de la surface au sous-sol marin s’étend à 22,22 km (12 milles marins) et la zone économique exclusive (ZEE) à des fins d’exploitation à 370,4 km (200 milles) avec possibilité d’extension dans la continuité du plateau continental jusqu’à 500 km, après arbitrage international. Au-delà des ZEE, les eaux internationales sont définies comme le patrimoine commun de l’humanité.

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Marine : interopérabilité et résilience, plus vite et plus fort

Avec ses innovations technologiques et ses talents, la Marine se prépare aux futures interventions en interarmées et en coalition. L’Europe va se projeter au-delà de la Méditerranée, jusqu’à l’arc Iran-Pakistan et l’Afrique.

L’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine (CEMM), l’a expliqué au cours d’une rencontre organisée, le 8 mars 2022 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

Bouleversement géopolitique. Le monde vient d’entrer dans une logique de puissance remettant en cause l’architecture de sécurité internationale, souligne le CEMM. L’intervention russe en Ukraine ne constitue pas une crise, comme au Proche-Orient, mais un changement profond sur les plans militaire et économique affectant les approvisionnements en pétrole, gaz (russe) et blé (russe et ukrainien). Elle ne se réduit pas à la mer Noire, mais s’inscrit dans un ensemble cohérent du port de Sébastopol (Crimée) à celui de Mourmansk (Nord du cercle polaire arctique). Déployé en Méditerranée orientale en support de la mission OTAN, le groupe aéronaval lance deux patrouilles de chasseurs Rafale et une de l’avion de guet aérien Hawkeye chaque jour. Un Rafale peut effectuer un aller-retour jusqu’en Roumanie en 1h30. Un sous-marin nucléaire d’attaque se trouve en océan Indien et la frégate de surveillance Vendémiaire en mer de Chine. Selon le document Brèves Marines (octobre 2021) du Centre d’études stratégique de la marine, des Etats historiquement maritimes renforcent leurs capacités en sous-marins et navires de surface et de débarquement. Plusieurs puissances émergentes, dont la Turquie, acquièrent des capacités de protection, d’intervention et parfois de projection océanique. En outre, l’Asie rassemble 55 % des sous-marins en service dans le monde, d’abord en Chine, au Japon, en Corée du Sud, en Australie, en Inde et au Pakistan, puis au Viêt Nam, en Birmanie, en Thaïlande et au Bangladesh. Faute de pouvoir mettre en œuvre un porte-avions, des Etats se dotent de bâtiments d’assaut amphibies.

Combat aéromaritime. L’exercice « Polaris 2021 » a permis de renforcer les capacités en combat aéromaritime de haute intensité. Du 18 novembre au 3 décembre 2021 sur les façades méditerranéenne et atlantique, il a mobilisé plus de 6.000 militaires français (130 soldats de l’armée de Terre) et étrangers et, notamment, le porte-avions nucléaire Charles-de Gaulle et le porte-hélicoptères amphibie Tonnerre. « Polaris 21 » a provoqué un changement de la manière de penser, estime le CEMM. Il a mis en œuvre deux forces symétriques, qui ont dû gérer leurs ressources en pétrole et en munitions et innover sur le plan tactique. Les commandants d’unités ont dû utiliser de nouvelles technologies et de nouveaux concepts, afin de surprendre l’adversaire pour conserver leur liberté d’action. Habitué à se préparer à la guerre selon une doctrine et par l’entraînement, le chef d’aujourd’hui doit faire face à l’incertitude, l’imprévu et la vulnérabilité consécutive à une perte de communication par satellite ou un dysfonctionnement du GPS, indispensables aux missiles de croisière. Il s’agit de maintenir le combat au même niveau, mais en mode dégradé, grâce à la résilience globale où chaque opérateur doit pouvoir être remplacé par un autre. Des marins « ambassadeurs internes » expliquent à d’autres marins comment changer de métier en cours de carrière. Sur le plan technique, le drone naval mode hélicoptère, véritable œil déporté, sera expérimenté mi-avril pendant la mission « Jeanne d’Arc 2022 ».

Loïc Salmon

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Défense : l’adaptation des SALA aux combats de demain

La mise en œuvre des « systèmes d’armes létaux autonomes » (SALA) reste du ressort du chef, qui donne un sens à l’action dans le respect du droit.

Ce thème a fait l’objet d’un colloque organisé le 9 novembre 2021 à Paris par le Centre de recherche de l’académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan (CReC) et la Croix-Rouge française. Y sont notamment intervenus : Gérard de Boisboissel, ingénieur de recherche au CrEC ; lieutenant-colonel David Schuster, Etat-major de l’armée de Terre ; lieutenant-colonel Marc-Antoine Gérard, Etat-major de l’armée de l’Air et de l’Espace ; professeur Jean-Marc Moschetta, Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace ; professeur Michaël Krajecki, Agence de l’innovation de défense ; Eric Carrey, directeur audit, contrôle interne et de la qualité à la Croix-Rouge française.

Opportunités en robotique militaire. En déportant les fonctions, la robotique permet l’extension de la zone d’action d’une unité tactique, explique Gérard de Boisboissel. Les plateformes robotiques embarquent des modules fonctionnels, activables et utilisés selon leurs élongations, pour la surveillance d’une zone d’intérêt, la détection et l’identification de l’adversaire, sa neutralisation, l’usage de la guerre électronique et la protection de l’unité par un leurre. La robotique réduit l’exposition des combattants à ce qui est dangereux, sale et répétitif. Les robots servent au transport de charges lourdes et à la logistique et contribuent au besoin de masse des armées. Discrets et en veille permanente, les robots présentent de meilleures réactivité et précision et permettent le combat « collaboratif », par l’intervention d’une plateforme différente de celle ciblée par l’adversaire. L’autonomie permet de décharger le militaire du pilotage et de poursuivre l’objectif de la mission, même en mode « sans contact ». L’automatisme, qui reproduit des séquencements déterminés et donc prédictifs, diffère de l’autonomie totale, qui définit ses propres règles. En revanche, les « systèmes d’armes létaux intégrant l’autonomie » (SALIA), à des niveaux variables, prennent en compte les règles et contraintes d’engagement imposées par le commandement humain, l’adaptation à l’environnement et l’évaluation des résultats. Le chef doit pouvoir reprendre la main sur le SALIA, en cas de perte de communication ou de comportement non attendu, par une désactivation ou même une autodestruction automatique.

Milieu terrestre. L’emploi de drones augmente la profondeur tactique et change les modes d’action, rappelle le lieutenant-colonel Schuster. Dans l’exécution de la manœuvre, l’emploi des systèmes automatisés doit d’abord permettre de réserver les ressources humaines (vie des soldats) et d’augmenter la liberté d’action du chef en conservant les unités en réserve. Il s’agit alors de développer la masse des forces terrestres, de manière permanente ou temporaire, en déployant des systèmes automatisés « sacrifiables ». Certaines tâches opérationnelles peuvent être déléguées à des systèmes automatisés, afin d’économiser le potentiel humain des forces terrestres et donc d’accroître leur endurance. Le combattant va alors se concentrer sur des actions tactiques et opératives (niveau théâtre) choisies, en s’appuyant sur la meilleure synergie possible homme/systèmes automatisés pour augmenter l’agilité des forces terrestres. Enfin, il convient de concilier ce que l’on veut (besoins tactiques), ce que l’on peut (faisabilité technique) et ce que l’on a (ressources financières).

Milieu aérien. Le développement d’armements de pointe par la Russie et l’accroissement constant du budget de défense de la Chine conduisent à anticiper un affrontement futur entre puissances, estime le lieutenant-colonel Gérard. Les stratégies de déni d’accès et d’interdiction de zone, utilisées par divers pays, mobilisent avions de chasse, défense sol-air, veille radar et camouflage. La bataille se joue dans tout le spectre du champ électromagnétique. Le temps alloué à la décision politique se réduit. La vitesse hypersonique et la capacité accrue de manœuvre nécessitent d’accélérer la boucle OODA (Observer, s’Orienter, Décider et Agir). La préparation des frappes, planifiées ou sur des cibles mobiles, met en œuvre des moyens de détection infrarouge et électromagnétique, automatisés par l’intelligence artificielle embarquée. Le pilote gère les trajectoires des armes après reconnaissance et identification. L’autorisation d’engagement d’une frappe aérienne prend en compte la défense adverse sol-air, démasquée par les capteurs infrarouges puis trompée par des leurres tirés à distance de sécurité. La manœuvre d’attrition contre l’adversaire se gère en temps réel sur des cibles, préalablement validées par le commandement selon la situation. Un système hybride se révèle plus performant qu’un système entièrement habité. Par ailleurs, le réarmement d’un avion de chasse est passé de quelques minutes pour un Mirage III, pendant la guerre israélo-arabe de 1967, à plusieurs heures pour un Rafale aujourd’hui. La complexification des systèmes nécessitera le déploiement de robots de maintenance sur les théâtres d’opération pour réduire ce délai.

Opérations en essaims. Selon le professeur Moschetta, les essaims de micro-drones présentent plusieurs intérêts opérationnels : résistance au brouillage et aux agressions ; faible coût, car emport possible de plusieurs charges utiles, drones remplaçables et mobilisant peu d’opérateurs ; discrétion et furtivité, grâce à des faibles signatures équivalentes radar, infrarouge, visuelle et acoustique et nécessitant peu de communication longue distance. Largués en essaims par avion pour réduire les élongations, les micro-drones doivent éviter toute collision, maintenir le cap fixé et ne pas s’éloigner les uns des autres. Ils peuvent reconstituer une synthèse de la situation sur le terrain grâce à : un calcul déporté, distribué et miniaturisé ; une communication interne, à courte distance et à haut débit, d’images et de reconnaissance de cibles ; une communication avec le sol, à faible débit et à grande distance, pour recevoir les ordres de haut niveau. Toutefois, leur emploi souffre de leur faible élongation et des difficultés liées au mode de déploiement. Sur le plan éthique, il est impossible de contrôler chaque « soldat » de l’essaim et de faire la différence entre combattants et civils.

Technologie et éthique. La Croix-Rouge française aide le gouvernement à développer le droit humanitaire international et un cadre normatif pour les SALA, indique Erice Carrey. Un plan national de formation porte sur les questions éthiques et opérationnelles et de nouvelles règles contraignantes, en précisant leur degré d’applicabilité.

Loïc Salmon

Selon Michaël Krajecki, l’intelligence artificielle (IA) permet de répondre à diverses interrogations tactiques. Ainsi, la présence et la classification d’un objet particulier sont traitées par la détection, la reconnaissance et l’identification. Ensuite, l’appréciation de la situation permet d’évaluer l’intensité de la menace et l’évolution possible de l’objet. Enfin, l’IA propose des recommandations pour répondre à l’objectif de la mission. Mais le maintien d’un contrôle suffisant ne peut être délégué par l’humain à la machine, pas plus que la permanence de la responsabilité du commandement.

Armement : l’influence des SALA sur la conflictualité future

Drones : applications à la guerre d’aujourd’hui et de demain

Défense : l’IA dans le champ de bataille, confiance et contrôle




Drones : applications à la guerre d’aujourd’hui et de demain

Outils de rupture technologique très utilisés par les forces armées en opération, les drones constituent une menace dont elles devront se prémunir.

Les drones volent à différentes altitudes de croisière : basse, en dessous de 5.000 m ; moyenne, entre 5.000 m et 15.000 m ; haute, au-dessus de 15.000 m. Ils ont fait l’objet d’une visioconférence organisée, le 7 avril 2021 à Paris, par l’association Les Jeunes IHEDN. Y sont intervenus : le lieutenant-colonel Richard Canet, commandant en second de la base aérienne 709 de Cognac-Chateaubernard ; le lieutenant-colonel Jérôme Lévy du bureau opérations du 61ème Régiment d’artillerie de Chaumont ; le capitaine de vaisseau David Desfougères, division « Plans et Programmes » à l’état-major de la Marine nationale ; le lieutenant-colonel Laurent Lebailleur, commandant le Centre d’initiation et de formation des équipages drones à Salon-de-Provence.

Armée de l’Air et de l’Espace. La 33ème Escadre de reconnaissance, de surveillance et d’attaque utilise des drones MALE (moyenne altitude longue endurance) depuis les années 1990, rappelle le lieutenant-colonel Canet. Le Hunter (origine américaine) a effectué 1.500 heures de vol (hdv) pour la force Kfor (OTAN) au Kosovo de 1997 à 2004. Le Harfang (origine israélienne) a totalisé plus de 15.400 hdv pour les opérations en Afghanistan, Libye et bande sahélo-saharienne entre 2006 et 2018. Sur ce dernier théâtre, le Reaper (origine américaine) a effectué plus de 40.000 hdv au profit des opérations « Serval » et « Barkhane » depuis 2014. L’équipage du segment sol du Reaper comprend un pilote, un technicien multi-capteurs, un interprète images et un coordinateur tactique. Les missions portent sur la reconnaissance (90 %) pour la préparation des opérations, la protection des forces, l’appui armé à l’engagement et son évaluation. Le système Reaper assure la surveillance permanente en temps réel d’un objectif et de son environnement. Il est équipé d’un capteur « champ étroit », qui nécessite du renseignement en amont, afin de réorienter éventuellement le vecteur. Son emploi exige les supériorités aériennes et cyber ainsi que des conditions météorologiques favorables. Son efficacité repose sur l’intégration à la manœuvre tactique et l’expertise de son équipage. Son radar détecte les masses métalliques et suit les véhicules en mouvement. Ses senseurs incluent des caméras électro-optique et infrarouge, plusieurs niveaux de zoom, un illuminateur laser, un pointeur infrarouge et un système informatique d’extraction de données. Le risque cyber nécessite des drones de plus en plus robustes pour protéger la liaison entre le vecteur et le segment sol. En cas de cyberattaque, la liaison principale est coupée puis le vecteur est récupéré via une autre liaison. La lutte anti-drones MALE adverses est actuellement effectuée par un missile sol-air ou un avion de chasse. Elle reste à développer contre les drones plus petits. Les futurs drones devront allier rapidité, furtivité et utilisation tout temps, dans un contexte de conflit asymétrique. Le drone MALE européen nEUROn, dont le démonstrateur a volé en décembre 2012, devrait être fabriqué en série pour des livraisons en 2026.

Armée de Terre. Le 61ème Régiment d’artillerie, spécialisé dans le renseignement d’origine image, forme toutes les unités de l’armée de Terre à tous les types de drones, indique le lieutenant-colonel Lévy. Au cœur du combat aéroterrestre, celle-ci devrait compter 3.000 vecteurs en 2027, des nanodrones de quelques grammes au système de drones tactique Patroller, en passant par le microdrone Parrot (accessible sur le marché civil) et le système de minidrone de renseignement, tous devant évoluer à l’avenir. Le nanodrone ne demande pas de formation particulière, tandis que le drone tactique nécessite du personnel spécialisé. Réservés aux forces spéciales dans les années 1990, les drones ont été acquis ensuite par centaines d’unités pour capter l’information, en complément du renseignement d’origine humaine. Très utilisés par l’armée azérie contre les troupes arméniennes dans le conflit du Nagorno-Karabah (septembre-novembre 2020), les drones ont changé le mode d’engagement terrestre, estime le lieutenant-colonel Lévy. Clouée au sol par la défense sol-air azérie, l’aviation arménienne n’a pu appuyer les forces terrestres. Le déni d’accès à un espace aérien ou à une zone terrestre devient possible, grâce à des microdrones suicides emportant une charge explosive et couplés à de l’artillerie de longue portée contre le dispositif de défense adverse. Les petits drones tueurs, faciles à acquérir, deviennent une menace majeure, car peu détectables et donc difficiles à neutraliser. L’armée de Terre développe un concept de lutte anti-drones amovible et déployable sur un théâtre d’opération extérieure, à savoir tir de projectiles ou brouillage selon les cas. Les programmes en cours portent sur des nanodrones, plus discrets et de grande qualité d’images pour les unités au contact, afin de créer un écosystème propre, et les minidrones, utilisables par une équipe de trois personnels pour le renseignement. A l’avenir, des systèmes de drones plus automatisés permettront d’alléger le télépilotage. En outre, l’emport d’autres charges utiles et une mise en œuvre différente devraient faciliter la préparation de la mission.

Marine nationale. Pour soustraire l’homme à la menace, les drones navals doivent pouvoir aller sur diverses zones dangereuses ou en profondeur pour effectuer mesures et prélèvements, explique le capitaine de vaisseau Desfougères. Déjà, un drone sous-marin américain muni de bras articulés peut descendre à 4.000 m de profondeur et bientôt 6.000 m, pour récupérer un aéronef ou des matériels sensibles. Démultiplicateur de capacité, un navire mère met en œuvre plusieurs drones de surface. Un drone sous-marin autonome pourra remorquer un sonar de 150 m de long. La torpille russe Poseidon, autonome et à propulsion nucléaire, pourrait transporter une bombe atomique pour rendre une zone côtière inhabitable. Les drones tactiques des forces spéciales lancés à la main sont récupérés en mer en fin de mission. Les microdrones Parrot sont utilisés, de jour comme de nuit, depuis un navire de surface pour l’action de l’Etat en mer (pêche illégale et pollution). Afin d’allonger la capacité de détection des capteurs (système optronique et système d’identification automatique) pour éviter les méprises, un drone aérien est catapulté d’une frégate puis récupéré par un filet installé à l’arrière. Vers 2025, un drone à voilure tournante complètera l’action de surveillance et de combat de l’hélicoptère embarqué sur une frégate. A terme, un drone aérien lourd pourra être tiré d’une frégate ou d’un sous-marin en plongée. Le porte-avions de nouvelle génération pourra emporter le drone MALE nEUROn et le SCAF (système de combat aérien futur).

Ressources humaines. Les formations de pilotes de drones et d’opérateurs capteurs, du microdrone au drone tactique d’un rayon d’action de 150 km, s’effectuent à Salon-de-Provence et celles des drones lourds (5 t et au-delà de 150 km) à Cognac, indique le lieutenant-colonel Lebailleur. Les retours d’expérience, recherches et innovation permettent de les améliorer.

Loïc Salmon

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