Les drones navals et les robots sous-marins permettront une protection accrue des navires, de leurs équipages et du territoire maritime national. L’emploi de la force, décision politico-militaire, exclut de tout automatiser.
Un colloque sur l’expérience acquise sur ces engins et leurs perspectives a été organisé, le 17 décembre 2014 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la Marine (CESM). Y ont notamment participé : Océane Zubeldia de l’Institut de recherches stratégiques de l’École militaire ; les capitaines de vaisseau Olivier Lebas et Marc Aussedat de l’État-major des armées ; l’ingénieure Sophie Vacher de la Direction générale de l’armement (DGA) ; le capitaine de vaisseau François Moreau et le capitaine de corvette Raphaël Burgun de l’état-major de la Marine.
Besoins opérationnels. Le drone naval doit s’adapter au sévère milieu marin et permettre d’économiser du personnel, explique Océane Zubeldia. Il s’agit de l’intégrer au système de combat du bâtiment et de le mettre en condition opérationnelle. Par ailleurs, drone et robot constituent des capteurs de renseignement déportés en altitude, en profondeur ou en immersion dans un environnement hostile, indique le capitaine de vaisseau Aussedat. Leur discrétion dans l’espace littoral contourne l’avantage militaire adverse et, du point de vue national, assure une meilleure surveillance des côtes et exerce un effet dissuasif pour leur protection. A l’horizon 2040-2050, les systèmes embarqués à bord des drones pourront analyser automatiquement toutes les informations recueillies pour choisir la plus opérationnelle ou bien la masse d’informations disparates sera analysée par des hommes à terre. Aujourd’hui, la capacité à déceler les signaux faibles (indices) reste du ressort de l’homme, qui simplifie la situation tactique en vue de prendre la décision la plus efficace. Par son déplacement, le drone perturbe l’environnement tactique, mais ne doit pas gêner l’intervention décidée par l’autorité politique. L’ouverture du feu dépend d’une appréciation de la situation globale. A terme, cette appréciation pourra être automatisée si la situation est simple, mais pas si elle est complexe. L’art de la guerre ne se modélise pas. Neutre, le drone n’affecte pas le déroulé des opérations et de la planification. En outre, explique le capitaine de vaisseau Lebas, l’évolution technologique du drone nécessite de repenser son concept d’emploi. Il s’agit d’en saisir les opportunités pour qu’elles répondent aux besoins opérationnels, tout en maintenant la chaîne de commandement. En 1988, dans le contexte de la guerre Iran/Irak, un avion de ligne iranien avait été abattu dans le golfe Persique par deux missiles surface/air tirés du croiseur américain USS-Vincennes, dont le système radar/tir entièrement automatisé l’avait identifié comme hostile ! Depuis, l’industrie de défense a capitalisé les retours d’expérience technique des drones aériens militaires et civils, comme les matériaux, la miniaturisation, la puissance des calculs embarqués et la communication, indique Sophie Vacher. Après les essais de drones à ailes fixes ou tournantes en 2003-2004, la Marine nationale a privilégié les seconds, susceptibles d’apponter sur une frégate (photo). Les concepts d’emploi et performances sont étudiés en amont. Les drones et robots marins permettent d’économiser heures de vol et jours de mer et de créer des métiers nouveaux, mais leur coût élevé de développement exige les bons compromis de performance et de polyvalence. Les efforts portent sur l’optronique, la guerre électronique, le radar, la communication (bandes passantes) ainsi que la standardisation et « l’encapsulage informatique » des messages.
Retour d’expérience. En 2012, au large de Toulon, la DGA a procédé avec succès aux essais de décollage et d’appontage automatiques du drone D2AD, à partir de la frégate Guépratte. Le système D2AD comprend : un segment « vol » avec une balise et un harpon ; un segment « sol » avec des senseurs sur le pont d’envol du bâtiment, une station de prédiction des mouvements du navire et une station de guidage du drone. Les essais se sont poursuivis à partir du patrouilleur l’Adroit avec le Serval (encadré), qui a effectué quelque 170 h de vol et 300 appontages à la date du colloque du 17 décembre 2014. Selon le capitaine de corvette Burgun, divers enseignements ont été tirés : coûts d’emploi réduits par rapport à l’effectif optimal de l’équipe et à la surface maritime surveillée ; performances de la charge utile optronique ; entraînement et qualification des opérateurs ; dimensionnement du lot de soutien ; capacité de transmissions de vidéos en temps réel. Il fallait éviter que l’Adroit brouille les signaux d’autres bateaux. En effet, les futures missions du drone porteront sur la police des pêches dans l’océan Indien, la lutte contre les trafics illicites, la surveillance côtière et l’identification des pistes détectées par le bâtiment porteur. En outre, des solutions ont été identifiées pour l’embarquement sur des frégates de 1er rang et l’intégration minimale sur des bâtiments de projection et de commandement (BPC). Un shelter pourrait être installé sur le pont d’envol du BPC, d’où un drone décollerait pour une mission amphibie avec retour vers une installation au sol. Des réflexions sont en cours sur la complémentarité d’emploi des drones et des hélicoptères embarqués. Parallèlement, depuis 2011 au large de Brest, la DGA explore l’usage de drones et robots marins dans la guerre des mines, à partir du concept de « drone porte drones ». Un projet d’études amont, dénommé « Espadon » (Évaluation incrémentale de solutions potentielles d’automatisation de déminage pour les opérations navales), prépare le programme SLMAF (Système de lutte antimines futur) pour remplacer les moyens actuels. Les mines sont présentes dans tous les conflits maritimes (golfe Persique 1988 et Libye 2011). D’un emploi simple et d’une gamme très large, rudimentaires ou très sophistiquées, elles peuvent être mouillées jusqu’à 300 m de fond par des moyens non spécialisés.
Impact stratégique. Les drones faciliteront de nouvelles missions de la mer vers la terre et diminueront les risques en opérations, souligne le capitaine de vaisseau Moreau, qui met en garde contre la focalisation sur l’engin au détriment de l’entraînement. Le « tout technologique » doit être robuste pour affronter l’environnement marin (météo, courants, corrosion et distances), car la récupération d’engins en mer est plus difficile qu’à terre. Enfin, l’intelligence humaine peut faire autre chose que le traitement de l’information, qui peut être automatisé, conclut le capitaine de vaisseau Moreau.
Loïc Salmon
Marine : « navalisation » d’un drone aérien et test d’un système vidéo embarqué
Marine : une FGM projetable partout dans le monde
La Marine nationale a expérimenté un système de drone S-100 Camcopter, rebaptisé « Serval » (Système embarqué de reconnaissance vecteur aérien léger) : longueur, 3,10 m ; diamètre rotor, 3,40 m ; emport charge utile, 50 kg ; vitesse en patrouille, 60 nœuds (111 km/h) ; endurance, 5h30. Le robot naval est un véhicule sous-marin autopropulsé et filoguidé par fibre optique. Équipé de capteurs pour une imagerie en deux ou trois dimensions, il permet une localisation précise par transpondeur acoustique.