DGA et AAE : défense aérienne et anti-missile non intercontinental

Face à la prolifération de missiles sur les théâtres d’opérations en cours, la Délégation générale de l’armement (DGA) développe de nombreux systèmes de défense, mis en œuvre principalement par l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE).

La défense aérienne, de la basse à la très haute altitude, a été présentée à la presse le 14 novembre 2024 à Paris par l’ingénieur en chef de 2ème classe Christophe Cabaj, architecte capacitaire défense surface-air à la DGA, et le lieutenant-colonel Jérémy Gueye, adjoint sol-air du général commandant la Brigade aérienne de l’aviation de chasse.

Menaces et neutralisations. Le spectre des menaces s’étend de l’essaim de micro-drones aux planeurs hypersoniques, indique l’ingénieur en chef Cabaj. Leurs caractéristiques varient : drones et munitions téléopérés, vitesses de 100 à 200km/heure, rayon d’action de 1.000 km et altitude jusqu’à 10.000 m ; hélicoptères et aéronefs, 150-1.000 km/h, altitude jusqu’à 20 km ; missiles de croisière, jusqu’à 1.000 km/h sur 1.000 km en vol à basse altitude en suivi de terrain ; missiles balistiques, plusieurs km/seconde en vol exo-atmosphérique et manœuvre en phase de pénétration sur des distances de 300 à 3.000 km ; missiles hypersoniques, plusieurs km/seconde en vol sur plus de 1.000 km avec des manœuvres en phase extra-atmosphérique et phase de pénétration. Ces menaces, de plus en plus furtives, peuvent brouiller et leurrer les systèmes de défense. La défense surface-air contribue à la maîtrise du ciel, depuis le sol ou la mer, et protège les points fixes, la manœuvre de la force terrestre et les opérations navales, dont celle du Groupe aéronaval, contre tout type de menaces. Elle doit détecter les cibles, les classifier en « amies » ou « ennemies » en caractérisant leur nature et, le cas échéant, les détruire par de l’artillerie ou des missiles de défense aérienne. La DGA et les armées ont choisi une approche de couches de solutions pour la lutte anti-drones et contre les intrus à très courte, courte et moyenne portées (photo). Chaque couche dispose de ses propres senseurs de détection (radars et moyens optiques au sol ou embarqués sur des navires ou des aéronefs) et systèmes C2 (commandement et contrôle) pour la classification et la décision du tir. Celle-ci peut être prise en quelques secondes, notamment contre les missiles de croisière. Un C2 de haut niveau organise la coordination des feux et choisit le meilleur effecteur à engager selon le type d’intrus : artillerie antiaérienne contre drone et aéronef jusqu’à 5 km ; missile Mistral à très courte portée contre drone, aéronef et missile de croisière subsonique jusqu’à 8 km ; missiles VL Mica, VL Mica nouvelle génération et Aster 15 contre aéronef et missile de croisière supersonique jusqu’à 50 km ; missiles Aster 15 et 30 contre aéronef et missile de croisière et missile balistique à courte portée jusqu’à 150 km ; missiles Aster 30 et 30 B1NT (livrables à partir de 2026), contre missile hypersonique et missile balistique à moyenne portée pour une interception au-delà de 20 km d’altitude.

Progressivité de la défense. La défense surface-air s’articule en trois axes, précise le lieutenant-colonel Gueye. La « Posture permanente de sûreté aérienne » (PPSA), consiste en la surveillance de l’espace aérien national avec un maillage dense de radars et le décollage d’avions de chasse sous très court préavis pour assister des aéronefs en détresse ou intercepter des missiles de croisière ou des avions de combat. Des hélicoptères Fennec peuvent intercepter des aéronefs. La PPSA est renforcée par un maillage de surveillance plus serré et des moyens d’interception plus importants lors de grands événements (80ème anniversaire du Débarquement en Normandie et Jeux Olympiques à Paris en 2024), en coordination avec la police et la gendarmerie. La défense sol-air est déployable en opération extérieure ou pour aider un pays tiers (système Mamba en Roumanie depuis 2022 et Marine nationale en mer Rouge depuis 2023).

Loïc Salmon

Défense : les contributions des armées aux Jeux Olympiques 2024

Mer Rouge : trafic maritime international perturbé, riposte américano-britannique

DCNS : défense aérienne pour sous-marins et FREMM-ER




La DST sur le front de la guerre contre le terrorisme

La Direction de la surveillance du territoire (DST, 1944-2008) a appliqué les méthodes du contre-espionnage à la lutte contre le terrorisme avec comme seules armes, particulièrement efficaces, le renseignement et l’action judiciaire.

Entre 1954 et 1962, la DST mobilise 80 % de ses effectifs pour lutter contre le terrorisme dans les départements français d’Algérie et en métropole. La rébellion, appellation à l’époque, du Front de libération nationale (FLN) bénéficie des réseaux de soutien de Français de métropole et d’Algérie et d’Européens. La DST a permis l’arrestation d’artificiers, de détenteurs d’armes et d’auteurs d’attentats. Elle apporte les preuves des collusions financières entre le FLN et les services spéciaux égyptiens. Elle surveille et décrypte le réseau radio du FLN pour suivre l’évolution de sa situation militaire, politique et logistique et guider les missions de brouillage des radiodiffusions subversives. Pendant cette période, elle déferre à la justice 14.328 individus, essentiellement des membres du FLN. En 1972, le massacre d’otages israéliens par le groupe palestinien « Septembre noir » lors des Jeux Olympiques de Munich et la volonté d’Israël d’en tuer les auteurs et leurs complices ont des effets en France et dans d’autres pays. Dès 1974, la DST crée une division ciblant le terrorisme palestinien et tous ceux frappant ou menaçant la France, notamment les organisations (Armée rouge japonaise et Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie) et les États (Syrie, Irak, Libye, Iran et Yémen du Sud) soutenant le terrorisme jusqu’aux années 1990. La DST, chargée du renseignement intérieur mais n’effectuant aucune action offensive à l’étranger, a partagé ses informations en matière de contre-terrorisme avec les services étrangers homologues, tout en protégeant ses sources. Cela lui a permis d’implanter des officiers de liaison dans quelques pays dans les années 1990, quand apparaît la grande menace djihadiste. Celle-ci trouve ses origines dans trois événements de 1979 : l’avènement de la « Révolution islamique » en Iran avec la prise en otage de 52 personnels de l’ambassade américaine à Téhéran pendant 444 jours ; le soutien logistique secret des États-Unis aux « moudjahidin » afghans contre le pouvoir procommuniste de Kaboul ; l’invasion de l’Afghanistan par les forces spéciales soviétiques. Il s’ensuit une « djihad » (guerre sainte) des musulmans pour aider leurs frères afghans avec comme acteurs principaux : les États-Unis contre l’URSS ; l’Arabie saoudite pour récupérer la prééminence islamique sur l’Iran ; le Pakistan par où transite l’aide des deux premiers acteurs. Les volontaires arabes ne combattent presque pas (40 morts pendant la guerre d’Afghanistan 2001-2021) mais apprennent à utiliser des armes et des explosifs et, au contact de leurs « formateurs » religieux, deviennent des extrémistes faisant éclater la violence un peu partout. Des attentats terroristes sont perpétrés à Paris en 1995 et 1996 par le Groupe islamiste armé et à New York en 2001 (à l’origine de la guerre d’Afghanistan) par l’organisation Al-Qaïda. En France, l’octroi, par les magistrats du Parquet, d’une commission rogatoire dite des « filières afghanes » permet à la DST de judiciariser les informations obtenues auprès de ses sources, extraordinaire instrument de travail dans la lutte contre les cellules djihadistes. Celles-ci, d’obédience sunnite dépourvue de clergé, fonctionnent sans donneur d’ordres central ni organisation hiérarchisée. Chaque groupe peut faire allégeance à Al-Qaïda ou à l’État islamique (Daech), dont il peut recevoir aide et soutien mais pas d’instructions ni d’objectifs précis. Enfin, les contacts de la DST avec les services de renseignement d’États autoritaires ont permis d’éviter des attentats contre la France en indiquant les risques encourus.

Loïc Salmon

« La DST sur le front de la guerre contre le terrorisme », par Louis Caprioli, Jean-François Clair et Michel Guérin. Mareuil Éditions, 212 pages 21 €

La DST sur le front de la guerre froide

Terrorisme : évolutions stratégiques et sociologiques

Afghanistan : un sanctuaire néo-djihadiste très incertain




Défense : les contributions des armées aux Jeux Olympiques 2024

Les armées ont déployé 18.000 militaires en appui des forces de sécurité intérieure lors des Jeux Olympiques de Paris (26juillet-11 août). Sur les 64 médailles obtenues par l’équipe de France, 21 ont été remportées par des personnels du ministère des Armées.

Le général Lionel Catar, commandant la 27ème Brigade d’infanterie de montagne et de la « brigade olympique », a présenté un bilan à la presse le 27 août 2024 à Paris. L’armée de l’Air et de l’Espace a déployé une « bulle de protection » pendant la cérémonie d’ouverture et la Marine nationale a contribué à la sécurisation de la rade de Marseille et des épreuves de surf à Tahiti. Outre les 10.000 militaires de l’opération « Sentinelle » contre le terrorisme, le gouverneur militaire de Paris a bénéficié, pour la première fois, du renfort d’une brigade interarmes de l‘armée de Terre, qui a pris l’appellation de « brigade olympique ». Le dispositif est adapté pendant les Jeux Paralympiques du 28 août au 8 septembre.

Sécurisation terrestre. Le déploiement de dispositifs visibles a dissuadé les éventuels perturbateurs des Jeux, qui se sont déroulés sans incident, souligne le général Catar. Plus de 45 régiments ont fourni 5.600 soldats pour renforcer les diverses unités de protection, en collaboration étroite avec les services du préfet de Police de Paris et les autorités civiles des départements de la Grande Couronne. Un détachement d’hélicoptères légers (Gazelle) et de manœuvre (Caïman) a été stationné en région parisienne. Des moyens spécifiques de contrôle de zone ont été mis en œuvre, dont la Seine sur quatre kilomètres. Le dispositif de lutte anti-drones inclut des radars et des brouilleurs. Les patrouilles fluviales avec un détachement spécialisé de l’armée de Terre ont sécurisé le port de Paris et escorté les convois de péniches, notamment de céréales, pendant la période des Jeux. Plus de 60 drones ont effectué 1.500 vols, depuis juillet, pour assurer l’étanchéité du dispositif de protection avec des sonars sous-marins et des barrières fluviales. Un maillage très dense de patrouilles terrestres a permis d’éviter toute intrusion sur les quais aux approches du site, tout en maintenant une grande discrétion pour laisser les 300.000 spectateurs découvrir la cérémonie d’ouverture. Les patrouilles ont été intensifiées au large du château de Versailles et à Eurodisney, en passant par les plateformes de correspondance de transport, dont les gares, surtout après les sabotages du réseau TGV de la SNCF en juillet. Tout cela a été précédé par une longue préparation dès le printemps 2023. Débutée en novembre par l’exercice « Coubertin 23 » à Saint-Germain-en-Laye, la montée en puissance s’est poursuivie avec un séminaire de planification au printemps 2024, un exercice « Drone » en mai, l’installation du PC à l’École militaire et la prise de commandement tactique de la « brigade olympique » sur le dispositif « Sentinelle » en juin.

Médaillés olympiques. Les personnels des armées ont obtenu 4 médailles d’or sur les 16 de l’équipe de France, 6 d’argent (26) et 11 de bronze (22). Voici les militaires : second maître Shirine Boukli, médaille de bronze en judo -48 kg ; soldat de 1ère classe Luka Mkheidze, argent, en judo -60 kg ; maréchal des logis Manon Apithy-Brunet, or, en sabre individuel ; aviateur Nicolas Gestin, or, en canoë slalom ; sergent Thomas Chirault, argent, en tir à l’arc par équipe ; matelot Joan-Benjamin Gaba, argent, en judo -73kg ; adjudant Clarisse Agbegnénou, bronze, en judo -63kg ; sergent Léo Bergère, bronze, en triathlon ; sergent Anthony Jeanjean, bronze, en BMX Freestyle ; maître Charline Picon, bronze, en voile, série 49er FX; sergent Sylvain André, argent, en BMX Racing ; sergent Romain Mahieu, bronze, en BMX Racing ; matelot Johanne Defay, bronze, en surf ; soldat de 1ère classe Cyrian Ravet, bronze, en taekwondo -58 kg ; maréchal des logis Althéa Laurin, or, en taekwondo +67kg ; capitaine Élodie Clouvel, argent, en pentathlon moderne.

Loïc Salmon

Défense : contributions des armées à la sécurisation des Jeux Olympiques 2024

Défense : le CNSD, pôle d’excellence militaire et sportive

Influence du monde militaire sur les Jeux Olympiques




Défense : contributions des armées à la sécurisation des Jeux Olympiques 2024

Les armées vont déployer 15.000 militaires sur le territoire national, dont 10.000 en Île-de-France, pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, en coordination avec le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer. Toutefois, elles garderont leur liberté d’action dans les milieux terrestre, aérien, maritime et cyber.

Le général de corps d’armée Christophe Abad, gouverneur militaire de Paris, l’a expliqué à la presse le 23 novembre 2023 à Paris. Des vidéos ont été présentées sur la posture permanente de sûreté air, par le général de brigade aérienne Arnaud Bourguignon, et sur la posture permanente de sauvegarde maritime, par le contre-amiral Vincent Grégoire, adjoint opérations à la zone maritime Méditerranée, et le contre-amiral Geoffroy d’Andigné, commandant supérieur des Forces armées en Polynésie française.

Longue préparation. La montée en puissance a commencé depuis deux ans avec des travaux de planification et des entraînements matérialisés par des exercices, indique le général Abad. L’un d’eux, spécifique aux Jeux Olympiques et dénommé « Coubertin », se déroule en plusieurs éditions en 2022, 2023 et 2024. Ces exercices, parfois sous une température supérieure à 45 ° C, ont porté sur la menace terroriste, la chute d’avion, les attaques de drones et les mouvements perturbateurs à l’entrée des emprises militaires. Un camp militaire sera implanté à Orly pour accueillir 5.000 soldats. S’y ajoute le retour d’expérience de la Coupe du monde de rugby tenue en France (8 septembre – 28 octobre 2023). Un protocole, conclu avec le Comité d’organisation des Jeux Olympiques, prévoit l’intervention de la police, de la Gendarmerie et des armées en cas de défaillances des sociétés privées de sécurité. Par ailleurs, l’opération « Sentinelle » de protection du territoire national, commandée depuis le Camp des Loges à Saint-Germain-en-Laye, verra son effectif porté à 7.000 personnels à l’été 2024. La cérémonie d’ouverture sur la Seine, sécurisée en amont par les armées, et certaines épreuves olympiques se dérouleront au centre de Paris. Les armées assureront la montée des drapeaux nationaux pendant la remise de 350 médailles des Jeux Olympiques et des 550 médailles des Jeux paralympiques à Lourdes. Enfin, la Préfecture de police pourra faire appel à des démineurs et des plongeurs militaires.

Sûreté aérienne. La défense aérienne du territoire national sera renforcée pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques, indique le général Bourguignon. Elle traitera les menaces par la mise en œuvre de moyens de défense sol-air, de chasseurs Rafale et Mirage 2000, d’avions ravitailleurs, d’un avion radar AWACS, de drones Reaper, d’avions d’entraînement Pilatus PC 21, pour identifier visuellement un appareil inconnu, et d’hélicoptères Fennec avec un tireur d’élite embarqué et des moyens de brouillage. La lutte contre les drones, au sol et en coordination avec le ministère de l’Intérieur, consiste à les détecter, les identifier et brouiller leurs moyens de communication.

Sauvegarde maritime. Les épreuves de voile, soit 150 régates, auront lieu en rade de Marseille, dont il faudra assurer la sécurité et celle des spectateurs, indique le l’amiral Grégoire. L’amiral commandant la zone Méditerranée et préfet maritime assure le maintien de l’ordre public, la sauvegarde des personnes et des biens et le bon déroulement de l’événement. Ses moyens incluent une cellule anti-pollution, un groupe de plongeurs-démineurs, la Gendarmerie maritime, des fusiliers marins et des unités navales de protection au large pour anticiper les menaces sur la frange côtière. Enfin, certaines épreuves, prévues en Polynésie française avec hébergement des athlètes dans un navire-hôtel, seront sécurisées par la Marine nationale, sous l’autorité du Haut-commissaire, responsable de l’action de l’État en mer, précise l’amiral d’Andigné.

Loïc Salmon

Armée de l’Air et de l’Espace : sûreté aérienne, la sécurisation du Salon aéronautique du Bourget

Territoire national : protection permanente contre intrusions aériennes et maritimes

 




Sécurité : les armes légères et la lutte contre leurs trafics

La prolifération incontrôlée des armes à feu de petit calibre accroît la violence, déstabilise les États fragiles et freine leur développement. La lutte contre ces trafics nécessite une coordination mondiale.

Ce thème a fait l’objet d’un colloque organisé, le15 mai 2023 à Paris, par l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire et la Direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des Armées. Y sont notamment intervenus :  Julien Joly, programme « Small Arms Survey » (Enquête sur les armes légères) de l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève ; Leonardo Lara Villarroel, Office des nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) ; Anna Mensah, Institut de recherche des nations unies pour le désarmement (UNIDIR) ; Juan Belikov et Aldan Serikbay, Bureau des nations unies pour la lutte contre le terrorisme (ONUCT).

Fabrications illicites. Selon Leonardo Lara Villarroel, environ 550.000 armes à feu de petit calibre ont été saisies dans le monde en 2016 et en 2017. Près de 90 % d’entre elles ont été fabriqués de façon industrielle, mais seulement 85 % étaient correctement marquées. Les fabrications illicites concernent les armes artisanales, celles constituées après assemblage de leurs diverses pièces et les armes réactivées, transformées ou modifiées notamment au moyen de l’impression en trois dimensions. D’après l’ONUDC, les saisies d’armes transformées ont eu lieu en Grande-Bretagne, Suède, Azerbaïdjan, Ukraine, Moldavie et au Danemark. Celles d’armes assemblées se sont produites en Lituanie, Moldavie, Ukraine, Azerbaïdjan et aux Philippines. Celles d’armes réactivées ont eu lieu en Tunisie, Grande-Bretagne, Norvège et Lituanie. Les armes modifiées ont été saisies en Grande-Bretagne, Moldavie, Slovaquie, Lituanie et au Portugal. Enfin, les armes artisanales proviennent du Népal, des Philippines, du Burkina Faso, de Centrafrique, d’Algérie et de la Jamaïque. Au Sahel, les groupes terroristes s’approvisionnent surtout en armes fabriquées industriellement, tandis que les milices paramilitaires et les chasseurs préfèrent les armes artisanales.

Engins explosifs improvisés. Selon Julien Joly, le « Small Arms Survey » a répertorié plus de 2.200 incidents relatifs aux engins explosifs improvisés (EEI) entre 2014 et 2022 avec leurs type, date, lieu, auteurs et cibles. Les EEI sont fabriqués à partir de munitions explosives volées dans des entrepôts militaires, d’explosifs extraits de munitions, d’explosifs en vente dans le commerce à des fins civiles, d’engrais et d’accessoires divers. Ils peuvent être déclenchés par la victime, radiocommandés, placés dans des véhicules en cas d’attaques suicides, activés par fil, activés à distance puis déclenchés par les victimes ou portés par des personnes. Une étude de cas réalisée entre 2019 et 2022 identifie le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Mali et le Niger comme directement concernés ainsi que le Bénin et la Guinée comme pays de transit. Les composants font l’objet de trafics divers : détournement de produits importés légalement ; détournement de produits pendant le transport ; détournement sur le site de l’utilisateur final officiel ; utilisation illicite de produits à double usage importés légalement ; prise de matériels militaires sur le champ de bataille. Le cycle de vie des munitions s’étend de la planification d’acquisition des composants et leur approvisionnement à la gestion de leurs stocks et leur élimination quand elles sont périmées. Le programme « Small Arms Survey » a publié un guide pratique sur la sécurisation des stocks. Il recommande le contrôle de l’achat et de la distribution des composants commerciaux, la surveillance de leurs acheteurs (entreprises ou individus), l’acquisition d’équipements pour le suivi et la traçabilité des munitions, la sensibilisation des personnels et leur formation.

Transferts et stockages. Anna Mensah explique que les détournements d’armes légères et de produits connexes se produisent au niveau du fabricant, pendant le transfert, dans les stocks publics ou privés, pendant leur utilisation active ou leur déploiement. Ils résultent aussi de l’absence de régularisation et de lacunes dans les contrôles nationaux ou lors de mouvements transfrontaliers non autorisés. Ces détournements sont effectués par des personnes privées, des groupes armés non étatiques ou même…des agents de l’État ! Ils résultent notamment des faiblesses et défaillances institutionnelles de l’État concerné, de trafics illicites, de la mise en œuvre de moyens techniques et de stratagèmes pour tromper les autorités publiques. L’UNIDIR évalue les risques de détournement grâce à ses réseaux d’information. Ainsi, les agences de renseignements gouvernementales identifient les personnes physiques ou morales soupçonnées d’être impliquées dans des trafics d’armes, analysent les tendances internationales des marchés illicites, repèrent les pratiques de corruption à l’étranger et les produits recherchés par les États sous embargo, et enfin pistent les organisations terroristes et les réseaux criminels. Les missions diplomatiques, les douanes et la police effectuent des contrôles sur les entités impliquées dans les transferts d’armes légères et sur les documents fournis à l’appui d’une demande d’autorisation d’exportation ou d’un autre type de transfert. S’y ajoutent les rapports des groupes d’experts de l’ONU sur la mise en œuvre des embargos sur les armes, ceux d’organisations non-gouvernementales crédibles, les annuaires commerciaux et ceux en ligne qui communiquent des informations précises et objectives. En outre, l’UNIDIR a développé une grille d’analyse du détournement des armes conventionnelles, de leurs munitions et de leurs pièces et composants, dans le cadre du Traité sur le commerce des armes, signé par 130 États et entré en vigueur fin 2014.

Post-conflit et terrorisme. Aux 850 millions d’armes légères de petit calibre hors des mains de l’État (voir encadré), s’ajoutent plus de 2 milliards d’armes non enregistrées selon l’ONUCT. Juan Belikov souligne les difficultés pour les retrouver et les collecter après les conflits. Or, ces armes jouent un rôle majeur dans la violence résiduelle, à savoir vengeance, récupération de biens perdus, improbabilité du retour à la paix, difficultés pour les combattants ordinaires de s’intégrer à la vie civile, effondrement de l’économie, contestation de territoires et nécessité de l’auto-défense en l’absence de l’autorité de l’État. Dans ce contexte, ces armes constituent des sources importantes d’échanges et de revenus. L’ONUCT manque de compétences spécialisées pour mener des enquêtes complexes sur les trafics d’armes à feu et le terrorisme. S’y ajoutent : l’absence d’enregistrement et de traçage systématiques des armes ; l’insuffisance d’échanges d’informations et de coordination entre les diverses agences ; le manque de bases de données sur les armes, les acteurs des trafics, les routes et les modes opératoires. De son côté, Aldan Serikbay précise que les groupes terroristes tentent d’acquérir et d’utiliser des matériaux létaux chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires, des armes légères, des engins explosifs improvisés et des drones. Depuis février 2021, environ 1.600 personnels militaires ont suivi des formations à la lutte contre le-terrorisme en Australie, Irak, Jordanie, Turquie, Malaisie, au Kenya, au Nigéria et aux Philippines.

Loïc Salmon

Le programme « Small Arms Survey » de l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genèveévalue le nombre d’armes à feu légères à environ un 1,013 milliard dans le monde en 2017. La répartition s’établit à 13 % (133 millions) des armes  détenues par les forces armées, 2 % (22,7 millions) par les forces de sécurité et 85 % (857 millions) par les populations civiles. Parmi ces dernières, 2,3 à 4,7 millions d’armes appartiennent à des entreprises privées de sécurité, 2 à 10 millions à des organisations criminelles et 2,1 à 2,8 millions à des groupes armés non-étatiques.

Trafics d’armes : fin de crise, embargos, désarmement et consolidation de la paix

Trafics d’armes légères : comment les contrer

Trafics d’armes : les Balkans, fournisseurs du terrorisme international et du crime organisé




Sécurité : la participation militaire terrestre à la gestion des crises

Face aux risques de grande ampleur, des personnels, des hélicoptères et des véhicules militaires appuient les forces de sécurité intérieures à la demande du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer.

Le colonel Stanislas Rouquayrol, commandant les formations militaires de la sécurité civile, en a présenté les spécificités à la presse le 20 juillet 2023 à Paris.

Force d’action rapide. Les formations militaires de la sécurité civile (Formisc), issues de l’arme du génie de l’armée de Terre, sont sollicitées lors des grands événements et fournissent des conseils aux autorités. Leurs champs d’interventions couvrent toutes les crises : tremblements de terre ; feux de forêts ; inondations ; cyclones ; tempêtes ; épidémies ; accidents ou sabotages industriels ; menaces nucléaire, radiologique, biologique et chimique. Polyvalentes, les Formisc portent une assistance aux réfugiés, populations déplacées ou rapatriées et fournissent une logistique opérationnelle. Dans la lutte contre les feux de forêt dans le Sud de la France, l’opération dite « Héphaïstos », qui dure du 1er juillet au 30 septembre, déploie 160 militaires, 3 hélicoptères et 50 véhicules. Elle met notamment en œuvre le Détachement d’intervention retardant, dont les véhicules dispersent des produits qui ralentissent la propagation de l’incendie, des moyens lourds du génie et des sections d’intervention feux de forêt. En 2023, « Héphaïstos » a élargi son engagement avec une compétence nationale et une capacité de mobilisation de moyens humains spécifiques en cas de crise avec des détachements Air, basés à Orange et Mont-de-Marsan, et un module adapté de surveillance sous la direction de l’État-major des armées. Au sein du dispositif national du ministère de l’Intérieur, la Force d’action rapide de la sécurité civile, pluridisciplinaire et en astreinte permanente, peut intervenir partout en France ou à l’étranger. Elle mobilise 262 personnes en 3 heures et jusqu’à 600 personnels en moins de 72 heures pendant un mois sans relève

Bilan « Héphaïstos » 2022. La campagne des feux de forêts 2022 s’est caractérisée par une grande virulence, souligne le colonel Rouquayrol. Les Formisc sont intervenues à 92 reprises sur des incendies ravageant 70.000 ha, soit 6 fois plus qu’en 2021. Rien qu’en juillet, elles ont engagé près de 55 % de leurs effectifs. Le Détachement d’intervention héliporté national a été déployé sur 4 feux majeurs pendant 13 jours. En Gironde, la lutte contre le feu a mobilisé 6 Sections militaires intégrées de 150 hommes chacune, formées, équipées et encadrées sur le terrain par les Formisc, soit l’équivalent du dispositif opérationnel permanent « Sentinelle ». En outre, les moyen aériens (avions, hélicoptères et drone Reaper) ont effectué plus de 100 heures de vol de reconnaissance. Ils complètent ceux de la Direction générale de l’aviation civile : Canadair, avion amphibie, qui s’approvisionne jusqu’à 6 t d’eau en mer ou sur un plan d’eau douce ; avion Dash qui se ravitaille à terre ; hélicoptère Dragon pour les missions de secours ; location d’hélicoptères pour des largages d’eau à des endroits précis.

Engagements hors métropole. La période 2022-2023 constitue un engagement hors normes pour les Formisc, estime le colonel Rouquayrol. En 2022, après le passage du cyclone Batsiral à Madagascar, 59 personnels ont assuré le traitement de l’eau et la coordination avec les moyens de l’Union européenne. En Ukraine, 153 personnels et 3 experts européens ont effectué 3 convois de fret. En Grèce, au Pakistan, en Guadeloupe et au Tchad, des personnels ont participé au traitement de l‘eau. Au premier semestre 2023, les Formisc sont intervenues à la suite des tremblements de terre en Turquie (7 février-10 mars), des feux de forêts au Chili (13 février-6 mars), des inondations en Italie (23-30 mai), de la sècheresse à Mayotte (15-23 avril puis 17 juillet) et des feux de forêt au Canada (depuis le 8 juin).

Loïc Salmon

Défense et sécurité : « réagir ensemble » aux attentats terroristes et aux crises

Sécurité : « Orphé », plongée au cœur des cellules de crise

Aviation militaire : le BEA-É pour la sécurité aérienne

 




Renseignement : les « sources ouvertes », nouvelles perspectives

Internet et réseaux sociaux rendent le monde transparent en temps quasi réel. Combinés à l’intelligence artificielle, ces « OSINT », renseignements gratuits en source ouverte, apportent un appui indispensable à la presse, à la recherche académique et aux enquêtes criminelles.

Ce thème a été débattu lors d’une table ronde organisée, le 5 juin 2023 à Paris, par l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). Y sont notamment intervenus : le général de corps d’armée Benoît Durieux, directeur de l’IHEDN et de l’enseignement militaire supérieur ; Alexandra Jousset, journaliste et productrice de l’émission « Sources » sur la chaîne de télévision Arte ; Kevin Limonier, maître de conférences en géographie et études slaves à l’Université Paris 8 ; Frédéric Lenfant, expert judiciaire.

L’OSINT. Le renseignement en source ouverte, « open source intelligence » (OSINT) en anglais, existe depuis longtemps, mais les nouvelles technologies de l’information l’ont transformé, souligne le général Durieux. Dans le monde du renseignement, il s’agit de savoir ce qui est accessible en source ouverte mais aussi de savoir ce qui ne l’est pas ou ce qui ne l’est pas encore. Tout le monde peut suivre de façon assez précise le conflit en Ukraine, sans avoir accès aux chroniques des services de renseignement, à condition de bien choisir les sources de vérification et de les mettre en concurrence. Inversement, les militaires et les personnes intéressées par la défense et la sécurité nationale cherchent d’abord à connaître ce qui reste masqué dans ce conflit. Ensuite, dans ce contexte de transparence apparente, il s’agit d’élaborer les futures opérations possibles de « déception » au sens militaire du terme, à savoir principes, manœuvres et moyens techniques pour inciter l’adversaire à réagir de façon préjudiciable à ses intérêts. Mais pouvoir tout savoir soulève la question éthique des dérives possibles d’une transparence totale.

L’investigation de presse. Le documentaire intitulé « Les mercenaires russes Wagner » sur Arte a été réalisé avec l’aide de journalistes spécialisés dans l’OSINT, indique Alexandra Jousset. Ils ont récupéré des données sur les échanges de Wagner avec des entreprises en Centrafrique et à Madagascar, complétant l’enquête sur le terrain (témoignages de mercenaires). Chaque semaine, la découverte de nouveaux outils permet de vérifier si une photo a été truquée ou de récupérer des données sur le suivi de bateaux. Il faut vérifier les informations au moyen de bases de données publiques, de listes de sanctions ou de déclarations fiscales. Grâce à des images satellites, le quotidien américain New York Times a établi la véracité du massacre de Boutcha en Ukraine (27 février-31 mars 2022) par l’armée russe, qui l’avait accusé de désinformation. Les images d’un drone, transmises aux médias français, ont permis de démontrer la mise en scène par Wagner d’un faux charnier au Mali pour discréditer l’armée française. Les « fuites » de données que reçoivent les journalistes ne sont publiées, en toute indépendance, qu’après consultations d’avocats ou de juristes, précise Alexandra Jousset.

La recherche académique. Étude des phénomènes de pouvoir sur un territoire, la géopolitique inclut la maîtrise des réseaux qui maillent le cyber, explique Kevin Limonier. Les traces numériques de l’OSINT rendent visibles de nouvelles formes de réseaux encore totalement invisibles il y a quelques années et permettent de cartographier des pans entiers de logiques de pouvoir. Le protocole BGP, qui structure internet, fait apparaître la configuration des routeurs de données. Depuis l’invasion de la Crimée en 2014, la Russie a rerouté les données locales vers des points d’échange à Moscou sans passer par l’Ukraine. Pendant la guerre civile dans le Donbass, la détection des manipulations de routeurs communiquait des informations sur l’espace occupé par les belligérants. Leur recoupement à des niveaux géopolitiques fournissait une information stratégique sur l’évolution de la ligne du front. Aujourd’hui, dans les territoires occupés par la Russie, les populations n’ont accès à internet que via les pares-feux et les sources des autorités russes. Lors de la libération de villages par les chars et véhicules blindés ukrainiens, une camionnette de télécommunications suit pour rebrancher les réseaux. Par ailleurs, la guerre en Ukraine marque une véritable rupture dans le comportement des autorités politiques américaines, qui ont révélé l’imminence de l’invasion russe mais sans démontrer comment elles le savaient pour ne pas compromettre des sources et des procédés, notamment de renseignement électronique. Plutôt que de garder secrètes ces informations, elles ont préféré exposer l’intention de la Russie avant qu’elle agisse. La recherche académique cherche à comprendre comment la Russie délègue son influence et son activité géopolitique dans certaines régions du monde à des entreprises, comme la société militaire privée russe Wagner en Afrique, et d’en analyser le modèle économique. Par ailleurs, l’OSINT permet d’utiliser des outils numériques à des fins ethnographiques. Toutefois, le « terrain numérique » ne remplacera pas l’enquête sur le terrain réel, qui deviendra de plus en plus difficile en Russie, indique Kevin Limonier.

L’enquête criminelle. Frédéric Lenfant, qui a effectué des enquêtes judiciaires de gendarmerie, rappelle que l’expression du besoin constitue la première étape du renseignement. L’OSINT d’origine cyber permet de récupérer de l’information à analyser pour compléter ce qui est déjà connu en interne ou par d’autres canaux, en vue de décider et réaliser une opération qui répond au besoin initial. Par exemple dans une enquête sur la fraude, il s’agit de confronter des faits pour trouver des points communs, en vue d’un élément d’identification (donnée très technique) du fraudeur, qui veut rester le plus anonyme possible. Certains outils d’OSINT permettent de remonter jusqu’à une personne morale, puis physique pour identifier des lieux, des numéros de téléphone et des adresses de courriels à recouper pour matérialiser une organisation criminelle et ses modes opératoires, utilisables par d’autres. Les nombreux outils et sources accessibles sur internet comme « societe.com » proposent de multiples éléments à agréger pour obtenir une synthèse globale, notamment sur la corruption ou le blanchiment du financement du terrorisme. Ils permettent aussi la réversibilité de l’investigation par la traçabilité, en sens inverse, de son cheminement du point de départ jusqu’à celui d’arrivée. Toutefois, il convient, pour les services régaliens, de ne pas diffuser l’analyse d’informations recueillies en source ouverte, en raison des conséquences publiques éventuelles pour le suivi de l’enquête et l’intérêt des acteurs. En outre, une enquête repose sur la légalité de la preuve. Cela exclut l’usage de données recueillies sur internet par piratage avec le risque d’accusation de recel. En revanche, une « fuite » de donnés publiée sur un site de lanceurs d’alerte peut contribuer à l’enquête sur une personne morale étrangère et…à l’interrogatoire de personnes physiques ! Par ailleurs, la technologie permet d’usurper la voix d’une personne en lui faisant dire ce qu’elle n’a pas dit et, au moyen de l’intelligence artificielle, lui ajouter un masque lui ressemblant. Toute la difficulté réside dans la discrimination du vrai du faux. Dans la guerre en Ukraine, chaque citoyen devient acteur en filmant beaucoup d’événements avec son téléphone portable et en les diffusant ensuite sur les réseaux sociaux. Le risque existe d’une manipulation volontaire de l’information…en vue d’une interprétation servant l’intérêt de l’auteur de sa diffusion ! Son amplification par les réseaux sociaux lui donne une certaine « crédibilité », qui va influencer l’opinion publique. Enfin, tout passage sur internet laissant des traces, les progrès de chiffrement compliquent la collecte discrète d’informations récupérables en sources ouvertes.

Loïc Salmon

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Armée de l’Air et de l’Espace : sûreté aérienne, la sécurisation du Salon aéronautique du Bourget

La sûreté aérienne met en œuvre des radars de surveillance et des centres de détection et de contrôle ainsi que des avions de chasse, des hélicoptères et d’autres moyens. Elle a été renforcée lors du Salon international de l’aéronautique et de l’espace, tenu du 19 au 25 juin 2023 au Bourget (région parisienne).

Le général Étienne Faury, commandant de la brigade aérienne de la posture permanente de sûreté-Air (PPS-Air, police du ciel), a présenté, le 15 juin 2023 à Paris, le dispositif de sécurisation aérienne.

Le dispositif particulier de sûreté. Lors de la visite d’un chef d’État ou d’un grand évènement, un dispositif particulier de sûreté aérienne est déployé. Il consiste à renforcer, de façon ponctuelle et localisée, les moyens de défense aérienne sans dégrader la PPS-Air, L’armée de l’Air et de l’Espace crée alors une zone interdite à tous les aéronefs à certains horaires pour éviter toute perturbation de l’événement. Ce dispositif particulier inclut des interactions interarmées et interministérielles avec la Direction générale de l’aviation civile, les différentes préfectures et la Direction générale de la sécurité intérieure plusieurs mois à l’avance. La sécurité commence dès le décollage d’un aéronef et implique une coordination entre différents aérodromes. Les moyens d’alerte en vol s’interposent, identifient et, si besoin, détournent ou arraisonnent tout appareil intrus. Puis, les forces de sécurité intérieures interviennent pour les suites judiciaires.

La protection du salon du Bourget. Le Salon du Bourget, qui accueille 2.400 exposants et plus de 300.000 visiteurs, inclut des démonstrations en vol. Le dispositif PPS-Air intègre alors les participations du groupe ADP (Aéroports de Paris) et des organisateurs. Le Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes évalue les menaces : détournement d’un avion de ligne, très peu probable en raison des mesures de sécurité au sol et dans les aéroports ; avions légers égarés, protestant contre l’événement ou ayant l’intention de nuire ; drones envoyés par des gens curieux ou contestataires. Le nombre de survols des zones interdites est alors limité pour protéger les démonstrations en vol et éviter les accidents. Les moyens aériens en alerte varient selon les besoins : avion E-3F AWACS (système de détection et de commandement aéroporté) pour la surveillance de zone ; drone de combat Reaper ; Rafale ou Pilatus PC21 pour lever le doute, s’interposer et contraindre un appareil intrus à se poser ; hélicoptère Fennec. Au sol, la protection inclut des moyens complémentaires en fonction des conditions météorologiques et du nombre d’appareils pouvant arriver : missile ASMP-T de moyenne portée ; système de missile sol-air Crotale de courte portée ; lutte anti-drones ; guet à vue ; détachement de liaison sur chaque aéroport de Paris pour coordonner les démonstrations en vol du salon avec les décollages, sous certaines conditions, des avions usagers.

La lutte anti-drones. La brigade PPS-Air travaille avec la Gendarmerie des transports aériens et la Préfecture de police de Paris pour protéger le site, les spectateurs et les démonstrations aériennes de drones, dont la menace évolue avec la technologie. Les systèmes Bassalt (radars et caméras) fonctionnent jour et nuit. La Gendarmerie déploie des véhicules pour compléter la détection. Des systèmes « aéroscopes » voient 95 % des trafics. Les systèmes de brouillage Dedrone et ceux montés sur des fusils s’insèrent dans les bandes de fréquences et immobilisent les drones. Règlements et procédures les complètent. Une base aérienne a été projetée sur le site du Bourget pour loger 400 personnels pour la défense sol-air, la protection au sol des aéronefs, la lutte anti-drone, le poste de commandement dans la préfecture et celui pour la lutte anti-drones, le tout en liaison avec le Centre national des opérations aériennes à Lyon-Mont Verdun.

Loïc Salmon

Aviation militaire : le BEA-É pour la sécurité aérienne

Drones : menaces aériennes à très basses altitudes

Sécurité : détection, identification et neutralisation des drones malveillants

 




Aviation militaire : le BEA-É pour la sécurité aérienne

Un accident aérien résulte de diverses failles dans la sécurité, dont l’analyse fine et le traitement permettent de sauver des vies, de préserver des aéronefs et de renforcer la « culture » de l’unité.

Le général de brigade aérienne Franck Mollard, directeur du Bureau Enquêtes Accidents pour la sécurité de l’aéronautique d’État (BEA-É, créé en 2003) l’a expliqué au cours d’un point de presse tenu le 6 avril 2023 à Paris. Le BEA-É traite les aéronefs (avions, hélicoptères, drones et planeurs) de sept institutions : armée de Terre ; Marine nationale ; armée de l’Air et de l’Espace ; Délégation générale de l’armement ; Gendarmerie nationale et Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (ministère de l’Intérieur) ; Douane et droits indirects (ministère de l’Économie et des Finances). Dans le cadre d’une activité de défense, il intervient au niveau interministériel quand des événements graves impliquent les opérations de largage, le contrôle aérien et l’armement embarqué si l’aéronef ou son équipage peut être identifié parmi les causes. Le BEA-É traite aussi les accidents et incidents relatifs aux aéronefs non immatriculés à l’Organisation de l’aviation civile internationale (prototypes et vols de réception) ou affrétés pour des missions d’État. Enfin, il conduit de enquêtes sur les aéronefs étrangers concernés par un événement aérien survenu en France.

Les accidents. Un accident aérien se définit par un appareil détruit. Il est considéré comme grave s’il aurait pu en causer un autre encore pire, indique le général Mollard. Le nombre d’accidents aériens a beaucoup diminué depuis vingt ans, par suite des progrès techniques et de l’automatisation des systèmes. L’erreur organisationnelle ou humaine se trouve à l’origine de 80 %-85 % d’entre eux, contre 20 %-25 % pour une raison technique et 15 % pour une cause environnementale ou d’infrastructures. Le total dépasse 100 % car un accident peut résulter de plusieurs facteurs. En cas de morts ou de blessés graves, il faut assurer la communication aux familles. Dans le contexte actuel du conflit de haute intensité en Ukraine, souligne le général Mollard, il s’agit de ne pas perdre des équipages, lors de l’entraînement et de la préparation opérationnelle, et de diminuer l’attrition des parcs aériens, afin de contribuer à la résilience des forces.

Les missions. Les BEA-É doit réaliser : la collecte et l’analyse des informations utiles ; la détermination des circonstances et causes certaines ou possibles ; l’établissement des recommandations de sécurité et d’un rapport d’enquête public. Depuis sa création en 2003, le BEA-É a effectué 377 enquêtes de sécurité, soit 12 à 27 par an, et émis 2.700 recommandations de sécurité. Totalement indépendant des autorités d’emploi, sa crédibilité lui permet d’être écouté dans la durée. Selon le général Mollard, il contribue à celle de la France lorsqu’elle exporte des aéronefs. En effet, le partenaire étranger sait qu’il pourra bénéficier de l’expertise, de la discrétion et de la neutralité du BEA-É en cas d’événement grave au sein de ses propres forces armées ou de sécurité.

Les enquêtes. En cas d’accident aérien, trois enquêtes sont lancées simultanément : celle du BEA-É pour la sécurité ; celle du commandement au sein de l’institution militaire concernée ; l’enquête judiciaire. Le BEA-É coopère avec divers organismes : Direction des services de la navigation aérienne ; Direction générale de l’aviation civile ; Direction de la sécurité de l’aviation civile ; Direction de la sécurité aéronautique d’État ; Institut de recherche biomédicale des armées ; Office national d’études et de recherches aérospatiales ; Délégation générale de l’armement ; Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile ; Agence européenne de la sécurité aérienne. Un protocole de procédures communes et de partage d’informations existe avec les bureaux enquêtes accidents aéronautiques britannique, belge, néerlandais, espagnol et italien.

Loïc Salmon

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Marine nationale : le CEPPOL, outil contre la pollution en mer

Le Centre d’expertises pratiques de lutte antipollution (CEPPOL) propose, expérimente et détermine les spécificités de contrats d’assistance impliquant armateurs, sociétés de classification et assureurs.

Son commandant, un capitaine de frégate, a présenté cette lutte au cours d’une conférence organisée, le 30 mars 2022 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine.

Veille et actions. Les quantités de produits polluants, en majorité des hydrocarbures, déversés dans la mer augmentent. La pollution dure de quelques jours, par évaporation ou dispersion par émulsion/eau huile, à plusieurs mois par la biodégradation des goudrons et jusqu’à des années en cas de sédimentation au fond de la mer. Les nappes de pétrole de 20 à 30 m de diamètre contiennent 90 % d’eau, qu’il faudra rejeter à la mer. Le reliquat (photo) sert de combustible aux centrales électriques thermiques. Quand un pétrolier ou un chimiquier se signale en détresse, des drones permettent de détecter les fuites éventuelles d’hydrocarbures ou de produits dangereux. La lutte contre la pollution maritime présente des parallèles avec une opération militaire, indique le capitaine de frégate. Un comité d’experts anticipe, pendant deux à cinq jours, les actions à mener grâce à la surveillance de ces navires, par des moyens navals, aériens et satellitaires, leur dérive prévisible, l’analyse de leur comportement et leur vieillissement. En cas d’alerte, un aéronef arrive sur zone dans les deux heures et un navire antipollution dans les 24 heures. La logistique opérationnelle évalue ce qu’il est possible de faire dans les quatre jours : recherche des moyens ; mouvements des matériels ; soutien technique en cas d’avarie. Les techniques de lutte varient selon le degré de pollution. S’il est très faible, l’évaporation, la dispersion et la dissolution naturelle suffiront. L’observation constante permet d’agir dans de bonnes conditions techniques et météorologiques pour préserver la population et les usagers de la mer. L’action à la source de la pollution consiste à alléger le navire en difficulté, par un transbordement de sa cargaison sur un autre, le ceinturer par un barrage flottant et pomper les produits polluants à partir de la brèche détectée, qui sera colmatée. L’action sur le produit polluant consiste en : une dispersion, variable selon ses caractéristiques et les zones ; un confinement, pour le récupérer ou le « chaluter » (photo) ; un brassage, s’il s’agit de gazole ou d’un produit chimique volatile non dangereux. Enfin, la protection des cibles de la pollution nécessite le déclenchement du plan ORSEC, au niveau départemental et de la zone de défense (plan Polmar terre).

Organisation nationale. Les sociétés de classification certifient la tenue des navires à la mer. En cas d’accident, l’armateur doit réagir en premier auprès de son assureur. La Marine intervient gratuitement pour sauver des vies humaines, mais facture son assistance au navire pollueur. L’action de l’Etat en mer relève du Premier ministre, qui dispose du Comité interministériel de la mer (12 ministres) et du Secrétariat général de la mer. L’amiral préfet maritime de zone dirige les opérations de secours et les interrompt lorsqu’il n’y a plus d’espoir. Le plan ORSEC maritime place la lutte contre la pollution après les recherche et sauvetage et l’assistance aux navires en difficulté. La Marine forme 150-200 personnels à cette lutte et organise un entraînement majeur chaque année en métropole et tous les deux ans en outre-mer.

Loïc Salmon

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Afrique : exercice majeur sur la sécurité maritime régionale