Napoléon n’est plus

Par sa mort lente, Napoléon devient ce qu’il est aujourd’hui dans la mémoire collective et continue d’exister.

Après avoir côtoyé la mort sur les champs de bataille, il avait envisagé le suicide à Fontainebleau lors de sa première abdication en 1814. Il y repense à bord du navire anglais Northumberland en route vers Sainte-Hélène en 1815. A la fin de sa vie, il demande que soit pratiquée l’autopsie de son corps pour établir la cause de sa mort, probablement due à son ulcère à l’estomac. Après avoir dicté ses mémoires à Las Cases pendant les premières années de sa captivité, sentant la mort proche en avril 1821, il écrit son testament en tant que particulier et… monarque pour la postérité ! La plupart de ses objets personnels, légués à son fils (1811-1832), le duc de Reichstadt (Napoléon II), ne lui parviendront jamais, conformément à( la volonté de l’empereur d’Autriche (son grand-père) et de son chancelier Metternich. A la mort du duc, les reliquats seront répartis entre les membres survivants de la famille Bonaparte. Toutefois, les armes de Napoléon, dont l’épée d’Austerlitz et un sabre de l’expédition d’Egypte, seront transférées à la France par leur dépositaire, le général Bertrand présent à Sainte-Hélène. Napoléon prévoit des dons financiers à ses « vieux soldats », « fidèles serviteurs », aux anciennes zones de combat (26 départements) et villes de Brienne et Méry, qui ne le sauront qu’en 1853, le testament ayant été mis au secret à Londres. A cette date, les relations avec l’Angleterre se sont améliorées. A la demande de l’empereur Napoléon III et par l’entremise de l’ambassadeur de France à Londres, le comte Walewski (fils naturel de Napoléon 1er), les pièces testamentaires sont restituées. L’Etat français verse des dons de 100 à 500 francs de l’époque à 7.500 soldats et officiers ou leurs veuves et héritiers. Napoléon III décerne la « médaille de Sainte-Hélène » à tous les anciens combattants survivants des guerres de 1792 à 1815. Pour ajouter un dernier chapitre au roman extraordinaire de sa vie, Napoléon inscrit dans son testament la clause, qui sera gravée à l’entrée de la crypte de son tombeau aux Invalides : « Je désire que mes cendres reposent au bord de la Seine, au milieu de ce peuple français que j’ai tant aimé. » Il décède le 5 mai 1821 dans sa résidence de Longwood. Le 7 mai, le navire Heron quitte Sainte-Hélène pour l’Angleterre avec les dépêches le certifiant. La nouvelle, parvenue à Londres le 4 juillet, est publiée dans les journaux anglais et français, puis transmise dans toute l’Europe jusqu’en Russie. Lors de l’autopsie, le cœur et l’estomac de l’Empereur sont déposés dans un vase d’argent, rempli d’alcool fermenté et placé dans le cercueil. Napoléon avait choisi la « vallée du Géranium » comme son lieu d’inhumation à Sainte-Hélène, vœu accepté par le gouverneur Howe qui y fait installer des barrières gardées par des sentinelles jour et nuit. Lors du « retour des cendres » en 1840, le cercueil n’est ouvert que deux minutes pour permettre la reconnaissance du corps, parfaitement conservé, et éviter sa décomposition à l’air libre. Le 15 décembre, la cérémonie aux Invalides rassemble environ 800.000 personnes. Le gouvernement britannique reconnaît à Napoléon le titre d’empereur et fait retirer la dénomination de « général Bonaparte » de tous les rapports officiels. En 1858, la France rachète la résidence de Longwood et la vallée du Géranium pour 2.200 £ de l’époque (296.500 €), domaine affecté au ministère des Affaires étrangères.

Loïc Salmon

 « Napoléon n’est plus », ouvrage collectif. Éditions Gallimard/Musée de l’Armée, 296 pages, nombreuses illustrations, 35 €

Exposition « Napoléon n’est plus » aux Invalides

Campagne d’Italie, 1796-1797

Napoléon à Sainte-Hélène, la conquête de la mémoire




Expositions « Comme en 40 » et « 1940 ! Paroles de rebelles » aux Invalides

L’année 1940 rappelle « l’incroyable défaite » de la France face à l’Allemagne vaincue en 1918, mais aussi le sursaut de ceux qui ne l’acceptent pas et veulent continuer le combat jusqu’à la victoire.

Les signes annonciateurs. Les prémices de la revanche militaire de l’Allemagne apparaissent dans les années 1930 dans l’indifférence des démocraties occidentales, notamment des grandes puissances européennes de la Grande Guerre. La France et la Grande-Bretagne se trouvent alors à la tête de vastes empires coloniaux, le traité de Versailles (1919) ayant dépouillé l’Allemagne du sien. Dès 1933, celle-ci se retire de la Conférence du désarmement de Genève et de la Société des nations, qui vise à la sécurité collective par la prévention des guerres et la résolution des conflits par la négociation. En 1935, le gouvernement allemand rétablit le service militaire. L’année suivante, en violation du Traité de Versailles, il envoie des troupes réoccuper la Rhénanie, alors démilitarisée, sans la moindre réaction militaire de la part de la France ni de la Grande-Bretagne. Il lance alors un grand programme de réarmement et prépare l’économie nationale à la guerre. En mars 1938, l’Allemagne annexe l’Autriche pour unifier les populations au sein d’une même nation. Grâce aux accords de Munich signés avec la France, la Grande-Bretagne et l’Italie, elle annexe aussi la région des Sudètes (population à majorité germanophone) de la Tchécoslovaquie en septembre. En mars 1939, elle crée le protectorat de Bohême-Moravie sur ce qui reste de ce pays. En août, elle signe un pacte de non-agression avec l’Union soviétique.

L’attente et les combats. Le 1er septembre 1939, la Wehrmacht envahit la Pologne. L’armée soviétique la rejoint 16 jours plus tard. Comprenant que l’ère des compromis a pris fin, la France et la Grande-Bretagne décident de déclarer la guerre au IIIème Reich le 3 septembre. Après la mobilisation générale, commence la « drôle de guerre ». Le Haut commandement français envoie des troupes en Sarre, en deçà de la ligne « Siegfried », pour soutenir brièvement l’armée polonaise, sans résultats significatifs. Ce dispositif de défense a été construit dans les années 1930 face à la ligne française « Maginot », où sont cantonnés 200.000 soldats qui attendent l’invasion allemande. Celle-ci tarde car la campagne de Pologne a révélé des déficiences à corriger avant d’affronter l’armée française, considérée à l’époque comme la meilleure du monde. Or l’inaction sape le moral des troupes françaises. La population civile se résigne à la guerre dans la persistance des tensions politiques, contrairement à « l’union sacrée » de 1914. L’invasion de la Norvège et du Danemark par la Wehrmacht en avril 1940 donne l’occasion à un corps expéditionnaire, composé des troupes françaises, britanniques et polonaises, de remporter la bataille de Narvik, coupant, temporairement, la « route du fer » (suédois). Le 10 mai 1940, la Wehrmacht pénètre aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg. Le corps expéditionnaire britannique (400.000 hommes), débarqué en France en septembre 1939, s’est porté à sa rencontre en Belgique. Le 14 mai, les blindés allemands percent le dispositif français dans les Ardennes et atteignent les côtes de la Manche le 21 mai. Les troupes néerlandaises ont été défaites en cinq jours. Encerclées, les troupes alliées se replient sur Dunkerque, où 240.000 soldats britanniques et 120.000 soldats français et belges sont évacués par mer vers la Grande-Bretagne…grâce à l’appui de l’armée française ! Puis, le 4 juin, celle-ci se rétablit sur la ligne « Weygand » (entre la Somme et l’Aisne), percée par les troupes allemandes…qui défilent à Paris le 14 juin. Entretemps, l’Italie a déclaré la guerre à la France le 10 juin, mais ses troupes restent contenues dans les Alpes. Le 22 juin, les représentants des gouvernements français et allemands signent l’armistice à Rethondes (forêt de Compiègne), dans le même wagon où avait été signé celui du 11 novembre 1918 signifiant la défaite de l’Empire allemand (IIème Reich, 1871-1918). Cet armistice entre en vigueur le 25 juin, en même temps que celui signé la veille entre la France et l’Italie. En 45 jours de combat, l’armée française déplore 92.000 tués, 230.000 blessés, 1,84 million de prisonniers, 2.500 chars et 900 avions détruits. Malgré des capacités opérationnelles et tactiques supérieures, l’armée allemande compte 49.000 morts, 110.000 blessés, 1.800 chars et 1.400 avions détruits. En juillet, le massacre de 1.300 marins français de la flotte française, réfugiée à Mers el-Kébir (Algérie), par la Marine britannique sera utilisé par les propagandes du Reich et du gouvernement de Vichy. Ensuite, la bataille, aérienne, d’Angleterre dure du 13 août au 31 octobre 1940.

L’amertume de l’Occupation. Paniqués par les souvenirs des exactions allemandes de 1914 et les bombardements aériens, huit millions de Français fuient l’avance ennemie. Le tiers du territoire français s’est ainsi vidé entre le 10 mai et le 25 juin. La ligne de démarcation, qui coupe 13 départements sur 1.000 km, constitue une frontière politique, sociale et économique. Dans la zone Nord « occupée » (55 % du territoire), l’heure allemande est imposée à partir du 7 juin. Des tracts allemands, destinés aux forces militaires françaises pour les inciter à se rendre, reprennent le discours du maréchal Pétain, chef de « l’Etat français », radiodiffusé le 17 juin, leur demandant de « cesser de combattre ». Les départements d’Alsace (Bas-Rhin et Haut-Rhin) et de Moselle sont rattachés au Reich dès le 24 juin, puis annexés en novembre. Leurs populations subissent un régime de « défrancisation » et d’embrigadement. La bande littorale atlantique devient « zone interdite » en 1941. La délégation du ministère de la Propagande du Reich censure presse, radio, actualités cinématographiques et films pour lutter contre les influences juives, franc-maçonnes et antiallemandes.

Les rebelles. Les armistices empêchant les Français de lutter aux côtés des Alliés, le général de Gaulle, réfugié à Londres, doit combattre l’ennemi et le gouvernement légal de son pays. Parmi ses 1.038 Compagnons de la Libération (6 femmes), 790 sont entrés en résistance en 1940. Si l’armistice constitue le facteur déclencheur de leur engagement, leurs motivations varient : passion de la France ; humiliation de la défaite ; idéalisme ; goût de l’aventure ; l’irrationnel ; poids mental de la guerre de 1914-1918 ; combat ; loyauté ; anti-germanisme ; attaches familiales ; réflexion politique ; antinazisme.

Loïc Salmon

L’exposition « Comme en 40 » (17 septembre 2020-10 janvier 2021), organisée par le musée de l’Armée, se tient aux Invalides à Paris. Elle présente uniformes, armes, objets, archives cinématographiques et documents. Concerts, conférences et projections de films sont aussi prévus. Renseignements : www.musee-armee.fr.

L’exposition « 1940 ! Paroles de rebelles » (17 septembre 2020-3 janvier 2021), organisée par le musée de l’Ordre de la Libération (Invalides), présente des objets, photos, insignes, extraits audiovisuels et documents. Renseignements : www.ordredelaliberation.fr

335 | Dossier : “La BLITZKRIEG 1939-1942”

Exposition « De Gaulle, une carrière militaire » à Vincennes

Exposition « De l’Asie à la France libre » aux Invalides




Exposition « De Gaulle, une carrière militaire » à Vincennes

Même si le général de Gaulle (1890-1970) estimait sa carrière militaire terminée en 1940, celle-ci s’est poursuivie jusqu’à sa retraite en 1952.

Le chef de la France libre se dit « être sorti de l’échelle des grades et investi d’un pouvoir qui ne se hiérarchise pas ». Il commande des militaires des trois armées de métropole et des territoires ralliés de l’Empire colonial français, des femmes servant sous l’uniforme et la Résistance en zone occupée. Or le colonel Charles de Gaulle, nommé général de brigade à titre temporaire le 1er juin 1940, avait été mis à la retraite d’office le 23 juin suivant par un décret présidentiel. Après son départ du gouvernement provisoire en 1946, il refusera une nomination au grade de général d’armée avec effet rétroactif. De même, le fondateur de l’Ordre de la Libération refusera des promotions dans celui de la Légion d’honneur en 1952. Admis 119ème sur 221 à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr en 1909, de Gaulle doit, conformément au règlement en vigueur, servir un an comme simple soldat puis sous-officier avant de commencer sa formation d’officier. Il sort 13ème de la promotion « Fez » (1910-1912) et choisit l’infanterie, « reine des batailles ». Lieutenant à 23 ans au 33ème Régiment d’infanterie d’Arras, il doit susciter l’obéissance chez les conscrits et les sous-officiers plus âgés. Ses conférences face à ses camarades et ses supérieurs attirent l’attention du chef de corps, le colonel Philippe Pétain. Le lieutenant de Gaulle connaît le baptême du feu lors de l’assaut d’un pont sur la Meuse le 15 août 1914. Blessé au genou parmi les cadavres de ses hommes, il commence à douter de la préparation de l’armée française à cette guerre et de la compétence de la hiérarchie militaire pour coordonner infanterie et artillerie.

Le capitaine de Gaulle participe à la bataille de Verdun, où il est à nouveau blessé, dans un bombardement le 2 mars 1916, et fait prisonnier par les Allemands. Il tente par deux fois de s’évader en 1917 et ne sera libéré qu’à l’armistice de 1918, avec le sentiment d’avoir été inutile pendant la Grande Guerre. L’année suivante, il rejoint la mission militaire française en Pologne comme instructeur parmi les troupes combattant l’Armée rouge en 1920. Pour lui, l’écriture, l’enseignement et l’exercice du commandement forment un tout. Les notations de ses supérieurs reflètent ses propres conceptions du chef, du prestige et du caractère, analysées dans son livre « Le Fil de l’Epée », paru en 1932. Dans le suivant, « La France et son armée » (1938), de Gaulle écrit : « Mais, s’il faut la force pour bâtir un Etat, réciproquement l’effort guerrier ne vaut qu’en vertu d’une politique. » Ce livre, qui aurait dû porter la signature du maréchal Pétain, son protecteur depuis 25 ans, marque la rupture entre les deux hommes. Commandant la 4ème Division cuirassée en mai 1940, le colonel de Gaulle teste ses théories dans les combats de Montcornet, de Crécy-sur-Serre et d’Abbeville contre la Wehrmacht. Nommé secrétaire d’Etat à la Guerre le 6 juin 1940, il négocie à Londres un soutien britannique le 16, pour continuer le combat depuis l’Empire colonial. Sa désobéissance, signifiée par l’appel du 18, lui vaut des condamnations par des juges militaires : quatre ans de prison le 4 juillet ; dégradation et peine de mort le 2 août.

Loïc Salmon

L’exposition « De Gaulle, une carrière militaire 1910-1952 » (7 septembre-23 décembre 2020), organisée par le Service historique de la Défense, se tient au château de Vincennes, Pavillon du Roi. www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr

Churchill De Gaulle

Exposition « Eisenhower-De Gaulle » aux Invalides

Une certaine idée de la France…et du monde

 




Exposition « Raymond Depardon 1962-1963, photographe militaire » à Paris

Déjà connu professionnellement avant, Raymond Depardon réalise, pendant son service militaire, un « tour de France des armées » en plus de 2.000 photos pour Terre, Air, Mer magazine (TAM).

En août 1960, envoyé en Afrique par l’agence photographique Delmas pour suivre « SOS Sahara », mission d’étude de la résistance du corps humain à la chaleur, il assiste au sauvetage d’un groupe de soldats appelés du contingent, perdus sans eau dans le désert. Le 3 septembre suivant, dix de ses photos sont publiées dans l’hebdomadaire Paris-Match sous son nom, alors qu’il n’a que 18 ans ! De passage à Alger, il rencontre des photographes militaires l’incitant à demander à effectuer son service militaire au journal Bled, qui deviendra TAM, deux ans plus tard. Appelé sous les drapeaux en mars 1962, Depardon effectue quatre mois de classe au 37ème Régiment d’infanterie de Sarrebourg puis, en juillet, est affecté à la rédaction parisienne de TAM, avec le grade de brigadier, jusqu’en août 1963. Ce magazine, que tous les militaires reçoivent, emploie notamment de futures célébrités comme le journaliste Philippe Labro ou le publiciste Jacques Séguéla. L’exposition présente leur témoignage audiovisuel. « On était en civil et très libres, se souvient Labro, on apprenait notre métier de reporter, qui rapporte ce qu’il a vu et entendu. ». « J’ai découvert que je savais écrire », déclare Séguéla, hilare. « On était tous tentés de faire des images en mouvement, souligne Depardon (photo) lors du vernissage de l’exposition le 30 septembre 2019, j’étais dans une période charnière à la fin de la guerre d’Algérie. » Equipé d’un appareil photo 120 mm reflex utilisant du film 6X6, il retrace cette période jusqu’en août 1963. Au cours de ses 51 reportages, il embarque notamment sur l’escorteur Le-Picard, fait l’ascension du Mont-Blanc avec les troupes de montagne, suit l’entraînement du 1er Bataillon parachutiste de choc en Corse, se rend à l’Ecole des enfants de troupe d’Aix-en-Provence et à la base aérienne de Cognac et couvre l’instruction du 404ème Régiment d’artillerie anti-aérienne à Valence. Son expérience de photographe militaire lui sert ensuite lors de la couverture de la guerre du Viêt Nam en 1964, dont certaines de ses photos sont publiées dans le quotidien américain New York Times. En 1966, il crée l’agence Gamma, qu’il quittera en 1978 pour rejoindre l’agence Magnum. En 1969, Depardon commence une carrière de cinéaste avec un court-métrage documentaire en Tchécoslovaquie, un an après la répression soviétique du Printemps de Prague. En 1974, il se rend au Tchad pour prendre des photos et réaliser le film « Les révolutionnaires du Tchad », dont le retentissement international contribuera à la libération, en 1977, de l’ethnologue Françoise Claustre, retenue en otage depuis trois ans. En 1978, il photographie la guerre civile au Liban et en Afghanistan.

Loïc Salmon

L’exposition « Raymond Depardon 1962-1963, photographe militaire » (1er octobre 2019-30 janvier 2020) se tient au Musée du Service de santé des armées dans l’Ecole du Val-de-Grâce à Paris. Outre une centaine de photos, elle présente des documents d’archives de films et d’entretiens audiovisuels. Une exposition similaire a lieu au Musée national de la Marine à Toulon (17 mai-31 décembre 2019). Ces deux événements sont organisés par l’Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense, le Musée national de la Marine, l’Ecole du Val-de-Grâce et la Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives.

(www.depardon1962.fr)

Exposition « Images interdites de la Grande Guerre » à Vincennes

100 ans de photographie aux armées

Henri Gouraud, photographies d’Afrique et d’Orient




Exposition « Les canons de l’élégance » aux Invalides

L’aspiration à la beauté et à la richesse des uniformes militaires, des armes, des insignes et des décorations répond à des nécessités matérielles, idéologiques ou sociales. Instruments du métier, ils rappellent les épreuves du combat et soulignent l’appartenance à une caste anoblie par le service des armes.

L’autorité des armes. Moyen pour les Etats de s’affirmer, de s’étendre ou de protéger leurs intérêts, la guerre se trouve à l’origine du pouvoir politique. La puissance des souverains face à leurs sujets ou à leurs homologues étrangers se manifeste par la conduite de la guerre et les attributs de la richesse. Les conflits qui recomposent l’Europe au cours des guerres de la Révolution et de l’Empire (1792-1815) leur donnent l’occasion de s’afficher comme chefs militaires. Restauration et Seconde Républiques (1815-1848) se veulent plus pacifiques. Le Second Empire (1852-1870) assume l’héritage du Premier. Les Troisième, Quatrième et Cinquième Républiques maintiennent les fastes militaires et son président, comme dans toutes les démocraties occidentales, demeure chef des armées. Par leur tenue et le décorum qui les entourent lors des rencontres internationales ou le déroulement de la vie des institutions, les chefs d’Etat entretiennent cette dimension militaire.

La grandeur du pouvoir. L’usage maîtrisé de la force fait partie intégrante du pouvoir politique. Dans le contexte troublé de la fin du Moyen-Age, les souverains européens s’entourent de gardes, pour assurer leur protection personnelle et afficher un apparat destiné à affirmer la puissance des Etats nationaux en gestation. La Renaissance confirme cette tendance, notamment dans les cours des princes allemands et des cités italiennes, pour impressionner populations, corps constitués ou ambassadeurs étrangers. Ces unités sont les premiers corps militaires à porter une « livrée », ancêtre de l’uniforme. Celle de la Garde suisse pontificale, de rigueur dans les grandes cérémonies, remonte au XVème siècle. A partir de la seconde moitié du XVIIème siècle, les monarchies se renforcent et se centralisent, surtout en France. Les gardes royales ou impériales voient leurs tenues codifiées pour participer aux fastes de la cour, qui devient l’un des lieux de formation des officiers. Pour Louis XIV, sa garde représente l’élite de l’armée et participe à la propagande visuelle de son règne. La lame de leur pertuisane (lance apparue au XVème siècle) est richement décorée pour marquer la prédominance du Roi-Soleil sur la scène diplomatique européenne. Durant la Révolution, le glaive, d’inspiration antique, remplace l’épée, synonyme de l’oppression monarchique et nobiliaire, comme arme d’apparat. Symbole d’autorité et de pouvoir, il constitue un marqueur social et bénéficie souvent d’un soin particulier dans sa fabrication. Aujourd’hui, la Garde républicaine garantit le protocole militaire de l’Etat, incarne un certain prestige et constitue un vecteur du rayonnement de la Nation. Lors du défilé militaire du 14 juillet à Paris, le président de la République descend l’avenue des Champs-Elysées en voiture découverte, entouré du régiment de la garde à cheval, sabre au clair. Au cours des temps, les administrations civiles se sont organisées et ont adopté les codes militaires, symboliques et visuels, qui contribuent au prestige de l’Etat, comme l’uniforme ou l’épée.

Affirmer son rang. A la fin du Moyen-Age, le métier des armes est exercé par les nobles, ossature militaire et politique du royaume, et les mercenaires, peu considérés car ils en vivent. Sous Louis XIV, apparaissent un nouveau type de soldat, le « militaire », et la notion de « service », issue de la centralisation de l’Etat et qui l’emporte sur les intérêts privés. Uniformes, signes et symboles, souvent d’origine officieuse, indiquent la position de celui qui les arbore, au sein de la hiérarchie militaire mais aussi vis-à-vis du monde civil. La notion de mérite tend à l’emporter sur la naissance. L’officier n’est plus un guerrier en armure mais un spécialiste en uniforme, dont le rang hiérarchique ne dépend plus de son ascendance. Grâce à leur service, les roturiers accèdent au port de l’épée et d’une tenue à la mode, comme les nobles. La première épée réglementaire française remonte à 1680. A son départ du service, le soldat peut conserver ce symbole de son statut de combattant. Toutefois, la promotion au mérite n’efface pas les inégalités sociales et financières. Le rang s’affirme par le mode de vie et la qualité des matériaux utilisés pour la confection des armes et des uniformes de dotation réglementaire…ou personnelle ! Les nombreux conflits du règne de Louis XIV structurent l’armée comme groupe social spécifique et nourrissent des traditions militaires, avec des signes permettant d’afficher son rang au sein de corps en apparence uniformes. Les ors et les broderies signalent le rang hiérarchique du sergent au maréchal, le soldat disposant d’atours plus modestes pour se distinguer du « civil ». A la fin du XVIIIème siècle, la cravache, accessoire du cavalier, devient un élément de distinction suggérant la maîtrise du noble art de l’équitation et remplace la canne, « bourgeoise » et piétonne. Pour renforcer le prestige de sa personne et du régime impérial, Napoléon III accorde à chaque unité militaire une somme pour la mise en place d’un lieu de cohésion, le « mess », réservé aux officiers et où sont organisés événements et repas de prestige avec assiettes et couverts portant l’emblème de l’unité, signe d’appartenance.

Symboles d’autorité. Sur les champs de bataille de l’époque médiévale, panaches, armoiries ou croix diverses indiquent le parti des combattants et manifestent l’autorité des souverains ou des commandants d’armées. L’augmentation des effectifs à partir du XVIIème siècle nécessitent de rendre reconnaissables les différents échelons de l’encadrement, afin de faciliter la transmission des ordres et assurer la chaîne de commandement. Symboles d’autorité, les écharpes, épaulettes et autres signes distinctifs se multiplient au fur et à mesure du développement et de la complexification de la structure hiérarchique. Le bâton, souvent associé à l’épée, porte la plus haute valeur symbolique liée à l’Etat. Il est donc arboré par le roi ou ses plus grands serviteurs, qui ont reçu délégation d’une partie de son autorité. Le bâton réglementaire de maréchal de France est un cylindre de bois, recouvert de velours de soie bleue avec des broderies de fil métallique de fleurs de lys ou d’aigles impériales, remplacées sous la République par des étoiles en or. Il est orné de deux calottes en vermeil : l’une avec la devise « Terror Belli, Decus Pacis » (Terreur de la guerre, Honneur de la paix) ; l’autre avec le nom du titulaire et la date de la remise. Ferdinand Foch (1851-1929) aura été élevé à la dignité de maréchal de France en 1918, de Grande-Bretagne (1919) et de Pologne (1923). Pierre Kœnig (1898-1970) le sera à titre posthume en 1984.

Loïc Salmon

L’exposition « Les canons de l’élégance » (10 octobre 2019-26 janvier 2020), organisée par le musée de l’Armée, se tient aux Invalides à Paris. Elle présente environ 220 pièces, dont certaines le sont très rarement : uniformes, armes, objets, décorations, gravures, tableaux et documents. Concerts, conférences et projections de films sont aussi prévus. Renseignements : www.musee-armee.fr

Les canons de l’élégance

Exposition « Dans la peau d’un soldat » aux Invalides

Exposition “Armes et bagages” du soldat




Les canons de l’élégance

Devoir de distinction, goût du prestige, grandeur du statut guerrier et éclat du triomphe se manifestent par la beauté de la tenue du soldat, que ses décorations valorisent. L’arme, outil du combat, peut devenir œuvre d’art et même cadeau diplomatique.

« Etre élégant participe d’une forme de dissuasion, une troupe à l’allure martiale impressionne l’adversaire. Le message est puissant » (Général Thierry Burkhard, chef d’état-major de l’armée de Terre). En son temps, le général Marcel Bigeard (1916-2010) avait amélioré la coupe des treillis des parachutistes et créé la casquette qui porte son nom, renforçant ainsi leur aura. L’uniforme apprend au jeune officier à être regardé et à assumer le regard des soldats. Repéré par tous, il doit montrer l’exemple en temps de paix et surtout de guerre. Sur le terrain ou au milieu des combats, le chef militaire d’aujourd’hui se distingue difficilement, pour éviter d’être une cible prioritaire pour l’adversaire. Les moyens modernes de transmission et une position géographique adaptée lui offrent une meilleure vue d’ensemble sur le terrain, ses soldats souvent dispersés et l’ennemi. En France, l’uniforme s’est imposé par une réforme de 1662. A l’époque, le chef doit être vu en train de payer de sa personne. Il est signalé par des soldats portant bannières, étendards ou drapeaux. Ses ordres doivent être entendus par des sonneries, rapidement réglementées, ou des roulements et battements de tambour pour donner le rythme de la marche et le style de l’action. Au Moyen-Age, le roi de France cumule les fonctions de souverain et de chef militaire sur le champ de bataille. Pour éviter une crise politique majeure en cas de revers, la charge de « connétable » est instituée en 1060, donnant à un gentilhomme, devenu premier officier du royaume, délégation pour commander les armées en l’absence du roi. Au cours d’une investiture solennelle, il reçoit une épée au fourreau et au baudrier ornés de fleurs de lys, soulignant sa valeur symbolique. La dignité de connétable sera remplacée par celle de « maréchal » en 1626. Toutefois pour rappeler leur prééminence, les rois se font représenter avec une épée d’apparat au côté. Lors de l’ouverture des Etats généraux en 1789, Louis XVI en porte une décorée de diamants. En 1798, le Directoire réglemente l’uniforme des chefs militaires et généralise le don d’armes d’honneur comme « récompense nationale ». En 1804, Napoléon reçoit de Suède un sabre richement ouvragé, rappelant ses exploits militaires en Europe et en Egypte, comme jeune général puis Premier consul. L’empereur l’emporte à Sainte-Hélène en 1815 et, à sa mort, le confie au général Bertrand, qui le remettra à Louis-Philippe en 1840. Le maréchal Joffre, quoiqu’écarté des responsabilités militaires en 1916, jouit d’une réputation internationale intacte. Elle se manifeste par les épées d’honneur qu’il reçoit au cours de ses voyages aux Etats-Unis en 1917, à Paris et Perpignan en 1919, en Roumanie, en Serbie, au Portugal et en Espagne en 1920, en Indochine, au Siam, au Japon, en Corée et en Chine en 1921. L’ambassadeur d’Argentine lui offre un sabre en 1922. Les armes à feu de luxe deviennent aussi objet de cadeaux. Ainsi, le Premier consul distribue des fusils d’honneur avant de créer, en 1802, l’ordre national de la Légion d’honneur. Son neveu, Napoléon III, institue la Médaille militaire en 1852, réservée aux sous-officiers et…aux maréchaux de France ayant commandé en chef au feu.

Loïc Salmon

« Les canons de l’élégance », ouvrage collectif. Editions Faton et Musée de l’Armée, 384 pages, 49 €

Exposition « Les canons de l’élégance » aux Invalides

Histoire des décorations

Une certaine idée de la France…et du monde




Exposition « Le Chant des partisans » aux Invalides

Hymne de la Résistance française créé en 1943, le Chant des partisans suscite la marche et la mobilisation, conformément au souhait de sa compositrice Anna Marly.

Il sert d’abord d’indicatif à Honneur et Patrie, émission de radio de la France libre, diffusée par la BBC et à destination de la Résistance intérieure. Sifflée, sa mélodie échappe aux brouillages allemands. Quoiqu’inspiré par la lutte des partisans soviétiques à Smolensk contre la Wehrmacht en 1941, ce chant a été réalisé par…des « Russes blancs » réfugiés à Londres. Anne Marly (photo) compose et écrit, dans sa langue maternelle, une première version intitulée La marche des partisans. De son vrai nom Anna Betoulinskaïa (1917-2006), elle naît à Petrograd en état d’insurrection lors de la révolution bolchevique, émigre en France en 1921. Passée par le Conservatoire de Paris, elle devient chanteuse de cabaret en s’accompagnant de sa guitare et prend le nom de scène de Marly. Pendant la seconde guerre mondiale, elle gagne Londres et s’engage comme cantinière dans les Forces françaises libres puis au Théâtre aux armées. Elle fait la connaissance d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie (1900-1969), officier de Marine puis journaliste. Ce dernier écrit la Complainte du partisan sur la musique d’Anna Marly et demande à Joseph Kessel de transcrire en français les paroles du Chant des partisans, en vue d’une diffusion clandestine en France. Joseph Kessel (1898-1979), dont les parents sont originaires de la Russie impériale, est né en Argentine. Engagé dans l’aviation lors de la première guerre mondiale, il rejoint les Forces aériennes françaises libres pendant la seconde. En avril 1943, Kessel se met au travail avec son neveu Maurice Druon (1918-2009), futur écrivain à succès et qui s’est évadé de France en 1942 avec lui pour rejoindre Londres, où il travaillera pour l’émission Honneur et Patrie. Pendant la rédaction du chant, son oncle lui déclare : « C’est peut-être tout ce qu’il restera de nous deux ». La chanteuse Germaine Sablon (1899-1985), compagne de Kessel, l’enregistre le 31 mai 1943. Pour sa diffusion, un document dactylographié précise les instructions sur le rythme et l’anonymat de ses auteurs…afin de laisser croire qu’il surgit du maquis de la France occupée. Ensuite, il sera repris, imité et arrangé à de multiples reprises par divers artistes ou groupes, dont il est possible d’écouter les interprétations dans le cadre de l’exposition. Ainsi, celle des Chœurs de l’Armée rouge donne l’impression d’une troupe qui s’avance puis disparaît dans la nuit. Germaine Sablon le chante avec des accents guerriers. Johnny Halliday alterne chant et paroles prononcées d’un ton martial. La Complainte du partisan connaît un grand succès après la guerre et devient célèbre dans le monde anglophone, grâce à la version de Leonard Cohen (1969) reprise par Joan Baez. En France, à partir de 1962, le Chant des partisans devient obligatoire dans les écoles comme les hymnes révolutionnaires, à savoir la Marseillaise (1792) et le Chant du départ (1794). Il est encore joué lors de cérémonies officielles.

Loïc Salmon

L’exposition « Le chant des partisans » (7 octobre 2019-5 janvier 2020) est organisée par et dans le musée de l’Ordre de la Libération aux Invalides à Paris. Elle présente des photographies, documents, objets et archives sonores. L’ensemble provient des collections du musée de l’Armée, de celui de la Légion d’honneur et des ordres de la chevalerie, de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) et du réalisateur audiovisuel Georges Mourier.

(www.ordredelaliberation.fr)

Exposition « De l’Asie à la France libre » aux Invalides

Nouvelles histoires extraordinaires de la Résistance

Femmes dans la Résistance




Exposition « Eisenhower-De Gaulle » aux Invalides

Deux généraux contemporains, l’Américain Dwight Eisenhower (1890-1969) et le Français Charles de Gaulle (1890-1970), ont vu leur destin se croiser pendant la seconde guerre mondiale, puis au cours de leur carrière politique à la tête de leur pays.

Le jeune Charles ressent très tôt une vocation militaire et entre à Saint-Cyr en 1909. La même année, Dwight, qui travaille pour financer son entrée à l’université, apprend qu’elle est gratuite pour les écoles d’officiers et sera admis à l’Académie militaire de West Point en 1911. Tous deux sortis de leur école sous-lieutenant, de Gaulle en 1912 et Eisenhower en 1915, sont frustrés des combats de la Grande Guerre. Blessé plusieurs fois puis capturé en mars 1916 à Douaumont, le premier reste prisonnier en Allemagne jusqu’à l’armistice de 1918. Le second, instructeur aux Etats-Unis, n’obtient pas d’affectation sur le front européen. Le retour à la paix leur permet des affectations à l’étranger : de Gaulle en Pologne (1919-1921), en Allemagne (1927-1929) et au Liban (1929-1931) ; Eisenhower au canal de Panama (1922-1924), à Paris (1929) et aux Philippines (1933). Tous deux commencent une carrière d’écrivain militaire et préconisent l’arme blindée, pour éviter l’enlisement des tranchées. En 1929, Eisenhower profite de son affectation à Paris pour parcourir l’Europe, mais surtout les zones des combats de 1914-1918 en France, afin de réviser le « guide de la Commission des champs de bataille américains en Europe ». Persuadé d’une reprise de la guerre avec l’Allemagne, de Gaulle publie une analyse de sa défaite dans « La discorde chez l’ennemi » (1924) et plaide pour une armée professionnelle (effective en 2002 !) dans « Le fil de l’épée » (1932), « Vers l’armée de métier » (1934) et « La France et son armée (1938). La hiérarchie militaire n’apprécie guère leurs idées avant-gardistes et Eisenhower risque même la… cour martiale ! La seconde guerre mondiale les trouve généraux. En 1942, malgré l’inexpérience des troupes américaines, Eisenhower commande, avec succès, le débarquement des Alliés en Afrique du Nord. En 1943 à Alger, il rencontre de Gaulle, entré en politique depuis l’appel du 18 juin 1940. Contre l’avis de son gouvernement, il reconnaît les qualités d’homme d’Etat du chef de la France combattante soutenu par la Résistance intérieure, lequel apprécie sa valeur militaire et son sens de la diplomatie. Cette estime réciproque perdurera jusqu’à la fin de leur vie. En 1944, à la demande du chef de la France libre, le commandant en chef des forces armées en Europe accepte d’engager une division française au débarquement en Normandie et d’envoyer la 2ème DB libérer Paris. Tous deux exerceront deux fois la magistrature suprême : de Gaulle comme chef du gouvernement provisoire (1944-1946) et président de la République (1959-1969) ; Eisenhower comme président des Etats-Unis (1953-1961). Après l’avoir fait « compagnon de la Libération » (photo) en 1945, de Gaulle avait remis à Eisenhower une épée ayant appartenue…au général Bonaparte ! Trois autres Américains, engagés dans la France libre, seront faits compagnons de la Libération : John Hasey (1916-2005) qui fera carrière à la CIA ; l’acteur de cinéma Jacques Tartière (1915-1941), qui sera tué en Syrie ; l’ambulancier James Worden (1912-2004).

Loïc Salmon

L’exposition « Eisenhower-De Gaulle » (1er juin-29 septembre 2019), organisée par le musée de l’Armée, la Fondation Charles de Gaulle et la Eisenhower Presidential Library, se tient aux Invalides à Paris. (www.musee-armee.fr)

Une certaine idée de la France…et du monde

Les Français du jour J

Leclerc, du héros de guerre au diplomate




Exposition « 7 millions ! Les soldats prisonniers dans la Grande Guerre » à Verdun

La mobilisation massive de soldats pendant la première guerre mondiale a entraîné un nombre considérable de prisonniers. Utilisés par l’adversaire comme main d’œuvre de remplacement, ils deviennent un enjeu de propagande pour démontrer la « barbarie de l’ennemi », que l’action humanitaire de la Croix-Rouge tente de réduire.

La capture. Entre 1914 et 1918, les estimations s’établissent à environ un prisonnier pour dix hommes mobilisés, soit : 2,3 millions de Russes ; 2 millions d’Austro-Hongrois ; 1,2 million d’Allemands ; 530.000 Français et « coloniaux » ; 500.000 Italiens ; 230.000 Turcs ; 225.000 Roumains ; 192.000 Britanniques ; 160.000 Serbes ; 45.000 Belges ; 7.500 Portugais ; 4.000 Australiens ; 2.500 Américains. Les phases de mouvements de la guerre en 1914 puis en 1918, avec encerclement d’unités et prises de forteresse, facilitent les captures massives de soldats ennemis. Ainsi en août 1914, l’armée impériale allemande fait prisonniers 90.000 Russes à la bataille de Tannenberg et 50.000 Français à celle de Maubeuge. L’année suivante, l’armée russe capture 117.000 Austro-Hongrois à la bataille de Przemysl. A partir du 15 juillet 1918, les Allemands, épuisés, se rendent en grand nombre aux forces alliées. Les redditions en masse font l’objet de communiqués de victoire, avec une large diffusion de photos de prisonniers. La longue guerre de tranchées d’octobre 1914 à mars 1918 donne lieu à des coups de mains, souvent nocturnes, pour ramener des prisonniers, acte valorisant récompensé par une citation ou une médaille selon l’importance des informations obtenues sur l’ennemi. Dans l’armée française, la recherche du renseignement opérationnel par interrogatoire relève de la compagnie d’infanterie (photo). Chaque capitaine dispose d’un questionnaire type : infanterie (organisation, armement et tactiques de petites unités) ; artillerie ; mines ; pionniers ; cavalerie ; aviation ; service de santé ; transports ; spécialités ; emploi et effets des gaz ; recrutement. Pour le prisonnier, à la peur du premier contact direct avec l’ennemi, qui le tient à sa merci lors de sa capture, succède le soulagement de pouvoir quitter le champ de bataille, en vie, et donner des nouvelles à sa famille.

L’internement. Le transit d’un lieu de rassemblement provisoire vers le camp définitif s’effectue à pied et devant la population ennemie. Ces camps regroupent des civils (hommes, femmes et enfants) mêlés aux soldats de diverses nationalités, à savoir Allemands, Hongrois, Slaves et Ottomans en Russie et Anglais, soldats de l’armée des Indes, Serbes, Belges, Russes, Tatares, Français et soldats des colonies d’Afrique noire et du Maghreb, qui parfois sympathisent. Les traitements des captifs sont modulés selon ceux administrés par leur propre pays aux prisonniers de leur Etat détenteur. La pénurie de travailleurs partis au front incite les pays belligérants à employer les prisonniers, d’autant plus que la Convention de La Haye (1907) considère la mise au travail comme un droit du soldat ou sous-officier captif, qui peut rompre son désœuvrement. Quoique soient exclus les travaux trop pénibles ou en rapport avec les opérations de guerre, un tiers des prisonniers russes en Autriche-Hongrie sont affectés à des travaux militaires. Une captivité, parfois longue de plusieurs années, éloigne l’espoir d’une libération prochaine et instaure l’incertitude sur l’avenir et l’ennui, ajoutés aux restrictions et à la faim. Camaraderie, foi religieuse et travail convenablement adapté permettent d’échapper à la dépression. Non-assujettis au travail, les officiers souffrent davantage de l’ennui. Pour rythmer le temps, des cycles de conférences, des troupes de théâtre, des chorales ou des orchestres sont organisés. La propagande raille le prisonnier « ennemi », considère le prisonnier « ami » comme un martyr et exalte « l’évadé », figure de la résistance. L’évasion s’avère périlleuse car, outre les obstacles constitués par la clôture et la surveillance du camp, il faut passer inaperçu dans un environnement ennemi et survivre en quasi-autonomie avant d’atteindre un pays neutre ou ami. La mort frappe aussi dans les camps de prisonniers, mais de façon différenciée selon les conditions et la durée de la détention. Le taux de mortalité atteint 17,6 % en Russie, 7 % en Autriche-Hongrie, 5,3 % en France et seulement 4 % en Allemagne, mais essentiellement parmi les Russes, Italiens, Serbes et surtout les Roumains (28,6 % du total). Travaux et transferts épuisants ou près du front, isolement et absence de soutien du pays d’origine fragilisent les captifs. Roumanie et Serbie, occupées, ne peuvent aider leurs prisonniers. La Russie déconsidère et néglige les siens. L’Italie refusant l’organisation de tout secours à partir de 1917, un prisonnier italien sur six meurt en captivité.

Le soutien. Dès août 1914, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) crée l’Agence internationale des prisonniers de guerre (AIPG) pour organiser un service du courrier avec des exigences particulières selon les pays, qui encadrent la correspondance des familles vers leurs prisonniers. Outre le maintien du lien familial, ceux-ci en profitent pour demander des colis de vivres et d’effets personnels. De plus, le CICR, des délégués des Etats neutres et d’organismes internationaux ainsi que certaines personnes bien introduites auprès des gouvernements visitent les camps, souvent très dispersés, contrôlent les conditions de captivité et facilitent les rapatriements sanitaires. En 1918, 2,8 millions de militaires étaient détenus en Allemagne, 2,2 millions en Russie, 1,8 million en Autriche-Hongrie, 350.000 en France, 328.000 en Grande-Bretagne, 60.000 en Bulgarie, 43.000 aux Etats-Unis, 35.000 en Turquie et 4.700 au Japon. L’AIPG centralise les informations sur les prisonniers de guerre, afin de pouvoir rétablir le contact avec leurs proches. Des centaines de volontaires classent plus de six millions de fiches par nationalité, puis par ordre alphabétique des noms propres de façon phonétique, pour tenir compte des variantes orthographiques possibles. Les informations proviennent des bureaux de renseignements des pays de la captivité ou de la disparition ou même directement des familles. Faute d’information, l’AIPG ouvre une enquête.

Le rapatriement. Pour les prisonniers, le calendrier des libérations s’échelonne entre 1918 et…1922 pour ceux des pays de l’Est de l’Europe, en raison des situations et enjeux politiques. Aux séquelles psychologiques de la captivité, s’ajoutent la défiance de leurs compatriotes en Autriche, Italie, Russie et dans les pays d’Europe centrale.

Loïc Salmon

L’exposition « 7 millions ! Les soldats prisonniers dans la Grande Guerre » (26 juint-20 décembre 2019) est organisée par le Mémorial de Verdun-champ de Bataille et le Comité international de la Croix-Rouge. Elle présente les conditions de captivité des soldats des différents pays belligérants par des photos, documents, dessins, objets et projections audiovisuelles. Cette exposition s’accompagne de conférences, concerts, films et d’une journée commémorative (11 novembre) consacrée à l’écrivain Maurice Genevoix, auteur de « Ceux de 14 ». Renseignements : www.memorial-verdun.fr

Grande Guerre : le camp de représailles de Flabas

Exposition « A l’Est, la guerre sans fin 1918-1923 » aux Invalides

Exposition « Images interdites de la Grande Guerre » à Vincennes




Armement : exposition virtuelle de 50 ans d’innovations

A l’occasion de son cinquantenaire, le Corps de l’armement a mis en ligne, sur internet, une exposition permanente sur les innovations dans les grands programmes qui ont contribué à la souveraineté de la France.

Accessible depuis mars 2019 et réalisée par la Confédération amicale des ingénieurs de l’armement et le Conseil général de l’armement, cette exposition a été présentée, le 22 mai 2019 à Paris, par Stéphanie Dameron, professeur à l’Université Paris-Dauphine, et les ingénieurs généraux (2S) de l’armement Alain Crémieux et Pierre-André Moreau.

Audace technique. Les grands projets, pilotés par des ingénieurs de l’armement, ont parfois profité aux programmes civils. Avec leur histoire écrite par certains responsables au sein de l’Etat ou de l’industrie, sont ainsi présentés : le porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle ; l’avion supersonique Concorde, aujourd’hui retiré du service ; le Mirage IV, atout maître des forces aériennes stratégiques ; le canon automoteur de 155 mm Caesar aérotransportable, outil des opérations extérieurs (photo) ; l’hélicoptère d’attaque franco-allemand Tigre, déployé en Afghanistan (2001-2014), Libye (2011) et Mali (2013) ; le sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) de nouvelle génération Le-Triomphant ; l’avion de combat Rafale et ses systèmes d’armes qui ont remplacé sept types d’appareils en service dans l’armée de l’Air et la Marine nationale ; l’Airbus A380, un paquebot du ciel peut-être en avance sur son temps. La thématique de l’espace est aussi abordée. Enfin, le site devrait s’enrichir d’autres grands projets au fil des années.

Objectifs. Cette exposition numérique vise d’abord à inciter les jeunes générations de diplômés scientifiques à travailler dans l’armement, indique Stéphanie Dameron. Elle retrace les grands programmes, où prouesses technologiques et engagements politiques ont permis la dissuasion nucléaire et le maintien de la paix. Certains d’entre eux, connus du grand public, ont exercé un impact socio-économique et gardé la maîtrise de leurs coûts. Les industries de l’aéronautique et de la construction navale, développées sur le territoire national, continuent d’exister. En complément, ingénieurs et personnels opérationnels témoignent de leur expérience.

Réorganisation. En pleine guerre froide (1947-1991), rappelle Alain Crémieux, la France fait exploser sa première bombe atomique en 1960 dans le désert du Sahara puis une bombe thermonucléaire en 1968. Cette date marque aussi la création de la Délégation ministérielle pour l’armement, qui deviendra l’actuelle Direction générale de l’armement, et du Corps de l’armement regroupant les ingénieurs militaires de six domaines (terre, air, mer, télécommunications, poudres et hydrographes). Les motivations sont d’abord d’ordre technique (armes nucléaires et engins stratégiques) puis tactique (armes antichar) avec l’électronique et l’informatique. S’y ajoute la nécessité de regrouper les armées et l’armement autour d’un seul ministre. En 1968, les Etats-Unis n’imaginaient pas que la France puisse construire des SNLE.

Synthèse. Les innovations des programmes ont résisté jusqu’en 2019, souligne Pierre-André Moreau. En outre, l’exposition numérique se veut objective en termes d’emploi et de « vie » de certaines activités. Un étudiant conclut : « Quand on pense innovations, on pense aux startups. Quand on travaille dans la défense, on a l’impression de contribuer à quelque chose de grand. »

(www.armement-innovations.fr)

Loïc Salmon

Défense : l’AID, interlocutrice des porteurs d’innovation

DGA : valoriser l’audace et l’innovation de terrain

Marine : obligation permanente d’innover pour rester performante