D’Artagnan est le personnage de l’Histoire de France le plus connu à l’étranger après Jeanne d’Arc et Napoléon… grâce à Alexandre Dumas !
Selon une étude de l’UNESCO, ce dernier est le 13ème auteur le plus traduit dans le monde et le 2ème auteur français après Jules Verne. Mais, quelquefois l’Histoire dépasse la fiction, comme le montre l’exposition du musée de l’Armée sur les mousquetaires.
Les « vrais » mousquetaires. En 1622, Louis XIII, en guerre contre les protestants, détache 50 hommes de la compagnie des chevau-légers de sa garde pour former une unité indépendante. Quoique cavaliers, ils sont armés d’une arme lourde utilisable seulement à pied, le « mousquet » qui donnera son nom à l’unité. Ils portent la casaque bleue ornée de croix à fleurs de lis, signe d’appartenance à la « Maison du Roi » et qui provoquera la panique chez l’ennemi. Les 2 compagnies de mousquetaires constituent en effet de véritables troupes de choc. Lors du siège d’une ville fortifiée, après des travaux de sape, un déluge d’artillerie s’abat sur les murs pour provoquer une brèche, par où elles s’engouffrent l’épée à la main. Différente de l’épée de duel dont la fine lame, faite pour l’estoc (coup par la pointe), se brise facilement, l’épée de guerre, plus lourde permet de frapper également de taille (par le tranchant de la lame). Sa longueur la rend difficile à manipuler, mais donne une allonge avantageuse. Le « capitaine » des mousquetaires est par définition le Roi, qui délègue ses fonctions à un « capitaine-lieutenant », qui « tient lieu » de capitaine. Une noble naissance et la décision du Roi conditionnent l’entrée dans ce corps. Le capitaine-lieutenant, choisi lui-même pour sa fidélité, recrute de très jeunes gens (15-16 ans !) parmi sa famille ou celles de ses amis. Faute d’une véritable école d’officiers, les compagnies leur offre une formation militaire et les initie à la discipline et aux violences du combat. Les jeunes mousquetaires apprennent à obéir et commander, pratiquent l’équitation, l’escrime et la danse et reçoivent, parfois, une formation aux lettres et aux mathématiques. S’ils survivent aux missions périlleuses de leur unité en temps de guerre, les meilleurs peuvent prétendre à un commandement dans l’armée royale. Toutefois, pour ne pas priver l’armée de ses futurs cadres, les mousquetaires sont relayés, à partir de 1676, par les grenadiers à cheval de la Maison du Roi qui, comme eux, interviennent désormais au premier rang lors des sièges. Dès 1659, par ordre de Louis XIV, les mousquetaires deviennent les premiers soldats de l’armée royale à bénéficier d’une caserne à Paris, où leur discipline accroît leur prestige dans la population. En revanche, les « Gardes françaises », logées chez l’habitant, ont très mauvaise réputation par suite de leurs exactions. Lors du siège de Mons en 1691, un détachement de mousquetaires subit de lourdes pertes à cause de sa témérité. Puis le Roi cesse de venir aux armées et n’engage les compagnies que rarement. Au XVIIIème siècle, leurs missions consistent surtout en un service de garde et de prestige auprès du souverain. En 1775, par mesure d’économie, Louis XVI supprime les compagnies de mousquetaires. Brièvement rétablies par Louis XVIII après la chute du Premier Empire, elles disparaissent définitivement en 1816. Le seul « vrai » mousquetaire d’Alexandre Dumas s’appelle Charles Ogier de Batz, originaire de Gascogne et entré en 1633 (à 21 ans) dans une compagnie sous le nom de sa mère, D’Artagnan. Licencié comme les autres en 1646, il entre au service du cardinal … Mazarin ! Fidèle au Roi et au cardinal pendant la Fronde, il sera chargé par la suite de missions délicates et recevra des attributions civiles. Capitaine-lieutenant de la première compagnie de mousquetaires en 1667, il meurt au siège de Maastricht en 1673. Louis XIV dira de lui : « J’ai perdu D’Artagnan en qui j’avais toute confiance et m’était bon à tout ». Enfin, sans le savoir, Dumas rencontrera l’un des derniers mousquetaires en 1824 : le peintre Théodore Géricault, qui s’était engagé en 1814 et avait accompagné Louis XVIII jusqu’à Béthune au début des Cent Jours.
La légende. Alexandre Dumas crée l’archétype d’un héros militaire, rétif à la discipline, méprisant le danger et fidèle à son maître… mais relate aussi le déclin de la noblesse combattante au profit de la noblesse de cour. Sa trilogie historique est d’abord publiée sous forme de feuilleton dans le journal Le Siècle et en coopération avec Auguste Maquet, historien de formation. L’ouvrage « Les trois mousquetaires » est achevé en 1844, « Vingt ans après » en 1845 et « Le vicomte de Bragelonne » en 1847. Malgré quelques tricheries avec l’Histoire, Dumas a réussi à restituer l’esprit du Grand Siècle en emmenant le lecteur dans le cabinet de travail du cardinal de Richelieu, au siège de La Rochelle,0 dans les résidences du surintendant Fouquet et la cellule du « Masque de fer », ce mystérieux prisonnier dont l’identité présumée continue de faire couler beaucoup d’encre. L’intrigue, authentique, des « ferrets » de la Reine Anne d’Autriche cache en réalité une affaire d’espionnage international. En revanche, pour le reste, Dumas laisse libre cours à son imagination et à son parti-pris. Il représente Louis XIII comme un souverain falot, manipulé par son ministre, le cardinal de Richelieu. Or ce monarque, passionné par la chose militaire dès son enfance, a réalisé une collection d’armes à feu, dont a hérité le musée de l’Armée, et a passé plus de temps dans les camps et les bivouacs que dans ses palais. Richelieu est d’abord caricaturé et diabolisé dans « Les trois mousquetaires ». Dumas reprend ainsi à son compte la légende noire, élaborée dès le XVIIème siècle par les opposants ou les victimes de la politique du cardinal et relayée par les écrivains romantiques du XIXème. Il faut attendre « Le vicomte de Bragelonne » pour que Richelieu soit reconnu comme soucieux, avant tout, du bien de l’État. Mazarin, très maltraité dans « Vingt ans après », a pourtant dirigé le royaume avec la régente Anne d’Autriche pendant 17 ans de périodes troublées. Ceci dit, le succès des romans sera amplifié par le théâtre dès 1845 et le cinéma en 1909. S’il n’existe aucun portrait authentique de D’Artagnan, les nombreux acteurs français et étrangers, qui l’ont incarné à l’écran, lui ont donné une célébrité mondiale. Un autre « cadet de Gascogne » fera aussi parler de lui au théâtre sous le nom de « Cyrano de Bergerac », pièce d’Edmond Rostand créée en 1897 et encore jouée aujourd’hui.
Loïc Salmon
L’exposition « Mousquetaires » (2 avril-14 juillet) se tient aux Invalides à Paris. Elle rassemble armes, vêtements, livres, documents, tableaux et gravures, dont une représentant la comtesse anglaise qui a inspiré le personnage de « Milady ». Figurent aussi les lourdes armures du cardinal de Richelieu et de Louis XIII, à l’épreuve des balles de mousquet. Outre le catalogue de l’exposition, sont notamment prévus des concerts (26 mai, 10 juin et 24 juin) et un cycle cinématographique d’œuvres françaises et américaines sur le thème des légendaires mousquetaires depuis 1920 jusqu’à « La fille de D’Artagnan » en 1994 (25 mai et 1er-6 juin). Renseignements : www.musee-armee.fr