1870, 1914 et 1940, dates des guerres récentes entre la France et l’Allemagne, font suite à mille ans de démêlés avec des périodes d’entente et de méfiance.
Fondus à l’origine dans l’Empire romain d’Occident de Charlemagne englobant une grande partie de l’Europe actuelle, ces deux pays émergent, par le traité de Verdun de 843 entre ses trois petits-fils qui se répartissent l’héritage. La Francie occidentale échoit à Charles II dit le Chauve, la Francie orientale à Louis dit le Germanique, et la Francie médiane à Lothaire qui lui donnera le nom de Lotharingie altérée en Lorraine, pomme de discorde entre les deux autres…dès 911 ! Les trois frères sont reconnus rois des Francs, mais Lothaire, l’aîné, est élu empereur. En 875, Charles l’est à son tour. En 946, la Francie occidentale devient officiellement la France, dont les rois parviennent à instaurer un régime héréditaire. En Francie orientale, l’élection par les représentants de la multitude de petits royaumes, principautés et villes perdure jusqu’au XVème siècle. Quant aux symboles, la France impose le lys dès le sacre de Philippe II Auguste en 1179, pour se démarquer de l’aigle impériale, adoptée par Frédéric 1er Barberousse en 1155. A trois reprises, un souverain français tente d’obtenir la couronne impériale. En 1273, Philippe III le Hardi perd contre Rodolphe de Habsbourg. En 1308, Philippe IV le Bel propose son frère Charles de Valois, auquel est préféré Henri de Luxembourg. En 1519, François 1er est battu par l’archiduc d’Autriche Charles de Habsbourg, qui prend le nom de Charles-Quint et réalise le rêve d’un grand royaume européen de son arrière-grand-père Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. A chaque fois, les électeurs allemands, dont le nombre se réduit progressivement à sept, choisissent un candidat germanophone car la langue constitue un élément fédératif. De même en France, les grands seigneurs ni le peuple n’acceptent un souverain étranger. La monarchie héréditaire permet aux rois de France de poursuivre des objectifs sur une longue période, contrairement aux empereurs d’Allemagne jusqu’à Charles-Quint. Le français ne devient langue administrative qu’en 1454, pour réduire les conflits d’interprétation. Même si la « loi salique » exclut les femmes de la couronne de France, l’élection apporte la certitude que le gouvernement du « Saint-Empire romain germanique » demeure exclusivement masculin. Cette appellation ne signifie pas la partie de l’Empire peuplée d’Allemands, mais proclame que l’Empire appartient aux Allemands. Le nationalisme en Allemagne résulte de la réaction à la dilution de l’autorité de l’État central et non pas de son accroissement comme en France. Il renaîtra à plusieurs reprises jusqu’en 1945. Les guerres de religion du XVIème siècle cessent dans l’Empire avec le traité de paix d’Augsbourg en 1555, qui garantit la liberté de culte, mais durent en France jusqu’à l’édit de Nantes de 1598. Sa révocation, par Louis XIV en 1685, provoque un exil massif de protestants français ayant un haut niveau d’éducation ou de savoir-faire vers l’Empire, l’Angleterre, les Pays-Bas et la Suisse. Ils y répandent aussi l’usage du français parmi les classes aisées. Mais les sacs du Palatinat allemand (1674 et 1688) par ses armées détériorent durablement l’image de France. Celle-ci acquiert l’Alsace par le traité de Ryswick (1697) puis la Lorraine, héritage du beau-père de Louis XV, par celui de Vienne (1738). La Révolution de 1789 suscite curiosité et sympathie en Allemagne, mais peu d’imitateurs. En 1806 après sa victoire d’Iéna sur la Prusse, Napoléon, nouveau successeur de Charlemagne, remplace le Saint-Empire par la Confédération des États du Rhin. Sa défaite à Waterloo en 1815 est due à l’attaque surprise du général prussien Blücher, qui a voulu ensuite détruire le pont d’Iéna à Paris. Il en a été dissuadé par l’arrivée de Louis XVIII sur le pont et l’insistance du général anglais Wellington !
Loïc Salmon
« Quand le lys affrontait les aigles », par Daniel de Montplaisir. Mareuil Éditions, 392 pages. 20 €
Expositions « Comme en 40 » et « 1940 ! Paroles de rebelles » aux Invalides