Service de santé : IRBA, avoir un temps d’avance sur l’épidémie

L’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) participe à la préservation de la santé des militaires en opérations extérieures (Opex) par son expertise en matière de maladies infectieuses.

Le médecin chef des services Jean-Nicolas Tournier, chef de la division défense NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique), l’a expliqué à la presse le 21 septembre 2023 à Paris.

Crises sanitaires. En 1918, le virus H1N1, connu sous le nom de grippe espagnole, a tué plus de 20 millions de personnes. En 1957, est survenu le virus H2N2 ou grippe asiatique, suivi en 1968 du H3N2 ou grippe de Hong-Kong. Au début du XXème siècle, arrivent d’autres virus, dont le risque est pris en compte par les armées : SARS-coronavirus en 2003 ; Chikungunya en 2005 ; H1N1 ou grippe porcine en 2009 ; MERS-covid en 2012 ; Ébola en 2015 ; Zika en 2016 ; covid-19 en 2019. Les virus de la Chikungunya, du Zika et de la dengue, appelés « arbovirus », sont transmis par les moustiques. La dengue menace entre 2 milliards et 3,7 milliards de personnes. Elle a déjà causé 2.000 morts en France, où 883 cas ont été détectés entre 15 mai et le 15 septembre 2023. Le paludisme, également transmis par les moustiques, tue encore 500.000 personnes par an. Ce parasite, découvert par le médecin militaire Alphonse Laveran, premier prix Nobel français de médecine en1888, a causé plus de 5.000 morts parmi les troupes françaises lors de l’expédition de Madagascar en 1895, contre 25 tués au combat. Aujourd’hui, le réchauffement climatique élargit le domaine d’infection virale et le transport aérien en facilite la diffusion, notamment celle du covid-19. L’IRBA travaille sur les maladies virales, très difficiles à détecter et qui prennent une forme asymptomatique. Ainsi, des patients porteurs du virus ne présentant aucun symptôme ne se savent pas infectés.

« Piège à moustiques ». Très peu d’arbovirus ont été découverts chez les moustiques, mais beaucoup dans leurs déjections. Partant de cette observation scientifique, deux jeunes chercheurs de l’IRBA, récompensés par le prix de l’Audace en 2022, l’ont appliquée à la surveillance de ces maladies virales en capturant et gardant en vie des moustiques pour récupérer leurs déjections. Ces moustiques constituent un échantillon de l’environnement facile à transporter et ne nécessitant pas de compétence particulière en entomologie. Des tests ont été effectués en Camargue et au Mali en 2020 et à Djibouti et en Gironde en 2023. Un virus a été identifié en 1937 en Ouganda dans la sous-région du Nil occidental. Transmis par les moustiques, il se reproduit chez les oiseaux, notamment migrateurs, et infecte les chevaux et même les hommes, dont 80 % sont asymptomatiques. Seuls les plus fragiles, soit 1 %, peuvent souffrir de maladies neurologiques comme la méningite ou l’encéphalite. Cet outil dénommé « projet MX », souligne le médecin chef des services Tournier, permet de savoir ce qui se passe en matière de maladies virales avec leurs conséquences importantes sur les forces armées françaises déployées en Opex dans des territoires en zone tropicales, où circulent les arbovirus. Des infections par arbovirus ont été détectées sur le territoire métropolitain. L’évaluation du projet MX se poursuit dans les armées pendant les Opex.

Autres axes de recherche. L’IRBA développe des programmes de recherche centrés en priorité sur le combattant, placé au cœur de la capacité de défense, avec des retombées pour la santé publique. Parmi eux, l’un porte sur les réponses adaptatives aux environnements extrêmes, dont les milieux d’emploi subaquatique et aéronautique et les climats contraignants. Un autre concerne la prévention des conséquences de la fatigue et la gestion du rythme veille-sommeil. Un troisième programme porte sur la neurobiologie des états de stress et la prévention de leurs conséquences. Un quatrième concerne la médecine régénérative, à savoir la thérapie cellulaire et la réparation tissulaire.

Loïc Salmon

Service de santé : renforcement des capacités biomédicales

Service de santé : culture du retour d’expérience en opération extérieure

Service de santé : garantir au mieux la survie des blessés

 




Plan d’accompagnement des blessés 2023-2027

Dans le cadre d’un conflit de haute intensité, le Plan d’accompagnement des blessés pour la période 2023-2027 vise à s’inscrire dans la culture des forces morales, indispensable aux armées.

Il a été présenté le 10 mai 2023 à Paris par Patricia Miralles, secrétaire d’État auprès du ministre des Armées chargée des anciens combattants et de la mémoire.

« La capacité de notre ministère à ne laisser personne sur le borde de la route, dit-elle, à accompagner ses combattants d’hier et d’aujourd’hui, quelle que soit leur situation, est un gage pour leur engagement à long terme dans nos forces. Une armée qui ne prendrait pas soin de ses blessés ne saurait être une armée prête à répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain. » Ce Plan d’accompagnement des blessés 2023-2027 est mis en œuvre conjointement par l’État-major des armées, le Secrétariat général pour l’administration, les états-majors d’armée, les directions et services interarmées et les établissements publics concernés du ministère des Armées.

Droits et simplification administrative. La loi Brugnot, dite « jurisprudence Brugnot », permet aux militaires d’obtenir réparation pour les préjudices subis pendant l’exercice de leurs fonctions. Elle prend en charge les blessures et maladies que leur pension militaire d’invalidité (PMI) ne va pas couvrir. Grâce à elle, même les militaires qui ne bénéficient pas d’une PMI peuvent demander une indemnisation pour les préjudices subis. Le Plan d’accompagnement des blessés 2023-2027 prévoit six mesures spécifiques pour faciliter l’accès aux droits. La première concerne la demande unique pour une PMI-Brugnot avec possibilité de faire la démarche sur papier ou en ligne pour simplifier l’expertise, afin de la rapprocher d’une expertise unique à terme. La deuxième met en œuvre un « coffre-fort numérique » pour pouvoir déposer, stocker et retrouver les pièces justificatives. La troisième mesure consiste à instruire systématiquement le renouvellement d’une PMI arrivée à échéance, sans solliciter une démarche formelle. La quatrième met en œuvre un dispositif de réparation intégrale pour les militaires blessés du fait d’un évènement de guerre ou lors d’une mission opérationnelle. La cinquième mesure porte sur la mise en place du site internet « Maison numérique des blessés et de leur famille » pour centraliser l’information sur tout le parcours administratif et de reconstruction et de donner la possibilité, à terme, de réaliser l’ensemble des démarches en ligne. La sixième qualifie de « maladie professionnelle » certaines pathologies déclenchées à partir d’un volume ou d’une durée d’activités particulières comme les sauts en parachute ou les plongées sous-marines.

Reconstruction et accompagnement. Le Plan d’accompagnement des blessés 2023-2027 prévoit six autres mesures pour les militaires concernés et leur famille. La première met en œuvre le « village des blessés », pôle de réhabilitation de l’Institution nationale des Invalides, et ouvre dix « maisons Athos » pour les blessés psychiques, dont au moins une en Outre-mer, pour offrir un maillage territorial complet. La deuxième mesure vise à faciliter l’attribution de la « majoration tierce personne », dès que les infirmités pensionnées sont la cause déterminante du besoin d’assistance. La troisième renforce la sensibilisation de tous, surtout les commandants d’unités et les familles, sur le syndrome de stress post-traumatique. La quatrième mesure a pour ambition d’augmenter la part des blessés dans les emplois réservés des forces armées et de renforcer l’action de l’agence de reconversion professionnelle « Défense mobilité ». La cinquième enclenche le financement des prothèses de sport à but exclusivement sportif et autres équipements sportifs en faveur des titulaires de PMI. La sixième mesure vise à développer les dispositifs d’accueil des familles éprouvées, comme les « maisons des familles » au sein des hôpitaux d’instruction des armées.

Loïc Salmon

Service de santé : garantir au mieux la survie des blessés

Blessés psychiques : « ATHOS », la proximité contre la solitude

Service de santé : « Maison des blessés et des familles » à Percy




Service de santé : garantir au mieux la survie des blessés

Les expériences acquises dans les opérations extérieures permettront les meilleures prises en charge, médicale et chirurgicale, possibles des blessés dans un engagement de grande intensité, sans entraver la manœuvre tactique.

Le 22 juin 2022 à Paris, le médecin chef des services Didier Lanteri du Service de santé des Armées (SSA) a présenté à la presse ce parcours de moins de 24 heures, échelonné du lieu de combat à un hôpital militaire métropolitain. De son côté, le général de division Yann Gravêthe, directeur par intérim de la Délégation à l’information et à la communication de la défense, en a exposé le contexte militaire.

Précocité et capacité. La planification médicale suit la règle du « ten one two », à savoir 10 minutes, 1 heure, 2 heures, indique le médecin chef. L’hémorragie constitue la première cause de mortalité des blessés de guerre et l’obstruction des voies respiratoires la deuxième. Ces deux gestes élémentaires de survie doivent être réalisés dans les 10 premières minutes. Tous les militaires étant formés au sauvetage de combat premier niveau, le binôme du blessé peut lui poser un garrot en cas de plaie hémorragique d’un membre. Un autre militaire, qualifié deuxième niveau, initie la maîtrise des voies respiratoires, si le cas se présente. Dans la première heure qui suit la blessure, un médecin et un infirmier ont le temps de prendre le relais, notamment en cas d’attaque de convoi par un engin explosif improvisé. Tout blessé hémorragique subit la « triade létale », qui associe hypothermie (le corps se refroidit très vite), troubles de la coagulation et désordre métabolique majeur. L’équipe médicale lui injecte du plasma lyophilisé, mis au point par le SSA. Entretemps, un hélicoptère médicalisé, transportant des poches de sang pour la transfusion, évacue le blessé vers l’un des deux blocs opératoires de l’Antenne de réanimation et de chirurgie de sauvetage (ARCS) dans les deux heures. Puis, la « chirurgie écourtée » limite les risques fonctionnels jusqu’à l’évacuation en métropole, par avion Falcon médicalisé, jusqu’à un hôpital militaire, où le blessé sera repris au bloc dans les 48 heures. La télémédecine permet d’obtenir, sur le terrain, l’avis d’un médecin spécialiste. En cas d’afflux massif de blessés, un avion MRTT Phénix, équipé du dispositif « Morphée », achemine une ARCS (13 personnes, dont 3 chirurgiens et 1 médecin anesthésiste-réanimateur) en moins de trois heures.

Risques et solidarité. Outre le risque inhérent à l’engagement militaire et qui va jusqu’à l’acceptation de la mort, la blessure et l’accident grave font partie du métier des armes, souligne le général Gravêthe. Ces aléas se produisent lors des opérations en France ou à l’étranger ou au cours d’une préparation exigeante. En amont des opérations, l’aptitude, la formation, l’entraînement et la prévention contribuent à réduire ces risques pour les personnels, une fois engagés dans l’action. Cette réduction est accrue par les missions, les équipements, les dispositifs de protection individuels ou collectifs et la manœuvre elle-même. En outre, la chaîne de santé, déployable partout dans le monde, est mise en œuvre sur le lieu et dès l’instant où survient la blessure. Après la réhabilitation sanitaire, les dispositifs de soutien et de réinsertion des blessés, via un congé de reconversion, ont été renforcés. Une politique de prévention, de dépistage de suivi et d’accompagnement des syndromes post-traumatiques a été mise en place. Outre une assistance financière, le Plan famille aide les conjoints des militaires blessés ou décédés à trouver un emploi.

Loïc Salmon

Service de santé : culture du retour d’expérience en opération extérieure

Service de santé : médecine de guerre, efficacité maximale

Défense : le Plan Famille, soutien du moral des troupes




Chine : la logistique militaire dans la lutte contre le Covid-19

La logistique des forces armées chinoises a démontré son niveau élevé de préparation et d’adaptation à un « conflit sanitaire » court et de haute intensité, qui pourrait se transposer dans un affrontement conventionnel.

Telle est la conclusion d’un rapport réalisé en octobre 2020 par Louis Lamiot, titulaire d’une licence de chinois de l’INALCO Paris et étudiant en Master II Histoire à l’Université Montpellier 3.

Montage dans l’urgence. La diffusion rapide du coronavirus, dont le premier cas est recensé début décembre 2019 à Wuhan, est surtout due à la négligence des autorités locales et centrales. Pékin a tenté de se disculper de toute accusation par une réponse énergique avec le concours des forces armées. La réaction des Forces de soutien logistique interarmes (FSLI) à Wuhan s’est établie en trois phases. A partir du 23 janvier 2020, dès lors que le gouvernement central impose des mesures de confinement au Hubei, 66 médecins et 450 infirmiers sont réquisitionnés dans divers établissements hospitaliers, envoyés à Wuhan et pris en charge par le Centre de logistique militaire. Des matériels médicaux, dont 200.000 masques et 10.00 blouses chirurgicales, sont commandés et livrés en dix jours à partir de trois centres logistiques. Au cours des 1er et 2 février, près de 950 infirmiers et 70 tonnes de matériel médical arrivent dans le centre de l’épidémie. Ces personnels ont surtout servi dans l’hôpital militaire de Huoshenshan, construit en une semaine avec des matériaux préfabriqués et pouvant accueillir 1.000 patients. Un troisième envoi de 2.600 médecins militaires, venus de 10 villes pendant les mois de février et mars, permet d’assurer un roulement et de maîtriser progressivement l’épidémie. Au total, près de 4.500 médecins militaires sont intervenus à Wuhan et des milliers de tonnes de matériels sensibles y sont parvenus en 6 semaines depuis 19 villes, principalement par voie aérienne. Il faut également y ajouter les 200.000 miliciens envoyés par train pour assurer la désinfection et livrer l’aide alimentaire à la population confinée. La mise en place d’un pont aérien a permis le transport rapide de personnels et de matériels médicaux. Elle a constitué le premier usage civil de l’avion de transport militaire Y-20, entièrement développé en Chine, et le premier envoi d’avions de grande capacité d’emport pour réaliser des transports à grande échelle. Plusieurs chiffres sont avancés pour démontrer le professionnalisme et l’efficacité des services de santé. Ainsi, l’hôpital militaire de Huoshenshan, déclare comptabiliser 99 % de rémission pour ses patients sans qu’aucun de ses personnels de santé ne soit infecté. Ce chiffre est à mettre en parallèle avec le taux de 20 % d’infection du personnel médical dans les hôpitaux civils. Par ailleurs, l’annonce de l’absence de cas dans les rangs des forces armées chinoises, alors que l’Armée américaine annonce 4.000 cas positifs dans ses rangs, démontre que la pandémie n’a pas mis un terme à leur compétition. Enfin, le Département de soutien logistique a annoncé que les vaccins seraient testés sur les soldats chinois avant une production de masse.

Logistique modernisée. La logistique militaire chinoise a été améliorée à la suite de la réorganisation du Comité militaire central (CMC) visant à renforcer le contrôle du Parti communiste chinois et à rationaliser l’emploi d’un budget sans cesse croissant. Organe suprême des forces armées et dirigé par le président Xi Jinping, le CMC a réparti les diverses responsabilités, auparavant cloisonnées au sein de chaque armée, en une quinzaine de départements, bureaux et commissions interarmes placés sous son contrôle direct. Le Département de logistique générale est devenu le Département de soutien logistique (DSL), chargé du lien civilo-militaire, de l’économie et de l’industrie de défense, des recherches scientifiques et technologiques, des infrastructures de transport, du soutien médical, énergétique et matériel des troupes ainsi que de l’informatisation de leur équipement. Outre la rationalisation des moyens, une meilleure coordination entre les unités est recherchée, objectif dont les Forces de soutien logistique interarmes (FLSI) constituent le fer de lance. Depuis 2016, le territoire chinois est divisé en cinq théâtres d’opérations disposant chacun d’un centre logistique relié à une base centrale à Wuhan. Chaque centre logistique est géré par des représentants des quatre armées (Terre, Air, Mer et Missiles,) qui contrôlent les dépôts répartis sur l’ensemble du territoire et coordonnent les opérations de soutien au niveau stratégique. A la suite de la réforme militaire de 2016, la logistique militaire a été séparée en deux entités, à savoir le Département de soutien logistique (DSL) au niveau stratégique et les FSLI au niveau opérationnel. Ces dernières ayant installé leur base principale à Wuhan, ville d’origine de l’épidémie du Covid-19, leur réaction se devait d’être exemplaire. Même s’il était déjà trop tard pour empêcher la pandémie, les FSLI ont eu la possibilité de démontrer leur efficacité sur le terrain et les avancées de la modernisation militaire chinoise selon des critères de capacités de projection, de coordination interarmes, de commandement centralisé, d’informatisation et de relations avec le secteur privé. La lutte contre la pandémie du Covid19 est devenue une « guerre de l’image » visant à démontrer la capacité de la Chine à retourner les crises à son avantage. La logistique des forces armées se sert de l’assistance sanitaire pour accroître la présence militaire de la Chine à l’étranger.

Capacité de projection extérieure. L’approfondissement des relations militaires chinoises dans la zone Indo-Pacifique et au Moyen-Orient s’est ainsi accompagné d’un volet sanitaire. En mai 2020, les armées d’une douzaine de pays, dont celles de la Birmanie, du Viêt Nam, du Laos, de l’Irak, de l’Iran, du Liban et du Pakistan, ont bénéficié de l’assistance de la Chine, en remerciement de leurs envois de matériels quand la situation sanitaire à Wuhan était critique. Des commissions médicales ont aussi été envoyées en Éthiopie et au Cambodge. Environ une cinquantaine d’armées en ont également bénéficié. Cette assistance vise d’abord à maintenir un contact amical en vue de futures négociations sur, par exemple, l’installation de bases militaires dans ces régions. La poursuite des exercices et démonstrations de force en mer de Chine pendant la crise sanitaire mondiale a développé la constitution de blocs antagonistes. Cela justifie, selon Pékin, la nécessité de disposer d’une capacité de projection militaire au-delà des frontières nationales. Par suite de l’apaisement des tensions avec l’Union soviétique, puis la Russie, et de la fin de la guerre froide (1991), l’opposition aux États-Unis redevient d’actualité. Tirant les enseignements de la guerre du Golfe (1990-1991), notamment la capacité de projection lointaine des forces armées américaines, la nouvelle doctrine militaire chinoise vise d’abord à maintenir les États-Unis à distance, puis, éventuellement, les affronter lors d’un conflit court mais de haute intensité. La modernisation d’unités d’élite équipées des matériels les plus modernes va permettre de développer des forces armées chinoises capables, à terme, de rivaliser avec celles des États-Unis.

Loïc Salmon (avec Louis Lamiot)

Chine : Covid-19, propagande active et une image dégradée

Chine : diplomatie « sanitaire » via les « Routes de la Soie »

Chine : ambition hégémonique du Parti communiste




Corps et âme

Confronté à la violence, le soldat qui peut porter la mort au risque d’y laisser sa vie au nom de la sécurité et des intérêts de son pays, connaît l’angoisse. L’écoute et un regard extérieur deviennent alors sources d’inspiration.

Un médecin militaire témoigne. Aux côtés des forces spéciales en opérations en Guyane, au Sahel, en Afghanistan et en Irak, il a vécu des périodes de stress, où tous les repères semblent s’effondrer dans la complexité de certaines situations. Après une mission périlleuse, un moment convivial peut se partager autour d’un verre ou d’un repas à la « popote » (armée de Terre), au « carré » (Marine nationale) ou au « bar » (armée de l’Air et de l’Espace). Ces endroits constituent un thermomètre assez précis de la cohésion d’un groupe, facteur-clé du succès en opération et au combat. La force morale du soldat résulte d’un entraînement difficile, d’une bonne compréhension de la situation dans toutes ses dimensions, d’une solide culture générale, d’une réflexion personnelle et d’un soutien indéfectible de ses chefs et…de la société dont il défend les valeurs ! La haute technologie préserve des pertes, jugées aujourd’hui inacceptables, pour son armée et donne une image d’invulnérabilité aux yeux de l’adversaire. Mais elle n’a pas atténué l’horreur de la guerre. Quels que soient son apport et la violence de la première frappe, souvent aérienne, les combats se terminent au sol. En 1807, l’hécatombe de la bataille d’Eylau avait conduit Napoléon à organiser des bases de soutien médical avec les barons Larrey et Percy. A Clamart (banlieue parisienne) dans l’hôpital d’instruction des armées qui porte son nom, une plaque rappelle l’instruction de 1811 du chirurgien en chef Percy : « Allez où la patrie et l’humanité vous appellent, soyez-y toujours prêts à servir l’une et l’autre et, s’il le faut, sachez imiter ceux de vos généreux compagnons qui, au même poste, sont morts martyrs de leur dévouement intrépide et magnanime qui est le véritable acte de foi des hommes de notre état. » La grandeur de la cause qu’elle défend soude la grande famille des médecins militaires, par l’humilité dont ils doivent faire preuve et par le service des armées. Pour les malades et les blessés, le temps, l’écoute et les mots justes complètent les médicaments indispensables. Par ailleurs, les retours de missions constituent des périodes difficiles, en raison de la fatigue opérationnelle, de la persistance d’une forme de stress ou même de l’apparition de troubles psychiques. Entre juin 1942 et juin 1945, l’armée américaine a démobilisé 457.000 soldats pour raison psychiatrique. L’armée israélienne a reconnu 60 % de « pertes psychiques » pendante la guerre du Kippour (1973), chiffre exceptionnel par rapport aux 30 % constatés pendant la guerre du Viêt Nam (1955-1975) et celles d’Afghanistan de l’armée soviétique (1979-1989) et de la coalition internationale (2001-2021). Toutefois, le stress opérationnel ne se réduit pas au « syndrome post-traumatique » et inclut manifestations dépressives, conduites agressives et dérapages moraux. Aujourd’hui, la blessure et la mort, pourtant intégrées dans l’univers guerrier, apparaissent comme anormales, voire scandaleuses. Le chef, confronté à la même violence que le soldat, lui donne l’ordre de tuer. Les douleurs que peut ressentir ce dernier se trouvent liées à cette violence, vécue directement ou par procuration, à savoir la blessure ou la mort d’un camarade à laquelle il n’a pas assisté. Alors, il va d’abord confier ses états d’âme à l’aumônier ou…au médecin militaire.

Loïc Salmon

« Corps et âme », Nicolas Zeller. Editions Tallandier, 250 pages, 19,50 €.

Défense : la mort, au cœur de la singularité militaire

Défense : la laïcité, facteur de cohésion dans les armées

Armée de l’Air : 9 morts, mais la vie de soldat continue après la « malchance technologique »




Hôpital d’instruction des armées Bégin

 

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Ecoles du Service de santé des armées

Le 17 janvier 1708, Louis XIV signe l’édit qui acte la naissance du Service de santé des armées (SSA). Il crée les «charges» de médecin et de chirurgien des armées et organise la prise en charge des blessés et des malades militaires. Depuis, les écoles du SSA ont reçu la Légion d’honneur, les croix de Guerre 1914-1918, 1939-1945 et des Théâtres d’opérations extérieurs ainsi que celle de la Valeur militaire.

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Blessés psychiques : « ATHOS », la proximité contre la solitude

Le dispositif « ATHOS » de réhabilitation sociale, expérimental et gratuit, s’adresse aux blessés psychiques en opération, qu’ils soient encore en activité, en congé maladie ou qu’ils aient quitté les armées, ainsi qu’à leur famille.

ATHOS a été présenté à la presse le 15 janvier 2021 à Paris par : le commissaire général de 2ème classe Christophe Daurel (photo), chef du groupe de travail ministériel ; Renaud Ferrand, directeur général de l’Institution de gestion sociale des armées (IGESA) ; le médecin chef Xavier Desruelles, conseiller santé du chef d’état-major de l’armée de Terre. En 2019, les armées ont déploré 42 blessés psychiques en opérations extérieures et 231 troubles psychiques.

« Boîte à outils ». ATHOS a été ouvert le 4 janvier 2021, indique le commissaire général Daurel. Il constitue une offre complémentaire pour permettre aux militaires blessés psychiques de se relever dans un environnement non médicalisé, combinant accompagnement psychosocial, projet de vie et reprise d’activités. Chaque cas est particulier. Il s’agit de placer le blessé au centre de son parcours et de sa reconstruction. ATHOS, destiné à couvrir tout le territoire métropolitain dans un premier temps, comporte déjà deux maisons : l’une à Cambes (Gironde) et l’autre à Toulon (Var). Chacune peut accueillir 90 blessés, pris en charge par 3 accompagnateurs. Le parcours de reconstruction nécessite le volontariat du blessé, sa participation à la gestion de la maison, la progressivité et la personnalisation du programme. Ce dernier compte cinq domaines : vie relationnelle affective et familiale ; bien-être ; place de la personne dans la société ; administration et gestion de la vie quotidienne et courante ; emploi et activités. Devoir de la nation envers ses combattants blessés psychiquement, ATHOS est expérimenté pendant au moins un an avec des équipes civiles et militaires. Il comprend un dispositif d’évaluation interne et un comité mixte (membres civils et militaires) de suivi et de surveillance externe. ATHOS a noué des partenariats avec l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre et bénéficie d’une convention opérationnelle avec l’IGESA.

Soutien de l’IGESA. Cette convention, signée le 27 octobre 2020, porte sur la gestion et le soutien juridique, administratif et financier des maisons ATHOS, assurés par l’IGESA, indique Renaud Ferrand. Celle-ci leur fournit des équipes de « permanents » et des intervenants extérieurs mobilisables à tout moment. Organisme de droit privé, elle emploie 1.246 salariés et dispose de 130 établissements, 50 crèches et 100 colonies de vacances. En 2020, elle a traité 44 demandes de séjours de blessés en opérations extérieures, soit 154 personnes avec les familles et accompagnateurs.

Parcours global de santé. Le Service de santé des armées (SSA) prend en charge les blessés psychiques en opération après leur passage dans un hôpital militaire, souligne le médecin chef Desruelles. Après identification des volontaires potentiels par les comités multidisciplinaires des blessés en service, il valide leur projet. Un militaire malade psychiquement doit accepter de rentrer dans un processus non médicalisé, complémentaire de l’offre de soins existants et d’une durée aléatoire. Le SSA participe au contrôle, au retour d’expérience et à la recherche dans ce domaine. Il intervient dans le recrutement et la formation des équipes d’assistance sociale. ATHOS complète les actions de réhabilitation du Centre national de sports de la défense et de l’Institution nationale des Invalides (maison médicalisée des blessés).

Loïc Salmon

Blessés psychiques : agir vite, au plus près et de façon continue

Blessures et sports adaptés : reconstruction physique et psychique

Blessés psychiques : l’opération « Omega » de réinsertion professionnelle civile




Covid-19 : désinformation et…contrôle supra-étatique ?

La désinformation sur la crise sanitaire du Covid-19, via internet, a pris une ampleur telle que seuls les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft), et non les Etats eux-mêmes, semblent en mesure de contrer.

Cette question a fait l’objet d’une visioconférence organisée, le 16 novembre 2020 à Paris, par l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Y sont intervenus : François-Bernard Huyghes, directeur de recherche à l’IRIS ; Gérard Grizbec, journaliste et chercheur associé à l’IRIS ; Cécile Guérin, chercheuse à l’Institute for Strategic Dialogue (ISD), « think tank » basé à Londres.

« Fake News ». L’ISD analyse les réseaux sociaux au moyen d’algorithmes spécifiques pour détecter les tendances en ligne, qui se manifestent selon un clivage « politique » gauche-droite, explique Cécile Guérin. La désinformation a augmenté récemment de 15 % en Grande-Bretagne via des discours contre le confinement ou sur la théorie du « complot » venue des Etats-Unis, selon laquelle un groupe puissant agit dans l’ombre pour détruire la démocratie. En Allemagne, la désinformation a conduit à des manifestations contre les restrictions sociales, le gouvernement et le milieu scientifique. A l’origine, ce terme désignait la propagande et les moyens techniques soviétiques contre les médias occidentaux, rappelle François-Bernard Huyghes. Après la chute de l’URSS et la guerre du Golfe (1990-1991), la désinformation (armes de destruction massive) a été utilisée par un Etat (les Etats-Unis) contre un autre (l’Irak). Depuis, les « Fake News » racontent sur les réseaux sociaux un événement, qui n’a pas eu lieu (photos truquées), en vue d’une manipulation. Depuis 2016, elles engendrent la crainte que ces réseaux constituent une voie de désinformation et distillent le soupçon à l’égard des médias, gouvernements et experts scientifiques. S’y superpose l’affrontement géopolitique entre la Chine et les Etats-Unis sur le Covid-19.

Efficacité. La Chine tire parti du succès de sa lutte contre la pandémie grâce à sa « diplomatie sanitaire », indique François-Bernard Huyghes. Celle-ci contribue à l’affirmation de sa puissance, via les « Nouvelles Routes de la Soie », et à l’accroissement de son influence en vantant l’excellence de son régime politique. Par ailleurs, indique Cécile Guérin, la désinformation utilise la parole de l’expertise en profitant des tensions au sein de la communauté médicale, faute de connaissance suffisante du Covid-19. Sur internet, des vidéos opposent l’expérience des médecins de terrain à l’expertise des ministères et des grandes institutions de la Santé pour discréditer la gestion de la pandémie par les gouvernements.

Réactions. La presse passe plus de temps à vérifier la véracité d’une vidéo, qui suscite l’émotion, qu’à rechercher de l’information, souligne Gérard Grizbec. Cette vérification devrait s’accompagner d’une régulation des plates-formes numériques et d’un cadre législatif dans le contexte de prolifération de l’information, de désinformation et de « mésinformation » (partage d’une information tronquée sans en être l’auteur et sans intention de nuire), estime Cécile Guérin. Les GAFAM utilisent déjà de nombreux algorithmes et « modérateurs » humains pour lutter, au départ, contre la pornographie et l’incitation à la haine, souligne François-Bernard Huyghes. Par la suite, ils ont fermé des milliers de comptes et censuré beaucoup de contenus, selon leurs propres critères de décision et sans en référer à des autorités démocratiquement élues.

Loïc Salmon

Défense : information falsifiée, internet et réseaux sociaux

Géopolitique : la souveraineté démocratique face aux GAFA

Chine : diplomatie « sanitaire » via les « Routes de la Soie »




Liban : l’opération « Amitié », réactivité et efficacité

Manœuvre logistique d’ampleur réalisée en urgence, l’opération « Amitié » de projection d’une force française de soutien dans le port de Beyrouth s’est déroulée du 4 août au 23 septembre 2020, pour aider l’armée libanaise.

Des retours d’expérience (Retex) ont été présentés à la presse le 22 septembre à Paris par l’Etat-major des armées. Y sont intervenus : le colonel Frédéric Barbry, son porte-parole (photo) ; le lieutenant-colonel chef opération du Groupement terre génie « Ventoux » ; le capitaine de corvette commandant le groupe de plongeurs-démineurs de la Méditerranée ; le lieutenant-colonel commandant l’Escadron de ravitaillement en vol de transport stratégique 1/31 « Bretagne » ; le commissaire principal adjoint au chef de bureau Planification de l’état-major opérationnel du Service du commissariat des armées.

Opération interarmées. En réponse aux explosions de 2.750 t de nitrate d’ammonium dans le port de Beyrouth (190 morts et 6.500 blessés), l’opération « Amitié » a été lancée dès le 4 août, a rappelé le colonel Barbry. Elle a nécessité l’acheminement de 750 militaires et 1.200 t de fret humanitaire, en coordination avec les ministères des Affaires étrangères, de l’Intérieur et de la Santé. Les 8 projections aériennes ont mis en œuvre : 4 A400M Atlas, 1 C-130J Super Hercules et 1 C-160 Transall pour le transport tactique ; 1 Airbus A310 pour le transport stratégique ; 1 avion ravitailleur A330 Phénix. La projection maritime a inclus le porte-hélicoptères amphibie Tonnerre avec des moyens amphibie de débarquement, véhicules incendie, engins de déblaiement et travaux sous-marins et d’investigation, 1 hélicoptère Alouette III (Marine nationale) et 1 hélicoptère Caracal (armée de l’Air) ; le porte-conteneurs Calao, affrété militaire. Avec 1.100 rotations de camions bennes, l’opération « Amitié » a permis de dégager 25 ha de terrain et 17.000 t de gravats.

Retex Terre. L’effectif terrestre a inclus 390 hommes du Groupement génie « Ventoux » (dont des équipes pour les travaux en hauteur), 55 sapeurs-sauveteurs et 13 marins-pompiers de la Sécurité civile. Il a disposé d’un état-major opératif et de 4 PC successifs dans le département du Vaucluse, à Toulon, à bord du Tonnerre et dans le port de Beyrouth. Celui-ci a été « scanné » pour en vérifier les infrastructures. En outre, 37 missions d’information et 11 chantiers ont été lancés en ville, dont le découpage de 3.000 m de charpente métallique, pour la reprise de l’activité.

Retex Marine nationale. Les 15 plongeurs-démineurs, déjà en alerte, et les éléments du génie maritime ont reconfiguré leurs matériels, dont un appareil spécial pour la soudure sous-marine à 3.000 °C, un casque de plongée en surpression pour éviter des entrées d’hydrocarbures et un robot télé-opéré dans les endroits dangereux. Le Service hydrographique et océanographique de la marine a cartographié le fond du port sur 1 km2. 80 plongées d’identification ont eu lieu, facilitées par l’interopérabilité avec les plongeurs libanais formés en France.

Retex armée de l’Air. Les A 400M ont effectué 4 rotations entre la France et Beyrouth pour transporter 75 marins-pompiers, 3 chiens de recherche et 6 t de matériel. Le Phénix a réalisé un aller-retour Istres-Beyrouth, soit 4.000 km en 4 heures de vol, avec un seul « plein » et 2 heures d’escale. Le Caracal a été mis en alerte pour évacuer, éventuellement, un plongeur accidenté sur Chypre.

Retex Commissariat. Un détachement mixte a établi un dispositif financier et monté un réseau Wifi pour les liaisons avec les familles des militaires projetés.

Loïc Salmon

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