OTAN : pouvoir conserver l’avantage opérationnel

Afin de conserver une longueur d’avance pour préserver sa liberté d’action dans un contexte militaire futur, l’OTAN devra disposer de structures et de forces capables de comprendre, de décider plus rapidement et d’agir ensemble.

Le général d’armée aérienne Philippe Lavigne, commandant Suprême Allié Transformation (Allied Command Transformation en anglais, ACT) de l’OTAN, l’a expliqué à la presse le 14 septembre 2023, à l’occasion de la tenue de la conférence des communicants OTAN à Paris. (11-14 septembre).

Menaces nombreuses et rapides. En 74 ans d’existence, l’OTAN a bénéficié d’une avance technologique sur ses adversaires potentiels et a connu 30 ans de dividendes de la paix et 20 ans d’opérations hors de sa zone, contre des adversaires qui n’avaient pas de puissance équivalente. En 2003, l’OTAN a créé l’ACT pour se transformer en vue des menaces futures. Or, les menaces sont déjà plus nombreuses en raison de la prolifération des technologies et des quantités gigantesques de données sur le champ de bataille. En outre, depuis février 2022, la guerre entre la Russie et l’Ukraine consomme d’énormes quantités de munitions, que les industries occidentales d’armement pourraient difficilement produire. S’y ajoutent : les contestations multiformes, multi-milieux (terre, mer, air, espace et cyberespace) et multi-champs (matériel et immatériel) avec une échelle géographique et une complexité d’interconnexion sans précédent ; les technologies de rupture comme l’intelligence artificielle (IA) et les systèmes autonomes, auxquels les acteurs étatiques et non-étatiques ont aujourd’hui accès. Ainsi en Ukraine, des entreprises privées ont contribué à la survie numérique de l’État. Dès le début de l’invasion, la Russie a coupé l’accès à internet dans les territoires occupés. De plus, elle a lancé une propagande ciblée et des campagnes de désinformation destinées à l’Ukraine, mais aussi à sa propre population et à ses ennemis à l’étranger. En Afrique, elle recourt à des acteurs non-étatiques (notamment la société militaire privée Wagner) et utilise la désinformation pour déstabiliser des populations et réduire la compréhension et la légitimité des actions des pays occidentaux (dont celles de la France). En outre, l’OTAN observe l’Arctique et le Grand Nord, le Sud, l’espace et le champ informationnel. La compétition technologique porte notamment sur l’IA et le quantique (réalisation d’objets physiques au niveau microscopique), où la Chine investit massivement et dont ses forces armées bénéficient des avancées dans le domaine civil. De plus, celle-ci a conceptualisé la « guerre cognitive », qui lui permettrait de vaincre sans combattre. Dans les dix prochaines années, la majorité de la population mondiale aura accès à d’énormes quantités d’informations et à un déluge de fausses nouvelles. Enfin, le développement des armes hypervéloces (par la Russie et la Chine) réduit la capacité de l’OTAN à détecter, décider et agir.

Conceptualiser la défense future. Avant tout développement technologique, l’OTAN s’interroge, en toute transparence avec 31 nations partenaires, sur les limites éthiques et morales qu’elle se fixe. Cela s’applique aussi au champ informationnel, pour contrer les actions des compétiteurs et adversaires. En 2014, des actions de la Russie dans le champ informationnel, non détectées, ont précédé son attaque en Crimée. Actuellement, les experts de la communication de l’OTAN développent un outil d’IA, avec des partenariats extérieurs, pour comprendre la situation, mieux et plus vite. Il s’agit de la résumer quotidiennement et de présenter ce qui présente un intérêt militaire, notamment la détection d’une démarche hostile. L’ACT a aussi pour mission de renforcer au maximum l’interopérabilité des forces de l’OTAN et de structurer une planification de défense et de développement capacitaire, en s’appuyant sur l’innovation pour exploiter idées, procédures et technologies et expérimenter des solutions.

Loïc Salmon

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Turquie : recherche de puissance militaire et diplomatique

Dans sa volonté d’autonomie vis-à-vis de l’Occident, la Turquie entretient des relations compliquées avec la Russie. Elle maintient des influences multiformes dans les régions de l’ex-Empire ottoman (XIVème-XXème siècles) et continue de les étendre jusqu’en Afrique subsaharienne.

Georges Berghezan, chercheur au Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, l’explique dans un rapport rendu public le 6 avril 2023 à Bruxelles.

Alliée rebelle de l’Occident. Membre de l’OTAN depuis 1952, la Turquie a autorisé les États-Unis à déployer des armes nucléaires tactiques sur la base aérienne d’Incirlik dès 1959. Depuis, Washington y entrepose une cinquantaine de bombes thermonucléaires B-61, dont la puissance varie de 0,3 kt (tactique) à plus de 100 kt (stratégique). Pendant la guerre froide (1947-1991), la Turquie était le seul pays membre de l’OTAN à partager une frontière avec l’URSS et constituait un poste avancé à la frontière de l’Iran et à proximité du golfe Arabo-Persique. Les relations entre Ankara et Washington ont commencé à se dégrader lors de la guerre des États-Unis contre l’Irak en 2003, de celle de l’OTAN en Libye en 2011 et au cours de la guerre civile en Syrie en 2014. Elle se sont durablement détériorées en 2017 lors de l’accord d’achat par la Turquie de systèmes anti-missiles russes S-400. L’année suivante, le Congères américain a bloqué la plupart des exportations d’armes vers la Turquie. L’annonce d’une co-production russo-turque des nouveaux missiles anti-aériens et antibalistiques mobiles S-500 a entraîné, de la part des États-Unis, l’exclusion de la Turquie du programme d’avion de combat américain F-35 en 2019 et l’annulation de la vente d’une centaine d’exemplaires. Les relations de la Turquie avec l’Union européenne (UE) se sont dégradées lors de la crise migratoire de 2015, quand près d’un million de réfugiés, surtout syriens, afghans et irakiens, ont franchi illégalement les frontières entre la Turquie, la Grèce et la Bulgarie. Le 18 mars 2016, la Turquie a accepté le retour des clandestins et s’est engagée à empêcher une nouvelle intrusion de réfugiés, en échange d’une aide européenne de plusieurs milliards d’euros pour mieux les accueillir sur son sol. Pourtant quelques mois plus tard, le Parlement européen a demandé un « gel provisoire » des négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE à la suite de la répression disproportionnée d’Ankara après la tentative de coup d’État des 15 et 16 juillet 2016. La candidature turque a été déposée en 1987 et acceptée en 1999, mais les négociations, commencées en 2005, n’avancent pas. En août 2020, la Turquie a envoyé, sous escorte militaire, un navire de recherches sismiques prospecter d’éventuels gisements gaziers dans des eaux revendiquées par la Grèce et Chypre, suscitant ensuite des exercices navals grecs puis turcs. Par ailleurs, Ankara déploie près de 40.000 soldats sur la partie Nord de l’île de Chypre, occupée depuis 1974 sous le nom de « République turque de Chypre-Nord » non reconnue par les autres pays du monde. Avant le début du conflit russo-ukrainien (24 février 2022), la Turquie a vendu une vingtaine de drones tactiques Bayraktar TB-2 à l’Ukraine, qui en aurait acquis une cinquantaine d’autres, dont quelques-uns à titre gratuit, durant les premiers mois de combat. La Turquie a condamné à plusieurs reprises l’invasion et l’annexion de territoires ukrainiens par la Russie, mais a refusé de s’aligner sur les sanctions économiques prises par les États-Unis et l’UE à son encontre. En juillet 2022, elle a joué un rôle actif entre Kiev et Moscou dans les négociations sur un accord de libre passage des navires transportant des céréales dans la mer Noire et sur celui de l’échange de prisonniers en septembre.

Relations ambigües avec la Russie. Les sanctions économiques contre la Russie ont profité…à la Turquie ! En effet, celle-ci lui a acheté des hydrocarbures à prix réduits et a accru ses échanges commerciaux avec elle. Les importations provenant de la Russie ont augmenté de 213 % et les exportations vers elle de 113 % entre mars et octobre 2022 par rapport à la période 2017-2021. En outre, fin 2022, du gaz russe alimente la Macédoine du Nord, la Serbie et le Hongrie via le gazoduc TurkStream (inauguré le 8 janvier 2020), qui passe sous la mer Noire et débouche dans la partie européenne de la Turquie. La Russie double ainsi ses livraisons de gaz vers la Turquie, qui en reçoit depuis 2003 par le Blue Stream traversant l’Est de la mer Noire. Depuis 2015, la Russie construit la première centrale nucléaire turque. Les relations commerciales bilatérales russo-turques incluent l’armement. L’accord de 2017 sur l’achat de systèmes S-400 (voir plus haut) d’un montant de 2,5 Mds$ porte sur quatre batteries, à savoir deux fabriquées en Russie et deux assemblées en Turquie. La première a été installée en septembre 2019 sur la base aérienne de Mürted Akinci près d’Ankara. Un éventuel achat supplémentaire a été démenti en septembre 2022 par la Turquie, en raison de dysfonctionnements lors des essais et de l’insuffisance des transferts de technologie. Sur le plan opérationnel, les forces armées russes et turques se sont trouvées dans des camps opposés lors de guerres, notamment en Azerbaïdjan et en Syrie. En septembre 2020, les hostilités ont repris entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour le contrôle de la région du Nagorno-Karabakh. La première achète des armes principalement à la Russie, qui y maintient une base militaire. Le second s’approvisionne en Russie, en Israël et, récemment, en Turquie avec laquelle il a conclu plusieurs accords de coopération militaire depuis 1992. L’Azerbaïdjan a reconquis la plus grande partie du Nagorno-Karabakh en six semaines, grâce notamment à des exercices préalables avec la participation de 11.000 soldats turcs et surtout aux drones Bayraktar TB2. Le cessez-le-feu de novembre 2020 a conduit à la sécurisation d’un corridor entre l’Arménie et le Nagorno-Karabakh par une force de maintien de la paix constituée de 2.000 militaires russes. En outre, un centre conjoint russo-turc a été ouvert en janvier 2021 pour contrôler le cessez-le-feu, qui a subi plusieurs violations sanglantes en novembre 2021 et septembre 2022. A la suite du « printemps arabe » de 2011, la Syrie connaît une guerre civile, attisée en sous-main par la CIA américaine (livraisons d’armes et formation de combattants) et la Turquie qui soutient une partie des rebelles. En septembre 2015, alors qu’il ne contrôle plus qu’un tiers du territoire, le régime en place reçoit un soutien militaire massif de la Russie (plusieurs milliers de soldats et des dizaines d’avions de combat), qui retourne la situation en sa faveur. Le 24 novembre 2015, dans l’espace aérien turc, un chasseur turc F16 abat un bombardier russe Su24, qui s’écrase en Syrie. La Russie impose alors des sanctions économiques à la Turquie et bombarde ses alliés turkmènes en Syrie. Puis en août 2016, Moscou et Ankara se réconcilient et organisent des négociations entre Damas et une partie de son opposition armée, lesquelles aboutissent à une désescalade.

Intérêt croissant pour l’Afrique. Conséquence de son « plan d’action pour une ouverture sur l’Afrique » de 1998, la Turquie obtient le statut d’observateur à l’Union africaine en 2005. Le nombre de ses ambassades y passe de 12 en 2009 à 43 en 2022. Sa diplomatie combine identification religieuse, discours anticolonialiste, aide humanitaire et investissements économiques. Parti de 4,09 Mds$ en 2000, le volume de son commerce avec l’Afrique atteint 29,4 Mds$ en 2021. Des accords de coopération en matière de sécurité ont été conclus, surtout en 2017 et 2018, avec 30 pays africains et portent sur la formation de personnels parmi les forces armées, la police et les garde-côtes. La Turquie dispose déjà d’une base militaire en Somalie. Elle a vendu des véhicules blindés à une quinzaine de pays et exporte vers l’Afrique des systèmes de surveillance et de capteurs électro-optiques, des véhicules de déminage et des fusils. Les exportations de matériels aéronautique et de défense y sont passées de 83 Mds$ en 2020 à 460 Mds$ en 2021 !

Loïc Salmon

Turquie : partenaire de fait aux Proche et Moyen-Orient

Moyen-Orient : Turquie et Arabie saoudite, vers la détente

Industrie de défense : émergence de la Corée du Sud et de la Turquie à l’exportation




Ukraine : ascendant opérationnel incertain dans le conflit en cours

Dans la perspective de la contre-offensive annoncée, les forces armées ukrainiennes disposent d’une assistance occidentale massive en termes de renseignement et de soutien, mais doivent combiner la culture militaire soviétique avec les pratiques de l’OTAN. (Carte : situation au 26-4-2023)

Dans une note publiée en région parisienne en avril 2023 par la Fondation pour la recherche stratégique, Philippe Gros, maître de recherche, et Vincent Tourret, chercheur associé, fondent leur analyse sur les sources ouvertes et la littérature technico-militaire russe, mais restent prudents en raison de la propagande des deux camps, des informations erronées et des lacunes dans les données disponibles.

Une organisation perfectible. Depuis l’invasion russe de la Crimée en 2014, les forces armées ukrainiennes se sont préparées à une guerre défensive globale sur les plans doctrinaire, capacitaire et opérationnel en s’inspirant de la culture miliaire de l’OTAN. Toutefois, des officiers supérieurs, formés au modèle soviétique, laissent difficilement une marge d’initiative à leurs subordonnés. En outre, les unités régulières cohabitent avec des volontaires et des unités de défense territoriales dans le maintien d’une forte centralisation administrative. Cette hétérogénéité se retrouve dans la compétence des chefs, la gestion des ressources humaines, l’entraînement et les équipements des unités. Outre des critiques virulentes, elle entraîne trop de pertes pour pouvoir soutenir une guerre longue contre les forces russes. Cependant, les généraux et les états-majors ont démontré leur capacité à concevoir une manœuvre au niveau d’un théâtre grâce à leur maîtrise de l’offensive, par le siège et le mouvement, et à leur savoir-faire pour l’adapter aux menaces et à l’environnement. Dans le renseignement, le système de drones Delta, mis au point en 2016 par les développeurs civils nationaux selon les standards de l’OTAN, est déployé dans les sept zones de front. Il réalise une fusion des données ISR (renseignement multi-sources, surveillance et reconnaissance), accessible aux unités tactiques sur les tablettes ou les téléphones portables, via le réseau satellitaire privé américain Starlink. Si la parité avec les Russes apparaît au niveau des capteurs (mini-drones) au front, les Ukrainiens les surpassent pour le renseignement dans la profondeur du dispositif adverse, grâce d’abord à l’énorme capacité spatiale occidentale. Cette dernière combine la diffusion de renseignements de la part des pays alliés et les réponses rapides aux demandes de renseignement ukrainiennes. La production inclut le renseignement d’intérêt immédiat, celui de situation et celui d’appui au ciblage, avec une précision de 7 mètres pour la mise en œuvre des roquettes américaines Himars/M270 guidées par recalage GPS. En outre, les Ukrainiens disposent de nombreuses sources de renseignements d’origine humaine dans les zones occupées par les forces russes, mais peu dans le Donbass, et des moyens pour les récupérer et les fusionner dans le système Delta. En matière de soutien, le système ukrainien, très centralisé, manque de coordination et de plateformes logistiques aux échelons tactiques et repose sur des lignes de communications longues et confuses. Il dépend en grande partie de l’assistance des populations locales et des réseaux bénévoles ukrainiens et internationaux. Le ravitaillement, fourni par les États alliés et coordonné par des structures américaine, OTAN et européenne, se heurte à l’interopérabilité limitée des moyens mis en œuvre et à la réglementation des transports au sein de l’Union européenne. Le dysfonctionnement du service de santé auprès des unités en première ligne est compensé par l’assistance occidentale, à savoir équipements et formation pour les structures locales et accueil des blessés dans les hôpitaux des pays alliés. L’évacuation des blessés graves et des grands brûlés vers les hôpitaux de l’arrière, souvent entravée par l’état catastrophique des routes, se fait surtout par des trains médicalisés.

Des troupes à former. Les forces armées ukrainiennes, estimées à 120.000 hommes, subissent de lourdes pertes évaluées à plusieurs dizaines de morts et de blessés par jour, notamment parmi les troupes expérimentées et celles formées dans les pays de l’OTAN. Le grand nombre de contrats d’engagements militaires courts, souscrits durant la guerre dans le Donbass entre 2014 et 2022, a permis à l’Ukraine de disposer d’une certaine réserve expérimentée. Mais ce vivier a été mal exploité en raison de l’hétérogénéité des unités, de la guerre d’usure et d’une mauvaise gestion, comme l’envoi de conscrits au front sans un entraînement préalable de plusieurs semaines. La plupart des 400.000 « mobilisables » n’a aucune expérience militaire. La remontée en puissance des forces ukrainiennes repose donc sur la formation dans les pays alliés. L’opération britannique « Orbital » a ainsi formé 22.000 soldats entre 2015 et 2022. Puis l’opération « Interflex », qui rassemble plus de 800 instructeurs britanniques, australiens, danois, canadiens, lituaniens, néerlandais, néo-zélandais, norvégiens, finlandais et suédois, a organisé des stages de trois semaines à 10.000 hommes en 2022, chiffre qui devrait doubler en 2023. Un programme international, sous commandement américain et incluant des instructeurs britanniques, canadiens et lituaniens, a formé 23.000 officiers et sous-officiers entre 2015 et 2022. Entre avril et août 2022, la « Task Force Gator » (américaine) a formé 1.600 militaires sur 16 systèmes d’armes…américains ! En juin 2023, l’initiative « European Union Military Assistance Mission », qui rassemble 23 pays européens dont la Pologne, l’Allemagne, la France, l’Espagne et l’Italie, aura formé 12.000 combattants et 2.800 spécialistes dans des stages de 30 jours.

Des armements lourds insuffisants. Malgré les captures d’équipements russes, dont seulement 30 % réutilisables, et les livraisons d’armes occidentales, l’usure opérationnelle et les pertes freinent la montée en puissance des parcs ukrainiens. Celui des chars, qui en a déjà perdu de 800 à 1.000, n’en compterait qu’entre 700 et 1.000. En raison de la perte plausible de 2.000 véhicules ukrainiens, le parc d’engins blindés atteindrait 3.000, grâce à la capture de quelques centaines de véhicules russes et surtout aux livraisons occidentales de 3.500 véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI), transports de troupes blindés et autres véhicules. S’y ajouteront les livraisons, promises et échelonnées sur plusieurs mois, de 300 chars tous modèles confondus, 200 VBCI, 450 véhicules tout terrain, 300 MRAP (véhicules conçus pour résister aux engins explosifs improvisés et aux embuscades) et 120 canons autopropulsés, qui subiront aussi des pertes et dont il faudra assurer le maintien en condition opérationnel. Leur expérience du combat, acquise depuis 2014, et leur formation à l’américaine ont permis aux Ukrainiens de réagir dans l’emploi de l’artillerie. Ils disposent de bombes de petit diamètre lancées du sol (bombes guidées planantes) combinant longue portée et précision, de lance-missiles balistiques Vilkha-M ukrainiens et de canons Caesar français et PzH 2000 allemands. Très utilisés, ces canons subissent une usure accélérée. Des centres de maintien en condition opérationnelle ont donc été installés en Lituanie, Pologne et Slovaquie.

Des stocks de munitions limités. L’intensité des combats entraîne des cadences de tirs de 5.000 à 7.000 obus/jour et réduit les stocks. Les 1.500 canons d’origine soviétique tirent des obus de 122 mm et 152 mm, mais les canons « occidentaux » surtout des obus de 155 mm. Or les tirs d’obus de 155 mm atteignent 3.500/jour. Entre mai 2022 et février 2023, les États-Unis ont livré 1,1 million d’obus de ce calibre et les autres pays alliés (France, Grande-Bretagne, Canada, Finlande, Allemagne, Italie, Norvège, Espagne et Suède) 100.000, soit en tout trois mois de munitions au rythme actuel. Enfin, le brouillage russe réduit le stock des drones. En moyenne, le drone d’une unité d’infanterie ne dure qu’un jour contre 40 pour une unité d’artillerie.

Loïc Salmon

Ukraine : livraisons accrues d’armements étrangers

Ukraine : les drones, symboles de la résistance pour Kiev

Armement : gestion des stocks dans un conflit de haute intensité




La DST sur le front de la guerre froide

La Direction de la surveillance du territoire (DST, 1944-2008) a eu recours au flagrant délit pour justifier l’arrestation d’espions du bloc de l’Est. Pour les étrangers, l’expulsion a suivi mais, pour les Français, les suites judiciaires ont parfois été contrecarrées pour des raisons politiques.

De 1960 à 1990, 83 diplomates soviétiques ont dû rentrer chez eux, dont 47 en 1983, ainsi que des agents des services de renseignement (SR) polonais, tchécoslovaques, est-allemands et roumains. Pendant cette période, les autorités politiques, quelle que soit leur couleur, ont exceptionnellement soutenu la DST, préférant ignorer ses actions, les bloquer ou même les critiquer publiquement. Selon l’URSS, la révolution prolétarienne doit se réaliser par la subversion avec l’aide des partis communistes locaux, légaux, et des réseaux clandestins dirigés par Moscou. Pendant la guerre d’Indochine (1945-1954), la DST signale les « fuites » de documents secrets qui parviennent au Vietminh, via l’ambassade d’URSS…et des responsables et des sympathisants communistes français. Pendant celle d’Algérie (1954-1962), elle démantèle des réseaux du Front de libération nationale et empêche des attentats. Puis, son activité de contre-espionnage remonte en puissance, notamment grâce aux relais des organisations d’émigrés russophones. A l’époque, le KGB déploie cinq pôles thématiques : les « illégaux » sans couverture diplomatique ; le contre-espionnage et les SR adverses, dont la DST et le SDECE puis la DGSE à partir de1982 ; l’émigration des dissidents ; les sciences et techniques pour rattraper le retard dans ces domaines ; la politique, milieu ouvert propice à l’influence. Le KGB fixe les objectifs à la désinformation des opinions publiques : dénigrer les États-Unis ; saper la confiance des pays occidentaux entre eux ; donner une impression trompeuse des intentions de l’URSS ; neutraliser les oppositions extérieures. La DST exerce alors un contrôle serré des diplomates soviétiques et assimilés à partir de leur ambassade ou de tout autre établissement officiel. Tout Français en rapport avec un Soviétique est systématiquement identifié et fait l’objet d’une enquête, suivie d’une convocation. L’aide du FBI et de la CIA se révèle essentielle, car les États-Unis sont espionnés par l’intermédiaire d’autres pays et à partir de bases qui leur sont extérieures. Ces SR ciblent surtout l’OTAN, le nucléaire et l’aéronautique. L’invocation de l’immunité diplomatique, celle de l’universalité de la science ou la renommée dans la presse nationale assurent une certaine « protection », en cas de découverte d’activités d’espionnage. Comme les SR occidentaux, le KGB et le GRU (renseignement militaire) connaissent des désertions…surtout vers les États-Unis, plus attractifs sur les plans idéologique et financier. Les transfuges de chaque camp facilitent l’identification des « taupes » adverses. Les arrestations débouchent sur l’exécution à l’Est et de lourdes peines de prison à l’Ouest…mais moindres ou annulées en France. La « chasse aux taupes » entraîne une psychose au sein des SR anglo-saxons, dont profite le KGB. En France, celui-ci cible notamment le ministère des Affaires étrangères…qui supporte mal que la DST puisse légitimement suspecter un diplomate et lui refuser un visa. Certains ambassadeurs représentent moins les intérêts de la France que ceux du pays de leur affectation. Via un niveau subalterne, les SR soviétiques et chinois ont eu accès aux télégrammes diplomatiques. De 1964 à 1974, les autorités chinoises ont obtenu, de façon discontinue, la correspondance de l’ambassade de France à Pékin et celle du pool de Hong Kong (échanges entre Américains, Britanniques et Français). Les télex de l’ambassade de France à Moscou ont été « piégés » de 1976 à 1983.

Loïc Salmon

« La DST sur le front de la guerre froide », par Jean-François Clair, Michel Guérin et Raymond Nart. Mareuil Éditions, 210 pages. 21 €

Renseignement : recomposition des services au début de la guerre froide (1945-1955)

Guerres secrètes

Histoire secrète du XXème siècle, mémoires d’espions




Espagne : un pilier Sud de l’Alliance atlantique

Outre le maintien de son intégrité territoriale, ses proximités historiques avec le Sud de la Méditerranée et l’Amérique latine caractérisent la politique de défense et de sécurité de l’Espagne.

Une quinzaine de membres de l’Association des auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale l’ont constaté lors d’un voyage d’études à Madrid du 22 au 26 octobre 2022, au travers des propos tant de diplomates français et d’officiers de liaison français en poste à l’État-major espagnol, que d’officiers espagnols, de journalistes, de directeurs de think tanks et des dirigeants de deux centres internationaux de surveillance aérienne. Bien des similitudes existent entre l’Espagne et la France aux heures de leurs « puissances » passées, liées à des intérêts partagés, et parfois d’ordre conflictuel. Après la longue « reconquête » de ses différents territoires sous domination musulmane (722-1492), l’Espagne domine l’Europe et se lance à la conquête de l’Amérique Centrale et du Sud… d’où de substantielles ressources. Mais son rayonnement se ternit au XIXème siècle du fait des luttes de pouvoir et des guerres qui débouchent au XXème siècle sur une guerre civile, qui a laissé une fracture idéologique persistante entre milieux conservateurs et libéraux.

Les grandes lignes. Aujourd’hui, la politique de défense de l’Espagne poursuit deux objectifs majeurs : la défense de l’intérêt national et la stabilité internationale. D’autres problématiques souvent rappelées en France, à savoir les mouvements séparatistes de l’ETA basque et la volonté d’indépendance de la Catalogne, ne semblent pas au centre des préoccupations à Madrid. La population espagnole considère que son « intérêt national » la concerne sur un territoire « indivisible », composé de la péninsule ibérique, des Canaries et, sur le continent africain, des villes de Ceuta et Melilla, inscrites comme parties intégrantes de l’Espagne dans la constitution de 1978, avec la même autonomie de gestion que les autres communautés autonomes du pays depuis 1995. La question des « enclaves » est au cœur des relations croisées entre la France et l’Espagne, l’Algérie et le Maroc. Elle se trouve liée aux problèmes des migrants, où l’Espagne est en première ligne, tout en n’étant pas seule impliquée dans des solutions à dégager. Ici, les intérêts espagnols sont parfois difficiles à concilier avec les intérêts français. Actuellement en Europe, l’attention est plutôt dirigée vers l’Est, mais la guerre en Ukraine s’arrêtera, alors que les problèmes sur la rive Sud de la Méditerranée persisteront encore longtemps. L’Espagne regrette de ne pas voir ses difficultés reconnues et ses intérêts communs à d’autres pays européens bien analysés. Ainsi, en matière d’immigration, elle souligne qu’elle n’est qu’un pays de transit …d’où la nécessité de traiter le dossier en commun au niveau européen.

La contribution au maintien de la paix. Les opérations de stabilisation de la situation internationale constituent l’axe majeur de la politique extérieure de défense de l’Espagne. Elle a envoyé un contingent militaire au Mali et en a déployé plusieurs dans les pays baltes, en Bulgarie et en Pologne. Elle participe à la mission « Atalante » de lutte contre l’insécurité maritime dans le golfe d’Aden et l’océan Indien. Elle est partie prenante dans les opérations de maintien de la paix au Liban et assure des missions d’observation dans le cadre de l’ONU. Consciente des aires d’instabilité, elle perçoit la nécessité de s’investir en Méditerranée, dans le Sahel et dans le golfe de Guinée, en raison du terrorisme, de l’insécurité liée aux flux migratoires. S’y ajoutent diverses menaces : cyber ; catastrophes naturelles ; épidémies ; accidents ou sabotages sur des câbles sous-marins et des gazoducs.

Les alliances. De la période franquiste (1936-1975) date un rapprochement avec les États-Unis en 1953, qui a permis une certaine normalisation des relations de l’Espagne avec le monde. Il s’ensuit une gratitude persistante et des liens étroits sur le plan militaire. Après la disparition de Franco et le rétablissement de la démocratie en 1975, l’Espagne devient membre de l’OTAN en 1982. Entrée dans la Communauté européenne en 1986, elle sait tirer profit des opportunités offertes et adhère à la vision politique et stratégique de l’Union européenne (UE). Très impliquée dans les instances européennes, le développement des relations avec l’Amérique latine est son apport. C’est là l’un des trois axes annoncés pour sa présidence de l’UE au deuxième semestre 2023, à côté du renforcement des accords commerciaux et du libre-échange et aussi de la diffusion de sa culture. Un attachement commun à l’Europe et à ses valeurs, en Espagne et en France, n’exclut pas des différences d’appréciation nettes au regard de l’OTAN pour des raisons historiques dans les deux pays. Comme plusieurs autres nations européennes, l’Espagne préfère acheter de l’armement américain, pensant ainsi bénéficier d’une meilleure protection sous le « parapluie », notamment nucléaire, de l’OTAN.

La « diplomatie de défense ». La culture et la diplomatie de défense occupent une place non négligeable au sein du ministère espagnol de la Défense. Des actions de communication sont menées annuellement auprès de la société civile pour mesurer sa perception de l’utilité des forces armées. Le retour à la conscription, suspendue en 2002, n’est pas d’actualité, mais la tendance générale est plutôt favorable, notamment chez les seniors, mais avec une vraie carence chez les universitaires. Si le lien Armée-Nation est présent dans les actions menées vers la jeunesse, il est parfois difficile à mettre en œuvre, du fait des responsabilités régionales en matière éducative. Il faut aussi noter que le retour à la conscription, suspendue en 2002, n’est pas d’actualité. Le rôle du Centre des hautes études de la défense nationale (CESEDEN) est à souligner. Département en charge de la culture et de la diplomatie de défense créé en 1964, il dispense aujourd’hui des formations destinées aux hauts fonctionnaires et hauts responsables de la vie économique et sociale de la nation, réservées uniquement aux ressortissants espagnols. Les fonctionnaires sont proposés par leurs ministères sans quota et l’État-major est souverain pour le choix des personnes sélectionnées. Deux sessions de trois mois et demi sont proposées à 40 personnes, soit 80 personnes par an. Le CESEDEN propose aussi des sessions internationales, des sessions thématiques et des sessions pour les jeunes. Les proximités avec l’Institut des hautes études de défense nationale français sont nombreuses, même si les liens entre la « maison-mère » et l’Association des auditeurs paraissent plus étroits en Espagne. Le CESEDEN et l’Association des auditeurs ont manifesté le souhait de nouer des liens avec leurs homologues français.

Recherche d’un nouvel équilibre. Après le départ de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, l’Espagne se perçoit comme une troisième puissance en Europe sur le plan de la Défense après l’Allemagne et la France, occupant une place particulière aux portes de la Méditerranée vers l’Afrique et l’Atlantique. Après le traité du Quirinal avec l’Italie en 2021 et dans le contexte du 60ème anniversaire du traité de l’Élysée avec l’Allemagne le 22 janvier, la signature du traité d’amitié et de coopération avec la France à Barcelone, le 19 janvier 2023, implique une réflexion sur les nécessaires nouvelles formes d’équilibre plus axées autour de la Méditerranée.

Hélène Mazeran

Les effectifs des forces armées espagnoles se montent à environ 120. 000 hommes, dont 80.000 dans l’armée de Terre. En outre, environ 500 hommes sont déployés hors du territoire national. S’y ajoutent 4.500 réservistes. En 2023, l’augmentation du budget de la Défense sera de 25 %, passant de 10,1 Mds€ à 12,8 Mds€ avec une augmentation sensible pour la Base industrielle et technologique de défense. L’objectif des 2 % du produit intérieur brut pour le budget de la défense devrait être atteint d’ici à 2029, alors qu’il était de 1,02 % en 2022.

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Ukraine : livraisons accrues d’armements étrangers

Face à la supériorité des forces armées russes, l’Ukraine a obtenu des armes à l’étranger et va recevoir des chars lourds. L’intensité et la durée du conflit entraînent l’usure des équipements. S’y ajoute le risque de détournement de livraisons.

Les 25 et 26 janvier 2023, une dizaine pays occidentaux ont annoncé les livraisons d’une centaine de chars lourds dans les prochains mois. Par ailleurs, le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) a publié, le 5 janvier 2023 à Bruxelles, une étude sur les livraisons d’armes par des États membres de l’OTAN, de l’Union européenne (UE) et de pays tiers sur les onze premiers mois de 2022. Convaincus de l’imminence du conflit, les Etats-Unis avaient commencé à envoyer des armes à l‘Ukraine dès janvier.

La situation sur le terrain. Au 25 janvier, selon la carte de l’État-major français des armées, les forces armées russes procèdent à des attaques, depuis le Donbass à Kherson, et poursuivent l’enveloppement de Bakhmut. Sur le front Nord-Est, elles maintiennent leur pression sur les axes logistiques y menant, pour forcer les forces ukrainiennes à se replier, et continuent de tirer sur les secteurs de Soumy, Koupiansk et Khakiv. Sur le front Est, les combats se poursuivent autour de Donetsk. Sur le front Sud, les combats continuent dans le secteur de Zaporiziah, autour d’Orikhiv et de Kamianske, ainsi que les tirs sur Kherson.

Les armements. Les promesses d’envoi de chars lourds à l’Ukraine se répartissent ainsi : Etats-Unis, 31 Abrams (canon de 120 mm) ; Grande-Bretagne, 14 Challenger 2 (canon de 120 mm) ; Allemagne, 14 Leopard 2 (canon de 120 mm) et autorisations à ses clients d’en livrer ; Pologne, 14 Leopard 2 ; Espagne, plus de 20 Leopard 2 ; Norvège, 8 Leopard 2 ; Finlande, 14 Leopard 2 ; Portugal, 4 Leopard 2 ; Canada, 4 Leopard 2. Restent à confirmer : Pays-Bas, 18 Leopard 2 ; Danemark, 6 Leopard 2 ; Suède, 10 Stridsvagn 122 (version améliorée du Leopard 2) ; France, quelques Leclerc. De son côté, Le GRIP a identifié quatre catégories de matériels envoyés à l’Ukraine : ML1, armes automatiques d’un calibre inférieur ou égal à 12,7 mm et canons d’un calibre inférieur à 20 mm ; ML2, armes de calibres supérieurs à 12,7 mm et canons de calibres supérieurs à 20 mm ; ML3, munitions et dispositifs de réglage de fusées ; ML4, bombes, torpilles, roquettes, missiles et autres dispositifs et charges explosives. Les ML3 et 4 sont les plus employées. Cette guerre nécessite des approvisionnements en artillerie, munitions, véhicules blindés et systèmes antiaériens et antichars portables. Après avoir puisé dans leurs stocks, les armées européennes vont rencontrer des difficultés financières et logistiques pour les reconstituer et réapprovisionner les forces ukrainiennes, car les fournisseurs ne sont pas suffisamment dimensionnés. En outre, l’entretien ou le maintien en condition opérationnelle des matériels livrés ne peut se faire qu’en dehors de l’Ukraine, dont les infrastructures, sont prises pour cibles. Enfin, les Etats-Unis et l’UE ont pris, tardivement souligne le GRIP, des mesures pour limiter les risques de détournements d’armes, consécutifs aux livraisons massives et rapides à un pays connu pour ses trafics douteux et son niveau élevé de corruption.

Les aides financières. Le GRIP estime la valeur des livraisons des onze premiers mois de 2022 à 33,2 Mds$, dont 32,3 Mds$ pour l’OTAN. Sur les 30 États membres de l’OTAN, 27 ont livré des matériels militaires à l’Ukraine. L’Islande, le Monténégro et la Hongrie n’ont rien envoyé. En outre, 22 États membres de l’UE en ont livré pour un montant de 9,66 Md$. L’Autriche, Chypre, la Hongrie, l’Irlande et Malte se sont abstenues. Le 28 février 2022, l’UE a activé la « Facilité européenne pour la paix » pour financer le transfert d’armes à l’Ukraine. Par ailleurs, l’Australie, la Bosnie, Israël, le Pakistan et Taïwan ont fourni des armes à l’Ukraine. Le 25 janvier 2023, les Etats-Unis ont annoncé une aide supplémentaire de 3 Mds$ à l’Ukraine.

Loïc Salmon

Armement : gestion des stocks dans un conflit de haute intensité

Ukraine : le volet français de la défense du flanc Est de l’Europe

Ukraine : sous-estimations stratégiques de la Russie




Océan Atlantique : le Nord, un espace de plus en plus contesté

La logique de puissance et le rapport de forces par le fait accompli, constatés en Ukraine et dans le détroit de Taïwan, s’appliquent aussi en Atlantique Nord.

Le vice-amiral d’escadre Olivier Lebas, préfet maritime (action de l’Etat en mer) de l’Atlantique et commandant de la zone (Etat-major des armées) et de l’arrondissement (défense du littoral) maritimes Atlantique, l’a expliqué au cours d’une conférence-débat organisée, le 19 janvier 2022 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la Marine.

Contexte stratégique. La nouvelle donne stratégique prend en compte la compétition entre Etats, la montée des tensions dans les espaces communs (extra-atmosphérique, cyber et maritime) et éventuellement l’affrontement. L’origine des cyberattaques en Ukraine reste encore difficile à attribuer. Un missile hypervéloce chinois a fait le tour de la Terre. La Russie a procédé à un tir contre un satellite et la Corée du Nord au lancement de son premier missile balistique. La Chine, qui renforce sa présence en Asie du Sud-Est pour en faire une sorte de mer intérieure, envoie des navires militaires jusqu’en Atlantique Nord. La Russie intensifie ses efforts pour décourager la présence des Marines occidentales en Méditerranée orientale. Pour accroître son influence, elle recourt à la diplomatie, l’intimidation, la guerre hybride ou la lutte d’influence comme au Mali et en Centrafrique. Elle remet en cause les traités de contrôle des armements. Elle a manifesté sa présence en Atlantique-Nord avec le déploiement de la frégate Admiral-Gorskhov (mise en service en 2018), le sous-marin nucléaire d’attaque Yasen, des bâtiments hydrographiques et des sous-marins classiques de la classe Kilo II équipés de missiles de croisière Kalibr. L’Atlantique Nord présente des exemples de compétition, entre Marines de combat, et de conflictualités sournoises. Il est fréquenté par les navires des Marines des pays membres de l’OTAN, notamment les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins américains, britanniques et français. La Marine nationale y effectue des manœuvres pour défendre sa profondeur stratégique. Celle-ci consiste à utiliser les satellites et déployer au loin navires de surface et sous-marins pour anticiper ce qui pourrait se passer. Ensuite, il s’agit de traiter les mégadonnées des systèmes automatiques d’identification, pour le suivi des trajectoires de navigation des navires marchands, ou des moyens électroniques civils pour détecter les pêches illégales. Les câbles sous-marins assurent 99 % des communications internet, entraînant une compétition pour la propriété des câbles et l’influence qu’ils permettent d’exercer. Le groupe américain Google et la Chine rachètent des entreprises de pose de câbles sous-marins. Les stations d’atterrage nécessitent une protection. En effet, des câbles ont été endommagés près de Brest et de la Norvège, accidents ou sabotages difficiles à prouver. Par ailleurs, le durcissement du contexte international entraîne une augmentation des budgets militaires et des exercices sur la capacité à se défendre dans « le haut du spectre ». Les porte-avions américains reviennent en Méditerranée et en Atlantique Nord.

Résurgence de la Russie. Un nouveau vent de guerre froide souffle sur l’Atlantique, estime l’amiral Lebas. Le projet de gazoduc pour acheminer le gaz russe vers l’Allemagne, via la Baltique, attise la tension entre les Etats-Unis et la Russie. En outre, des exercices OTAN se déroulent près du cercle polaire. De son côté, la Russie se considère comme une nation encerclée par l’OTAN et la mise en œuvre de la défense anti-missile américaine. Elle tente de maîtriser les approches des pays voisins et de dénier l’accès d’autres Marines à certaines zones. A Kaliningrad, des missiles antinavires S-400 peuvent perturber les activités en mer Baltique. Le retour des sous-marins russes en Atlantique, plus nombreux et plus silencieux qu’en 2005, a remis en route la modernisation des moyens de surveillance et de lutte anti-sous-marine. Leur déplacement se coordonne avec ceux des bâtiments de surface et des avions à long rayon d’action pour le renseignement stratégique. Ainsi, ont été aperçus un Tu-95 Bear H au large de la Norvège, un Tu-142 Bear F jusqu’en Baltique et un Tu-160 Blackjack vers la Méditerranée en 2015, le Venezuela en 2018 et l’Afrique du Sud en 2019. La France, rappelle l’amiral, a relâché sa coopération avec la Russie depuis 2014, sauf pour la sécurité en mer, et a renforcé celle avec les pays de l’ex-URSS devenus membres de l’OTAN. Ainsi, elle participe à la « présence avancée renforcée » de l’Alliance Atlantique en Estonie, dans les domaines terrestre et aérien. Dans la continuité de cette profondeur stratégique, la défense maritime du territoire consiste à surveiller, renseigner et s’opposer, souligne l’amiral. La protection du littoral commence dans les ports de Saint-Malo, Roscoff, Brest, Saint-Nazaire, Nantes, La Rochelle et Bordeaux. Elle se prolonge dans la zone économique exclusive avec des navires et des avions de surveillance (Falcon) ou de patrouille maritime (ATL2). A Brest, le départ d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins de la Force océanique stratégique mobilise un chasseur de mines, un ATL2, un hélicoptère et un sous-marin jusqu’à sa dilution dans les profondeurs de l’océan, pour le maintien de la permanence de la dissuasion. Une escorte similaire protège sa rentrée au port. A titre indicatif, il ne faut que six jours de navigation pour aller de Brest au Nord de l’Atlantique.

Jusqu’en Arctique. En mars 2021, trois sous-marins nucléaires russes ont émergé de la banquise du pôle Nord, manifestant l’affirmation de la souveraineté de Moscou sur cette zone. Avec le réchauffement climatique, deux routes maritimes semblent possibles vers le Pacifique : le passage du Nord-Ouest entre l’Ouest du Groenland (Danemark) et les côtes du Canada et de l’Alaska ; le passage du Nord-Est, plus facile, entre l’Est du Groenland et les côtes de Norvège et de Russie. L’exploitation des ressources en pétrole et gaz de l’Arctique, quoique difficile, devrait s’avérer rentable à l’exportation vers l’Union européenne et la Chine qui commence à construire des brise-glace. Il s’ensuit des tensions entre les pays riverains, sans aller jusqu’à l’affrontement, et un intérêt croissant de l’Inde et de l’Allemagne. De son côté, la Russie déploie déjà des méthaniers brise-glace pour le transport du gaz jusqu’à des méthaniers classiques. En outre, elle restaure d’anciennes bases militaires pour des raisons de sécurité, mais selon des règles peu conformes au droit de la mer. Dans cette zone, le GPS fonctionne mal et les communications par satellites sont souvent perturbées. Pour connaître le Nord du cercle polaire aux glaces diverses, anticiper les crises et entretenir ses compétences de navigation, la Marine nationale y a envoyé la frégate multi-missions Bretagne à l’automne 2018 et l’hiver 2021-2022 et le bâtiment de soutien et d’assistance métropolitain Rhône en été 2018, 2020 et 2021. Conséquence du développement des croisières dans les glaces et même jusqu’au pôle Nord, des bâtiments français vont s’entraîner au sauvetage avec des unités norvégiennes et danoises, qui pourraient éventuellement avoir besoin de soutien.

Loïc Salmon

OTAN : actualisation du concept stratégique et complémentarité navale franco-américaine

Union européenne : présidence française, acquis de la défense

Union européenne : penser les opérations maritimes futures




OTAN : actualisation du concept stratégique et complémentarité navale franco-américaine

Le resserrement du partenariat stratégique entre la Russie et la Chine est perçu par l’OTAN comme déstabilisateur de l’ordre international. Pour les Etats-Unis, l’importance de la présence navale française dans la zone indopacifique contribue de façon significative à la sécurité régionale.

Un document de l’OTAN, rendu public lors du sommet des 29-30 juin 2022 à Madrid, réactualise le concept stratégique de 2010. Le 11 juillet, une source de l’Etat-major de la Marine française a indiqué les perspectives navales avec les Etats-Unis. Le même jour, l’Etat-major des armées (EMA) a exposé la situation du conflit en Ukraine.

Situation en Ukraine. Les gains territoriaux au Nord de la Crimée et à l’Ouest du Donbass augmentent (stries rouges sur la carte). Selon l’EMA, les frappes russes (astérisques jaunes) demeurent intenses sur toute la ligne de front et dans la profondeur, surtout sur le Donbass, et ciblent à nouveau les régions de Sumy et Chernihiv. L’artillerie ukrainienne vise les dépôts logistiques russes. Sur le front Nord, les frappes ont repris au Nord-Ouest et les combats se poursuivent autour de Kharkiv (1). Sur le front Est, les forces russes poursuivent leur offensive, lente et méthodique, vers les localités de Sloviansk et Kramatorsk. Les forces ukrainiennes tiennent leurs lignes de défense (2). Sur le front Sud, la situation s’est stabilisée. Les forces ukrainiennes font face aux dernières lignes de défenses russes dans les régions de Kherson et Zaporizhia, ciblant leurs approvisionnements sur leurs arrières (3). Selon la source navale française, cette guerre permet d’exploiter les erreurs de la Russie et d’évaluer ses capacités tactiques terrestre et navale (Île aux Serpents). Elle souligne le risque de chantage alimentaire en Afrique, en raison du contrôle russe de la mer Noire. Au 11 juillet, la Russie avait tiré plus de 1.000 missiles de croisière, dont une centaine depuis la mer. En conséquence, la Marine française portera ses efforts sur la lutte contre les drones et le brouillage des communications.

Russie et Chine. Pour l’OTAN, la Russie constitue la principale menace pour la paix et la stabilité dans la zone euro-atlantique. Avec des moyens conventionnels, cyber ou hybrides, elle tente d’exercer un contrôle direct et d’établir des sphères d’influence par la coercition, la subversion, l’agression et l’annexion. Brandissant la menace nucléaire, elle modernise ses forces nucléaires et développe de nouveaux vecteurs à capacités conventionnelle et nucléaire aux effets perturbateurs. Outre la déstabilisation des pays situés à l’Est ou au Sud du territoire de l’Alliance atlantique, elle entrave la liberté de navigation dans l’Atlantique Nord, zone d’acheminement de renforts militaires vers l’Europe. Son intégration militaire avec la Biélorussie et le renforcement de son dispositif militaire en mer Baltique, mer Noire et Méditerranée sont considérés comme portant atteinte à la sécurité et aux intérêts des pays de l’Alliance atlantique. Toutefois, estimant ne pas présenter une menace pour la Russie, l’OTAN ne cherche pas la confrontation et souhaite maintenir des canaux de communications pour gérer et réduire les risques, éviter toute escalade et accroître la transparence. Par ailleurs, selon l’OTAN, la Chine renforce sa présence dans le monde et projette sa puissance par des moyens politiques, économiques et militaires. Elle cible notamment les pays de l’Alliance atlantique par des opérations hybrides ou cyber malveillantes, une rhétorique hostile et des activités de désinformation. Elle tente d’exercer une mainmise sur des secteurs économiques et industriels clés, des infrastructures d’importance critique, des matériaux (terres rares) et des chaînes d’approvisionnements stratégiques. En outre, elle sape l’ordre international fondé sur des règles, notamment dans les domaines spatial, cyber et maritime (entraves à la liberté de navigation).

NRBC, cyber, technologies, climat. Selon l’OTAN, des Etats et des acteurs non-étatiques hostiles recourent à des substances ou des armes chimiques, biologiques radiologiques ou nucléaires, qui menacent la sécurité des pays de l’Alliance atlantique. Ainsi, l’Iran et la Corée du Nord poursuivent leurs programmes d’armement nucléaire et de missiles. La Syrie, la Corée du Nord, la Russie et des acteurs non-étatiques ont déjà employé des armes chimiques. La Chine développe son arsenal nucléaire à un rythme soutenu et met au point des vecteurs de plus en plus sophistiqués. Dans le cyberespace, théâtre d’une contestation permanente, des acteurs malveillants essaient d’affaiblir la défense de l’OTAN en cherchant à endommager des infrastructures d’importance critique, perturber le fonctionnement des services publics, dérober des renseignements, voler des contenus soumis à la propriété intellectuelle ou entraver des activités militaires. En outre, des pays compétiteurs stratégiques et des adversaires potentiels de l’OTAN investissent dans des technologies émergentes ou de rupture, capables d’endommager ses capacités spatiales, et de cibler ses infrastructures civiles ou militaires. Enfin, multiplicateur de crises et de menaces, le changement climatique provoque une montée du niveau des mers et des feux de végétations, désorganisant des sociétés. Souvent appelées à intervenir en cas de catastrophe naturelle, les forces armées doivent désormais agir dans des conditions climatiques extrêmes.

Zone indopacifique. Face à la Chine, les Etats-Unis ont besoin d’Alliés, indique la source navale française. Ils ont pris en compte l’implantation de la France dans la zone indopacifique, car ils partagent avec elle la même prudence vis-à-vis de la Chine, la nécessité de la prévention des combats dans la région et le souhait d’y limiter le développement des activités militaires. Depuis la seconde guerre mondiale, la Marine américaine domine les océans. Mais la Marine chinoise développe ses capacités de mener des opérations de coercition et de se déployer dans le monde, comme l’a démontré l’escale d’une frégate chinoise à Bata (Guinée). Elle a mis au point un porte-avions à catapulte et son avion spécifique et a loué des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) russes de la classe Akula. Autre alliée des Etats-Unis dans la région, l’Australie a annulé le contrat de sous-marins avec la France pour se tourner vers eux. Or le taux de remplacement dans la Marine américaine est passé de 2 unités par an à 1 par an, repoussant à 2040 la perspective pour l’Australie de prendre livraison de SNA opérationnels, à prélever sur la flotte américaine. Pour se renforcer dans le Pacifique, les Etats-Unis ont réduit de 70 % leur présence dans l’océan Indien, compensée par celle de la France, dont la posture stratégique dans la zone indopacifique complique l’analyse géopolitique de la Chine.

Interopérabilité navale. Selon la source navale française, des arrangements techniques entre les Marines américaine et française portent sur la validation, à différents niveaux, des systèmes d’informations concernant le commandement, les sous-marins et l’avion de chasse F-35 C. La 4ème génération de ce dernier en augmentera la furtivité, mais la 5ème entraînera un comportement différent, enjeu de la coordination avec le Rafale Marine

Loïc Salmon

Union européenne : présidence française, acquis de la défense

Ukraine : hégémonie navale russe en mer Noire

Stratégie : l’action de la France dans la zone indopacifique




Union européenne : présidence française, acquis de la défense

L’engagement écrit de nouveaux financements pour l’acquisition de capacités de défense, obtenu lors de la présidence de la France au premier semestre 2022, manifeste le réveil stratégique de l’Union européenne (UE).

Ce dernier et la « boussole stratégique », actualisée en cohérence avec le nouveau concept stratégique de l’OTAN, ont été présentés à la presse, le 7 juillet 2022 à Paris, par Alice Guitton, directrice générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des Armées.

L’Europe puissance. Véritable Livre blanc de la défense de l’UE à l’horizon 2030, la boussole stratégique a été adoptée par les 27 Etats membres. L’invasion de l’Ukraine, le 22 février, a rendu nécessaires la crédibilité de l’OTAN et sa coordination avec l’UE pour dissuader la Russie d’attaquer l’un des membres de l’Alliance atlantique. La boussole stratégique sera mise en œuvre et déclinée en liaison étroite avec la République tchèque puis la Suède, qui succèdent à la France à la tête du Conseil européen jusqu’au 30 juin 2023. Elle porte d’abord sur une capacité de déploiement rapide, adossée à des processus de décision plus flexibles, plus réactifs et plus adaptés aux besoins des pays partenaires. Les missions PSDC (politique de sécurité et de défense commune) seront rénovées pour permettre des coopérations structurelles, plus en soutien des besoins de souveraineté des partenaires de l’UE et des modalités d’actions. Un investissement de l’ensemble des Etats membres doit garantir un accès sûr à l’espace, au cyber et à la haute mer, domaines contestés, avec les lancements d’une présence maritime coordonnée dans l’océan Indien et d’une stratégie spatiale avec l’exercice Aster X, tenu à Toulouse le 4 mars. Outre la zone indopacifique, l’accent a été mis sur les Balkans et l’Afrique. Le dialogue entre l’UE et les Etats-Unis a repris en matière de sécurité et de défense. Conçue pour la gestion de crise dans les Balkans ou en Afrique, la « Facilité européenne pour la paix », instrument extrabudgétaire créé en 2021, visait d’abord à financer les équipements et armements des troupes des EUTM (missions de formation de l’armée d’un pays tiers). Depuis, elle a été mobilisée pour fournir des armes à l’Ukraine pour un montant de 2 Mds€.

La BITD européenne. Des réponses urgentes ont été apportées pour combler les lacunes capacitaires. Lors de sa réunion des 24 et 25 mars et avant même l’adoption de la boussole stratégique, le Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement a demandé à la Commission européenne et à l’Agence européenne de défense de proposer des solutions de court et moyen termes pour soutenir et renforcer la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne. En outre, il a décidé de créer un « hub » (plateforme) en charge de l’innovation au sein de l’Agence européenne de défense. Par ailleurs et sur sa demande, la Commission européenne a proposé la création de deux nouveaux instruments d’incitation à l’acquisition conjointe d’équipements militaires. Le premier est un plan d’urgence pour réapprovisionner les stocks de matériels pour un montant de 500 M€ sur 2022-2024, soutenu par le budget de l’UE. Le second consiste en un programme européen d’investissements de défense pour faciliter l’achat conjoint, via des exemptions de taxe à la valeur ajoutée et des flexibilités réglementaires. Il offre la possibilité de mobiliser des financements du budget de l’UE pour renforcer la BITD. Même après la guerre en Ukraine, les dépenses de défense devraient continuer à augmenter de façon significative, estime Alice Guitton.

Loïc Salmon

OTAN : actualisation du concept stratégique et complémentarité navale franco-américaine

Océan Indien : espace de coopération internationale

Armée de l’Air et de l’Espace : imaginer et mettre en œuvre une défense spatiale




14 juillet 2022, un défilé sur fond de guerre en Ukraine

Outre ses spécificités interarmées et de cohésion et de résilience nationales, le défilé militaire du 14 juillet 2022 à Paris prend en compte l’engagement de l’OTAN et de l’Union européenne (UE) dans la défense du flanc Est de l’Europe.

Le général de corps d’armée Christophe Abad, gouverneur militaire de Paris, l’a présenté à la presse le 7 juin 2022.

Opérations. Comme l’indique le logo officiel (voir illustration), l’OTAN de l’UE sont représentées par les détachements de neuf pays membres, qui défilent avec un porte-drapeau : Bulgarie ; Estonie ; Hongrie ; Lettonie, Lituanie ; Pologne ; Roumanie, Slovaquie ; Tchéquie. Toutefois, précise le général Avad, cela n’implique pas automatiquement la présence de leur chef d’Etat ou de gouvernement respectif. Des militaires des missions défensives et dissuasives de réassurance sur le flanc oriental de l’Europe sont aussi mis à l’honneur : 61 pour l’armée de Terre, dont 12 Belges de la mission « Aigle » en Roumanie ; 30 de l’armée de l’Air et de l’Espace ; 30 de la Marine nationale. Les opérations extérieures « Barkhane » (Afrique) et « Chammal » (Levant) sont représentées par l’armée de l’Air et de l’Espace, à savoir 1 avion ravitailleur C135 et 6 avions de chasse : 3 Mirage 2000 D ; 1 Mirage 2000 C ; 1 Rafale C ; 1 Rafale B. Les Forces aériennes stratégiques représentent la dissuasion, mission permanente de défense des intérêts vitaux de la France, avec 1 A330 MRTT (ravitailleur), 1 Rafale C et 3 Rafale B.

Anniversaires. L’édition 2022 célèbre certains anniversaires : pour l’armée de Terre, les 400 ans des Troupes de marine et les 80 ans des Transmissions ; pour la Marine nationale, les 50 ans de la première patrouille d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (instrument de la composante maritime de la dissuasion nucléaire), les 80 ans des fusiliers-commandos (fuscos), les 50 ans de la préparation militaire marine et les 70 ans du « Bagad » (orchestre breton) de Lann Bihoué, qui participe à l’animation initiale avec 35 musiciens ; pour l’armée de l’Air et de l’Espace, les 80 ans du Régiment de chasse de Normandie-Niemen, à l’origine unité des Forces françaises libres engagée aux côtes de l’armée de l’Air soviétique entre 1942 et 1945, puis en Indochine (1949-1951) et en Algérie (1954-1962), mise en sommeil en 2009, réactivée en 2012 et rattachée à la 30ème Escadre de chasse depuis 2015 ; pour la dimension interarmées, les 30 ans du Commandement des opérations spéciales, créé après la guerre du Golfe.

Parade militaire et civile. L’édition 2022 compte : 6.300 participants, dont 5.000 à pied ; 64 avions, 26 hélicoptères et, pour la première fois, 1 drone de combat Reaper ; 62 motos et 119 véhicules et engins dont, pour la première fois également, l’engin blindé de reconnaissance et de combat Jaguar ; 200 chevaux de la Garde républicaine ; 12 chiens des fuscos et de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP). Outre les écoles des cadres militaires, défilent des unités des trois armées, du Commissariat et du Service de santé des armées ainsi que, pour la Gendarmerie, l’infanterie de la Garde républicaine et le Commandement du cyberespace. Suivent des personnels de la Direction des affaires juridiques, des ministères de l’Intérieur, de la Justice et de l’Economie. Traditionnellement, la Légion étrangère ferme la marche de son pas lent. L’animation finale est assurée par la BSPP, le Chœur de l’armée française, des élèves des lycées de la Défense, des demoiselles des maisons d’éducation de la Légion d’honneur (crée en 1802) et des décorés civils et militaires des Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo (été 2020) et de Pékin (hiver 2022).

Loïc Salmon

Ukraine : le volet français de la défense du flanc Est de l’Europe

14 juillet 2021 : engagements de haute intensité, technologies de pointe et anniversaires

La Légion étrangère : combats pendant, solidarité après