Ramsès II de retour à Paris

Avec un règne de 67 ans, le plus long de l’Égypte ancienne, Ramsès II reste aussi le seul pharaon dont la momie a reçu, à Paris en 1976, les honneurs militaires… de la Garde républicaine française !

La Grande Halle de la Villette accueille l’exposition « Ramsès II & L’or des pharaons » (7 avril-6 septembre 2023), la deuxième à Paris dédiée au souverain égyptien le plus connu dans le monde après Toutankhamon. La première, intitulée « Ramsès II le Grand » et visitée par des centaines de milliers de personnes, s’était tenue au Grand Palais en 1976. Elle avait été organisée lors du traitement de la momie de Ramsès II, pendant huit mois au musée de l’Homme, laquelle commençait à se dégrader dans le musée des Antiquités du Caire. La Garde républicaine, casquée et sabre au clair, lui avait rendu hommage le 26 septembre à l’aéroport du Bourget. Le cortège était ensuite passé devant l’obélisque de la Place de la Concorde.

Le guerrier. Dès le début de son règne, Ramsès II (né en 1304 avant J.-C et décédé en 1213 avant J.-C.) doit repousser les invasions nubiennes au Sud, les attaques des forces libyennes à l’Ouest et les assauts des Hittites en Syrie. Il met aussi fin aux pillages du littoral méditerranéen par les pirates shardanes, qui donneront leur nom à l’île de la Sardaigne. Nommé capitaine à un très jeune âge, Ramsès accompagne son père Séthi 1er sur les champs de bataille. Adolescent, il commande en second et combat avec son père en Libye et en Palestine. Pharaon à 25 ans, il conduit des opérations en Nubie (Soudan actuel), accompagné de ses jeunes fils. Au cours de son rège, il dispose d’une armée estimée à 20.000 hommes, armés principalement d’arcs et de flèches. En équilibre debout sur les chars ou en formation à pied, les archers déciment les ennemis sous des pluies de flèches. Très rapides, les chars tirés par de chevaux constituent les plus mortelles machines de guerre. Ils auraient été introduits en Égypte environ 1.600 ans avant J.-C. par les Hyksôs, présentés comme des envahisseurs venus du Nord-Est. La bataille de Qadesh, l’une des plus célèbres de l’Antiquité, se déroule probablement vers 1274 avant J.-C. au Sud-Ouest de la Syrie actuelle. L’armée de Ramsès qui compte 20.000 hommes, dont 16.000 fantassins et 2.000 chars, affronte les forces hittites composées d’environ 50.000 hommes, dont 40.000 fantassins et 3.700 chars. Elle a intégré des guerriers nubiens, libyens et shardanes enrôlés lors des précédentes conquêtes. L’issue étant indécise, le roi hittite Muwatalli II demande une trêve. Pour dénombrer les morts, les Égyptiens coupent une main de chaque Hittite tué au combat. Un traité, le premier à être mentionné dans l’Histoire, instaure la paix dans la région pour près d’un siècle.

Le bâtisseur. Pendant le règne de Ramsès II, l’Égypte jouit d’une supériorité militaire régionale. Ses monuments et ses temples en racontent les batailles et le présentent toujours comme vainqueur, même s’il a perdu ou a battu en retraite. Les prisonniers de guerre participent de force à leur construction. Après l’achèvement des temples de son père Séthi, Ramsès bâtit, usurpe et modifie de nombreux temples, monuments et statues. Il établit la ville royale de Pi-Ramsès sur une branche du Nil à proximité d’Avaris, ancienne capitale des Hyksôs, et érige notamment les temples de Karnak, de Louxor, d’Abydos et d’Abou Simbel. Pour les sauver de l’inondation consécutive à la construction du futur barrage d’Assouan, les temples d’Abou Simbel ont été déplacés de 180 m et surélevés de 64 m, grâce à une campagne internationale lancée par l’UNESCO en 1960. Les travaux ont duré quatre ans et demi, sous la direction de l’égyptologue française Christiane Desroches Noblecourt.

Loïc Salmon

L’exposition « Ramsès II & L’or des pharaons » présente statues, sarcophages, masques royaux, bijoux, armes et momies d’animaux. Une « réalité virtuelle immersive » permet de visiter les temples d’Abou Simbel, dédiés à Ramsès II, et la tombe de la reine Néfertari, son épouse préférée. Visites guidées possibles. Renseignements : www.expo-ramses.com

Exposition « Le voyage de l’obélisque » au musée de la Marine

Exposition « L’épopée du canal de Suez » à l’Institut du monde arabe à Paris




Les guerres de religion, 1559-1610, la haine des clans

La « guerre des esprits » par la propagande imprimée et la diffusion de fausses nouvelles fait partie des guerres entre catholiques et protestants en France. Ce premier et intense conflit médiatique conduit à des massacres et à l’assassinat de deux rois. Pourtant, l’État fonctionne grâce à l’administration.

Pamphlets, placards (affiches) et divers opuscules servent la monarchie et les clans opposés. Certains traités politiques remettent en cause l’autorité royale. Placards exposés dans le domaine public, illustrations de livres et images volantes évoquent scènes de violence, caricatures et allégories codées pour célébrer ou condamner et souvent ridiculiser l’adversaire. Pour les auteurs occasionnels, il s’agit de servir un chef de clan ou une cause par la persuasion, issue de l’art de la rhétorique. A l’époque, celle-ci constitue la base de l’éducation humaniste des élites. L’orateur doit adapter son discours aux circonstances, à son public et au but recherché. Il compte sur sa mémoire pour disposer d’arguments, pour ou contre une thèse proposée, de lieux communs et de citations. Les images permettent de les stocker. Progressivement, les factions ne se définissent plus par la religion de leurs membres, mais par leur tolérance, plus ou moins grande, envers les « Réformés » (protestants) et leur loyauté à la Couronne. Ainsi en 1574, les « Malcontents » (catholiques) conduits par François d’Alençon, frère du roi Henri III (1574-1589), s’allient militairement à des protestants pour contrer l’influence du clan des Guise…catholiques ! En 1576, les catholiques créent la Ligue, soutenue par l’Espagne, qui se fait de plus en plus menaçante quand le protestant Henri de Navarre, cousin de Henri III, est désigné par lui comme seul héritier du trône en 1584. Accusé de complaisance envers les « hérétiques », Henri III perd toute légitimité auprès des catholiques après l’assassinat de leurs chefs, le duc de Guise et le cardinal de Lorraine en 1588. Chassé de Paris, il est assassiné à son tour l’année suivante. Henri IV doit alors reconquérir une à une les villes contrôlées par la Ligue. Paris ne se rend qu’après le retour du roi à la foi catholique en 1593. Malgré l’aide de l’Espagne, les derniers chefs catholiques finissent par se soumettre en 1598, date de l’édit de tolérance de Nantes. Henri IV est lui aussi assassiné en 1610. Ce double régicide, par des catholiques fanatiques, est considéré comme un parricide, car le roi a acquis un statut exceptionnel par son sacre. Pendant cette longue période de guerres civiles entrecoupée de trêves, le renforcement du pouvoir royal apparaît comme seul à même de juguler les troubles. Après le massacre des protestants déclenché le jour de la Saint Barthélémy (24 août 1572), la crise religieuse se transforme en une profonde crise politique. L’idée de l’État, gardien du bien commun ou « Res publica », fait son chemin. Le roi a alors pour mission d’apaiser les violences et de créer les conditions d’une obéissance pérenne. Cette théorisation du pouvoir absolu pose les fondements de la « raison d’État », qui sera défendue au XVIIème siècle. Parallèlement, dans le domaine religieux, elle prône le « gallicanisme », qui rejette les ingérences de la papauté dans les affaires intérieures du royaume de France. En 1685, Louis XIV révoquera l’édit de Nantes au nom du principe « Un roi, une foi, une loi », entraînant un exil massif des « huguenots » vers les pays européens protestants.

Loïc Salmon

« Les guerres de religion, 1559-1610, la haine des clans », ouvrage collectif. Éditions In Fine et Musée de l’Armée, 360 pages, 200 illustrations, 39 €

Exposition « La haine des clans, guerres de religion 1559-1610 » aux Invalides

Cyber : champ de lutte informatique et d’influence

Géopolitique : poids de l’élément religieux dans les relations internationales




La DST sur le front de la guerre froide

La Direction de la surveillance du territoire (DST, 1944-2008) a eu recours au flagrant délit pour justifier l’arrestation d’espions du bloc de l’Est. Pour les étrangers, l’expulsion a suivi mais, pour les Français, les suites judiciaires ont parfois été contrecarrées pour des raisons politiques.

De 1960 à 1990, 83 diplomates soviétiques ont dû rentrer chez eux, dont 47 en 1983, ainsi que des agents des services de renseignement (SR) polonais, tchécoslovaques, est-allemands et roumains. Pendant cette période, les autorités politiques, quelle que soit leur couleur, ont exceptionnellement soutenu la DST, préférant ignorer ses actions, les bloquer ou même les critiquer publiquement. Selon l’URSS, la révolution prolétarienne doit se réaliser par la subversion avec l’aide des partis communistes locaux, légaux, et des réseaux clandestins dirigés par Moscou. Pendant la guerre d’Indochine (1945-1954), la DST signale les « fuites » de documents secrets qui parviennent au Vietminh, via l’ambassade d’URSS…et des responsables et des sympathisants communistes français. Pendant celle d’Algérie (1954-1962), elle démantèle des réseaux du Front de libération nationale et empêche des attentats. Puis, son activité de contre-espionnage remonte en puissance, notamment grâce aux relais des organisations d’émigrés russophones. A l’époque, le KGB déploie cinq pôles thématiques : les « illégaux » sans couverture diplomatique ; le contre-espionnage et les SR adverses, dont la DST et le SDECE puis la DGSE à partir de1982 ; l’émigration des dissidents ; les sciences et techniques pour rattraper le retard dans ces domaines ; la politique, milieu ouvert propice à l’influence. Le KGB fixe les objectifs à la désinformation des opinions publiques : dénigrer les États-Unis ; saper la confiance des pays occidentaux entre eux ; donner une impression trompeuse des intentions de l’URSS ; neutraliser les oppositions extérieures. La DST exerce alors un contrôle serré des diplomates soviétiques et assimilés à partir de leur ambassade ou de tout autre établissement officiel. Tout Français en rapport avec un Soviétique est systématiquement identifié et fait l’objet d’une enquête, suivie d’une convocation. L’aide du FBI et de la CIA se révèle essentielle, car les États-Unis sont espionnés par l’intermédiaire d’autres pays et à partir de bases qui leur sont extérieures. Ces SR ciblent surtout l’OTAN, le nucléaire et l’aéronautique. L’invocation de l’immunité diplomatique, celle de l’universalité de la science ou la renommée dans la presse nationale assurent une certaine « protection », en cas de découverte d’activités d’espionnage. Comme les SR occidentaux, le KGB et le GRU (renseignement militaire) connaissent des désertions…surtout vers les États-Unis, plus attractifs sur les plans idéologique et financier. Les transfuges de chaque camp facilitent l’identification des « taupes » adverses. Les arrestations débouchent sur l’exécution à l’Est et de lourdes peines de prison à l’Ouest…mais moindres ou annulées en France. La « chasse aux taupes » entraîne une psychose au sein des SR anglo-saxons, dont profite le KGB. En France, celui-ci cible notamment le ministère des Affaires étrangères…qui supporte mal que la DST puisse légitimement suspecter un diplomate et lui refuser un visa. Certains ambassadeurs représentent moins les intérêts de la France que ceux du pays de leur affectation. Via un niveau subalterne, les SR soviétiques et chinois ont eu accès aux télégrammes diplomatiques. De 1964 à 1974, les autorités chinoises ont obtenu, de façon discontinue, la correspondance de l’ambassade de France à Pékin et celle du pool de Hong Kong (échanges entre Américains, Britanniques et Français). Les télex de l’ambassade de France à Moscou ont été « piégés » de 1976 à 1983.

Loïc Salmon

« La DST sur le front de la guerre froide », par Jean-François Clair, Michel Guérin et Raymond Nart. Mareuil Éditions, 210 pages. 21 €

Renseignement : recomposition des services au début de la guerre froide (1945-1955)

Guerres secrètes

Histoire secrète du XXème siècle, mémoires d’espions




Attendez ici – Terminé

Rigueur de l’entraînement, dépassement de soi, opiniâtreté, volonté de vaincre et fraternité d’armes. Ces caractéristiques du combattant ont permis à des soldats japonais de survivre dans la jungle pendant des années et même des décennies.

En 1945, pour atteindre rapidement le Japon, la stratégie américaine consiste à contourner certaines îles du Pacifique en misant sur le fait que leurs garnisons japonaises, privées de ravitaillement, ne représentaient pas de danger. Des milliers de soldats japonais se sont retrouvés, seuls ou en petits groupes, isolés, abandonnés mais armés. Beaucoup n’ont pas été informés de la fin de la guerre. Ceux qui ont continué le combat ont été capturés ou tués jusque dans les années 1950. D’autres, souvent des appelés du contingent, se sont cachés par peur de la captivité ou du sort que leur aurait réservé la sévère hiérarchie militaire japonaise. Beaucoup sont morts de maladies ou victimes de la faune de la jungle. Les quatre militaires de ce roman intitulé « Attendez ici – Terminé » sont inspirés de personnages bien réels : Itô Masahi, capturé à Guam en 1960 ; Shoichi Yokoi, caché à Guam jusqu’en 1972 ; Téruo Nakamura, d’origine taïwanaise, capturé en Indonésie en 1974 ; Hiroô Onoda, combattant dans l’île philippine de Lubang jusqu’en 1972 avant sa reddition en 1974. Le titre reprend les messages radio, brefs et clairs pour ne pas encombrer les ondes : « Attendez ici » correspond à l’ordre à exécuter. « Terminé » met fin à la conversation avec le chef. Officier de renseignement, le sous-lieutenant Onoda (1922-2014) avait été entraîné pour résister des années sur les arrières de l’ennemi jusqu’à la reconquête des territoires abandonnés. Le roman rend compte des préoccupations quotidiennes et des sentiments de ces soldats, persuadés que la guerre continuait. Ils se méfiaient des autochtones, car les Américains avaient la réputation de les envoyer en première ligne et de tuer tous les prisonniers. Dans le îles, les Japonais creusaient des postes de combat tournés vers la mer pour affronter des fantassins américains, sans blindés ni logistique ni canons. Ils pensaient que la préparation et la motivation du défenseur compenseraient l’avantage du nombre de l’assaillant. La récupération d’un poste de radio et de piles permettait d’écouter les nouvelles de Bangkok, de Saïgon ou de Brunei. Mais après des années sans informations de l’extérieur, les soldats japonais interprétaient la guerre du Viêt Nam (1955-1975) de façon erronée. A l’unité secrète de Nakano (Japon), les instructeurs avaient ordonné aux officiers de ne pas se suicider, de ne jamais abandonner la mission ni d’envoyer des hommes à la mort de façon inconsidérée. Les cours portaient sur la survie, le sabotage, l’emploi d’explosifs, la résistance aux interrogatoires, l’usage des émetteurs-récepteurs, les codes, l’anglais, les arts martiaux et l’observation de l’ennemi. Outre ses missions de renseignement, un officier devait maintenir le moral et la volonté de son groupe par une discipline de fer, face à ce qu’il considérait comme de la propagande ou une manœuvre d’influence adverse. Le largage de tracts par hélicoptères, appelant à la reddition, ou la diffusion de messages par haut-parleurs, répétant que la guerre mondiale était finie, ne pouvaient qu’être que des ruses pour déstabiliser les soldats japonais, avant de les traquer et les tuer. Mais après 29 ans de résistance et de certitude, Onoda (le lieutenant Ikéda dans le roman) a commencé à douter. Pourquoi l’ennemi consacrait tant de temps et de moyens pour faire sortir de la jungle un seul soldat japonais, alors qu’ils devaient être des milliers insérés, comme lui, derrière les lignes de combat ? Dans la réalité, le journaliste japonais Norio Suzuki parvient à rencontrer Onoda dans la jungle le 20 février 1974. Les autorités japonaises et philippines organisent alors la venue du chef direct d’Onoda en 1945, devenu libraire, qui lui donne l’ordre de se rendre.

Loïc Salmon

« Attendez ici – Terminé », Noël-Noël Uchida. Éditions Pierre de Taillac, 116 pages, illustrations, 16,90 €.

La puissance au XXIème siècle : les « pôles » du Pacifique

Japon : protection et évacuation des ressortissants en cas de crise en Corée et à Taïwan

Exposition « Forces spéciales » aux Invalides




La Cité de l’Histoire

Concilier l’immersion dans l’Histoire de façon ludique pour les familles, par la réalité virtuelle, et l’approche intellectuelle pour les passionnés et les universitaires, par des conférences de haut niveau. La Cité de l’Histoire, située dans la Grande Arche de la Défense, tente de relever ce défi.

Son président, François Nicolas, également président d’Amaclio Productions, et l’écrivain et animateur Frank Ferrand, son directeur, ont invité la presse à la découvrir, le 17 janvier 2023, dans ce quartier d’affaires à l’Ouest de Paris. Leur projet, parti d’une idée commune en décembre 2021, a été réalisé en un an.

Des voyages dans le temps. La Cité de l’Histoire propose trois séquences complémentaires. En seize scènes à taille réelle, La Clef des siècles, parcours commenté par des voix en off ou animé par des acteurs, invite à revisiter le passé de la France…à reculons ! Cela commence en 1954, lorsque le général de Gaulle rédige ses Mémoires de guerre dans sa demeure de Colombey-les-deux-églises, et se termine avec les drakkars des Vikings remontant la Seine vers Paris en 861. Entretemps, les étapes rappellent, entre autres : la bataille de Verdun de 1916 avec les canons à tir rapide de 75 mm ; l’Ecole de la IIIème République et l’entretien du souvenir de la perte de l’Alsace et de la Lorraine au profit de la Prusse, devenue l’Empire allemand (1871-1919) ; la Commune de Paris de 1871 et les révolutions de 1848 et 1830 ; la bataille d’Eylau en 1807, gagnée par Napoléon contre la Russie et…la Prusse, déjà vaincue l’année précédente à Iéna et Auerstaedt ; la prise de la Bastille en 1789, vue de l’atelier d’un artisan ; le règne de Louis XV avec les pertes des colonies françaises en Inde et en Amérique du Nord ; le Grand Siècle de Louis XIV, illustré par un carrosse royal ; la Renaissance avec la construction de châteaux, qui ne sont plus des forteresses ; la guerre de Cent Ans avec Jeanne d’Arc ; l’édification des cathédrales aux XIème et XIème siècles. Le couloir du Temps, véritable frise chronologique, présente, en libre déambulation, 25 bornes tactiles permettant d’accéder à 400 dates majeures de l’histoire du monde, illustrées par une sculpture, une enluminure, une peinture, une gravure ou une photographie, de l’Antiquité au XXIème siècle. Enfin, une salle en ellipse accueille une projection croisée à 360° pendant une vingtaine de minutes. La première, intitulée Hugo l’homme Révolutions, dédiée à Victor Hugo (1802-1885), retrace sa carrière d’écrivain et d’homme politique avec ses propres commentaires.

Une histoire de spectacles. Amaclio Productions organise des spectacles son, lumière et vidéo, qui ont accueilli 1,6 million de personnes entre 2012 et 2022 : La Nuit aux Invalides à Paris depuis 2012 (650.000 spectateurs) ; Les Luminescences d’Avignon au Palais des Papes, de 2013 à 2017 (350.000 spectateurs) ; Les Ecuyers du Temps au Château de Saumur, 2013-2014 (35.000 spectateurs) puis Le Carrousel de Saumur en juillet 2022 à l’Ecole de l’arme blindée cavalerie ; La Conquête de l’Air, avril 2016 ; Les (Re)visiteurs de l’Histoire au Château comtal de Carcassonne, depuis 2018 (110.000 spectateurs) ; Les Chroniques du Mont au Mont-Saint-Michel, 2018-2021 (160.000 spectateurs) puis Les Nocturnes de l’Abbaye depuis 2022; Les Etoiles de Fontevraud à l’Abbaye royale de Fontevraud depuis 2021 (25.000 spectateurs) ; Moulins entre en scène à l’Agglomération de Moulins depuis 2019 (300.000 spectateurs) ; Eternelle Notre-Dame, rétrospective de la Cathédrale de Paris en réalité virtuelle à Paris-La Défense depuis janvier 2022 (60.000 spectateurs).

Loïc Salmon

La Cité de l’Histoire s’étend sur 12.000 m2, dont 6.000 m2 pour les lieux d’animation. Elle emploie une centaine de personnes et dispose d’un vivier d’une quarantaine d’acteurs professionnels. Elle accueille Les Lundis de la Cité, cycles de trois conférences dispensées par des historiens sur un thème de leur choix. Un service de web TV et web radio dédié à l’Histoire est prévu à terme. Renseignements : www.cite-histoire.com.

L’histoire des Invalides en 3 D

Cent ans de conquête de l’air au Grand Palais de Paris

« La Nuit aux Invalides », spectacle du centenaire de 1918




Forces spéciales

Autonomie, faible empreinte, réactivité et démarche innovante caractérisent les forces spéciales, qui disposent d’un vivier de réservistes opérationnels.

Pendant la guerre du Golfe après l’invasion du Koweït par l’armée irakienne (1990-1991), la France a mis en œuvre des forces spéciales dans l’urgence et sans les moyens adéquats. Pour combler son retard par rapport à celles des États-Unis et de la Grande-Bretagne, elle constitue alors une structure interarmées dédiée, le Commandement des opérations spéciales (COS). Durant la décennie 1990, les forces spéciales (FS) françaises et alliées interviennent pendant la guerre interethnique et religieuse en Bosnie pour des missions de recherche et sauvetage de pilotes d’aéronefs abattus. Ensuite, faute de moyens satellitaires, elles privilégient le renseignement humain dans la recherche de criminels de guerre, grâce à une collaboration internationale étroite, puis procèdent à leur capture par des opérations complexes mobilisant des moyens aériens. Au Kosovo, elles effectuent des missions de renseignement et de sécurisation des sites industriels sensibles avec, parfois, des mesures de coercition et de neutralisation. Selon l’actualité géopolitique, les forces spéciales sont envoyées dans les zones de crises majeures (Somalie, Comores, Sierra Leone, Guinée Bissau, Centrafrique, Rwanda et République du Congo) pour empêcher des massacres ou exfiltrer des ressortissants français. Pendant les années 2000, le COS organise des opérations de neutralisation de djihadistes et de démantèlement de cellules de l’organisation terroriste Al-Qaïda en Asie centrale, au Moyen-Orient et en Afrique. En Afghanistan, la France obtient la certification OTAN de nation-cadre pour la conduite d’opérations spéciales. Par ailleurs, des FS sont associées à la lutte contre la piraterie en Somalie ou contre les narcotrafics (cocaïne et amphétamines), actifs entre l’Amérique latine et l’Europe via les ports africains. Le contrôle des navires de commerce nécessite des gendarmes et des FS, en liaison avec les services régionaux de lutte contre la drogue (États-Unis et États des petites Antilles). Dans la décennie 2010, les FS réduisent en intensité leurs actions militaires en Afghanistan et sont redéployées au Levant et au Sahel. Dès 2013, elles sont envoyées au Mali pour des missions de contre-terrorisme et de neutralisation d’individus « à haute valeur ». Les opérations, effectuées à 90 % de nuit, incluent combats, indentifications, retours à la base d’appui et de soutien puis réengagements sur le terrain après de brève périodes de repos. Les opérations de libération d’otages connaissent des succès, mais aussi des échecs avec des morts et des blessés parmi les FS. En mars 2020, la « Task Force Takuba », composée uniquement de FS européennes (dix pays) mais majoritairement françaises, appuie et soutient l’armée malienne et l’aide à constituer des FS…jusqu’au départ des forces françaises le 30 juin 2022. A l’avenir, les détachements de FS seront amenés à agir dans des « zones grises » militarisées, où l’adversaire cherchera à contester la présence française tout en restant sous le seuil de l’affrontement par des actions « hybrides ». Ils devront apprendre à descendre au niveau tactique des moyens de types cyberattaque, guerre électronique et, éventuellement, d’influence ou d’actions sur l’environnement. Il ‘agira de comprendre les intentions de l’adversaire pour les dévoiler, grâce à une plus grande fusion de tous les types de renseignements et une approche multi-capteurs, tournée vers l’appui à l’action. Selon le Service de santé des armées, la « télémédecine » devrait prendre plus d’ampleur sur fond d’attaque cyber. Compte tenu des retours d’expérience et de la crise sanitaire du Covid-19, l’adversaire pourrait tenter de rendre peu crédible le soutien médical aux FS et ainsi semer le doute parmi elles.

Loïc Salmon

« Force spéciales », ouvrage collectif. Éditions de La Martinière et Musée de l’Armée Invalides, 320 pages, nombreuses illustrations, 35 €

Exposition « Forces spéciales » aux Invalides

Corps et âme

Défense : le chef de l’EIGS tué et le grand contrat australien rompu

 




Quand le lys affrontait les aigles

1870, 1914 et 1940, dates des guerres récentes entre la France et l’Allemagne, font suite à mille ans de démêlés avec des périodes d’entente et de méfiance.

Fondus à l’origine dans l’Empire romain d’Occident de Charlemagne englobant une grande partie de l’Europe actuelle, ces deux pays émergent, par le traité de Verdun de 843 entre ses trois petits-fils qui se répartissent l’héritage. La Francie occidentale échoit à Charles II dit le Chauve, la Francie orientale à Louis dit le Germanique, et la Francie médiane à Lothaire qui lui donnera le nom de Lotharingie altérée en Lorraine, pomme de discorde entre les deux autres…dès 911 ! Les trois frères sont reconnus rois des Francs, mais Lothaire, l’aîné, est élu empereur. En 875, Charles l’est à son tour. En 946, la Francie occidentale devient officiellement la France, dont les rois parviennent à instaurer un régime héréditaire. En Francie orientale, l’élection par les représentants de la multitude de petits royaumes, principautés et villes perdure jusqu’au XVème siècle. Quant aux symboles, la France impose le lys dès le sacre de Philippe II Auguste en 1179, pour se démarquer de l’aigle impériale, adoptée par Frédéric 1er Barberousse en 1155. A trois reprises, un souverain français tente d’obtenir la couronne impériale. En 1273, Philippe III le Hardi perd contre Rodolphe de Habsbourg. En 1308, Philippe IV le Bel propose son frère Charles de Valois, auquel est préféré Henri de Luxembourg. En 1519, François 1er est battu par l’archiduc d’Autriche Charles de Habsbourg, qui prend le nom de Charles-Quint et réalise le rêve d’un grand royaume européen de son arrière-grand-père Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. A chaque fois, les électeurs allemands, dont le nombre se réduit progressivement à sept, choisissent un candidat germanophone car la langue constitue un élément fédératif. De même en France, les grands seigneurs ni le peuple n’acceptent un souverain étranger. La monarchie héréditaire permet aux rois de France de poursuivre des objectifs sur une longue période, contrairement aux empereurs d’Allemagne jusqu’à Charles-Quint. Le français ne devient langue administrative qu’en 1454, pour réduire les conflits d’interprétation. Même si la « loi salique » exclut les femmes de la couronne de France, l’élection apporte la certitude que le gouvernement du « Saint-Empire romain germanique » demeure exclusivement masculin. Cette appellation ne signifie pas la partie de l’Empire peuplée d’Allemands, mais proclame que l’Empire appartient aux Allemands. Le nationalisme en Allemagne résulte de la réaction à la dilution de l’autorité de l’État central et non pas de son accroissement comme en France. Il renaîtra à plusieurs reprises jusqu’en 1945. Les guerres de religion du XVIème siècle cessent dans l’Empire avec le traité de paix d’Augsbourg en 1555, qui garantit la liberté de culte, mais durent en France jusqu’à l’édit de Nantes de 1598. Sa révocation, par Louis XIV en 1685, provoque un exil massif de protestants français ayant un haut niveau d’éducation ou de savoir-faire vers l’Empire, l’Angleterre, les Pays-Bas et la Suisse. Ils y répandent aussi l’usage du français parmi les classes aisées. Mais les sacs du Palatinat allemand (1674 et 1688) par ses armées détériorent durablement l’image de France. Celle-ci acquiert l’Alsace par le traité de Ryswick (1697) puis la Lorraine, héritage du beau-père de Louis XV, par celui de Vienne (1738). La Révolution de 1789 suscite curiosité et sympathie en Allemagne, mais peu d’imitateurs. En 1806 après sa victoire d’Iéna sur la Prusse, Napoléon, nouveau successeur de Charlemagne, remplace le Saint-Empire par la Confédération des États du Rhin. Sa défaite à Waterloo en 1815 est due à l’attaque surprise du général prussien Blücher, qui a voulu ensuite détruire le pont d’Iéna à Paris. Il en a été dissuadé par l’arrivée de Louis XVIII sur le pont et l’insistance du général anglais Wellington !

Loïc Salmon

« Quand le lys affrontait les aigles », par Daniel de Montplaisir. Mareuil Éditions, 392 pages. 20 €

France Allemagne(s) 1870-1871

Expositions « Comme en 40 » et « 1940 ! Paroles de rebelles » aux Invalides

Quand le lys terrassait la rose




Les agents secrets du Général, 1940-1944

Sur les 1.038 compagnons de la Libération, 174 se sont engagés dans les services secrets de la France libre, dont trois des six femmes compagnons. Parmi eux, 60 sont morts pendant la guerre.

A partir de 1941, ces services secrets, en exil en Grande-Bretagne, assurent la liaison avec les autres mouvements de résistance, dont « Libération », « Combat », « Franc-tireur » et « l’Organisation civile et militaire ». Dans le domaine militaire, ils participent à l’organisation de « l’Armée secrète » et des maquis, tout en maintenant la liaison avec l’Etat-major allié basé à Londres. Malgré le cloisonnement de rigueur, des agents clandestins ont souvent effectué des missions ne relevant pas de leur spécialité. Les plus jeunes deviennent opérateurs radio, saboteurs ou officiers des opérations aériennes et maritimes. Les plus diplômés reçoivent des missions d’organisation ou de représentation (politique et/ou militaire) auprès des résistants de l’intérieur. Issus des rangs des pionniers de la France libre et de la Résistance, 58 % de ces compagnons sont recrutés en Grande-Bretagne et formés dans les centres d’instruction britanniques avant d’être envoyés en France. Les 42 % restants, enrôlés en métropole, se formeront sur le tas sans aller en Angleterre. Infiltrés depuis Londres, surtout par parachutage, 102 compagnons accomplissent 151 missions. En raison du développement progressif de l’action clandestine, les deux tiers d’entre elles se déroulent pendant les 18 derniers mois de l’Occupation, entre janvier 1943 et l’été 1944. Le taux de tués dans l’action clandestine, 34,5 %, excède de loin celui des autres forces militaires de la France libre. La guerre en a emporté 60 : 17 ont été fusillés, dont les deux premiers morts du Bureau de renseignement et d’action (BCRA) Honoré d’Estienne d’Orves et Jan Doornik ; 12 se sont suicidés ; 12 ont été abattus, souvent lors de leur arrestation ; 10 ne sont pas rentrés des camps de déportés ; 8 ont disparu accidentellement ; 1, Jean Moulin, est décédé des suites des tortures subies. Le premier compagnon de la Libération, Gilbert Renault alias le colonel Rémy, est nommé par le général de Gaulle en mars 1942 au retour de sa deuxième mission. Henri Labit, le deuxième mais aussi le premier à titre posthume, l’est au mois de juillet suivant. Proposés par le colonel Passy, chef du BCRA, Pierre Brossolette et Jean Moulin le deviennent le 17 octobre. Les autres nominations de membres du BCRA interviendront en 1944 et 1945 à la sortie de la clandestinité. Par ailleurs, outre la libération du territoire, il s’agit de permettre à la France de conserver son rang et donc de ramener la nation dans une guerre abandonnée par le gouvernement de Vichy. Les interventions à la BBC (radio britannique) contribuent à faire valoir ces buts auprès de la population française. Pour traiter avec les responsables de la Résistance ou des personnalités syndicales ou politiques, une « section non-militaire » est créée au sein du BCRA, seul service français capable d’infiltrer ou d’exfiltrer des agents et de recueillir des rapports venant du terrain. Ainsi Jean Moulin remplit deux missions en zone Sud : l’une militaire par la création de l’Armée secrète ; l’autre politique par l’instauration et le financement du Conseil national de la Résistance. Avant-dernier compagnon et le dernier issu du BCRA, Daniel Cordier, est décédé en 1920, un an avant Hubert Germain.

Loïc Salmon

« Les agents secrets du Général, 1940-1944 », ouvrage collectif. Editions Hermann et Musée de l’Ordre de la Libération, 184 p., illustrations, 22 €

Exposition « Les agents secrets du Général » aux Invalides

Parachutée au clair de lune

Exposition « De l’Asie à la France libre » aux Invalides




Toute une histoire !

Dédié à l’armée de Terre lors de sa création en 1905 aux Invalides à Paris, le musée de l’Armée s’engage dans une mission interarmées. La guerre y est évoquée sous son aspect militaire.

Ses collections, d’environ 500.000 objets, incluent armures, uniformes, armes blanches et à feu, pièces d’artillerie, emblèmes, décorations, figurines historiques, trophées et même objets de la vie quotidienne du soldat. S’y ajoutent : un fonds de peintures, d’estampes, de dessins, de photographies et de sculptures ; une bibliothèque de manuscrits, de livres, de périodiques et d’archives privées ; des pièces ethnographiques dépassant le cadre européen et celui de l’ancien empire colonial français. Le musée de l’Armée a hérité des collections du Garde-Meuble de la Couronne, des saisies révolutionnaires, des campagnes militaires des XVIIIème et XIXème siècles et du musée de l’Artillerie. Pendant son mandat, le directeur du musée reçoit l’appellation de « gardien du tombeau de l’Empereur », car l’Hôtel national des Invalides abrite la sépulture de Napoléon 1er depuis 1840. Conformément à une politique scientifique et cohérente, les collections s’enrichissent par des achats, commandes, dons, legs, « dations » (remplacements exceptionnels de droits de succession) et collectes. Ensuite, une longue procédure les rend inaliénables, imprescriptibles et insaisissables, en vue de leur exposition au public. Déjà, près de 1.000 actes d’achats ont complété les cessions à titre gracieux de plus de 6.000 personnes, associations, sociétés, établissements et ministères. Toutefois, les aléas de l’histoire militaire ont gravement affecté les collections. La fin des guerres napoléoniennes conduit au pillage du musée de l’Artillerie en 1815. C’est pourquoi, dès le début de la guerre de 1870, la partie la plus riche des collections a été évacuée en province. En 1921, les dispositions du traité de Versailles suscitent l’afflux d’objets issus des guerres de 1870-1871 et de 1914-1918. Les mêmes événements se reproduisent en 1940 et 1949. Le musée a aussi connu des pertes par vols, demandes des restitutions, accidents ou destructions volontaires. Ainsi le 30 mars 1814, le maréchal Sérurier, gouverneur des Invalides depuis 1803, ordonne de brûler les drapeaux conquis par la France, pour éviter leur remise à l’ennemi. En 1938, un incendie a ravagé la façade Nord de l’Hôtel des Invalides et détruit le décor du Grand Salon. Parmi les pièces rares, rescapées de toutes ces péripéties, figurent deux armures japonaises datant de 1580-1590, cadeaux d’une ambassade nippone à la Couronne d’Espagne. Puis le roi Charles III les a offertes à la Cour de France lors du mariage de sa fille Anne à Louis XIII en 1615. Le musée possède les bâtons de maréchalat de quatre généraux de la seconde guerre mondiale, à savoir Leclerc, de Lattre de Tassigny et Kœnig à titre posthume et Juin de son vivant. De Gaulle a refusé cette dignité, prestigieuse sous l’Ancien régime, abolie pendant la Révolution et rétablie sous le Premier Empire. « L’Historial Charles de Gaulle », réalisé entre 2003 et 2008, a été intégré au programme de modernisation du musée (1994-2010), dénommé ATHENA (Armes, Technique, Histoire, Emblématique, Nation, Armée). Son expérience sert au projet MINERVE (Mémoire, Invalides, Engagement, Recherche, Visite évolutive). En 2025, trois nouveaux parcours concerneront l’histoire de la colonisation et de la décolonisation, l’histoire militaire de la France après 1945 et l’actualité des engagements militaires français.

Loïc Salmon

 « Toute une histoire ! », ouvrage collectif. Éditions Gallimard/Musée de l’Armée, 256 p., 197 illustrations, 32 €.

Défense : mémoire et culture, véhicules des valeurs militaires

Exposition « Dans la peau d’un soldat » aux Invalides

Invalides : 350 ans de mémoire de la France combattante




S’engager ! De l’Antiquité au XXIème siècle

Au cours de l’Histoire, les armées professionnelles n’ont jamais suffi pour défendre un pays en cas de menace directe. Les circonstances ont imposé le recours aux réserves fournies par la conscription, pas toujours universelle.

Dans la Grèce antique, remplir ses obligations militaires à 18 ans donne au jeune homme accès aux droits civiques. Les conquêtes et le développement du commerce favorisent le recours aux mercenaires. Sous la République romaine, tout citoyen est mobilisable dès 17 ans. Au IIIème siècle, la défense de l’Empire ne repose plus que sur une armée de métier et surtout les tribus barbares alliées…qui finiront par provoquer sa chute en 476. En Gaule, en contrepartie de terres, la dynastie mérovingienne institue le « ban », forme embryonnaire du service militaire pour les nobles. Pendant la féodalité, celui-ci devient « l’ost », où la garantie de l’Etat en Grèce et à Rome est remplacée par une relation d’assistance mutuelle entre le vassal et son seigneur. Charlemagne impose à ces derniers l’obligation de fournir le dixième de leurs serfs pour assurer la logistique de l’ost. La guerre ne se pratique qu’au printemps. En 1303, Philippe le Bel convoque exceptionnellement le ban pour quatre mois au lieu de trois. Dès le Xème siècle, certaines villes constituent des milices pour se défendre. Par ailleurs, les nobles subissent la concurrence des bourgeois au sein du ban, qui se dévalorise avec l’apparition d’une armée royale de soldats de métier soldés par la « taille », impôt permanent. Cette armée, bien organisée, mieux entraînée et immédiatement disponible, se diversifie en infanterie, cavalerie et artillerie au cours de la guerre dite de Cent Ans (1337-1453). A partir du XVIIème siècle, la fonction militaire devient une profession à part entière, où l’éducation initiale et le perfectionnement des connaissances supplantent le respect des traditions ancestrales. L’entrée de la France dans la guerre de Trente Ans (1618-1648) et la disparition du mercenariat conduisent à un recrutement des troupes, pendant l’hiver, par les sous-officiers et les « bas-officiers » qui assurent la continuité de l’encadrement et du commandement. Les nobles, colonels ou capitaines propriétaires de leur unité, ne sont militaires que pendant les périodes de combat puis se retirent dans leurs terres. Les ordonnances royales améliorent la condition du soldat, notamment par la constitution d’un cops d’inspecteurs des troupes et de leur matériel (1667) et la construction de l’Hôtel royal des Invalides (1675). Pour compléter les effectifs, Louis XIV institue, au sein des paroisses, la milice royale, fondement du devoir militaire des sujets du roi par tirage au sort mais avec des exemptions possibles. La désertion, passible de la peine de mort depuis l’ordonnance de 1635, se trouve, dans les faits, commuée en condamnation aux galères de la Marine royale. Devant la menace d’invasion de la France par les armées européennes l’Assemblée nationale déclare la patrie en danger en 1793 et décrète la levée en masse des volontaires. La conscription, officialisée par la loi Jourdan-Delbrel de 1798, perdure, avec le retour des exemptions et du tirage au sort, pendant les guerres napoléoniennes et après. Les deux conflits mondiaux nécessitent la mobilisation générale. Pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), 80 % des soldats déployés sont des « appelés ». Depuis 2002, la conscription, suspendue mais pas supprimée, concerne aussi les filles.

Loïc Salmon

« S’engager ! De l’Antiquité au XXIème siècle », Matthieu Chillaud. Editions Pierre de Taillac, 200 pages, illustrations, 29,90 €.

Soldats de Napoléon

Défense : durer et vaincre dans un conflit de haute

intensité

Faut-il recréer un service national ?