A l’origine outil d’affirmation du pouvoir royal, l’ordre de Saint-Michel a accompagné l’évolution des distinctions récompensant la fidélité à la personne du souverain puis le mérite civil jusqu’à la création de la Légion d’honneur en 1802.
Institué le 1er août 1469 au château d’Amboise par Louis XI, l’ordre s’inscrit dans la tradition médiévale des compagnies chevaleresques des Cours européennes perpétuant la légende des chevaliers de la Table Ronde. Dès 1348, le roi d’Angleterre Édouard III fonde l’ordre de la Jarretière qu’il place sous la protection de Saint-Georges. Depuis le XIIème siècle, les rois Capétiens manifestent leur attachement à l’archange saint Michel, chef des milices célestes. Pendant la guerre de Cent-Ans, ce dernier devient le symbole national en France, face à saint Georges pour l’Angleterre. Tous deux ont vaincu le dragon représentant le Mal. Saint Michel, cité dans la Bible, l’attaque à pied, tandis que saint Georges, valeureux soldat romain martyrisé pour sa foi chrétienne selon une légende du XIème siècle, le combat à cheval pour sauver une jeune femme. Pour Louis XI, l’ordre de saint Michel prend une dimension politique afin de rallier à lui la haute noblesse, face à son adversaire le puissant duc de Bourgogne Charles le Téméraire, dont le père, Philippe le Bon, a institué l’ordre de la Toison d’or en 1430. De fait, tous les ordres royaux ou princiers européens s’inspirent de celui de la Jarretière avec un saint patron prestigieux, un souverain chef de l’ordre, un nombre limité de chevaliers habilement sélectionnés, un signe d’appartenance matérialisé par une ceinture ou un collier, dont la remise et le port donnent lieu à des rituels soigneusement codifiés. L’insigne de l’ordre de Saint Michel se compose d’un médaillon, montrant saint Michel terrassant le dragon, et d’un collier constitué de cordelières des moines franciscains et de coquilles saint jacques. Celles-ci symbolisent le pèlerinage à saint Jacques de Compostelle (Espagne), mais aussi au mont Saint-Michel (Normandie), retenu comme siège de l’ordre et qui a victorieusement résisté aux Anglais. L’intégration dans l’ordre de Saint-Michel exige des chevaliers de renoncer à toute autre appartenance, à l’exception des empereurs, rois et ducs, eux-mêmes souverains d’un ordre. Comme les autres ordres de chevalerie, celui de Saint-Michel prend dès le début une dimension diplomatique. Louis XI le confère au roi du Danemark Jean II puis au à celui d’Écosse Jacques III, mais aussi aux serviteurs les plus fidèles, aux seigneurs récemment ralliés, à certains grands féodaux et à la petite noblesse attachée aux différents offices de la Couronne. Sous François Ier, l’ordre se réunit en 1527, 1528, 1542, 1543 et 1546…le 29 septembre, jour dédié à saint Michel. Sous Henri II, la fête de l’ordre intègre les rituels de la monarchie. Ensuite, les guerres de religion entre catholiques et protestants pèsent lourdement sur la vie de l’ordre. Son succès politique, dû à des nominations pléthoriques, cause sa chute. Henri III le relègue au second plan en établissant l’ordre du Saint-Esprit en 1578. Henri IV nomme des chevaliers dans les deux ordres. Louis XIII innove en attribuant l’ordre de saint Michel à des artistes peintres. Louis XIV le réforme, confirme son statut d’ordre noble et essentiellement militaire et réduit son effectif à 100 récipiendaires. Puis il crée l’ordre de Saint-Louis pour récompenser les services militaires mais sans contingents limités, ce qui renforcera son éclat. Louis XV et Louis XVI ouvrent l’ordre de Saint-Michel à des personnalités méritantes de la magistrature, des sciences, des arts et du commerce, anoblies pour la circonstance. Aboli en 1791, l’ordre réapparaît sous la Restauration en 1814 jusqu’à sa suppression en 1830. Enfin, avant leur largage sur la Bretagne le 6 juin 1944, les commandos français du Special Air Service britannique ont choisi saint Michel comme patron des parachutistes.
Loïc Salmon
« L’ordre de Saint-Michel », ouvrage collectif. Éditions Pierre de Taillac, 182 pages, nombreuses illustrations, 39 €.
Epopée de la Médaille militaire