Exposition « D’Azincourt à Marignan » aux Invalides

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1415 et 1515, ces dates de grandes batailles, où triomphent d’abord l’arc et ensuite le canon, sont restées dans l’histoire et le roman de l’Angleterre et de la France.

Cette exposition présente les mutations survenues entre la bataille d’Azincourt (1415), qui voit la défaite de la chevalerie française face aux archers anglais, à celle de Marignan (1515) où l’artillerie française l’emporte sur les fantassins suisses dans le Nord de l’Italie. Elle commence avec la présence, sous le porche des Invalides, d’un canon en bronze marqué de la salamandre couronnée, emblème de François Ier. Ce canon, qui pèse plus de 2 t, pouvait tirer des boulets en fonte de fer de 18 kg et nécessitait un attelage de 7 chevaux. Dans les salles d’exposition, deux dispositifs multimédias reconstituent les deux batailles, que sépare un siècle d’innovations.

D’Azincourt à Castillon. Cela commence en 1337 par une querelle dynastique sur des héritages, que revendiqueront plusieurs générations de souverains français et anglais, descendants du roi de France Louis IX, dit Saint-Louis (1214-1270). La guerre va durer 116 ans. Malgré ses victoires de Crécy (1336) et de Poitiers (1346), l’Angleterre n’a pu conquérir la France, en raison de la guérilla menée par le connétable Bertrand Du Guesclin (1320-1380). En 1415, le roi anglais Henry V débarque en Normandie avec 9.000 hommes, assiège Harfleur qui capitule après trois mois d’un siège éprouvant qui affaiblit son armée. Il décide alors de rejoindre le port de Calais pour rentrer en Angleterre. Une armée française de 12.000 hommes, commandés par le connétable Charles d’Albret et le maréchal Jean II le Meingre, surnommé Boucicaut, se lance alors à sa poursuite et bloque tous les passages de la Somme. Pourtant, les Anglais, affamés et souffrant de la dysenterie, parviennent à franchir le fleuve, mais sont arrêtés devant Azincourt. L’affrontement débute le 25 octobre vers 11 h. La nuit précédente, une averse a transformé le champ de bataille en bourbier gênant la progression des chevaliers français. Les archers anglais s’avancent, plantent des pieux pour gêner la cavalerie adverse et décochent une pluie de flèches. Très entraînés, ils peuvent en tirer une dizaine à la minute. Les chevaliers français, décimés, ne parviennent pas à disloquer les troupes anglaises, composées surtout de fantassins. Beaucoup sont faits prisonniers ou meurent sous les flèches que continuent de lancer les archers. En fin de journée, l’arrière-garde française tente une dernière attaque, encore repoussée. A 17 h, le combat cesse. L’armée française déplore plus de 5.000 morts, dont l’élite de la chevalerie. Henry V, qui n’a perdu que 500 hommes, est à nouveau maître de la Normandie et rembarque à Calais avec ses prisonniers et son butin. Sur le plan politique, les négociations pour terminer la guerre aboutissent au traité de Troyes (1420), qui déshérite le dauphin Charles (futur Charles VII) au profit d’Henry V… qui meurt avant le roi de France Charles VI. Leurs fils vont alors se disputer la couronne de France jusqu’à la victoire finale de Charles VII à Castillon (1453), grâce surtout à l’artillerie des frères Jean et Gaspard Bureau, et après l’épopée de Jeanne d’Arc (1428-1431).

Marignan et le rêve italien. Les guerres d’Italie, qui dureront de 1494 à 1559, trouvent aussi leurs origines dans des querelles d’héritages. La famille d’Anjou, issue du roi de France Jean II le Bon (1319-1364), avait autrefois régné sur Naples. L’Italie, quoique morcelée en divers petits États rivaux, connaît un foisonnement culturel et scientifique qui attise les convoitises. Lors de la première expédition (1494-1497), Charles VIII fait valoir ses droits sur le royaume de Naples, légué par René d’Anjou à Louis XI, son père. Louis XII, son cousin et héritier, entreprend trois guerres (1499-1500 ; 1501-1504 ; 1508-1513) pour récupérer Naples et… le Milanais, héritage de sa grand’mère Valentine, fille de Jean Galéas Visconti (1351-1402), duc de Milan à l’époque. A sa mort en 1515, François Ier, son cousin et héritier et également arrière-petit-fils de Valentine, revendique ses droits sur le Milanais. Il a obtenu la neutralité de l’Angleterre et de l’Empire romain germanique ainsi que le soutien de Venise et la bienveillance de Gênes et de la Savoie. Il dispose de 2.500 canonniers, pour manœuvrer 60 pièces lourdes et 200 plus légères, et de 22.000 mercenaires allemands. En tout, 45.000 hommes sont commandés par le connétable Charles de Bourbon, l’ingénieur militaire Pedro Navarro et Pierre Terrail, seigneur de Bayard. A Marignan, près de Milan, les attendent les forces de Maximilien Sforza, nouveau duc de Milan placé par l’Espagne, celles du pape Léon X et 35.000 fantassins suisses, réputés invincibles. François Ier négocie le départ de 12.000 mercenaires suisses contre une forte somme. Le 13 septembre, le combat s’engage et s’interrompt à la nuit. Le lendemain, les Suisses attaquent en premier mais, faute de coordination, ne peuvent résister aux charges de cavalerie. Vers 11 h, à l’arrivée des renforts vénitiens, les Suisses battent en retraite. Ils ont laissé près de 10.000 morts sur le champ de bataille, tandis que le camp franco-vénitien en compte de 5.000 à 8.000. Le roi de France exerce alors une influence sur toute l’Italie du Nord. En 1516, il signe le concordat de Bologne avec Léon X et la « paix perpétuelle » avec les cantons suisses.

De la chevalerie à l’artillerie. La chevalerie, morte à Azincourt, se perpétuera par les Ordres honorifiques de chevalerie. En 1430, Philippe le Bon, duc de Bourgogne et cousin du roi Louis XI, fonde celui de la Toison d’Or, décerné à 31 « chevaliers » dont la fidélité l’emporte sur les vertus guerrières. En réponse, Louis XI, son rival, crée l’Ordre de Saint-Michel en 1469. Par ailleurs, après plus d’un siècle d’expérience et de mises au point, le canon va transformer pour longtemps l’art de la guerre. A Marignan, l’artillerie a joué un rôle déterminant face aux carrés des piquiers suisses. Pourtant, l’idéal chevaleresque reste encore très fort au XVIème siècle. Ainsi, un doute subsiste sur l’adoubement de François Ier par Bayard sur le champ de bataille. Le roi avait en effet été déjà fait chevalier à l’occasion de son sacre. De plus, ce récit n’apparaît dans aucun des nombreux textes écrits après Marignan entre 1515 et 1525. Il a été publié en novembre 1525, peut-être pour justifier la capture du roi lors de la défaite de Pavie le 24 février de la même année, face à l’empereur Charles-Quint. Cet épisode forgera la légende du « roi-chevalier ».

Loïc Salmon

 

L’exposition « Chevaliers & Bombardes » (7 octobre 2015- 24 janvier 2016), organisée par le musée de l’Armée, se tient aux Invalides à Paris. Elle présente armes, armures, pièces d’artillerie, manuscrits richement enluminés, documents et monnaies provenant des collections de musées français et étrangers. Figurent également : un canon de Louis XI ; un autre du duc de Bourgogne Charles le Téméraire, son cousin et adversaire ; l’épée de Louis XII et les armures de François Ier et du chevalier Bayard. Ont été également programmés conférences en octobre et novembre 2015, projections de films en novembre 2015 et concerts de novembre 2015 à janvier 2016 en la cathédrale Saint-Louis des Invalides. Renseignements : www.musee-armee.fr

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