Pilier du pouvoir du Parti communiste (PCC) depuis cent ans, la communauté chinoise du renseignement est devenue la plus importante du monde.
A la tête de chaque service de renseignement (SR) se trouvent un directeur technique pour la qualité des opérations quotidiennes et un commissaire politique pour garantir une orientation idéologique en conformité avec la stratégie définie par le PCC. Sécurité interne, gestion du « laogai » (travail forcé) et répression des dissidents font partie de cette communauté. Dans les années 1980, les SR accompagnent la modernisation du pays et prennent une dimension mondiale dans la décennie suivante à la faveur de la transformation du KGB soviétique, consécutive à l’implosion de l’URSS. Tout commence dans les années 1920 quand la représentation du GRU (SR militaire soviétique puis russe) à Pékin contrôle le SR du Kuomintang nationaliste…et celui, encore embryonnaire, du PCC ! Par ailleurs, le « mandarin révolutionnaire » Zhou Enlai (1898-1976), futur Premier ministre de la République populaire de Chine de 1949 à sa mort, devient directeur politique de l’Académie militaire de Huangpu à Canton, créée à l’instigation de l’URSS et dirigée par le général Chiang Kai-shek (1887-1975), futur président de la Chine nationaliste. Dans les années 1940, Zhou dirige le « Département du travail du front uni » (encore actif), chargé d’influencer des partis ou des gouvernements étrangers pour construire la Chine future. Ainsi, 84 savants chinois formés aux États-Unis vont rallier Pékin, dont certains développeront l’arme nucléaire, les fusées, les missiles et la guerre bactériologique. En 1945, Zhou contrôle les renseignements extérieurs, politiques et diplomatiques du PCC. En 1949, il envoie un couple à Hong Kong (colonie britannique jusqu’en 1997) monter l’agence de presse Chine nouvelle (Xinhua), et intégrée à la collecte du renseignement et organe de propagande. Dans les années 1950 et 1960, des défections permettent d’identifier des correspondants de Xinhua comme agents de liaison des mouvements de guérilla en Afrique, en Asie et en Amérique latine. La Révolution culturelle en Chine (1966-1976) provoque la désintégration des SR, mais Zhou parvient à maintenir des réseaux utiles à sa diplomatie. En 1978, deux ans après la disparition de Mao Tsé-toung, Deng Xiaoping (1904-1997) contrôle le PCC et les forces armées, lance un vaste programme de réformes économiques et crée, en 1983, la grande agence de renseignement Guoanbu, qui participe à la collecte scientifique et technologique à l’étranger. Le Programme 863, annoncé en 1986, a mobilisé 3.000 savants qui, en dix ans, ont atteint 1.500 objectifs concernant la défense, l’aéronautique, l’espace, le numérique, l’intelligence artificielle, les lasers, les automates, l’énergie et les nouveaux matériaux. L’espionnage des biotechnologies et des connaissances médicales et pharmaceutiques commence dès les années 1980. Deux décennies plus tard, le secrétaire général du PCC et président de la Commission militaire centrale, Xi Jinping (né en 1953) dévient président de la République en 2013 et est réélu pour la troisième fois en 2023. De sa réforme des forces armées, en 2015, résulte la Force de soutien stratégique, qui intègre la plupart des composantes du renseignement militaire, dont les départements de la guerre de l’information (collecte du renseignement, analyse, diffusion et soutien technique). Elle regroupe : les moyens de la reconnaissance aérospatiale avec le système satellitaire de communications Beidou, l’imagerie et les drones ; une armée « cyber » pour le renseignement et les opérations offensives ; des troupes de la guerre électronique. En 2020, les SR de la Chine ont atteint le niveau technologique de ceux de la Russie et même de ceux des États-Unis.
Loïc Salmon
« Les services secrets chinois, de Mao au Covid-19 », Roger Faligot. nouveau monde éditions, 714 pages, 12,90 €.
Chine : ambition hégémonique du Parti communiste