Marine nationale : la guerre des mines, contrer les menaces d’aujourd’hui et de demain

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Face à la prolifération des mines navales, l’emploi de drones va de pair avec la capacité humaine d’intervention, à savoir les plongeurs-démineurs.

Une capitaine de frégate, officier correspondant de la guerre des mines à l’état-major de la Marine, l’a expliqué au cours d’une visio-conférence, organisée le 9 juin 2022 par le Centre d’études stratégiques de la marine à Paris.

Les menaces. Arme idéale du temps de crise, la mine, susceptible d’endommager ou de couler un bâtiment de surface ou un sous-marin, dissuade de pénétrer dans une zone (mine défensive) ou entrave une voie de communication maritime (mine offensive). Le bloc soviétique disposait de centaines de milliers de mines, qui ont été dispersées après sa disparition en 1991. Les copies et les progrès technologiques ont conduit à une prolifération mondiale, estimée à un million de mines de plus de 400 types différents. En 2020, 36 pays exportent des mines et 65 sont capables d’en mouiller. Plusieurs facteurs favorisent la menace, notamment la profondeur de la mer et certains lieux privilégiés comme les golfes, les détroits et les ports européens de l’Atlantique et de la Manche. Des mines de la seconde guerre mondiale présentent encore un risque d’explosion intempestive. En mer Noire, la sécurisation d’un corridor maritime pour l’exportation des céréales d’Ukraine pourrait prendre plusieurs semaines. Une mine flottante à orin (chaîne la reliant à un « crapaud » au fond de la mer, photo), d’un coût de 1.500 $ et chargée de 100 kg d’explosifs, suffit pour causer, par contact, des dégâts estimés à 6 M$ sur un navire. Une mine de fond, immergée à 100 m, contient jusqu’à 1 t d’explosifs. Les mines de surface, dérivantes ou mobiles, fonctionnent par influence acoustique ou magnétique. Elles peuvent être mouillées par un navire ou un sous-marin ou même être larguées par avion. Limité dans le temps et l’espace, le minage permet un effet tactique, qui devient stratégique s’il dure longtemps.

Les moyens de lutte. Composante de la force d’action navale, la guerre des mines regroupe actuellement 10 chasseurs de mines, 3 bâtiments bases de plongeurs-démineurs, 3 groupes de plongeurs-démineurs, 3 bâtiments remorqueurs de sonar, 1 état-major, 1 centre de données, 2 centres d’expertise et 2 écoles, le tout réparti entre Brest, Toulon et Cherbourg. Toutefois, les unités datant des années 1980 seront désarmées d’ici à 2030. Le système anti-mines navales futur, à base de drones, permettra d’éloigner le plongeur-démineur de la menace, de moderniser la capacité de lutte, d’étendre le domaine d’emploi et d’opérer en toute discrétion. Suite au traité franco-britannique de 2010, le contrat de 2019 porte sur la réalisation de systèmes dits « MLCM », composés chacun de 2 drones de surface, 1 sonar remorqué, 1 robot télé-opéré et 2 drones sous-marins. Le retour d’expérience du temps de crise (guerre du Golfe 1991 et Libye 2011) et de paix (démonstrations industrielles en 2020 et 2021) ont permis d’en vérifier la pertinence, le potentiel et la compatibilité avec le tempo opérationnel. La Grande-Bretagne recevra 1 système et la France 4 en 2022-2023. La Marine procède déjà aux évaluations opérationnelles. En outre, à partir de 2026, elle comptera 4 à 6 bâtiments de surface dédiés aux MLCM et 5 bâtiments bases de plongeurs-démineurs de nouvelle génération. Ces unités sont destinées à la protection des ports militaires, à l’action de l’Etat en mer, aux opérations extérieures et aux expérimentations.

Loïc Salmon

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