Les guerres de religion, 1559-1610, la haine des clans

La « guerre des esprits » par la propagande imprimée et la diffusion de fausses nouvelles fait partie des guerres entre catholiques et protestants en France. Ce premier et intense conflit médiatique conduit à des massacres et à l’assassinat de deux rois. Pourtant, l’État fonctionne grâce à l’administration.

Pamphlets, placards (affiches) et divers opuscules servent la monarchie et les clans opposés. Certains traités politiques remettent en cause l’autorité royale. Placards exposés dans le domaine public, illustrations de livres et images volantes évoquent scènes de violence, caricatures et allégories codées pour célébrer ou condamner et souvent ridiculiser l’adversaire. Pour les auteurs occasionnels, il s’agit de servir un chef de clan ou une cause par la persuasion, issue de l’art de la rhétorique. A l’époque, celle-ci constitue la base de l’éducation humaniste des élites. L’orateur doit adapter son discours aux circonstances, à son public et au but recherché. Il compte sur sa mémoire pour disposer d’arguments, pour ou contre une thèse proposée, de lieux communs et de citations. Les images permettent de les stocker. Progressivement, les factions ne se définissent plus par la religion de leurs membres, mais par leur tolérance, plus ou moins grande, envers les « Réformés » (protestants) et leur loyauté à la Couronne. Ainsi en 1574, les « Malcontents » (catholiques) conduits par François d’Alençon, frère du roi Henri III (1574-1589), s’allient militairement à des protestants pour contrer l’influence du clan des Guise…catholiques ! En 1576, les catholiques créent la Ligue, soutenue par l’Espagne, qui se fait de plus en plus menaçante quand le protestant Henri de Navarre, cousin de Henri III, est désigné par lui comme seul héritier du trône en 1584. Accusé de complaisance envers les « hérétiques », Henri III perd toute légitimité auprès des catholiques après l’assassinat de leurs chefs, le duc de Guise et le cardinal de Lorraine en 1588. Chassé de Paris, il est assassiné à son tour l’année suivante. Henri IV doit alors reconquérir une à une les villes contrôlées par la Ligue. Paris ne se rend qu’après le retour du roi à la foi catholique en 1593. Malgré l’aide de l’Espagne, les derniers chefs catholiques finissent par se soumettre en 1598, date de l’édit de tolérance de Nantes. Henri IV est lui aussi assassiné en 1610. Ce double régicide, par des catholiques fanatiques, est considéré comme un parricide, car le roi a acquis un statut exceptionnel par son sacre. Pendant cette longue période de guerres civiles entrecoupée de trêves, le renforcement du pouvoir royal apparaît comme seul à même de juguler les troubles. Après le massacre des protestants déclenché le jour de la Saint Barthélémy (24 août 1572), la crise religieuse se transforme en une profonde crise politique. L’idée de l’État, gardien du bien commun ou « Res publica », fait son chemin. Le roi a alors pour mission d’apaiser les violences et de créer les conditions d’une obéissance pérenne. Cette théorisation du pouvoir absolu pose les fondements de la « raison d’État », qui sera défendue au XVIIème siècle. Parallèlement, dans le domaine religieux, elle prône le « gallicanisme », qui rejette les ingérences de la papauté dans les affaires intérieures du royaume de France. En 1685, Louis XIV révoquera l’édit de Nantes au nom du principe « Un roi, une foi, une loi », entraînant un exil massif des « huguenots » vers les pays européens protestants.

Loïc Salmon

« Les guerres de religion, 1559-1610, la haine des clans », ouvrage collectif. Éditions In Fine et Musée de l’Armée, 360 pages, 200 illustrations, 39 €

Exposition « La haine des clans, guerres de religion 1559-1610 » aux Invalides

Cyber : champ de lutte informatique et d’influence

Géopolitique : poids de l’élément religieux dans les relations internationales




La Cité de l’Histoire

Concilier l’immersion dans l’Histoire de façon ludique pour les familles, par la réalité virtuelle, et l’approche intellectuelle pour les passionnés et les universitaires, par des conférences de haut niveau. La Cité de l’Histoire, située dans la Grande Arche de la Défense, tente de relever ce défi.

Son président, François Nicolas, également président d’Amaclio Productions, et l’écrivain et animateur Frank Ferrand, son directeur, ont invité la presse à la découvrir, le 17 janvier 2023, dans ce quartier d’affaires à l’Ouest de Paris. Leur projet, parti d’une idée commune en décembre 2021, a été réalisé en un an.

Des voyages dans le temps. La Cité de l’Histoire propose trois séquences complémentaires. En seize scènes à taille réelle, La Clef des siècles, parcours commenté par des voix en off ou animé par des acteurs, invite à revisiter le passé de la France…à reculons ! Cela commence en 1954, lorsque le général de Gaulle rédige ses Mémoires de guerre dans sa demeure de Colombey-les-deux-églises, et se termine avec les drakkars des Vikings remontant la Seine vers Paris en 861. Entretemps, les étapes rappellent, entre autres : la bataille de Verdun de 1916 avec les canons à tir rapide de 75 mm ; l’Ecole de la IIIème République et l’entretien du souvenir de la perte de l’Alsace et de la Lorraine au profit de la Prusse, devenue l’Empire allemand (1871-1919) ; la Commune de Paris de 1871 et les révolutions de 1848 et 1830 ; la bataille d’Eylau en 1807, gagnée par Napoléon contre la Russie et…la Prusse, déjà vaincue l’année précédente à Iéna et Auerstaedt ; la prise de la Bastille en 1789, vue de l’atelier d’un artisan ; le règne de Louis XV avec les pertes des colonies françaises en Inde et en Amérique du Nord ; le Grand Siècle de Louis XIV, illustré par un carrosse royal ; la Renaissance avec la construction de châteaux, qui ne sont plus des forteresses ; la guerre de Cent Ans avec Jeanne d’Arc ; l’édification des cathédrales aux XIème et XIème siècles. Le couloir du Temps, véritable frise chronologique, présente, en libre déambulation, 25 bornes tactiles permettant d’accéder à 400 dates majeures de l’histoire du monde, illustrées par une sculpture, une enluminure, une peinture, une gravure ou une photographie, de l’Antiquité au XXIème siècle. Enfin, une salle en ellipse accueille une projection croisée à 360° pendant une vingtaine de minutes. La première, intitulée Hugo l’homme Révolutions, dédiée à Victor Hugo (1802-1885), retrace sa carrière d’écrivain et d’homme politique avec ses propres commentaires.

Une histoire de spectacles. Amaclio Productions organise des spectacles son, lumière et vidéo, qui ont accueilli 1,6 million de personnes entre 2012 et 2022 : La Nuit aux Invalides à Paris depuis 2012 (650.000 spectateurs) ; Les Luminescences d’Avignon au Palais des Papes, de 2013 à 2017 (350.000 spectateurs) ; Les Ecuyers du Temps au Château de Saumur, 2013-2014 (35.000 spectateurs) puis Le Carrousel de Saumur en juillet 2022 à l’Ecole de l’arme blindée cavalerie ; La Conquête de l’Air, avril 2016 ; Les (Re)visiteurs de l’Histoire au Château comtal de Carcassonne, depuis 2018 (110.000 spectateurs) ; Les Chroniques du Mont au Mont-Saint-Michel, 2018-2021 (160.000 spectateurs) puis Les Nocturnes de l’Abbaye depuis 2022; Les Etoiles de Fontevraud à l’Abbaye royale de Fontevraud depuis 2021 (25.000 spectateurs) ; Moulins entre en scène à l’Agglomération de Moulins depuis 2019 (300.000 spectateurs) ; Eternelle Notre-Dame, rétrospective de la Cathédrale de Paris en réalité virtuelle à Paris-La Défense depuis janvier 2022 (60.000 spectateurs).

Loïc Salmon

La Cité de l’Histoire s’étend sur 12.000 m2, dont 6.000 m2 pour les lieux d’animation. Elle emploie une centaine de personnes et dispose d’un vivier d’une quarantaine d’acteurs professionnels. Elle accueille Les Lundis de la Cité, cycles de trois conférences dispensées par des historiens sur un thème de leur choix. Un service de web TV et web radio dédié à l’Histoire est prévu à terme. Renseignements : www.cite-histoire.com.

L’histoire des Invalides en 3 D

Cent ans de conquête de l’air au Grand Palais de Paris

« La Nuit aux Invalides », spectacle du centenaire de 1918




Quand le lys affrontait les aigles

1870, 1914 et 1940, dates des guerres récentes entre la France et l’Allemagne, font suite à mille ans de démêlés avec des périodes d’entente et de méfiance.

Fondus à l’origine dans l’Empire romain d’Occident de Charlemagne englobant une grande partie de l’Europe actuelle, ces deux pays émergent, par le traité de Verdun de 843 entre ses trois petits-fils qui se répartissent l’héritage. La Francie occidentale échoit à Charles II dit le Chauve, la Francie orientale à Louis dit le Germanique, et la Francie médiane à Lothaire qui lui donnera le nom de Lotharingie altérée en Lorraine, pomme de discorde entre les deux autres…dès 911 ! Les trois frères sont reconnus rois des Francs, mais Lothaire, l’aîné, est élu empereur. En 875, Charles l’est à son tour. En 946, la Francie occidentale devient officiellement la France, dont les rois parviennent à instaurer un régime héréditaire. En Francie orientale, l’élection par les représentants de la multitude de petits royaumes, principautés et villes perdure jusqu’au XVème siècle. Quant aux symboles, la France impose le lys dès le sacre de Philippe II Auguste en 1179, pour se démarquer de l’aigle impériale, adoptée par Frédéric 1er Barberousse en 1155. A trois reprises, un souverain français tente d’obtenir la couronne impériale. En 1273, Philippe III le Hardi perd contre Rodolphe de Habsbourg. En 1308, Philippe IV le Bel propose son frère Charles de Valois, auquel est préféré Henri de Luxembourg. En 1519, François 1er est battu par l’archiduc d’Autriche Charles de Habsbourg, qui prend le nom de Charles-Quint et réalise le rêve d’un grand royaume européen de son arrière-grand-père Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. A chaque fois, les électeurs allemands, dont le nombre se réduit progressivement à sept, choisissent un candidat germanophone car la langue constitue un élément fédératif. De même en France, les grands seigneurs ni le peuple n’acceptent un souverain étranger. La monarchie héréditaire permet aux rois de France de poursuivre des objectifs sur une longue période, contrairement aux empereurs d’Allemagne jusqu’à Charles-Quint. Le français ne devient langue administrative qu’en 1454, pour réduire les conflits d’interprétation. Même si la « loi salique » exclut les femmes de la couronne de France, l’élection apporte la certitude que le gouvernement du « Saint-Empire romain germanique » demeure exclusivement masculin. Cette appellation ne signifie pas la partie de l’Empire peuplée d’Allemands, mais proclame que l’Empire appartient aux Allemands. Le nationalisme en Allemagne résulte de la réaction à la dilution de l’autorité de l’État central et non pas de son accroissement comme en France. Il renaîtra à plusieurs reprises jusqu’en 1945. Les guerres de religion du XVIème siècle cessent dans l’Empire avec le traité de paix d’Augsbourg en 1555, qui garantit la liberté de culte, mais durent en France jusqu’à l’édit de Nantes de 1598. Sa révocation, par Louis XIV en 1685, provoque un exil massif de protestants français ayant un haut niveau d’éducation ou de savoir-faire vers l’Empire, l’Angleterre, les Pays-Bas et la Suisse. Ils y répandent aussi l’usage du français parmi les classes aisées. Mais les sacs du Palatinat allemand (1674 et 1688) par ses armées détériorent durablement l’image de France. Celle-ci acquiert l’Alsace par le traité de Ryswick (1697) puis la Lorraine, héritage du beau-père de Louis XV, par celui de Vienne (1738). La Révolution de 1789 suscite curiosité et sympathie en Allemagne, mais peu d’imitateurs. En 1806 après sa victoire d’Iéna sur la Prusse, Napoléon, nouveau successeur de Charlemagne, remplace le Saint-Empire par la Confédération des États du Rhin. Sa défaite à Waterloo en 1815 est due à l’attaque surprise du général prussien Blücher, qui a voulu ensuite détruire le pont d’Iéna à Paris. Il en a été dissuadé par l’arrivée de Louis XVIII sur le pont et l’insistance du général anglais Wellington !

Loïc Salmon

« Quand le lys affrontait les aigles », par Daniel de Montplaisir. Mareuil Éditions, 392 pages. 20 €

France Allemagne(s) 1870-1871

Expositions « Comme en 40 » et « 1940 ! Paroles de rebelles » aux Invalides

Quand le lys terrassait la rose




Guerre franco-prussienne de 1870, bataille de Champigny (30 novembre-2 décembre)

Afin de desserrer l’étau des troupes germaniques, qui encerclent Paris, et de rejoindre l’armée de la Loire, l’Etatmajor français entreprend une sortie sur un front avec Champigny comme épicentre.

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Défense : découvrir le passé pour réfléchir sur l’avenir

Le patrimoine du ministère des Armées constitue un héritage de l’histoire de la Nation et des principes qui ont maintenu sa cohésion au cours des siècles.

Dominique Espinasse, sous-directrice de la Direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA), l’a présenté à la presse, le 8 septembre 2022 à Paris, à l’occasion des « Journées européennes du patrimoine » des 17 et 18 septembre. En 2021, malgré les restrictions sanitaires dues à la pandémie du Covid19, 109.000 personnes ont visité 82 sites militaires. En 2022, 91 sites ont été inscrits. La fréquentation moyenne du patrimoine du ministère se monte à 125.000 visiteurs par an.

Patrimoine durable. Le ministère des Armées dispose du deuxième patrimoine de l’Etat, après celui du ministère de la Culture. Témoins de l’histoire militaire, l’Hôtel national des Invalides et l’Ecole militaire à Paris, le château de Vincennes et le lycée militaire de Saint-Cyr-l’Ecole constituent ses biens immobiliers en Ile-de-France. Ceux en province incluent les lycées militaires de la Flèche et d’Autun, les châteaux de Brest et de Lunéville, les citadelles et les hôtels de commandement. Ses biens mobiliers concernent : les collections des musées militaires, plus d’un million d’objets ; celles du Service historique de la défense (SHD) à Vincennes, un million d’ouvrages, plus de 450 km linéaires d’archives et 50.000 cartes et plans ; celles de l’Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD), 13 millions de photos et 36.000 films ; celles de 53 unités documentaires et bibliothèques. Le patrimoine mémoriel inclut 290 nécropoles, 2.170 « carrés militaires » et 1.000 lieux de sépulture dans environ 80 pays. En outre, dix endroits ont été labellisés « hauts lieux de la mémoire nationale » : le Cimetière national de Notre-Dame-de-Lorette (Pas-de-Calais) ; le Cimetière national de Fleury-devant-Douaumont et la tranchée des baïonnettes (Meuse) ; l’ancien camp de concentration de Natzweiler-Struthof (Bas-Rhin) ; le Mont-Valérien (Hauts-de-Seine) ; le Mémorial des martyrs de la déportation de l’île de la Cité (Paris) ; le Mémorial de la prison de Montluc (Rhône) ; le Mémorial du débarquement allié de Provence au Mont-Faron (Var) ; le Mémorial des guerres en Indochine (Var) ; le Mémorial de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie (Paris) ; le Monument aux morts en opérations extérieures (Paris).

Politique culturelle. La DMCA dispose d’un budget annuel de 53,5 M€, dont 25,7 M€ pour la gestion du musée de l’Armée aux Invalides (photo), de celui de l’Air et de l’espace au Bourget et de celui de la Marine. Ce dernier compte cinq sites, celui de Paris devant rouvrir au second semestre 2023. Son réseau comprend : les délégués au patrimoine ; 13 musées d’arme (celui du Service de santé des armées et 12 de l’armée de Terre) ; le SHD (10 centres) ; l’ECPAD ; le réseau des musées et mémoriaux des conflits contemporains ; les partenaires institutionnels et privés (producteurs de documentaires, éditeurs et mécènes). En 2019 (avant la pandémie), la fréquentation des musées militaires a totalisé plus de deux millions de visiteurs. Le SHD communique 133.000 documents d’archives et 6.500 ouvrages par an et effectue 176.000 recherches administratives. Chaque année, la DMCA apporte son soutien à 30 films et coéditions, collecte 750.000 photos et restaure 5 km d’archives. Sa politique culturelle porte sur l’archivage numérique, la valorisation du patrimoine militaire, l’entretien de la mémoire des conflits contemporains et la préparation de musées futurs.

Loïc Salmon

Défense : mémoire et culture, véhicules des valeurs militaires

Invalides : 350 ans de mémoire de la France combattante

Défense : la MCIC, promouvoir les armées dans le respect de la liberté de création




Exposition « Les agents secrets du Général » aux Invalides

Entre 1940 et 1944, les services secrets de la France libre ont fourni 80 % des renseignements utilisés dans la préparation du débarquement en Normandie, permis aux résistants français de participer à la libération du pays et évité une guerre civile.

Ces résultats exceptionnels ont été obtenus par quelques dizaines d’officiers et quelques centaines de personnes à Londres, moins de 1.000 agents envoyés en mission clandestine en France et près de 80.000 recrutés en France. En 1940, les cadres des services secrets de la IIIème République restent au service du gouvernement de Vichy. En juillet à Londres, des officiers inexpérimentés créent un 2ème Bureau, qui élargit ses fonctions et devient Service de renseignement en avril 1941, puis Bureau central de renseignement et d’action militaire en janvier 1942 et enfin Bureau central de renseignement et d’action (BCRA) en juin 1942. Ce dernier organise toutes les missions secrètes, militaires ou politiques, en France et en Afrique du Nord. Il pose les fondations des services secrets français jusqu’à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), créée en avril 1982. Le 17septembre 2018, dans la cour d’honneur des Invalides, la ministre des Armées, Florence Parly, a remis la fourragère de l’Ordre de la Libération au 44ème Régiment d’infanterie, unité des personnels militaires de la DGSE. En 2020, l’institution d’un insigne spécifique souligne la filiation entre le BCRA et la DGSE. Portant les couleurs de l’Ordre de la Libération, le vert de l’espérance et le noir du deuil, cet écusson, orné de la croix de Lorraine, reprend une partie de la devise latine de l’ordre « Patriam Servando » (En servant la patrie).

Les services secrets. Depuis la fin du XIXème siècle, la France dispose de services de renseignement permanents, essentiellement militaires. Après la première guerre mondiale, ils se composent de la Section de recherche (SR) pour l’espionnage et de la Section de centralisation du renseignement (SCR) pour le contre-espionnage. Ceux de la France libre, basés en Grande-Bretagne, assurent d’abord le lien avec les résistants en France en organisant des liaisons radio et des opérations aériennes clandestines. Ils créent en France des réseaux de renseignement et d’évasion. Sur le plan militaire, ils participent à l’organisation de l’Armée secrète et des maquis et assurent la liaison avec l’Etat-major allié. Sur le plan politique, ils travaillent à unifier les divers mouvements de résistance derrière le général de Gaulle. Créé en mai 1943, le Conseil national de la Résistance permet d’affirmer l’autorité de l’Etat, reconstitué à Londres et à Alger. Or la Grande-Bretagne ne reconnaît pas la France libre comme un gouvernement en exil. Les services de renseignement britanniques coopèrent directement avec des résistants français qui n’ont aucun lien avec elle. Le SIS (Secret Intelligence Service) collecte le renseignement, le SOE (Special Operations Executive) s’occupe de l’action et le MI9 (Direction du renseignement militaire) des évasions. Ils recrutent des Français et agissent en France sans en référer au général de Gaulle. A partir de 1942, les Etats-Unis disposent de l’OSS (Office of Strategic Services) pour toutes ces missions. Les services secrets gaullistes ne peuvent agir en France qu’avec le soutien de leurs homologues britanniques, lequel comprend : la formation et l’équipement (postes de radio et armes) des agents ; l’acheminement en France et le retour en Grande-Bretagne par bateau ou avion ; le maintien du contact au moyen d’une centrale radio. Enfin, les services britanniques et américains fournissent armes et matériel à la Résistance.

Les agents clandestins. Contrairement aux membres des mouvements de résistance, les agents secrets de la France libre, volontaires civils ou militaires, sont soumis à l’autorité de son chef. Plusieurs centaines sont recrutés en Grande-Bretagne et en Afrique du Nord, formés puis envoyés en France comme « chargés de mission ». D’autres sont recrutés en France et formés en Grande-Bretagne. Les plus nombreux, recrutés eux aussi en France, restent sur place mais sont reconnus comme agents des autorités françaises. Comme tous les résistants, les agents clandestins se trouvent plongés dans une société, dont ils dépendent pour survivre et mener à bien leur mission sous une fausse identité. Ils savent qu’ils risquent la capture et la mort, mais aussi la torture et l’enfer des camps de concentration. En Angleterre, le BCRA recrute ses agents parmi les volontaires de la France libre après les avoir repérés lors de leur interrogatoire de sécurité. A partir de 1943, il en sélectionne aussi en Afrique du Nord. A l’issue des tests pratiques et psychologiques et selon leur profil, les candidats sont orientés vers le renseignement, l’action, l’encadrement (délégué militaire) ou la technique (opérateur radio, saboteur ou officier d’opérations aériennes). Infiltrés en France, ils recrutent d’autres agents parmi leurs relations ou dans les organisations clandestines. Comme tous les militaires de la France libre à Londres, les agents clandestins vivent sous le nom adopté lors de leur engagement, revêtent leur uniforme d’officier et fréquent les lieux de convivialité prisés des Français, mais cachent leur véritable affectation et leur future mission. En théorie, ils ne doivent pas se rencontrer, mais la consigne n’est pas toujours respectée. De nombreux agents, résidant en Angleterre ou y séjournant, suivent une formation dans les écoles britanniques. Ainsi, le SOE installe des dizaines de centres dans des châteaux isolés, dédiés au parachutisme (presque tous les agents sont brevetés), au sabotage, aux transmissions, aux opérations aériennes ou à la vie clandestine. Avant son départ en mission, l’agent abandonne le nom adopté lors de son engagement dans la France libre, confie au BCRA son testament et ses effets personnels. Il prend une fausse identité, apprend sa « légende » (biographie fictive mêlant le vrai et le faux), reçoit de l’argent et se familiarise avec ses faux papiers (carte d’identité, feuille de démobilisation, tickets de rationnement etc.). En France, les agents se procurent parfois de « vrais faux papiers », provenant réellement de l’administration. Désigné désormais par un pseudonyme lors de ses échanges avec Londres, l’agent clandestin revêt des habits en usage en France après vérification qu’il ne transporte rien qui puisse trahir son passage en Angleterre. Des matériels sont conçus pour cacher des messages et les postes de radio progressivement miniaturisés. Outre des renseignements militaires, le BCRA recueille des documents officiels pour ses agents et des renseignements politiques et économiques pour la propagande de la France libre et ses projets futurs. Traqués par la police française et les services allemands, les agents clandestins ne sont pas protégés par le droit de la guerre. Ceux qui le souhaitent reçoivent une pilule de cyanure (poison violent et efficace).

Loïc Salmon

Organisée par l’Ordre de la Libération et la Direction générale de la sécurité extérieure, l’exposition « Les agents secrets du général » (23 juin-16 octobre 2022) se tient aux Invalides à Paris. Elle présente objets, armes, archives photographiques et documents. Renseignements : ordredelaliberation.fr.

Les agents secrets du Général, 1940-1944

Exposition « Guerres secrètes » aux Invalides

Résistance et dissuasion




Les agents secrets du Général, 1940-1944

Sur les 1.038 compagnons de la Libération, 174 se sont engagés dans les services secrets de la France libre, dont trois des six femmes compagnons. Parmi eux, 60 sont morts pendant la guerre.

A partir de 1941, ces services secrets, en exil en Grande-Bretagne, assurent la liaison avec les autres mouvements de résistance, dont « Libération », « Combat », « Franc-tireur » et « l’Organisation civile et militaire ». Dans le domaine militaire, ils participent à l’organisation de « l’Armée secrète » et des maquis, tout en maintenant la liaison avec l’Etat-major allié basé à Londres. Malgré le cloisonnement de rigueur, des agents clandestins ont souvent effectué des missions ne relevant pas de leur spécialité. Les plus jeunes deviennent opérateurs radio, saboteurs ou officiers des opérations aériennes et maritimes. Les plus diplômés reçoivent des missions d’organisation ou de représentation (politique et/ou militaire) auprès des résistants de l’intérieur. Issus des rangs des pionniers de la France libre et de la Résistance, 58 % de ces compagnons sont recrutés en Grande-Bretagne et formés dans les centres d’instruction britanniques avant d’être envoyés en France. Les 42 % restants, enrôlés en métropole, se formeront sur le tas sans aller en Angleterre. Infiltrés depuis Londres, surtout par parachutage, 102 compagnons accomplissent 151 missions. En raison du développement progressif de l’action clandestine, les deux tiers d’entre elles se déroulent pendant les 18 derniers mois de l’Occupation, entre janvier 1943 et l’été 1944. Le taux de tués dans l’action clandestine, 34,5 %, excède de loin celui des autres forces militaires de la France libre. La guerre en a emporté 60 : 17 ont été fusillés, dont les deux premiers morts du Bureau de renseignement et d’action (BCRA) Honoré d’Estienne d’Orves et Jan Doornik ; 12 se sont suicidés ; 12 ont été abattus, souvent lors de leur arrestation ; 10 ne sont pas rentrés des camps de déportés ; 8 ont disparu accidentellement ; 1, Jean Moulin, est décédé des suites des tortures subies. Le premier compagnon de la Libération, Gilbert Renault alias le colonel Rémy, est nommé par le général de Gaulle en mars 1942 au retour de sa deuxième mission. Henri Labit, le deuxième mais aussi le premier à titre posthume, l’est au mois de juillet suivant. Proposés par le colonel Passy, chef du BCRA, Pierre Brossolette et Jean Moulin le deviennent le 17 octobre. Les autres nominations de membres du BCRA interviendront en 1944 et 1945 à la sortie de la clandestinité. Par ailleurs, outre la libération du territoire, il s’agit de permettre à la France de conserver son rang et donc de ramener la nation dans une guerre abandonnée par le gouvernement de Vichy. Les interventions à la BBC (radio britannique) contribuent à faire valoir ces buts auprès de la population française. Pour traiter avec les responsables de la Résistance ou des personnalités syndicales ou politiques, une « section non-militaire » est créée au sein du BCRA, seul service français capable d’infiltrer ou d’exfiltrer des agents et de recueillir des rapports venant du terrain. Ainsi Jean Moulin remplit deux missions en zone Sud : l’une militaire par la création de l’Armée secrète ; l’autre politique par l’instauration et le financement du Conseil national de la Résistance. Avant-dernier compagnon et le dernier issu du BCRA, Daniel Cordier, est décédé en 1920, un an avant Hubert Germain.

Loïc Salmon

« Les agents secrets du Général, 1940-1944 », ouvrage collectif. Editions Hermann et Musée de l’Ordre de la Libération, 184 p., illustrations, 22 €

Exposition « Les agents secrets du Général » aux Invalides

Parachutée au clair de lune

Exposition « De l’Asie à la France libre » aux Invalides




Toute une histoire !

Dédié à l’armée de Terre lors de sa création en 1905 aux Invalides à Paris, le musée de l’Armée s’engage dans une mission interarmées. La guerre y est évoquée sous son aspect militaire.

Ses collections, d’environ 500.000 objets, incluent armures, uniformes, armes blanches et à feu, pièces d’artillerie, emblèmes, décorations, figurines historiques, trophées et même objets de la vie quotidienne du soldat. S’y ajoutent : un fonds de peintures, d’estampes, de dessins, de photographies et de sculptures ; une bibliothèque de manuscrits, de livres, de périodiques et d’archives privées ; des pièces ethnographiques dépassant le cadre européen et celui de l’ancien empire colonial français. Le musée de l’Armée a hérité des collections du Garde-Meuble de la Couronne, des saisies révolutionnaires, des campagnes militaires des XVIIIème et XIXème siècles et du musée de l’Artillerie. Pendant son mandat, le directeur du musée reçoit l’appellation de « gardien du tombeau de l’Empereur », car l’Hôtel national des Invalides abrite la sépulture de Napoléon 1er depuis 1840. Conformément à une politique scientifique et cohérente, les collections s’enrichissent par des achats, commandes, dons, legs, « dations » (remplacements exceptionnels de droits de succession) et collectes. Ensuite, une longue procédure les rend inaliénables, imprescriptibles et insaisissables, en vue de leur exposition au public. Déjà, près de 1.000 actes d’achats ont complété les cessions à titre gracieux de plus de 6.000 personnes, associations, sociétés, établissements et ministères. Toutefois, les aléas de l’histoire militaire ont gravement affecté les collections. La fin des guerres napoléoniennes conduit au pillage du musée de l’Artillerie en 1815. C’est pourquoi, dès le début de la guerre de 1870, la partie la plus riche des collections a été évacuée en province. En 1921, les dispositions du traité de Versailles suscitent l’afflux d’objets issus des guerres de 1870-1871 et de 1914-1918. Les mêmes événements se reproduisent en 1940 et 1949. Le musée a aussi connu des pertes par vols, demandes des restitutions, accidents ou destructions volontaires. Ainsi le 30 mars 1814, le maréchal Sérurier, gouverneur des Invalides depuis 1803, ordonne de brûler les drapeaux conquis par la France, pour éviter leur remise à l’ennemi. En 1938, un incendie a ravagé la façade Nord de l’Hôtel des Invalides et détruit le décor du Grand Salon. Parmi les pièces rares, rescapées de toutes ces péripéties, figurent deux armures japonaises datant de 1580-1590, cadeaux d’une ambassade nippone à la Couronne d’Espagne. Puis le roi Charles III les a offertes à la Cour de France lors du mariage de sa fille Anne à Louis XIII en 1615. Le musée possède les bâtons de maréchalat de quatre généraux de la seconde guerre mondiale, à savoir Leclerc, de Lattre de Tassigny et Kœnig à titre posthume et Juin de son vivant. De Gaulle a refusé cette dignité, prestigieuse sous l’Ancien régime, abolie pendant la Révolution et rétablie sous le Premier Empire. « L’Historial Charles de Gaulle », réalisé entre 2003 et 2008, a été intégré au programme de modernisation du musée (1994-2010), dénommé ATHENA (Armes, Technique, Histoire, Emblématique, Nation, Armée). Son expérience sert au projet MINERVE (Mémoire, Invalides, Engagement, Recherche, Visite évolutive). En 2025, trois nouveaux parcours concerneront l’histoire de la colonisation et de la décolonisation, l’histoire militaire de la France après 1945 et l’actualité des engagements militaires français.

Loïc Salmon

 « Toute une histoire ! », ouvrage collectif. Éditions Gallimard/Musée de l’Armée, 256 p., 197 illustrations, 32 €.

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Le ministère des Armées s’intéresse à la bande dessinée via l’initiative « Les
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Service historique de la défense

En lien depuis plusieurs années avec le Service historique de la défense (SHD), Michel Bugeaud, président de la section, s’est investi dans la collecte des témoignages d’anciens combattants de la guerre d’Algérie en associant les plus jeunes générations. Il a souhaité nous en faire connaitre les archives privées et les témoignages oraux.

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