Ce monument parisien du « Siècle des lumières », où se développent l’action et la réflexion militaires, a connu une histoire mouvementée, indissociable de celle du Champ-de-Mars qui la jouxte.
Tout commence en 1750, quand le « contrôleur de l’extraordinaire des guerres » Pâris-Duverney soumet à Louis XV un mémoire sur l’utilité d’un collège académique pour la formation des jeunes officiers. Il bénéficie de l’appui de la favorite du Roi, la marquise de Pompadour, qui souhaite un projet architectural supérieur à l’Hôtel des Invalides dont Louis XIV décida la construction en 1671. L’édit royal de 1751 concerne la création de l’École militaire, qui sera achevée en 1785 sous la direction des architectes Gabriel (celui des Hôtels de la Place de la Concorde) et Brongniart (celui du Palais de la Bourse et du Cimetière du Père-Lachaise à Paris). La marquise, qui y contribuera avec ses deniers personnels, y est immortalisée sous la forme d’une jeune femme symbolisant la « Vigilance », en support de la grande horloge de la cour d’honneur. L’édit précise que l’École est destinée à « cinq cents jeunes gentilshommes nés sans biens, dans le choix desquels nous préférerons ceux qui, en perdant leur père à la guerre, sont devenus les enfants de l’État ». L’enseignement porte sur la géographie, le génie, l’équitation, l’artillerie, le maniement des armes (fusil et baïonnette) et l’escrime. Les élèves travaillent beaucoup et sous une discipline sévère, mais sont « servis magnifiquement », comme le note Bonaparte qui y séjourne d’avril 1779 à septembre 1784. Le Champ-de-Mars, vaste terrain d’exercice entre l’École et la Seine, sera le théâtre d’événements marquants dont notamment : la fête de la Fédération le 14 juillet 1790, dont la commémoration est devenue nationale en 1880 et non pas en référence à la prise de la Bastille en 1789 ; la remise des emblèmes (drapeaux, étendards et guidons) à toutes les unités militaires par Napoléon le 5 décembre 1804 ; la fête du mariage de Napoléon et de Marie-Louise le 24 juin 1810 ; la prise d’armes du 24 août 1855, où les officiers de Saint-Cyr arborent le « casoar » (plumet rouge et blanc) en l’honneur de Victoria, Reine d’Angleterre. L’École militaire aura été fermée à plusieurs reprises et transformée en caserne par intermittence jusqu’en 1945. Le capitaine Dreyfus y a été dégradé en janvier 1895, puis fait chevalier de la Légion d’Honneur en juillet 1906 après sa réhabilitation. Le bâtiment retrouve sa vocation première et deviendra « l’école des généraux », avec l’arrivée de l’École supérieure de guerre (ESG) en 1882, puis du Centre des hautes études militaires en 1911. Le lieutenant-colonel Foch, professeur à l’ESG de 1895 à 1901, y théorise ses principes de la guerre : économie des forces, liberté d’action et concentration des efforts. Il précise : « La réalité du champ de bataille est qu’on n’y étudie pas ; simplement on fait ce que l’on peut pour appliquer ce que l’on sait. Dès lors, pour pouvoir un peu, il faut savoir beaucoup et bien ». Sorti de l’ESG en 1924, le capitaine De Gaulle est convié par le maréchal Pétain à prononcer trois conférences devant les stagiaires et une grande partie de l’état-major général en avril 1927. Intitulées « L’action de guerre et le chef », « Du caractère » et « Du prestige », elles seront réécrites et complétées dans l’ouvrage « Le fil de l’épée » publié en 1932. Aujourd’hui, l’École militaire accueille des officiers chercheurs… de plus de 80 pays !
Loïc Salmon
Enseignement militaire supérieur : former les chefs d’aujourd’hui et de demain
Les généraux français de la Grande Guerre
« L’École militaire, une histoire illustrée » par Christian benoît. Éditions Pierre de Taillac, 128 pages, 150 illustrations, 14,90 €