Armée de l’Air et de l’Espace : complémentarité des moyens d’action et modernisation

L’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) doit pouvoir remplir ses missions, du combat de haute intensité et de la projection lointaine à la surveillance de la très haute altitude et de l’espace, tout en poursuivant sa modernisation.

Son chef d’état-major, le général d’armée aérienne Stéphane Mille, l’a expliqué lors d’une rencontre organisée, le 6 février 2023 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

Combat et projection de puissance. L’absence de contrôle de l’espace aérien de l’Ukraine, par l’aviation russe, et de toute tentative de neutralisation de sa défense sol-air, a surpris, constate le général Mille. Le conflit en Ukraine se réduit à une campagne d’artillerie. La vente ou la cession de Mirage 2000 français à l’Ukraine ou à un autre pays dépend de trois conditions préalables : besoins exprimés ; non escalade de conflit ; ne pas affecter les capacités de l’AAE. Les Mirage 2000 C de défense aérienne ne volent plus depuis juin 2022, mais certains pays sont intéressés par leurs pièces détachées. Pour les déplacements sur une longue distance, l’OTAN demande des capacités à 4 jours, 4 semaines ou 4 mois avec l’empreinte logistique la plus faible possible. L’AAE a démontré les siennes lors des missions « Pégase 2018 » et « Pégase 2022 » en zone Indo-Pacifique avec la participation à l’exercice « Pitch Black » en Australie. De tels raids ne sont guère réalisables depuis la Polynésie française ou la Nouvelle-Calédonie, faute d’infrastructures d’accueil suffisantes.

Nouveaux champs. Le survol des Etats-Unis à très haute altitude, par un ballon chinois qui a été détruit par un avion de chasse américain au-dessus de l’Atlantique (4 février 2023), entre dans la logique de cette « zone grise », estime le général Mille. Les innovations technologiques offrent des perspectives commerciales et militaires dans cet espace, compris entre 20 km et 100 km d’altitude mais non régulé par un traité ou une convention. En vue d’établir une doctrine d’action, le chef d’Etat-major des armées a donné mandat à l‘AAE pour réfléchir aux aspects juridiques et technologiques de la très haute altitude, avec remise des conclusions à l’été 2023. Il faudra aussi en évaluer la surveillance depuis le sol ou depuis l’espace. Quant aux menaces de vecteurs hypersoniques, la protection du territoire national reste assurée par la dissuasion nucléaire, souligne le général Mille. Les drones armés Reaper de l’AAE pourraient être déployés sur d’autres endroits stratégiques. Enfin, l’Eurodrone, futur drone européen MALE (moyenne altitude longue endurance), serait utilisable pour la surveillance d’un espace contesté ou comme relais en dehors d’un conflit de haute intensité.

Modernisation. Le général Mille a rappelé les enjeux de l’AAE : défense sol-air ; protection des troupes en opérations au sol ; dispositif particulier de sécurité aérienne lors d’un événement ; projection de bases aériennes avancées. Outre la mise en réseau de tous les simulateurs, la préparation des équipages à des missions de plus en plus complexes nécessite de mixer le virtuel et le réel…en vol ! Les partenariats seront recherchés avec des pays disposant d’une capacité aéronautique et spatiale, car la surveillance de l’espace concerne surtout les orbites basses. Pour les missions humanitaires dans les outre-mer, le successeur du Casa verra le jour en 2030. Quant à la défense et aux opérations aériennes, le passage au « tout Rafale » devrait être réalisé en 2035. Enfin, le nouveau missile ASN4G entrera en service dans la composante nucléaire aéroportée vers 2030.

Loïc Salmon

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Service de santé : garantir au mieux la survie des blessés

Les expériences acquises dans les opérations extérieures permettront les meilleures prises en charge, médicale et chirurgicale, possibles des blessés dans un engagement de grande intensité, sans entraver la manœuvre tactique.

Le 22 juin 2022 à Paris, le médecin chef des services Didier Lanteri du Service de santé des Armées (SSA) a présenté à la presse ce parcours de moins de 24 heures, échelonné du lieu de combat à un hôpital militaire métropolitain. De son côté, le général de division Yann Gravêthe, directeur par intérim de la Délégation à l’information et à la communication de la défense, en a exposé le contexte militaire.

Précocité et capacité. La planification médicale suit la règle du « ten one two », à savoir 10 minutes, 1 heure, 2 heures, indique le médecin chef. L’hémorragie constitue la première cause de mortalité des blessés de guerre et l’obstruction des voies respiratoires la deuxième. Ces deux gestes élémentaires de survie doivent être réalisés dans les 10 premières minutes. Tous les militaires étant formés au sauvetage de combat premier niveau, le binôme du blessé peut lui poser un garrot en cas de plaie hémorragique d’un membre. Un autre militaire, qualifié deuxième niveau, initie la maîtrise des voies respiratoires, si le cas se présente. Dans la première heure qui suit la blessure, un médecin et un infirmier ont le temps de prendre le relais, notamment en cas d’attaque de convoi par un engin explosif improvisé. Tout blessé hémorragique subit la « triade létale », qui associe hypothermie (le corps se refroidit très vite), troubles de la coagulation et désordre métabolique majeur. L’équipe médicale lui injecte du plasma lyophilisé, mis au point par le SSA. Entretemps, un hélicoptère médicalisé, transportant des poches de sang pour la transfusion, évacue le blessé vers l’un des deux blocs opératoires de l’Antenne de réanimation et de chirurgie de sauvetage (ARCS) dans les deux heures. Puis, la « chirurgie écourtée » limite les risques fonctionnels jusqu’à l’évacuation en métropole, par avion Falcon médicalisé, jusqu’à un hôpital militaire, où le blessé sera repris au bloc dans les 48 heures. La télémédecine permet d’obtenir, sur le terrain, l’avis d’un médecin spécialiste. En cas d’afflux massif de blessés, un avion MRTT Phénix, équipé du dispositif « Morphée », achemine une ARCS (13 personnes, dont 3 chirurgiens et 1 médecin anesthésiste-réanimateur) en moins de trois heures.

Risques et solidarité. Outre le risque inhérent à l’engagement militaire et qui va jusqu’à l’acceptation de la mort, la blessure et l’accident grave font partie du métier des armes, souligne le général Gravêthe. Ces aléas se produisent lors des opérations en France ou à l’étranger ou au cours d’une préparation exigeante. En amont des opérations, l’aptitude, la formation, l’entraînement et la prévention contribuent à réduire ces risques pour les personnels, une fois engagés dans l’action. Cette réduction est accrue par les missions, les équipements, les dispositifs de protection individuels ou collectifs et la manœuvre elle-même. En outre, la chaîne de santé, déployable partout dans le monde, est mise en œuvre sur le lieu et dès l’instant où survient la blessure. Après la réhabilitation sanitaire, les dispositifs de soutien et de réinsertion des blessés, via un congé de reconversion, ont été renforcés. Une politique de prévention, de dépistage de suivi et d’accompagnement des syndromes post-traumatiques a été mise en place. Outre une assistance financière, le Plan famille aide les conjoints des militaires blessés ou décédés à trouver un emploi.

Loïc Salmon

Service de santé : culture du retour d’expérience en opération extérieure

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Marine : interopérabilité et résilience, plus vite et plus fort

Avec ses innovations technologiques et ses talents, la Marine se prépare aux futures interventions en interarmées et en coalition. L’Europe va se projeter au-delà de la Méditerranée, jusqu’à l’arc Iran-Pakistan et l’Afrique.

L’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine (CEMM), l’a expliqué au cours d’une rencontre organisée, le 8 mars 2022 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

Bouleversement géopolitique. Le monde vient d’entrer dans une logique de puissance remettant en cause l’architecture de sécurité internationale, souligne le CEMM. L’intervention russe en Ukraine ne constitue pas une crise, comme au Proche-Orient, mais un changement profond sur les plans militaire et économique affectant les approvisionnements en pétrole, gaz (russe) et blé (russe et ukrainien). Elle ne se réduit pas à la mer Noire, mais s’inscrit dans un ensemble cohérent du port de Sébastopol (Crimée) à celui de Mourmansk (Nord du cercle polaire arctique). Déployé en Méditerranée orientale en support de la mission OTAN, le groupe aéronaval lance deux patrouilles de chasseurs Rafale et une de l’avion de guet aérien Hawkeye chaque jour. Un Rafale peut effectuer un aller-retour jusqu’en Roumanie en 1h30. Un sous-marin nucléaire d’attaque se trouve en océan Indien et la frégate de surveillance Vendémiaire en mer de Chine. Selon le document Brèves Marines (octobre 2021) du Centre d’études stratégique de la marine, des Etats historiquement maritimes renforcent leurs capacités en sous-marins et navires de surface et de débarquement. Plusieurs puissances émergentes, dont la Turquie, acquièrent des capacités de protection, d’intervention et parfois de projection océanique. En outre, l’Asie rassemble 55 % des sous-marins en service dans le monde, d’abord en Chine, au Japon, en Corée du Sud, en Australie, en Inde et au Pakistan, puis au Viêt Nam, en Birmanie, en Thaïlande et au Bangladesh. Faute de pouvoir mettre en œuvre un porte-avions, des Etats se dotent de bâtiments d’assaut amphibies.

Combat aéromaritime. L’exercice « Polaris 2021 » a permis de renforcer les capacités en combat aéromaritime de haute intensité. Du 18 novembre au 3 décembre 2021 sur les façades méditerranéenne et atlantique, il a mobilisé plus de 6.000 militaires français (130 soldats de l’armée de Terre) et étrangers et, notamment, le porte-avions nucléaire Charles-de Gaulle et le porte-hélicoptères amphibie Tonnerre. « Polaris 21 » a provoqué un changement de la manière de penser, estime le CEMM. Il a mis en œuvre deux forces symétriques, qui ont dû gérer leurs ressources en pétrole et en munitions et innover sur le plan tactique. Les commandants d’unités ont dû utiliser de nouvelles technologies et de nouveaux concepts, afin de surprendre l’adversaire pour conserver leur liberté d’action. Habitué à se préparer à la guerre selon une doctrine et par l’entraînement, le chef d’aujourd’hui doit faire face à l’incertitude, l’imprévu et la vulnérabilité consécutive à une perte de communication par satellite ou un dysfonctionnement du GPS, indispensables aux missiles de croisière. Il s’agit de maintenir le combat au même niveau, mais en mode dégradé, grâce à la résilience globale où chaque opérateur doit pouvoir être remplacé par un autre. Des marins « ambassadeurs internes » expliquent à d’autres marins comment changer de métier en cours de carrière. Sur le plan technique, le drone naval mode hélicoptère, véritable œil déporté, sera expérimenté mi-avril pendant la mission « Jeanne d’Arc 2022 ».

Loïc Salmon

Ukraine : soutiens OTAN et UE, sanctions contre la Russie

Union européenne : penser les opérations maritimes futures

Marine : « Jeanne d’Arc 2022 », océan Indien et golfe de Guinée




Marine : « Jeanne d’Arc 2022 », océan Indien et golfe de Guinée

Le groupe « Jeanne d’Arc » effectue une mission de cinq mois dans les océans Indien et Atlantique, au profit des officiers-élèves de l’Ecole navale.

Parti de Toulon le 18 février 2022 pour un retour prévu en juillet, il se compose du porte-hélicoptères amphibie Mistral et de la frégate Courbet, qui embarquent 637 marins, dont 159 officiers-élèves, un groupement tactique de l’armée de Terre de 120 militaires et un hélicoptère Dauphin de la flottille 35 F.

Les missions. En fonction du contexte opérationnel national ou international, le chef d’Etat-major des armées peut redéployer le groupe « Jeanne d’Arc » et ses moyens amphibies, terrestres et aériens à tout moment, notamment pour porter assistance aux populations en cas de catastrophes naturelles. Le voyage doit normalement durer 145 jours, dont 108 à la mer, avec neuf escales : Aqaba (Jordanie) ; Djibouti ; Goa (Inde) ; Ile de La Réunion ; Le Cap (Afrique du Sud) ; Douala (Cameroun) ; Libreville (Gabon) ; Fortaleza (Brésil) ; Fort-de-France (Martinique) ; Lisbonne (Portugal). Vecteur de coopération interarmées et interalliés, la mission « Jeanne d’Arc » participe à des manœuvres et exercices navals avec les Marines égyptienne (« Passex »), indienne (« Varuna 22 »), brésilienne et des pays riverains du golfe de Guinée et des Caraïbes. Sont prévus les exercices amphibies « Wakri » à Djibouti et « Papangue 22 » à l’Ile de La Réunion. L’exercice « Imex 2022 », portant sur l’assistance humanitaire, constitue le premier du genre au profit de membres de l’IONS (Symposium des Marines riveraines de l’océan Indien), dont la France a pris la présidence en juin 2021 pour deux ans. En outre, le groupe « Jeanne d’Arc » doit participer à la sécurité maritime en soutien direct à l’opération européenne « Atalante » de lutte contre la piraterie en océan Indien et à la française « Corymbe » dans le golfe de Guinée. Dans le passé, il a participé aux opérations humanitaires après l’ouragan « Irma » (Atlantique Nord, 2017) et le cyclone « Idaï » (Sud-Ouest de l’océan Indien, 2019). En 2020, il a porté assistance aux populations de Mayotte et de La Réunion (Covid-19). En 2021, il a contribué à la lutte contre le narcotrafic dans le Nord de l’océan Indien avec la CTF 150 (8,2 t de stupéfiants saisis).

L’école d’application. Pendant la mission « Jeanne d’Arc 2022 », les officiers-élèves sont formés aux spécialités auxquelles ils pourront prétendre : détecteur ; lutte sous la mer ; aéronautique navale ; commando Marine ; plongeur démineur ; canonnier ; système d’information et de communication ; énergie ; énergie nucléaire. Pour la mission 2022, ils se répartissent ainsi : 80 enseignes de vaisseau de l’Ecole navale ; 52 officiers sous contrat long ; 1 élève issu de l’Ecole polytechnique ; 1 élève française en formation à l’Ecole navale allemande ; 7 officiers-élèves issus d’un cursus Master ; 10 commissaires-élèves des armées d’ancrage Marine ; 37 stagaires du Service de santé des armées, des Affaires maritimes et de l’EDHEC Business School ; 8 officiers-élèves étrangers, venus d’Egypte, du Maroc, des Philippines, de Belgique et des Pays-Bas. Par ailleurs, 30 instructeurs de l’Ecole navale assurent une partie des enseignements dispensés à bord ainsi que le suivi et l’évaluation des élèves. En outre, 16 intervenants civils dispensent, éventuellement en visioconférences, des enseignements complémentaires. Enfin, les équipages du Mistral (230 marins) et de la frégate Courbet (200 marins) partagent leurs savoir-faire et expériences. Le détachement terrestre entretient sa capacité amphibie.

Loïc Salmon

Marine : missions « Clemenceau 2021 » pour le GAN et « Jeanne d’Arc 2021 » pour le GEAOM

Océan Indien : espace de coopération internationale

Afrique : golfe de Guinée, zone de coopération stratégique




Défense : détecter les cyberattaques et réagir vite

La doctrine militaire française inclut le cyber comme arme d’emploi sur les théâtres d’opérations. Au-delà de son aspect technique, le cyber prend des dimensions juridique et politique.

A l’occasion de la 8ème édition de l’exercice interarmées « Defnet » (15-26 mars), l’état de la cyberdéfense militaire a été présenté à la presse, le 18 mars 2021 à Paris, notamment par Hervé Grandjean, porte-parole du ministère des Armées, et le général de division aérienne Didier Tisseyre (photo), commandant la cyberdéfense.

« Cyberconflictualité ». Le commandement de la cyberdéfense (Comcyber) dispose d’un état-major, installé à Paris, pour les orientations stratégiques, la conception et la conduite des opérations, via le centre opérationnel cyber. Le Groupement de la cyberdéfense des armées a été créé le 1er septembre 2020 à Saint-Jacques de la Lande (Bretagne), à proximité de l‘incubateur civilo-militaire « Cyberdéfense Factory ». Ce dernier permet aux petites et moyennes entreprises et aux universitaires de travailler au contact des opérateurs des armées et des experts de la Direction générale de l’armement. Outre la cybercriminalité, le terrorisme ou les actions hybrides de la part de groupes mercenaires rattachés à des Etats, l‘hypothèse d’un engagement majeur dans le cyberespace est prise en compte, indique le général Tisseyre. Des exercices au sein de l’OTAN permettent de s’y préparer. Sur le plan national, il s’agit d’attribuer l’origine des cyberattaques, sans en divulguer la méthode pour éviter une vulnérabilité ultérieure. Leur gravité détermine la proportionnalité de la riposte, au niveau diplomatique, économique ou militaire. Le Comcyber travaille avec les services de renseignement dans la lutte informatique, défensive ou offensive, sur un théâtre d’opérations. Ainsi, l’exercice Defnet 2021 inclut des simulations de vrais incidents sur des systèmes d’armes en service, dans un contexte international au plus près de la réalité.

Defnet 2021. Cet exercice permet de tester la planification, la coordination et la mise en œuvre des mesures défensives face aux cyberattaques. Près de 260 « cybercombattants » sont mobilisés à Brest, Istres, Paris, Rennes et Toulon. Pour la première fois, les réservistes opérationnels sont intégrés aux équipes, afin de s’entraîner aux procédures militaires de gestion de crise cyber. L’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et huit maîtres d’œuvre industriels, signataires de la convention sur la cybersécurité des systèmes d’armes en service, participent à Defnet. En outre, le Comcyber organise la compétition « Capture the Flag » entre 14 écoles d’enseignement supérieur à Paris, Laval, Rennes, Vannes, Saint-Malo et Lannion.

« Cybercombattants ». En 2020, l’ANSSI a détecté quatre fois plus de cyberattaques qu’en 2019 ainsi que 2.700 « événements de sécurité » au ministère es Armées, indique Hervé Grandjean. Pour contrer cette menace, la loi de programmation militaire 2019-2025 consacre 1,6 Md€ au cyber. Le nombre de cybercombattants, de 3.400 en 2020, doit atteindre 4.500 en 2025. Les armées assurent déjà des formations spécialisées : brevet de technicien supérieur « Système numérique informatique et réseau » au lycée militaire de Saint-Cyr l’Ecole ; mastère « Cybersécurité des systèmes complexes pour l’industrie et la défense » à l’Ecole de l’air et à l’Ecole centrale de Marseille ; mastère « Cybersécurité des systèmes maritimes et portuaires », mis en place par l’Ecole navale et trois autres écoles d’ingénieurs en Bretagne.

Loïc Salmon

Défense : l’essor du numérique sur le champ de bataille

Cyber : capacité interarmées, niveaux stratégique et tactique

Cyber : nouvelle doctrine pour la lutte informatique




Marine : missions « Clemenceau 2021 » pour le GAN et « Jeanne d’Arc 2021 » pour le GEAOM

Le groupe aéronaval (GAN) a quitté Toulon le 21 février 2021 pour la mission « Clemenceau » (quatre mois) jusqu’en océan Indien. La mission « Jeanne d’Arc » (146 jours), qui emmène le Groupe école d’application des officiers de marine (GEAOM) jusqu’en mer de Chine et au Japon, est partie de Toulon le 18 février.

Ces deux missions présentent un volet opérationnel avec des spécificités : lutte contre le terrorisme islamiste et renforcement des partenariats pour le GAN ; formation, coopération et assistance humanitaire pour le GEAOM.

Clemenceau 2021. En Méditerranée orientale, le GAN participe à l’opération américaine « Inherent Resolve » contre le djihadisme au Levant, via son intégration au dispositif français « Chammal » de soutien des forces irakiennes, engagées au sol pour détruire les capacités militaires de Daech. Dans le cadre des opérations « Inherent Resolve » et « Agénor » (Union européenne) en mer Rouge, dans le golfe Arabo-Persique et en océan Indien (mer d’Arabie), il approfondit les connaissances des zones traversées et assure une présence opérationnelle, réactive et adaptable pour garantir la sécurité régionale. Le GAN se compose du porte-avions Charles-de-Gaulle, qui embarque : 20 avions de chasse Rafale marine (F3R) ; 2 avions de guet aérien E-2C Hawkeye ; 2 hélicoptères Dauphin pour la sécurité des équipages et les missions de recherche et de secours ; 1 hélicoptère Caïman pour les luttes anti-sous-marine et antinavire et le transport logistique. Il est escorté par : la frégate de défense aérienne et de commandement des opérations aériennes Chevalier-Paul ; la frégate multi-missions Provence, renforcée temporairement par sa jumelle Auvergne, pour les luttes anti-sous-marine et antinavire, l’appui aux opérations terrestres et la projection de puissance, chacune embarquant un hélicoptère Caïman ; un sous-marin nucléaire d’attaque pour le recueil de renseignement, l’intervention contre des enaces navales ou sous-marines et la mise en œuvre de forces spéciales ; le bâtiment de commandement et de ravitaillement Var. En outre, un avion de patrouille maritime Atlantique-2, basé à terre, assure, pour le GAN, des missions de renseignement en haute mer, de lutte anti-sous-marine et, éventuellement, de puissance de feu sur des objectifs terrestres par des bombes guidées laser. « Clemenceau 2021 » prévoit la participation partielle de la frégate belge Leopold-1er, d’une frégate grecque et du destroyer américain Porter.

Jeanne d’Arc 2021. Dans le cadre de la présence française ans la zone indopacifique, le GEAOM intègre la « Combined Task Force 150 » de la coalition internationale en océan Indien, pour lutter contre les trafics et activités illicites liées au terrorisme et sécuriser les espaces maritimes. Il contribue au maintien de la connaissance des zones et de l’étude de leurs évolutions, afin d’anticiper l’apparition des crises tout en conservant une liberté autonome d’appréciation de la situation. Le GEAOM se compose du porte-hélicoptères amphibie Tonnerre et de la frégate Surcouf. Outre un groupement tactique et des hélicoptères de l’armée de Terre, les deux navires embarquent 148 officiers de Marine en formation, dont 14 femmes, 8 enseignes de vaisseau étrangers (Allemagne, Cameroun, Côte d’Ivoire, Madagascar, Togo et Viêt Nam) et 5 officiers invités (Egypte, Ethiopie, Indonésie, Malaisie et Maroc). « Jeanne d’Arc 2021 » inclut des exercices majeurs avec les Marines d’Inde, d’Australie, du Japon et des Etats-Unis.

Loïc Salmon

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Marine nationale : l’aéronavale, tournée vers les opérations

Marine nationale : opération « Agénor » et missions « Foch » et « Jeanne d’Arc »

 




Armée de Terre : entraînement et juste équilibre technologique

La préparation à un probable engagement de haute intensité et dans la durée nécessite un entraînement durci et des équipements performants et soutenables, à l’entraînement et au combat, pour le maintien de la supériorité opérationnelle.

Le général Thierry Burkhard, chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), l’a expliqué lors de la présentation des forces terrestres, le 8 octobre 2020 à Versailles-Satory, devant la presse et les auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale.

Aguerrissement accru. Le milieu terrestre, hétérogène et dur physiquement et psychologiquement, tue, rappelle le CEMAT. Rien qu’en 2019, l’armée de Terre a déploré 23 tués et 500 blessés en mission. Depuis plus de dix ans, elle s’est battue en Afghanistan, en Centrafrique, en Irak, au Mali et sur d’autres théâtres d’opérations. Forte de 115.000 hommes et femmes, elle recrute 16.000 soldats par an et dispose de 27.000 réservistes. Le combat terrestre se décentralise jusqu’au trinôme ou même au soldat tout seul, qui y détient une part de responsabilité. Au cours des dix dernières années, l’armée de Terre a concentré ses efforts sur le combat contre le terrorisme militarisé, avec de très bons résultats militaires. Intégratrice, puissante et résiliente, elle doit changer d’échelle dans ses enseignements, le volume des forces à déployer sous préavis, le niveau d’engagement et les nouvelles menaces.

Environnement stratégique. Un nouveau cycle de conflictualité se met en place avec le retour d’affrontements très violents, souligne le CEMAT. Profitant de l’affaiblissement du système international, de nombreux pays accroissent leur puissance militaire. Ils n’hésitent pas à tester les défenses, parfois brutalement, et aller jusqu’à l’incident ou l’affrontement. Par suite du nivellement de la supériorité technologique occidentale, de nombreux pays acquièrent du brouillage de drone, et des missiles de longue portée et en font profiter d’autres pays qu’ils activent. Au Sahel, la menace aérienne reste inexistante et celle des feux dans la profondeur très faible. Mais en Libye, les groupes armés disposent de véhicules blindés, d’un environnement électromagnétique complet et des défenses sol/air. Par ailleurs, la force se manifeste de façon plus insidieuse dans le cyber, la désinformation et le harcèlement par des actions difficiles à attribuer. En raison de la prépondérance de l’émotion, certains Etats provoquent, avec quelques tweets, le désordre dans les esprits, dans la rue et peut-être au sein des unités militaires. En effet, la propagande se trouve à la portée de tous via…les smartphones ! Un adversaire, non choisi, va chercher à surprendre et imposer son rythme et sa volonté. Déjà, de nombreux Etats développent des modes d’action hybrides, moins prévisibles et privilégiant l’intimidation et la désinformation. Il s’agit, précise le CEMAT, de faire peser incertitude et surprise chez l’ennemi par la ruse, la désinformation et la « déception », à savoir l’induire en erreur pour l’amener à agir contre ses propres intérêts.

Préparation de l’avenir. Selon le CEMAT, un groupement tactique Scorpion sera déployé sur un théâtre opérationnel en 2021, avec l’objectif d’une brigade Scorpion en 2023. Les brigades blindées recevront les futurs chars franco-allemands vers 2035. Les équipements essentiels seront renouvelés : armes de petits calibres ; jumelles de vision nocturne ; missiles antichars. Il faudra apprendre à manœuvrer avec les cyberattaques, la guerre informationnelle et la guerre électronique offensive.

Loïc Salmon

Armée de Terre : la préparation opérationnelle, source de la puissance au combat

Armée de Terre : le chef tactique dans un combat futur de haute intensité

Armée de Terre : « Scorpion », le combat collaboratif infovalorisé

 




Marine nationale : s’entraîner pour anticiper le combat futur

Avant son départ, toute unité navale doit avoir obtenu la qualification opérationnelle du navire et de son équipage, ou leur remise à niveau, pour remplir ses missions, militaires ou civiles, d’aujourd’hui et celles de demain.

Le capitaine de vaisseau Jean-Marc Bordier, commandant la division Entraînement de la Force d’action navale l’a expliqué au cours d’une conférence-débat organisée, le 4 mars 2020 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine.

Missions diversifiées. L’amiral commandant la Force d’action navale a autorité sur la Force aéronavale nucléaire, centrée sur le porte-avions Charles-de-Gaulle. En outre, il prépare et soutient un réservoir de forces et de compétences pour les missions de tous les navires militaires de surface. Ainsi, la souveraineté dans les espaces maritimes est assurée par des bâtiments de soutien et d’assistance outre-mer et des frégates de surveillance (FS) qui participent aussi à la lutte contre les narcotrafics. La mission « Jeanne d’Arc », composée d’un porte-hélicoptères amphibie (PHA) et d’une frégate furtive (FLF), constitue l’Ecole d’application des officiers de marine. Les bâtiments hydrographique et océanographique mettent à jour les carte marines. La mission « Corymbe », de prévention de la piraterie et de protection de la navigation dans le golfe de Guinée mobilise un PHA, une FS et un aviso A69. Des bâtiments de soutien et d’assistance métropolitains (BSAM) remplissent la mission « Thon rouge » de police des pêches. Des bâtiments-bases de plongeurs démineurs celle de l’action de l’Etat en mer. Les patrouilleurs de haute mer (PHM) participent à la lutte contre l’immigration clandestine. Une frégate multi-missions (FREMM), une frégate de lutte anti-sous-marine (FASM), un aviso A69, un chasseur de mines tripartite (CMT) et un bâtiment remorqueur de sonars participent, autour de Brest, au soutien des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la Force océanique stratégique. Dans le Grand Nord, une FREMM, une FASM et un BSAM contribuent aux missions de connaissance et d’anticipation, comme une FREMM et une FLF en Méditerranée orientale. Une FREMM, un FASM, un PHM, un CMT et un bâtiment de commandement et de ravitaillement (BCR) contribuent à la mission de réassurance OTAN en mer Baltique. FREMM, FASM, FLF et frégates antiaériennes (FAA) et de défense aérienne (FDA) participent à l’opération « Chammal » au Levant. FDA, FAA, FREMM, FLF, FS et BCR sont déployés dans la lutte contre le terrorisme en océan Indien et dans le détroit d’Ormuz. Le Groupe aéronaval se déplace au gré des positionnements et partenariats stratégiques. Une FS remplit des missions de prévention, de connaissance et d’anticipation en mer de Chine et au large de l’Australie. Des CMT participent à des missions de guerre des mines en océan Indien. Une FS et un patrouilleur polaire ravitaillent les Terres australes et antarctiques françaises. Enfin, diverses unités assurent la défense maritime du territoire métropolitain.

Scénarios adaptables. L’entraînement, préalable aux missions, évolue en fonction du contexte international, souligne le capitaine de vaisseau Bordier. Il s’agit de comprendre les menaces émergentes : nouvelles formes de terrorisme ; cyberattaques ; missiles hypersoniques ; brouillage GPS ; déni d’accès aux satellites ; mines électriques et non plus magnétiques. L’entraînement développe les compétences du métier de marin et les spécialités à maintenir à un niveau élevé. Or la Marine emploie des unités ultra-modernes (FREMM) et des bâtiments âgés de plus de 30 ans avec des équipements très différents. La division Entraînement de la Force d’action navale compte 150 marins expérimentés de toutes les spécialités, dont 80 basés à Toulon et 60 à Brest. Sélectionnés pour leur compétence, ils doivent avoir navigué et être crédibles. En conséquence, leur moyenne d’âge atteint 37-38 ans, contre 29 ans pour toute la Marine. Des contrats avec des sociétés civiles permettent de disposer de bateaux cibles ou d’aéronefs, moins onéreux que les moyens militaires. Le plan « Mercator » vise à préparer les combats de demain avec les moyens existants et ceux en développement par les industriels. Il prévoit notamment que, tous les deux ans, un navire doit procéder à des tirs de missiles selon un scénario tactique incluant des incidents à bord. Les simulateurs permettent d’entretenir les savoir-faire de l’équipage à terre : navigation ; manœuvres ; guerre électronique ; cyberdéfense ; situation tactique. Dans 4-5 ans, le simulateur pour avion de patrouille maritime, à Lann-Bihoué, pourra communiquer avec le simulateur pour sous-marin d’attaque, à Toulon, et un poste de commandement tactique.

Entraînements individuel et collectif. Les marins acquièrent en école les 300 savoir-faire indispensables. Toutefois, souligne le capitaine de vaisseau Bordier, l’entraînement répétitif les poussent à leurs limites, car le combat exige de réagir très vite. L’entraînement se répartit entre stages de mise en condition opérationnelle ou remise aux normes opérationnelles, à terre et en mer. Il facilite la mise à jour de la doctrine d’emploi du navire. Ainsi, la préparation opérationnelle d’une frégate se déroule en 80 jours, répartis sur 4 ans. Les commandants entretiennent la qualification individuelle des marins (préparation d’aéronef, chef de quart etc.). La division entraînement de la Force d’action navale suit la qualification opérationnelle de l’unité, évalue son entraînement et la fait progresser. Elle organise des exercices conjoints avec les armées de l’Air (défense aérienne) et de Terre (exercices amphibies). Ensuite, le commandement de la Force aéromaritime de réaction rapide (niveau OTAN) entraîne le Groupe aéronaval ou la Force expéditionnaire amphibie. Le plan « Euterpe » permet d’évaluer les capacités de l’unité en matière de sûreté et de sécurité à quai et en mer.

Loïc Salmon

La Force d’action navale (FAN) compte 97 navires militaires armés par 9.800 marins. Elle comprend : le Groupe aéronaval ; la Force expéditionnaire amphibie ; la composante frégates ; la Force de guerre des mines ; les bâtiments de souveraineté ; les bâtiments de soutien. Son état-major, basé à Toulon, dispose d’implantations à Cherbourg et Brest. La FAN de Cherbourg (165 marins) possède les moyens dédiés aux missions de l’action de l’Etat en mer et de protection des approches maritimes (police des pêches et lutte contre les trafics). La FAN de Brest (2.800 marins) dispose des moyens de projection vers la zone Atlantique et de participation aux missions océaniques et de dissuasion nucléaire de la Marine. A Toulon, la FAN (5.400 marins) concentre les moyens de projection de puissance vers les zones de crises en Méditerranée et en océan Indien. S’y ajoutent : 3 groupes de plongeurs démineurs ; 4 centres d’expertise (renseignement, sécurité, cyberdéfense et météorologie) ; 1 flottille amphibie ; l’état-major de la Force aéromaritime de réaction rapide dans le cadre de l’OTAN, qui prendra l’alerte à Toulon en 2021. La Marine dispose de 6 bases en outre-mer (Guyane, Polynésie française, Martinique, La Réunion, Mayotte et Nouvelle-Calédonie) et de 3 à l’étranger (Sénégal, Djibouti et Emirats arabes unis).

Marine nationale : opération « Agénor » et missions « Foch » et « Jeanne d’Arc »

Marine nationale : l’aéronavale, tournée vers les opérations

Marines : outils politiques et de projection de puissance




Marine nationale : opération « Agénor » et missions « Foch » et « Jeanne d’Arc »

L’opération « Agénor », dans le golfe Arabo-Persique et le détroit d’Ormuz, et les missions « Foch » du groupe aéronaval, en Méditerranée orientale, et « Jeanne d’Arc » de l’Ecole d’application des officiers de marine, dans les océans Indien et Pacifique, ont été présentées à la presse à Paris le 27 février 2020.

L’opération « Agénor ». Volet militaire de l’initiative européenne « European led Maritime Situation Awareness in the Straight of Hormuz » (EMASOH), « Agénor » a atteint sa pleine capacité opérationnelle le 25 février. Nation-cadre, la France s’appuie sur ses forces stationnées dans la base navale d’Abou Dhabi, où se trouve l’état-major tactique constitué de représentants des Etats contributeurs et d’officiers de liaison. Les frégates française Forbin et néerlandaise De-Ruyter sont placées sous le contrôle opérationnel et le commandement tactique de l’opération. EMASOH doit donner une appréciation autonome de situation à ses huit membres, à savoir l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la France, la Grèce, de l’Italie, les Pays-Bas et le Portugal. « Agénor » assure la surveillance de l’activité maritime et la sécurité en mer pour garantir la liberté de navigation, conformément à la convention des Nations unies sur le droit de la mer. En outre, elle contribue à la désescalade des tensions et reste ouverte à d’autres pays désireux d’y participer. En 2019, de nombreux incidents, maritimes ou non, ont été observés dans la région, portant atteinte à la sécurité des navires et des équipages européens et étrangers.

La mission « Foch ». Le groupe aéronaval (GAN) participe à l’opération « Chammal », volet français de l’opération américaine « Inherent Resolve » menée dans le cadre de la coalition internationale contre Daech en Irak et en Syrie. Depuis les premiers vols sur le théâtre le 29 janvier, il contribue à l’appréciation autonome de la situation sur zone. Son groupe aérien s’entraîne avec des partenaires régionaux et alliés. Ainsi, le16 février, les Rafale marine et les Rafale de l’armée de l’Air égyptienne se sont affrontés à environ 200 km du porte-avions Charles-de-Gaulle dans un scénario de deux contre deux, alternant les missions « DCA » (position de défense d’une zone et prise en charge de la menace) et « OCA » (mission offensive de reprise d’une zone). Un avion de guet aérien E2C-Hawkeye égyptien et un Rafale marine ravitailleur ont participé à l’exercice. Le 18 février, des exercices similaires se sont déroulés avec deux Eurofighter Typhoon britanniques. La veille, dix Rafale marine ont mené un entraînement mutuel de défense aérienne en « milieu contraint » avec la République de Chypre. Enfin depuis le 28 janvier, la frégate grecque Psara a pris la suite de la frégate Spetsai, qui a accompagné le GAN depuis son départ, afin d’approfondir leur interopérabilité.

La mission « Jeanne d’Arc ». L’Ecole d’application des officiers de marine a quitté Toulon le 26 février pour la mission « Jeanne d’Arc » (cinq mois). Composée du porte-hélicoptères amphibie Mistral et de la frégate furtive Guépratte, elle embarque 1 groupement tactique, 2 hélicoptères Gazelle de l’armée de Terre et 1 hélicoptère NH90 italien. Près de 550 militaires français et étrangers participent à cette mission, dont 138 officiers-élèves incluant des ressortissants d’Australie, de Belgique, du Brésil, d’Egypte, d’Ethiopie, d’Indonésie et du Maroc. En océan Indien, la mission « Jeanne d’Arc » sera intégrée à la « Force opérationnelle combinée 150 » de lutte contre les trafics illicites contribuant au financement du terrorisme.

Loïc Salmon

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L’océan Indien : enjeux stratégiques et militaires

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Défense : durer et vaincre dans un conflit de haute intensité

L’érosion accélérée des équipements et des personnels dans un engagement de longue durée nécessite de disposer d’un volume conséquent de forces et d’une capacité suffisante de renouvellement.

Ce thème a été abordé lors d’une conférence-débat organisée, le 16 janvier 2020 à Paris, par l’association Les Jeunes IHEDN. Y sont intervenus : le colonel (er) et écrivain Michel Goya ; Nicolas Maldera, chercheur associé au Centre de doctrine et d’enseignement du commandement de l’armée de terre et contributeur à la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques.

Evolution du modèle d’armée. L’emploi de la force légitime vise à rétablir un ordre géopolitique face à un ennemi désigné, rappelle le colonel Goya. Mais la France a engagé des opérations militaires sans ennemi déclaré, comme au Liban depuis 1978 où l’attentat terroriste de 1983 a causé la mort de 58 soldats français de la Force multinational de la sécurité de Beyrouth. A la fin de la guerre d’Algérie (1962), son modèle d’armée repose sur : la dissuasion nucléaire, face à un ennemi étatique majeur menaçant ses intérêts vitaux ; un corps conventionnel de bataille renforcé par la mobilisation pour montrer sa détermination ; une petite force de militaires professionnels déployée en opérations extérieures (Opex). Ces dernières, liées à la personnalité du président de la République, chef des armées, consistent à s’engager facilement en prenant le moins de risques possibles, pour limiter le nombre de morts, par l’appui aux forces armées locales alliées et l’emploi de l’arme aérienne contre leur ennemi. Cette conception stratégique exclut l’hypothèse d’une guerre longue contre les forces du Pacte de Varsovie (1955-1991). Or la sécurisation du Sud du Tchad (1969) a engagé 2.500 soldats professionnels pendant trois ans avec 2.000-4.000 hommes en réserve. Dans les années 1980, l’Iran a attaqué la France au Liban et commis des attentats terroristes à Paris, jusqu’au remboursement des fonds avancés par le Shah en 1974. Simultanément, a eu lieu l’opération, réussie, de dissuasion conventionnelle « Manta » (1983-1984) au Tchad contre la Libye. La guerre du Golfe (1990-1991) a mobilisé 12.000 soldats professionnels, considérés comme une force secondaire de la coalition internationale contre l’Irak. Cela a conduit à porter les effectifs professionnalisés à 50.000 personnels. Après la dissolution du pacte de Varsovie, les programmes d’armement majeurs sont maintenus pour éviter une crise industrielle. En 2002, la suspension de la conscription, vivier de soldats à faible coût et de réservistes, supprime toute capacité de montée en puissance. La crise financière de 2008 entraîne la suppression de 80.000 postes dans les armées, dont les effectifs projetables en Opex sont réduits à 30.000 personnels. La création de bases de défense provoque un désordre administratif, estime le colonel Goya. En 2013, le contrat pour les Opex est ramené à 15.000 personnels et 45 avions, à peu près comme lors de la guerre du Golfe. Des « trous capacitaires » perdurent en matière de ravitaillement en vol et de renseignement, créant une dépendance stratégique à l’égard des Etats-Unis. Les armées sont utilisées de façon dispersée lors des opérations « Serval » (2013), au Mali, « Chammal » (depuis 2014), en Irak et Syrie, et « Sangaris » (2013-2016) en Centrafrique. Pour rassurer l’opinion publique française après les attentats de 2015, l’opération « Sentinelle » de protection de la population française mobilise 7.000 personnels, effectif porté à 10.000 en cas de besoin. Elle entame une remontée en puissance des armées, confortée par la loi de programmation militaire 2019-2025. Le modèle d’armée actuel permet des opérations « coup de poing » ou des raids aériens et dispose d’une capacité d’intervention forte contre des organisations armées. Mais pour dissuader un adversaire majeur dans la durée, le colonel Goya préconise : une 1ère Armée avec de gros effectifs mobilisables, moins chers que des militaires professionnels, et disposant de centaines de milliers de réservistes ; une Force de réaction rapide, composée uniquement de professionnels, pour intervenir n’importe où ; une adaptation des moyens à l’ennemi, pas nécessairement avec les équipements les plus sophistiqués. A tire indicatif, pendant la guerre du Golfe, la force américaine comptait 40 % de réservistes. L’opération « Barkhane » au Sahel coûte 600 M€/an pour 300 combattants adverses, soit 2 M€/djihadiste. L’hélicoptère de manœuvre NH90 est utilisé contre des pickups armés, alors qu’il a été conçu pour affronter les troupes du Pacte de Varsovie. L’opinion publique française, prête à assumer des pertes considérables pendant la guerre froide (1947-1991), s’est déclarée en faveur de la guerre du Golfe et a eu une vision claire de l’opération « Serval ». Mais pour un conflit mal perçu, les pertes sont considérées comme inutiles (Afghanistan, 2001-2014) ou difficiles à expliquer (Sahel depuis 2014).

« Soutenabilité » des opérations. L’engagement opérationnel implique de vaincre dans le temps imparti et de dépenser suffisamment de ressources pour imposer sa volonté politique à l’adversaire, explique Nicolas Maldera. Le seuil de « soutenabilité » est atteint quand la capacité militaire engagée égale celle de son renouvellement. Il faut avoir usé l’adversaire ou devoir subir une érosion de son propre capital opérationnel, car les ressources vont finir par manquer. Le scénario d’un engagement majeur, contre un ennemi étatique ou non et juste au-dessous du seuil de l’emploi de l’arme nucléaire, retient un effectif de 17.600 personnels terrestres. La durée de cet engagement se répartit en 6 mois de montée en puissance, 6 mois pour l’intervention elle-même, 6 mois de désengagement et 24 mois de remise en condition opérationnelle. Pour un soldat au combat, il faut compter un autre à l’entraînement et un troisième en reconditionnement. Entre 1989 et 2017, l’armée de Terre a vu le nombre de ses chars divisé par 5, celui de ses canons par 3 et celui de ses hélicoptères par 2,5. Son transport stratégique dépend des avions gros porteurs ukrainiens ou russes. La France a négligé les programmes d’équipements intermédiaires, qui manquent aujourd’hui. Toutefois, le programme Scorpion va reconstituer le corps blindé mécanisé avec un format final de 200 chars Leclerc, 109 canons Caesar, 300 véhicules blindés Jaguar et 1.000 véhicules blindés de l’aide à l’engagement. La disponibilité des équipements, de 60 % en moyenne, devrait monter à 90 %. Leur capacité de régénération, à savoir leur entretien programmé, sous-budgétée pendant des années, remonte depuis 2019 à raison de 4,2 Md€/an. La répartition de la maintenance, actuellement de 90% par l’armée de Terre et de 10 % par les industriels, devrait passer à 60 %-40 % à terme. En outre, les groupes Nexter (armement), Arquus (véhicules) et Thales (électronique) augmentent leurs cadences de production. Les munitions sont standardisées OTAN, mais chaque pays demandeur est soumis au bon vouloir du vendeur, en l’occurrence les Etats-Unis, qui réserveront leurs stocks en priorité à leurs propres troupes.

Loïc Salmon

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