Marine nationale : l’IA dans la guerre navale future

Face au risque de déclassement, la Marine doit adapter les technologies et méthodes éprouvées dans le monde civil, dont l‘approche centrée-donnée augmentée par l’intelligence artificielle (IA), la connectivité et l’amélioration continue. L’autonomie de décision restera garantie par un regard critique sur les informations transmises.

La Marine nationale a présenté son projet de « Stratégie d’intelligence artificielle pour la guerre navale » (SIGNAL) dans un document rendu public en mai 2025.

Conserver l’avantage dans la durée. Le domaine naval allie en permanence des dynamiques capacitaires dans le temps immédiat avec des programmes inscrits dans le temps long. Les prochaines ruptures capacitaires incluent l’accélération de renouvellement des puces à hautes performances, les télécommunications laser, le quantique, le développement des drones et les systèmes autonomes. Il s’agit de les intégrer aux grands programmes navals pour leur permettre d’évoluer. Le porte-avions de nouvelle génération, l’avion de patrouille maritime futur et le sous-marin lanceur d’engins de troisième génération, déjà en cours de préparation, devraient entrer en service après 2035. SIGNAL vise à valoriser les données contribuant au combat naval, à la résilience et à la performance des forces à la mer. L’intégration des briques technologiques de la donnée et de l’IA améliore les capacités d’analyse pour gagner du préavis dans l’action. L’IA embarquée sur des plateformes (aéronefs et bâtiments de surface) assure le continuum entre le contrôle de l’équipement et le contrôle des données. Cela permet de croiser des données issues à chaud du système de combat (environnement immédiat) avec celles à froid provenant de systèmes opérationnels et organiques. Dans une logique de combat, il s’agira d’accroître le niveau d’informations pertinentes de bout en but, via des connectivités adaptées aux contraintes des technologies de la donnée qui permettent débits importants et faible latence (temps total entre l’action de l’utilisateur et la réception de la réponse). Parallèlement, il faudra conserver le socle de connectivité résiliente : capacité de déconnection ; gammes de fréquences moyennes et basses ; liaisons de données tactiques ; messagerie non classifiée. Des algorithmes d’IA permettront d’échanger des données au sein de la force navale et avec les centres à terre dans le tempo du besoin opérationnel.

Efficacité opérationnelle. Dans le domaine aéromaritime, l’ascendant opérationnel s’articule autour des supériorités informationnelle, décisionnelle et de l’engagement. Il s’inscrit dans un contexte de révolution numérique, de développement exponentiel des drones, des capacités aéronavales et de l’IA. L’adversaire combine les effets d’action dans les zones « grises » (seuil d’agression entre la guerre et la paix), d’une masse considérable de drones et de l’autonomie de systèmes létaux. La prise de décision dépend d’une profonde transformation des architectures et mécanismes de traitement et de valorisation des données. SIGNAL cherche à mieux comprendre la situation afin de décider à temps, grâce aux outils de la configuration « homme-machines ». Dans le traitement manuel, les processus nécessitent l’intervention humaine directe. Dans un cycle partiellement automatisé, les machines effectuent une partie du travail tandis que l’humain s’assure que les processus se déroulent normalement et vérifie l’exactitude des données. Lorsque les machines sont suffisamment précises et autonomes pour fonctionner de manière indépendante, l’humain se contente de surveiller les automatismes. Déjà, la guerre russo-ukrainienne en mer Noire et les ripostes occidentales aux attaques des rebelles Houthis en mer Rouge modifient la conduite de la guerre navale. Elles mettent en œuvre des architectures de stockage de données, des algorithmes d’IA et de nouvelles formes de connectivité, comme le « New Space » (industrie spatiale d’initiative privée) et les radios à très haut débit. Les pays compétiteurs de la France profitent aussi de ces technologies, qui contribuent au développement de nouvelles menaces imposant de repenser les processus et les systèmes. D’ici à 2030, toutes les unités de combat de la Marine auront embarqué l’IA. A l’horizon 2035, celles en service auront suffisamment évolué pour bénéficier des possibilités du partage de la donnée et de l’IA à l’échelle de la force navale. La réalisation du projet « Artemis.IA », piloté par l’Agence du numérique de défense, a été lancé en 2022 par la Direction générale de l’armement pour le traitement massif de données et d’IA, dont profitera la Marine nationale. Cela implique de nouveaux métiers pour ses personnels, afin d’acquérir et de développer les compétences nécessaires.

Soutien industriel. Le secteur privé, notamment les groupes américains GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), investit considérablement dans le numérique, l’IA et le quantique. Le champ d’application de l’IA se trouve porté par les cas d’usage (aides à la décision) civils, duaux et militaires. Les marins « experts métiers », embarqués sur des unités navales et aéronavales, peuvent construire les cas d’usages spécifiques avec les développeurs, tout en apportant les garanties de protection du secret industriel. Les marins disposeront de ces technologies, intégrées aux systèmes d’armes, pendant la préparation opérationnelle et en opérations. L’usage de l’IA militaire embarquée repose sur quatre briques technologiques complémentaires. La première, dite infrastructure de stockage et de traitement de données, permet les technologies du « Cloud » (disponibilité de ressources informatiques à la demande) et des puces à hautes performances telles que les GPU (circuits électroniques capables d’effectuer des calculs mathématiques à grande vitesse). Elle inclut des architectures logicielles de serveurs aux performances élevées, à haute sécurité et présentant une faible latence. La deuxième brique ou infrastructure d’échange et de partage de données s’appuie sur des algorithmes d’IA d’optimisation de l’emploi du spectre électromagnétique, afin de parer aux risques d’une exposition accrue aux cyberattaques et de l’indiscrétion électromagnétique d’une force. La troisième brique concerne les mécanismes d’interopérabilité et de sécurité par la technologie émergente ZT/DCS. La sécurité est traitée par le réseau mais aussi par la donnée elle-même, dans une logique de défense en profondeur autorisant l’usage de technologies duales sans renoncer à la souveraineté. Les investissements de recherche des GAFAM permettent les avancées les plus rapides qui s’imposent comme normes d’interopérabilité, car elles irriguent les industries de défense et l’OTAN. La quatrième brique concerne la capacité de production d’algorithmes en interne au sein de la Marine. L’IA sera intégrée par étapes successives. En deux ans, un prototype de croisement de données, dénommé « Data Hub Embarqué », a été conçu, réalisé et déployé sur une puis plusieurs unités de combat. Grâce à lui, un bâtiment de surface reçoit, d’un satellite surveillant une zone, des informations qui sont d’abord labellisées par des experts métiers puis exploitées par des ingénieurs « Cloud » et des développeurs « big data ». Ces informations sont lors valorisées par l’État-major de la marine, l’État-major des armées, la Direction générale de l’armement et les industriels, en vue de leur réutilisation par les forces maritimes. A moyen terme, il faudra définir les systèmes embarqués sur les futurs sous-marins, navires de surface, hélicoptères et drones avec des « architectures centrées-données ». Celles-ci permettront aux plateformes de s’affranchir des Data Hub Embarqués.

Synergie interarmées. Le projet SIGNAL s’inscrit dans le réseau Multi-Senseurs Multi-Effecteurs de l’État-major des armées pour accélérer la boucle OODA (observer, orienter, décider, agir) en partageant les mêmes standards de sécurité portés par la donnée, afin de dominer l’adversaire.

Loïc Salmon

Défense : stratégie des armées sur l’intelligence artificielle

Défense : la simulation et l’IA pour la conception des armements

Défense : l’IA et la simulation pour la formation des personnels




Défense : bilan 2024 de la Direction générale de l’armement

Face à l’environnement stratégique en constante évolution, la Direction générale de l’armement (DGA) a piloté l’adaptation de l’industrie de défense en 2024 par un effort financier et la mise en place de commandes globales sur plusieurs années.

Selon un document rendu public le 30 avril 2025, la DGA a dépensé 21,7 Mds€ pour équiper les forces armées et passé des commandes d’un montant de 16,6 Mds€ en 2024. Pour préparer l’avenir, elle a effectué des paiements totalisant 1,6 Md€ et pris des engagements pour 1,3 Md€.

Productivité industrielle améliorée. La DGA a augmenté la capacité de production de plusieurs armements par l’introduction de nouveaux procédés, la renégociation de contrats et l’accompagnement dans la chaîne de production. Ainsi en 2024, chez Thales, les temps de production de radars est passé de 18 à 6 mois. Chez MBDA, la cadence de production de missiles anti-aériens transportables légers Mistral aura été multipliée par quatre entre 2022 et 2025 et six fois plus de missiles Aster que prévu seront livrés en 2025. Chez KNDS, la cadence de production des canons Caesar, dont le délai entre la commande et la livraison est passée de 30 à 15 mois, a triplé et la production d’obus de 155 mm a été multipliée par 60. Safran a doublé la production de bombes AASM (armement sol-air modulaire). En mars 2024 et avec l’aide de BpiFrance (banque publique d’investissements), la DGA a mis en place le « dispositif accélérateur défense » au profit de 28 entreprises (petites, moyennes et de taille intermédiaire), sous-traitantes de programmes d’armement. Ce dispositif d’une durée de 12 mois les accompagne pour adapter leurs moyens industriels afin de répondre aux nouvelles exigences des industriels de défense et pérenniser leur positionnement dans ce domaine.

Innovations déployées en 2024. L’Agence de l’innovation de défense, intégrée à la DGA, a piloté 16 projets de passage à l’échelle d’innovation, dont certaines sont déjà utilisées en opérations. Celles déployées en 2024 ont apporté des contributions : à la sécurisation des réseaux de communications ; à l’amélioration des communications navales ; à la mise en place d’un logiciel d’analyse et de caractérisation des manœuvres orbitales au profit du Commandement de l’espace ; au déploiement d’un simulateur de drone ; au développement des capacités d’observation satellitaire ; à l’optimisation de l’alimentation des véhicules tactiques.

Livraisons en 2024. L’armée de Terre a reçu :  12 canons Caesar ; 1 prototype opérationnel de système de lutte anti-drones laser ; 1 lot d’obus de 155 mm ; 35 engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar ; 150 blindés multi-rôles Griffon ; 1 mortier embarqué pour l’appui au contact ; 103 engins blindés multi-rôles légers Serval ; 21 chars Leclerc rénovés ; 102 véhicules blindés légers régénérés ; 6 infrastructures pour la mise en œuvre, la formation et l’entraînement aux matériels Scorpion ; 2 hélicoptères de manœuvre de nouvelle génération Caracal ; 1 hélicoptère de transport tactique NH90 Caïman ; 3 hélicoptères appui-destruction Tigre rénovés ; 8.000 fusils HK416F ; un ensemble d’équipements Cinabre pour la défense biologique, radiologique et chimique. L’armée de l’Air et de l’Espace a reçu : 2 avions de transport militaire A400M ; 1 avion de liaison Falcon 900 ; 1 centre de formation et bâtiment opérations de l’avion ravitailleur multi-rôles MRTT ; 1 mise en service du satellite de communications Syracuse 4B et 24 segments sol ; 14 avions de chasse Rafale ; 13 rénovations à mi-vie de l’avion de chasse Mirage 2000D ; 1 infrastructure pour l’entretien du Rafale ; 2 systèmes de défense sol-air courte portée Mica ; 1 lot de missiles anti-aériens Mica remotorisés ; 2 radars fixes de surveillance arienne M/BA 3D ; La Marine nationale a reçu : 2 avions de patrouille maritime ATL2 rénovés ; le sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Tourville de la classe Barrcuda ; 1 module amovible sur SNA pour les opérations spéciales ; 1 lot de missiles antinavires Exocet MM40 Block 3c ; 1 lot de torpilles lourdes F21 Atemis ; 1 patrouilleur outre-mer ; 1 drone de surface de guerre des mines. Le domaine interarmées « Connectivité et renseignement » a reçu : 680 postes véhicules et 28 postes portatifs Contact ; 8 cellules tactiques de renseignement d’origine électromagnétique.

Commandes passées en 2024. Pour l’armée de Terre, la DGA a commandé : 45 blindés de reconnaissance et de combat Jaguar ; 253 engins blindés multi-rôles Griffon ; 97 blindés multi-rôles légers Serval ; 100 chars Leclerc rénovés ; 120 véhicules blindés légers régénérés ; 8.000 fusils HK416F ; 100 fusils brouilleurs de lutte anti-drones ; 100 kits Medevac NH90 dédiés à l’évacuation médicale. Pour l’armée de l’Air et de l’Espace, la DGA a commandé : 2 palettes Evasan A400M pour l’évacuation sanitaire ; 8 systèmes sol-air moyenne portée/terrestre de nouvelle génération ; 11 stations sol pour les communications satellitaires Syracuse IV ; 51 nœuds de réseaux tactiques Astride. Pour la Marine nationale, la DGA a commandé : 2 lots de torpilles lourdes F21 Artémis ; 1 lot de missiles antinavires Exocet MM40 Block 3c. Pour le domaine interarmées « connectivité et renseignement », la DGA a commandé : 7 relais sécurisés Descartes du réseau de télécommunications du ministère des Armées ; 52 cellules tactiques de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) ; 1 avion de ROEM Archange, équipé de la capacité universelle de guerre électronique.

Prochains systèmes d’armes. Sur la base de connaissances précises des technologies et d’une appréciation de la menace enrichie par le renseignement, la DGA analyse les besoins opérationnels. Ensuite, elle définit les futurs systèmes d’armes et leurs performances critiques en cohérence avec les enjeux industriels, de coopération et d’export. Les prises de commandes en coopération et à l’export se montent à 18 Mds€ en 2024. Cette année-là, les travaux capacitaires ont débouché sur le lancement de nombreux projet à effet majeurs dont le drone de combat, la robotisation du combat terrestre, l’évolution des frégates et la simulation massive. Ces travaux ont permis la création de la communauté d’intérêt aéroterrestre, qui a notamment réorienté le programme Contact de communications numériques tactiques et de théâtre d’opérations. Ils ont donné lieu à la création de la communauté d’intérêt aéronaval à l’origine du développement du système de combat du porte-avions de novelle génération. Ils ont aussi débouché sur la feuille de route RM2SE (réseaux multi-senseurs multi-effecteurs) pour mettre la donnée au centre du combat.

Supériorité opérationnelle future. Depuis 2006, le Centre d’analyse technico-opérationnelle de défense (CATOD) de la DGA dispose des savoir-faire pour préparer les capacités militaires et l’emploi des systèmes d’armes, dont les caractéristiques majeures seront évaluées tout au long de leur cycle de vie. En 2024, ses travaux ont contribué à définir les prochaines générations des moyens de la dissuasion nucléaire : sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) de troisième génération ; missile nucléaire air-sol hypersonique ASN 4G, futur successeur de l’ASMP en service dans les Forces aériennes et aéronavales stratégiques ; missile mer-sol balistique stratégique M51 du SNLE ; porte-avions de nouvelle génération. Outre l’analyse de la valeur et des coûts, la recherche opérationnelle, la modélisation et la simulation, le CATOD développe le « wargaming » (jeu de guerre) pour mobiliser l’intelligence collective de manière collaborative. En 2024, il a mené une vingtaine d’actions de wargaming, dont : la démarche Titan pour l’aide à la définition de la future capacité de niveau division de l’armée de Terre ; l’optimisation des processus organisationnels de la Direction interarmées des réseaux d’infrastructures et des systèmes d’information ; l’amélioration des capacités de maîtrise des frontières du ministère de l’Intérieur.

Loïc Salmon

Défense : l’AID, assurer la supériorité opérationnelle et l’autonomie stratégique

DGA : bilan de deux ans d’économie de guerre

DGA : crédibilité et modernité de la dissuasion nucléaire




Défense : généraliser l’utilisation de l’IA au ministère des Armées

Avec déjà plus de 400 cas d’usage de l’intelligence artificielle (IA), le ministère des Armées développe l’accès aux données, les infrastructures, les capteurs et les capacités de calcul dans l’administration et les opérations. Un investissement massif dans ce domaine en France a été annoncé lors du sommet mondial pour l’action sur l’IA tenu à Paris les 10 et 11 février 2025.

Orienter, anticiper et accélérer. L’Agence ministérielle pour l’IA de défense (Amiad), créée en mai 2024, dispose d’un pôle recherche, situé à l’École polytechnique à Palaiseau (banlieue parisienne), et d’un pôle technique, localisé chez DGA Maîtrise de l’Information à Bruz (Bretagne), afin que la France conserve sa souveraineté en matière d’IA. Son effectif de 100 personnes au 1er janvier 2025 doit passer à 300 en 2026, dont 250 au pôle technique et 50 au pôle recherche. Le 10 février, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé un investissement de 109 Mds€, auquel participent les Émirats arabes unis, sur les cinq prochaines années pour la construction de centres de données et d’infrastructures associées dans une trentaine de sites en France. Dès 2025, un super calculateur permettra de mettre en œuvre des opérations mathématiques considérables pour préserver et traiter les données confidentielles. L’IA pourra traiter la masse de données générées par les satellites, radars, smartphones et réseaux sociaux pour proposer des choix prévus à l’avance, afin de gagner du temps en raison de l’urgence d’une situation ou du volume trop important de données. Elle devient indispensable dans l’autonomie des systèmes d’armes, l’observation, la logistique, le ravitaillement, la santé du personnel et les ressources humaines. Sur le champ de bataille où chaque seconde compte, l’IA permet au commandement de mieux comprendre, d’anticiper et de décider plus vite que l’adversaire. L’IA analyse et traite l’information de façon plus globale et rapide qu’un opérateur humain.

Combat collaboratif info-valorisé. Les forces armées vont se transformer en réseaux de systèmes interconnectés, capables de s’adapter rapidement à un environnement opérationnel en constante évolution. L’IA va collecter et fusionner les données de multiples capteurs (radars, caméras, véhicules et drones) pour fournir une image complète de l’environnement opérationnel en temps réel. Ce sera le cas pour l’armée de l’Air et de l’Espace avec le programme Scaf (Système de combat aérien du futur) et pour l’armée de Terre avec le programme Scorpion (Synergie du contact transformée par la polyvalence et l’info-valorisation). Pour les systèmes d’observation de Scorpion, l’Amiad a mis au point une « détection d’engins assistée par l’IA » (Demaia) qui alerte l’équipage d’un véhicule des premiers indices de danger et accélère sa compréhension de l’environnement en vue d’une décision plus rapide. Libéré des tâches d’observation, l’équipage se concentre alors sur ses actions en vue d’un avantage décisif sur le terrain. La Demaia dispose de viseurs optroniques de nouvelle génération enrichissant en temps réel les flux vidéo des différents capteurs. Son algorithme avancé assure une détection précise des véhicules amis ou ennemis, tout en intégrant ces données à l’environnement tactique. Il s’ensuit un gain en sécurité et en réactivité. Par ailleurs, l’Amiad et DGA Maîtrise de l’Information ont développé le démonstrateur Oasis qui détecte et identifie les drones amis ou ennemis dans l’environnement électromagnétique, grâce à une analyse fine et précise par l’IA. En outre, Oasis neutralise les capacités adverses par un brouillage sélectif rendant la détection du brouilleur plus difficile, tout en préservant les capacités opérationnelles alliées. L’Amiad et la section technique de l’armée de Terre travaillent sur le système Proteus standard 2, constitué d’un canon anti-aérien de 20 mm, d’une caméra et d’un ordinateur, pour intégrer l’IA, prédire la position future de la cible, proposer la visée et calculer des tirs ultraprécis.

Loïc Salmon

Défense : l’IA et la simulation pour la formation des personnels

Défense : la simulation et l’IA pour la conception des armements

Défense : stratégie des armées sur l’intelligence artificielle

 




Défense : la simulation et l’IA pour la conception des armements

La modélisation numérique des blindés, drones et robots multi-milieux permet une immersion dans un contexte tactique complexe. L’intelligence artificielle (IA) peut les confronter à un ennemi réactif dès la conception et évaluer leurs avantages, points faibles et doctrines d’emploi.

Ce thème a fait l’objet d’un colloque organisé, le 14 novembre 2024 à Paris, par le Centre de recherche Saint-Cyr Coëtquidan (CReC) en partenariat avec KNDS France (armement terrestre) et la participation de Naval Group (construction navale de défense). Y sont notamment intervenus : Fabien Lionti, doctorant à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique ; Olivier Parodi, expert en autodirecteurs, et Jean-Michel Tran, responsable du domaine scientifique IA chez Naval Group ; Thierry Berthier, chercheur au CReC ; Bruno Ricaud, spécialiste IA chez KNDS France.

Véhicule terrestre. L’IA sert à construire des modèles pour valider le comportement d’un véhicule afin d’en analyser la sécurité, indiquent Fabien Lionti. La modélisation de toute l’enveloppe dynamique du véhicule sur de longs horizons temporels pourra limiter l’accumulation des erreurs. Celles-ci résultent de la faible quantité de données, de données parasitées par des bruits ou perturbées et des limitations des instruments de mesure eux-mêmes. En revanche, l’IA permet d’exploiter des connaissances « a priori » (déjà acquises) sur la dynamique du véhicule et réutilise des campagnes d’essais antérieures. Elle établit des méthodologies d’apprentissage robustes au bruit. La recherche porte sur la maîtrise des connaissances « a priori », en identifiant les informations utiles parmi toutes celles disponibles. La prise en compte de phénomènes dynamiques implicites (stabilité du véhicule) entraîne une complexification de l’architecture.

Domaine naval. La simulation d’un combat naval consiste à entraîner une IA face à d’autres IA, expliquent Olivier Parodi et Jean-Michel Tran. L’accélération du temps de calcul permet de confronter l’IA apprenante à des scénarios qu’un être humain n’a peut-être pas encore imaginés. Cela répond au besoin de réponses en temps réel, voire plus rapides que le temps réel, de modèles souvent complexes. L’IA doit générer des solutions tactiques respectant les doctrines en usage dans les armées. Pour cela, il faut réaliser des aides à la décision pour l’emploi de systèmes d’armes qui soient entraînées, en amont, à répondre dans le cadre des doctrines. Celles-ci vont évoluer grâce aux scénarios inédits de l’IA, qui va d’abord en détecter les failles puis les améliorer. Les images synthétiques et la base de données permettront de déterminer plus rapidement la classification d’un navire et son fonctionnement. L’IA permettra d’hybrider la situation tactique d’un sous-marin, d’un porte-avions ou d’une frégate en simulant des adversaires qui n’existent pas et d’autres mus par une certaine intelligence. Par exemple, des IA ennemies conduiront des torpilles, tandis que des IA amies proposeront des solutions de trajectoires, de plans et de contre-mesures. Puis, petit à petit, le niveau des incidents va monter. L’idée consiste à modéliser les doctrines à partir de machines, d’entraîner un réseau et, dans un second temps, de les utiliser avec des humains dans la boucle. Par ailleurs, l’emploi de l’IA et de la simulation nécessite une approche complémentaire pour la validation des comportements des drones de surface et sous-marins. Cette dernière subit diverses contraintes : travail dans un environnement marin européen tout en préservant la sécurité de défense ; protection de la confidentialité de la doctrine vis-à-vis des industriels ; interfaçage avec d’autres acteurs ; rapidité de la mise à disposition de prototypes à bord des navires ; ressources très limitées ; simplicité d’emploi pour l’opérateur. Outre les aspects technique et opérationnel cités plus haut, la « war room » (salle de crise) doit transférer plus rapidement la recherche et le développement dans les mains des opérationnels et rationaliser l’utilisation des ressources. Les simulateurs d’entraînement embarqués sur des navires de surface permettent d’expérimenter, sous contrôle humain, les solutions à base d’IA, d’évaluer les IA en environnement réel et de tester le facteur humain face à l’IA. Simulation et IA vont entraîner l’évolution des systèmes d’armes autonomes : drones ; torpilles ; aides à la décision ; outils d’analyse et de conduite de l’action. L’apprentissage par renforcement permet à un agent autonome (robot) d’apprendre à prendre des décisions face à une menace dans un environnement dynamique, en fonction du temps, de l’incertitude et des conséquences non immédiates de ses actions.

Drones aériens. La robotique, notamment aérienne, connaît une montée en puissance en termes de vélocité, d’autonomie, de miniaturisation, d’agressivité, de furtivité, d’endurance et de résilience, indique Thierry Berthier. Ainsi, le 26 septembre 2024, la Chine a procédé au-dessus du parc de la baie de Shenzhen à un vol simultané de 10.197 drones d’une vitesse de 200 km/h. Pour militariser cet essaim civil, il suffit d’embarquer 1 kg d’explosif sur chaque drone, portant sa puissance destructrice à plus de 10 tonnes d’explosif conventionnel. L’attaquant a l’avantage, car la défense s’avère plus complexe et doit se constituer elle aussi en essaim. Un intercepteur, en vol automatique, doit détecter une cible mobile, effectuer un suivi de vol, la rattraper et la neutraliser par choc cinétique, détonation à distance pour l’endommager ou déclencher sa charge militaire. La société française Eos Technologie a déjà mis au point le drone Veloce 330 « kamikaze » (munition opérée à distance) d’une vitesse de 500 km/h avec une extension possible à 800 km/h. Grâce à l’IA, le simulateur capacitaire de combat Blacksoft a déjà intégré : l’autopilote embarqué ; les détection, suivi, poursuite et ciblage ; l’identification amie ou ennemie ; l’optimisation de trajectoires d’interception ; l’optimisation de trajectoire pour échapper à l’intercepteur. Un essaim de lutte anti-drones à vitesse faible peut contrer l’attaque d’un essaim adverse à vitesse élevée si son propre effectif lui est supérieur en nombre.

Coopération humain-robot. Le domaine militaire terrestre évolue selon le contexte géopolitique et le niveau technologique qui intègre très rapidement les innovations civiles, rappelle Bruno Ricaud. L’IA accroît l’automatisation pour améliorer la protection des opérationnels, en évitant le contact direct, et l’optimisation des forces par rapport à l’adversaire. Sur le terrain, la coopération entre un robot et un être humain vise à laisser à ce dernier la prise de décision d’ouvrir le feu. La simulation de l’activité opérationnelle prépare et accompagne les changements, anticipe les besoins d’utilisateurs futurs et mesure les incidences d’un nouveau système dans le déroulement des activités des opérateurs. Ainsi le moyen d’étude, dénommé « principe du magicien d’Oz », consiste à immerger l’utilisateur de systèmes blindés futurs au sein de robots hautement automatisés, en se concentrant sur son « ressenti ». Il simule un niveau variable d’automatisation et de robotisation ainsi que des interactions via la commande vocale pour donner des ordres de haut niveau. Il varie aussi le nombre d’opérateurs et la fréquence d’apparitions d’impondérables. Le facteur humain s’y trouve associé par le recueil de données objectives et subjectives. Les résultats de la répartition des rôles entre l’humain et le robot portent sur l’identification des informations cruciales pour l’opérateur et l’évaluation de la collaboration de l’humain avec des systèmes automatisés. Ils identifient le moment et de la raison de la reprise du contrôle de leurs robots par les humains, grâce à l’analyse et la gestion de la complexité de l’imprévu par l’humain. Toutes ces informations permettent une analyse fine de l’intégration de l’IA et des systèmes automatisés dans les opérations, afin d’orienter les développements technologiques effectués en parallèle pour, finalement, disposer de technologies répondant aux besoins opérationnels.

Loïc Salmon

Défense : l’IA et la simulation pour la formation des personnels

Armée de Terre : l’IA dans l’analyse après l’action

Défense : généraliser l’utilisation de l’IA au ministère des Armées




DGA : bilan de deux ans d’économie de guerre

La Direction générale de l’armement (DGA) a mis en place un outil économique et productif résistant aux crises majeures afin de fournir, dans la durée, les équipements nécessaires aux armées en cas de guerre.

Le bilan 2022-2024 a été rendu public dans un document le 9 décembre 2024 à Paris.

Cadences et capacités de production. Les mesures normatives de priorisation des commandes dans le cadre la loi de programmation militaire 2024-2030, l’introduction de nouvelles technologies de production, la renégociation des contrats et l’accompagnement des entreprises de la Base industrielle et technologique de défense ont permis de produire plus et plus vite pour conserver l’autonomie stratégique. Ainsi, le temps de production chez le groupe électronique de défense Thales est passé de 18 à 6 mois. L’accélération de la production des missiles Aster permettra d’en livrer six fois plus que prévu en 2025. La production de canons Caesar (photo) chez KNDS a triplé avec une réduction du délai entre la commande et la livraison, passé de 30 à 15 mois. Celle des bombes AASM (armement air-sol modulaire) a doublé. La production d’obus de 155 mm a été multipliée par 60. La cadence de fabrication de missiles Mistral (air-sol très courte portée) de MBDA aura été multipliée par 4 entre 2022 et 2025. Face aux accélérations, les industriels ont anticipé leurs approvisionnements pour améliorer leur réactivité. Des clauses d’accélération de production ont été introduites dans la commande globale de MPP (missiles de moyenne portée) passée en 2023. Alors qu’il s’élevait chaque année à 9,5 Mds€ entre 2012 et 2016, le montant des commandes a atteint 20 Mds€ en 2023. A titre indicatif, voici les montants des commandes en attente de livraisons au 31 décembre 2023 : Thales, 6 Mds€ ; Airbus Defense and Space, 5 Mds€ ; Airbus Helicopters, 5 Mds€ ; Dassault Aviation, 5 Mds€ ; Naval Group, 4 Mds€ ; MBDA, 3 Mds€ ; Safran (équipements aéronautiques), 2 Mds€ ; chantiers navals hors Naval Group, 1,5 Md€ ; KNDS, 1,5Md€ ; Arquus (véhicules terrestres), 1 Md€. En 2023, près de 25 % des commandes ont été attribuées à 21.000 entreprises petites, moyennes, intermédiaires et start-ups, soit 6,8 Mds€.

Expertise et essais. D’un coût de 40 M€, les principaux essais effectués par la DGA ont nécessité 6,9 millions d’heures d’ingénierie en 2023. Deux tirs d’exercice et deux tirs au banc du propulseur ont concerné le planeur hypersonique VMAX et les missiles balistiques de la Force océanique stratégique. De nombreux essais, notamment de lutte anti-drones, ont été effectués pour la préparation opérationnelle des forces armées. Des essais qualifiants ont eu lieu pour le système d’autoprotection guerre électronique Spectra F4 du Rafale. A la suite d’essais sur le segment spatial Syracuse, le satellite de communications Syr4B a été lancé du site guyanais. Le transport aérien du missile Aster par avion A400M a été testé pour ravitailler la frégate multi-missions Languedoc. Les forces armées ont reçu 185 outils cyber. Des expertises et des essais ont été effectués pour améliorer les performances des équipements de protection individuelle NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique) en service. Pour le sous-marin nucléaire lanceur d’engins de 3ème génération, des calculs numériques et des essais au grand tunnel hydrodynamique du propulseur ont été effectués pour évaluer les caractéristiques propulsives et acoustiques. Des essais d’acceptation ont eu lieu sur le Dugay-Trouin, 2ème sous-marin de la classe Suffren. La frégate Aconit de type La Fayette est en rénovation à mi-vie avec des essais d’acceptation. Les premiers essais sur des munitions téléopérées actives ont été entrepris. Des essais sur la protection du porte-avions nucléaire de nouvelle génération ont eu lieu. D’autres ont validé la sûreté de fonctionnement des logiciels autorisant le déploiement du drone armé Reaper Block5 en métropole.

Loïc Salmon

DGA : crédibilité et modernité de la dissuasion nucléaire

Armement : les commandes majeures de 2023

Marine nationale : le PA-Ng, programmer sa construction et la formation de l’équipage

 




Moyen-Orient : armement et politique en péninsule arabique

Grands importateurs d’armements, l’Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis utilisent ce marché comme levier de leurs politiques intérieure et étrangère.

Emma Soubrier, chercheuse à l’Université Nice-Côte d’Azur, l’a expliqué lors d’une visioconférence, organisée le 22 octobre 2024 par l’association 3AED-IHEDN.

Un grand marché. Le Conseil de coopération du Golfe (CGC) comprend l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis (EAU), le Qatar, le Koweït, Oman et Bahreïn. Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, ses dépenses militaires sont passées de 10 % du marché mondial d’armement pour la période de 1989 à 1993 à 22 % pour celle de 2019 à 2023 avec un « pic » de 15 % en 1996. Après une baisse à 3 % en 2001, elles connaissent des remontées à 12 % en 2005, 20 % en 2016, 24 % en 2019 et 28 % en 2022. Quatre membres du CGC se classent parmi les 15 premiers pays importateurs d’armements sur les périodes 2014-2018 et 2019-2023. L’Arabie saoudite occupe la 2ème place avec 11 % puis 8,4 %, derrière l’Inde (9,1 % puis 9,8 %) et suivi immédiatement du Qatar avec 1,5 % puis 7,6 %. Le Koweït atteint la 12ème avec 1 % puis 2,7 %, derrière les États-Unis (1,6 % puis 2,8 %). Les EAU se trouvent à la 14ème avec 3,3 % puis 2,4 %, derrière la Grande-Bretagne (1,6 % puis 2,4 %) et devant Israël (2 % puis 2,1 %). Sur la période 2019-2023, les achats d’armements se répartissent ainsi : Arabie saoudite, 75 % aux États-Unis, 7,6 % à la France et 7 % à l’Espagne ; Qatar, 45 % aux États-Unis, 25 % à la France et 5 % à l’Italie ; Koweït, 70 % aux États-Unis, 20 % à l’Italie et 8,6 % à la France ; EAU, 57 % aux États-Unis, 9,9 % à la Turquie et 9,2 % à la France. Globalement, le Moyen-Orient reste la troisième zone d’importation d’armements avec 33 % du marché mondial en 2014-2018 et 30 % en 2019-2023, derrière l’Asie-Océanie avec respectivement 41 % et 37 % mais devant l’Europe, dont la part passe de 11 % en 2014-2018 à 21 % en 2019-2023, par suite du début de la guerre de la Russie contre l’Ukraine en 2022.

Des dynamiques traditionnelles. Située stratégiquement entre l’Asie, l’Afrique et l’Europe, la péninsule arabique abrite des réserves considérables de pétrole et de gaz, rappelle Emma Soubrier. Elle présente un fort risque de conflits par suite de la rivalité avec l’Iran mais aussi au sein même du CGC, notamment entre l’Arabie saoudite et les EAU vis-à-vis du Qatar. Dans ce contexte, tous ces États acheteurs d’armements veulent logiquement augmenter leurs capacités de défense et de dissuasion. De leur côté, leurs fournisseurs souhaitent sécuriser une région potentiellement instable pour préserver leurs intérêts économiques. Par ailleurs, pour les pays du golfe Arabo-Persique, l’achat d’armements constitue un élément important pour leur prestige. Leurs dirigeants veulent des équipements ultra-modernes et les plus efficaces possibles, même s’ils ne correspondent pas vraiment à leurs besoins capacitaires. Sur le plan intérieur, cela leur permet de renforcer l’identité nationale, notamment pour le Qatar, sous tutelle britannique entre 1915 et 1971, et les EAU de 1892 à 1971. En outre, les achats d’armements participent au « pacte social » des États de la péninsule, dont les retombées de la rente pétrolière permettent d’éviter toute contestation politique. Leurs demandes aux sociétés étrangères de s’implanter sur leurs territoires, sous forme de coentreprises avec des partenaires locaux, participent au développement de l’économie nationale. Dès le début des années 1990, les EAU organisent des salons d’armements pour renforcer leur crédibilité internationale. Politique étrangère, politique de défense et achats d’armements s’imbriquent dans la formule « pétrole contre sécurité ». Celle-ci remonte au Pacte du Quincy, conclu en 1945 entre les États-Unis et l’Arabie et portant sur la protection du royaume saoudien contre la livraison de pétrole à bas prix et des investissements massifs dans l’industrie d’armement américaine, facilitant le recyclage des « pétrodollars » par la suite et consolidant le pacte. Or, dans les années 1990, après la guerre du Golfe (1991) consécutive à l’invasion du Koweït par l’Irak, les petits États membres du CGC ont pris conscience de l’insuffisance de l’alliance avec l’Arabie saoudite pour garantir leur sécurité. Le Qatar et les EAU ont alors signé des accords de défense bilatéraux avec les États-Unis mais aussi avec la France et la Grande-Bretagne, également membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU.

Évolution des tendances. La crise économique et financière de 2008-2009 s’est répercutée sur les dynamiques de puissance et d’influence entre les pays du Golfe et leurs partenaires traditionnels. Ces derniers, manquant de liquidités, ont dû exporter davantage de matériels militaires en raison de la réduction de leurs besoins nationaux. Cela a eu pour effet de renforcer l’influence croissante des États clients. En 2011, les « printemps arabes », révoltes populaires ayant notamment provoqué le renversement des chefs d’État de Tunisie, d’Égypte et du Yémen, ont pesé sur deux dimensions de la sécurité des pays du Golfe. La première concerne l’intégrité de leur territoire et la protection de leur population et la seconde la stabilité de leur régime. S’y est ajoutée la crainte d’un certain désengagement des États-Unis, qui ont « lâché » le régime égyptien, leur allié de longue date. En conséquence, l’Arabie saoudite, le Qatar et les EAU ont décidé de diversifier leur économie, de préparer un « après pétrole » et de développer une industrie de défense locale. Celle-ci implique de réduire les importations de systèmes « sur étagère » et de se montrer plus exigeant sur leurs caractéristiques techniques, les contrats de coentreprises, les transferts de technologie et d’autres compensations. Ces bases industrielles de technologie et de défense devraient permettre aux trois pays cités de devenir des compétiteurs sur certains segments du marché de l’armement. Par ailleurs, ils diversifient leurs partenariats stratégiques dans un monde de plus en plus multipolaire. Or leurs intérêts propres n’étant pas toujours compatibles avec ceux de leurs fournisseurs traditionnels, ils tendent à constituer une sorte de « mouvement non aligné », fondé non pas sur l’idéologie mais le pragmatisme. Selon Emma Soubrier, l’Arabie saoudite et les EAU utilisent le commerce des armes en application de la théorie de l’État rentier pour acheter le silence de leurs partenaires occidentaux sur certains aspects de leur politique intérieure ou extérieure. Ainsi, malgré les demandes répétées des États-Unis et des pays européens, ils ont refusé d’appliquer des sanctions contre la Russie, après son attaque contre l’Ukraine en 2022 pour préserver leurs intérêts économiques.

Autonomisation difficile. Pour les États du Golfe, la menace la plus crédible vient des groupes armés soutenus par l’Iran, rappelle Emma Soubrier. Or les États-Unis disposent de bases militaires au Koweït et au Qatar. S’ils ne parviennent pas à convaincre Israël de s’en tenir à des cibles militaires, l’Iran pourrait frapper des infrastructures civiles dans la région. Par ailleurs l’implantation de bases militaires, par les États-Unis, garanties de sécurité, ont accru considérablement les achats d’armements américains, contrairement à la France jusqu’à l’exportation du Rafale. Les États-Unis ont refusé de vendre des drones armés à l’Arabie saoudite et aux EAU lors de leurs interventions au Yémen et en Libye. Ces derniers se sont alors tournés vers la Chine et la Turquie pour en acquérir et aussi pour intégrer de l’intelligence artificielle dans les systèmes d’armes. Il s’ensuit une course aux armements, car un État trop armé par rapport à ses besoins est perçu comme une menace potentielle. Les projets de l’Arabie saoudite, du Qatar et des EAU de constituer des bases industrielles et technologiques de défense nécessitent de disposer, au préalable, d’un savoir-faire et de ressources humaines dans le domaine civil. De leur côté, les groupes d’armement étrangers préfèrent désormais y implanter des filiales plutôt que des coentreprises.

Loïc Salmon

Moyen-Orient : vers des guerres d’usure sans perspective de victoire stratégique

Moyen-Orient : Turquie et Arabie saoudite, vers la détente

Ukraine : conflit reconfiguré et vu d’Asie et du Moyen-Orient




Euronaval : préparation au retour du combat de haute intensité

Matériels plus lourds, systèmes d’armes plus complexes, drones de surface et sous-marins ainsi que les luttes anti-drones et anti-mines caractérisent l’édition 2024 du salon international Euronaval.

Ce dernier a fait l’objet d’une visioconférence de presse le 24 octobre 2024, où sont notamment intervenus : l’ingénieur général de l’armement François Watteau, sur les programmes français ; le délégué général du Groupement des industries de construction et activités navales (GICAN) Philippe Missoffe, sur le marché naval dans le monde. Le salon, qui se déroule du 4 au 7 novembre à Villepinte (banlieue parisienne), accueille 480 exposants de 30 pays et environ 150 délégations françaises et étrangères.

Les grands programmes français. Premier investisseur de l’État avec 20 Mds€ par an, la Délégation générale de l’armement (DGA) garantit l’autonomie stratégique des armées en matière d’équipements. L’unité de « management combat naval », à laquelle appartient l’ingénieur général Watteau, pilote l’ensemble des opérations relatives au renouvellement ou à la modernisation des moyens de la Marine nationale, à savoir le porte-avions, les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), les drones jusqu’à 6 m de long et tous les équipements et armements associés. Elle doit garantir la cohérence des futurs systèmes avec ceux en service, conduire leurs travaux d’architecture et de conception pour répondre aux besoins, définir l’organisation industrielle, passer des contrats et en assurer la bonne exécution par la réception des matériels dans les centres d’essais de la DGA, répartis dans toute la France. Parmi les 100 programmes en cours, le principal concerne le remplacement du porte-avions Charles-de-Gaulle, qui arrivera en fin de vie en 2038. La DGA et le Commissariat à l’énergie atomique assureront la maîtrise d’ouvrage étatique du porte-avions de nouvelle génération, qui sera équipé de deux chaufferies nucléaires. Les études en projet ont été initiées dès 2019, les gros équipements de chaufferie ont été commandés en 2024 et le contrat de réalisation sera signé en 2025. Outre l’évolution du Rafale Marine, les innovations technologiques majeures seront prises en compte pendant toute la durée de vie du futur porte-avions, notamment les drones et le domaine quantique (comportements des atomes et des particules dans le rayonnement électromagnétique). Le programme des nouveaux SNA « Barracuda » se poursuit. Après les Suffren et Duguay-Trouin déjà en service, le Tourville le sera à la fin de 2024. Les De-Grasse, Casabianca et Rubis suivront d’ici à 2030. A cette date, trois des cinq frégates du programme franco-grec « FDI » (frégates de défense et d’intervention) seront livrées. La première, dénommée Amiral-Ronarc’h, a commencé ses essais à la mer le 7 octobre 2024. Les frégates anti-aériennes du programme franco-italien « Horizon » seront renouvelées. Enfin, un programme de drones sous-marins, capables d’opérer à 6.000 m de profondeur, sera lancé pour assurer la maîtrise des fonds marins.

Le marché naval mondial. Selon l’édition 2024 de l’étude « World Defence Shipbuilding» du GICAN, présentée par Philippe Missoffe, les données récupérées depuis 2016 montrent une évolution de la construction navale militaire. Les risques de tensions maritimes entraînent les constructions de frégates, corvettes, sous-marins à propulsion diesel-électrique, SNA et sous-marins nucléaires lanceurs d’engins fortement armés. La guerre d’attrition nécessite de nouvelles armes bon marché (lasers). Des armes plus rapides (torpilles) et lointaines (missiles hypersoniques) arrivent. Le marché naval mondial est estimé à 82,5 Mds€ pour les années 2022-2023, dont 20 Mds€ dépensés par les États-Unis et 16 Mds€ par la Chine. Celle-ci construit davantage de navires que les États-Unis mais n’en exporte pas, alors que la France vend 35 % de sa production navale à l’étranger.

Loïc Salmon

Marine nationale : le PA-Ng, programmer sa construction et la formation de l’équipage

Marine nationale : SNA Suffren, campagne d’essais à la mer

Grèce : partenariat stratégique et achat de trois frégates FDI




Défense : renforcement industriel en armement et munitions

Les commandes d’armement aux industriels ont atteint 20 Mds€ en 2023. Les livraisons de missiles et d’obus, prévues pour 2024-2030 s’échelonneront entre l’été 2024 et le 2ème semestre 2025.

Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, les a annoncées au cours d’une conférence de presse, organisée le 26 mars 2024 à Paris, en présence des hautes autorités militaires et civiles, dont le chef d’État-major des armées, le général d’armée Thierry Burkhard, et le délégué général pour l’armement, Emmanuel Chiva (photo).

Accélération des commandes. Le montant de 20 Mds€ des commandes effectives de 2023 dépassent d’un tiers celui de la moyenne de 15 Mds€ sur la période 2017-2022 et de plus du double celui de la moyenne de 9,5 Mds€ sur la période 2012-2016. Cela donne beaucoup de visibilité aux industriels de l’armement, explique le ministre, qui reconnaît des segments en tension dont les missiles Aster 30. Ces derniers équipent le dispositif sol-air Mamba, installé en Roumanie dans le cadre des missions OTAN de réassurance à l’Ukraine. Ce besoin de missiles concerne aussi la France. Ainsi, les frégates déployées en mer Rouge pour sécuriser le trafic maritime, ont tiré 22 missiles Aster 15 et 30 contre les drones et missiles balistiques lancés par les rebelles Houthis en réponse à l’offensive d’Israël à Gaza. Les commandes de divers types de missiles sol-air s’accélèrent. La livraison prévue en 2026 de 200 missiles longue portée Aster, commande d’un montant de 900 M€, aura lieu au 2ème semestre 2024. Celle de 1.500 missiles antichars MMP (400 M€) prévue fin 2024, sera avancée à l’été 2024, comme celle de 300 missiles courte portée Mistral (150 M€). Celle de 500 missiles air-air Mica-NG (700 M€), prévue fin 2026, aura lieu au 2ème semestre 2025. La livraison de 55.000 obus de 155 mm (600 M€) pour le canon Caesar, prévue de 2024 à 2030, sera avancée à l’été 2024. En outre, le ministre annoncé une commande anticipée de 200 missiles Aster, portant le montant total à 2 Mds€ et une autre similaire pour le Mica-NG. Au 31 décembre 2023, les principales commandes se répartissent ainsi : MBDA (missiles), 3 Md€ ; Naval Group (construction navale), 4 Mds€ ; Thalès (électronique), 6 Mds€ ; Arquus (véhicules terrestres), 1 Md€ ; Nexter (systémier terrestre), 1,5 Md€ ; Safran (aéronautique et espace), 2 Mds€. A l’export, le succès des canons Caesar offerts à l’Ukraine suscite de l’intérêt au Moyen Orient et en Europe, de même que les radars GM200 ou GM400. Toutefois, certains contrats n’ont pu aboutir en raison de délais de livraison trop longs.

Économie de guerre. Il s’agit de produire plus vite et en plus grande quantité, souligne le ministre, en s’appuyant sur une base industrielle et technologique de défense complètement autonome et performante à l’exportation. Les difficultés résultent de la diminution des crédits budgétaires et de contrats opérationnels, notamment au Sahel, ne nécessitant pas la même masse d’équipements ou de munitions qu’un conflit de haute intensité. Les industriels ont alors investi dans l’innovation et le développement d’armes nouvelles pour ne pas perdre des avancées technologiques. Toutefois, la production faisant la différence sur le terrain opérationnel, des travaux sont en cours sur les simplifications administratives et le financement, notamment au niveau de l’Union européenne. Enfin, le ministère des Armées va investir 10 M€ dans une usine de fabrication de poudre, filière perdue depuis 2007, pour produire l’équivalent à terme de 150.000 obus de 155 mm par an.

Aide à l’Ukraine. En deux ans de guerre, la France a livré environ 30.000 obus de 155 mm à l’Ukraine et lui en fournira 80.000 en 2024 ainsi que 78 canons Caesar (financement international bouclé). La France et l’Allemagne lui ont livré 400 équipements, qui auront besoin de maintenance. Un dialogue se poursuit avec les partenaires anglo-saxons pour adapter des bombes françaises A2SM sur les avions américains F16 destinés à l’Ukraine.

Loïc Salmon

Armement : produire plus et plus vite en temps de guerre

Ukraine : les enseignements de deux ans de guerre

Armement : la coalition « Artillerie pour l’Ukraine »




Armement : les commandes majeures de 2023

Le 1er février 2024, la Délégation générale de l’armement (DGA) a annoncé des commandes, passées en 2023 et totalisant 20,3 Mds€, pour renouveler et moderniser les capacités aérienne, terrestre, navale, forces spéciales et missiles.

Armée de l’Air et de l’Espace. Un contrat de 42 avions Rafale en version monoplace au standard F4 a été notifié aux sociétés Dassault Aviation, Thales, Safran et MBDA. Le standard F4 comprend l’intégration du poste radio Contact, du missile Mica de nouvelle génération et du brouilleur autonome numérique intégré au système d’autoprotection Spectra. Le premier appareil sera livré en 2027. Les avions évolueront vers le standard F5 après 2030.

Armée de Terre. La société Nexter Systems, filiale du groupe franco-allemand KNDS, a reçu commande de 109 systèmes d’artillerie Caesar nouvelle génération (Mk II), dont la première livraison aura lieu en 2026. Le système Caesar se compose d’un canon de 155 mm d’une portée de 40 km et monté sur un camion 6X6 à cabine blindée. Sa mobilité lui permet d’atteindre plus de 80 km/h sur route sur une distance supérieure à 600 km. Le Caesar Mk II disposera d’une cabine au blindage renforcé contre les engins explosifs improvisés, mines, munitions de petit calibre et éclats d’artillerie. Il sera équipé d’une motorisation de 460 cv, contre 2015 cv auparavant, d’une boîte de vitesses automatiques, d’un nouveau châssis et d’un logiciel de conduite de tir de nouvelle génération. Compatible avec les munitions actuelles, il pourra utiliser les futures munitions de précision. Il sera compatible avec les matériels des programmes Scorpion interconnectés, grâce à une « vétronique » commune, à savoir l’architecture des systèmes de navigation, de contrôle, de communications, d’observation et de protection.

Marine nationale. La DGA a commandé 7 patrouilleurs hauturiers pour remplacer les patrouilleurs de haute mer basés à Brest et Toulon et les patrouilleurs de service public de Cherbourg. Leurs missions portent sur le soutien à la dissuasion nucléaire, la présence dans les zones de souveraineté et d’intérêt national, l’évacuation de personnels, l’escorte et l’intervention pour l’action de l’État en mer. Outre leur capacité de traitement de l’information et une tenue à la mer performante, ils pourront mettre en œuvre un hélicoptère ou un drone dans la durée. La première livraison aura lieu en 2026, en vue de la mise en service de 10 unités vers 2035. Naval Group a obtenu le contrat de modernisation du porte-avions Charles-de-Gaulle lors de son troisième arrêt technique majeur en 2027-2028. Les travaux porteront sur la mise en place du nouveau système de combat Setis 3.0 de Naval Group, du nouveau radar à quatre panneaux fixes Sea Fire (Thales) pour la lutte antimissile et du système de tir reconfigurable (MBDA) pour les missiles Aster. Après les Courbet et La-Fayette, la frégate Aconit a terminé sa modernisation et ses essais à la mer pour rester en service au-delà de 2030. Les travaux ont porté sur le système de combat, la veille optronique et le système de défense anti-aérienne.

Forces spéciales. La DGA a commandé 8 hélicoptères NH90 Caïman standard 2 pour remplacer les Caracal et Cougar du 4ème Régiment d’hélicoptères des forces spéciales en 2026-2029. Le standard 2 étendra les capacités d’insertion et d’extraction de commandos, d’appui-feu et de communications tactiques, grâce à une caméra infrarouge avec pointeur et désignateur laser, de nouveaux armements et un kit de communications.

Missiles. La DGA a commandé à MBDA 1.300 missiles moyenne portée Akeron et 329 missiles très courte portée Mistral 3. Outre une précision métrique et son mode « tire et oublie », l’Akeron neutralise des cibles statiques ou mobiles à 4 km, de jour comme de nuit, et conserve l’homme dans la boucle de décision. Le Mistral 3 fonctionne en « tire et oublie » contre les avions, hélicoptères, drones, missiles de croisière et munitions rôdeuses.

Loïc Salmon

Guerres : bilan 2022 et transferts mondiaux d’armements

Armement : la coalition « Artillerie pour l’Ukraine »

04ème Régiment d’hélicoptères des forces spéciales




Armement : la coalition « Artillerie pour l’Ukraine »

Une coalition, dirigée par la France et les États-Unis, vise à orienter, fédérer et coordonner les initiatives des pays participants pour équiper, former et structurer l’artillerie de l’Ukraine.

Annoncée le 18 janvier 2024 par le ministre des Armées Sébastien Lecornu, cette coalition a été présentée à la presse le 25 janvier par le général de division Jean-Michel Guilloton, commandant de l’entraînement au combat interarmes et de la base de défense de Mourmelon-Mailly.

Selon le ministère des Armées, la France propose à l’Ukraine une offre complète de soutien militaire : livraisons capacitaires, de l’équipement individuel au char de combat ; maintien des matériels en condition opérationnelle ; munitions ; formation. Elle lui fournira 3.000 obus de 155 mm par mois, une quarantaine de missiles de croisière Scalp et plusieurs centaines de bombes A2SM longue portée.

La situation du front. Depuis l’invasion russe du 22 février 2022, indique le général Guilloton, l’armée ukrainienne montre des signes d’usure avec l’échec de la contre-offensive du printemps 2023, malgré la livraison importante de matériels occidentaux. En matière d’artillerie, l’armée russe tire six fois plus d’obus que la partie ukrainienne et accentue sa pression sur le front. Elle impose son tempo opérationnel et conserve l’initiative. A l’arrière, la Russie a transformé son industrie en économie et de guerre et, grâce à des partenariats, aurait reçu près d’un million d’obus de la Corée du Nord et des drones armés de l’Iran. Depuis la seconde guerre mondiale, l’armée russe compte sur son artillerie pour conduire la guerre avec une masse très variée de canons, lance-roquettes multiples, missiles longue portée et drones armés. Elle frappe, très loin dans la profondeur, les points névralgiques ukrainiens, les centres énergétiques et la population. Le champ de bataille devient transparent par la connexion directe des capteurs à l’artillerie longue portée et fait l’objet d’une guerre hybride via la propagande et l’influence. De son côté, l’Ukraine va bientôt atteindre son maximum en matière d’équipements, de logistique, de capacité de combat et de munitions. En face, la Russie s’est organisée en ordre de marche pour favoriser son rapport de force dans la durée.

La coalition « Artillerie ». Sur proposition des États-Unis, les 54 nations alliées pour la défense de l’Ukraine (31 membres de l’OTAN et 23 hors OTAN), réunies sur la base aérienne de l’OTAN à Ramstein (Allemagne), ont constitué un groupe de contact, dit « format Ramstein ». Le 19 septembre 2023 et afin de mieux coordonner l’aide apportée à l’Ukraine, rappelle le général Guilloton, elles ont défini cinq coalitions capacitaires majeures, à savoir maritime, aérienne, blindée, défense sol-air et artillerie sol-sol. Dans ce cadre, la France a pris la direction de la coalition de l’artillerie sol-sol. Actuellement, l’artillerie ukrainienne compte plusieurs milliers de pièces, dont 30 canons Caesar français et 19 Caesar danois. Le ministre des Armés a annoncé la livraison prochaine de 6 Caesar et une offre de 72 autres, dont 12 financés par la France et les autres par les diverses nations alliées. Une vingtaine d’États ont manifesté leur intérêt pour cette coalition, co-dirigée par les États-Unis qui ont déjà proposé plusieurs centaines de milliers d’obus. L’aide inclut tous les systèmes d’artillerie de 105 mm à 155 mm, les lance-roquettes et les capacités émergentes. En 2023, la France a formé 5.000 combattants ukrainiens, dont 350 artilleurs. L’objectif de 2024 porte sur 7.000-9.000 combattants, dont 220 artilleurs. A court terme, il s’agit de répondre aux besoins urgents en munitions et en maintenance et réparations des matériels cédés. Le moyen terme concerne la création d’une nouvelle armée ukrainienne interopérable au standard OTAN. Le long terme porte sur la mise en œuvre d’une production nationale ukrainienne, sous licence étrangère, de lanceurs, de munitions, de pièces détachées et de matériels logistiques.

Loïc Salmon

Russie : confit en Ukraine, mobilisation partielle et fragilités

Ukraine : ascendant opérationnel incertain dans le conflit en cours

Armements terrestres : enjeux capacitaires et industriels dans le contexte du conflit en Ukraine