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Espace : composante clé dans un conflit de haute intensité

En élevant le niveau de compréhension de la situation complexe d’un théâtre, l’outil spatial prend une part déterminante dans la prise d’initiative et la conservation de la liberté d’action, grâce à l’intégration, l’interopérabilité et la coopération.

La troisième édition de l’exercice spatial Aster(X) s’est articulée, pour la première fois, avec l’exercice interarmées Orion simulant un engagement de haute intensité. Elle s’est déroulée du 21 février au 10 mars 2023 sur le site du Centre national d’études spatiales (CNES) à Toulouse. Le général de division aérienne Philippe Adam, commandant de l’Espace, les a présentés le 16 mars à Paris.

Aster(X). La guerre en Ukraine a commencé par une attaque massive de ses moyens spatiaux par la Russie. Unique en Europe, l’exercice spatial militaire français Aster (X) a été créé en 2021. L’édition 2023 a mobilisé 200 participants civils et militaires et 30 observateurs étrangers. Aster (X) vise d’abord à entraîner les unités du Commandement de l’espace à la surveillance de l’espace et la protection des satellites français par la simulation de 5.000 objets spatiaux, dont 20 capteurs dédiés à l’appui spatial aux opérations pour faire face à 10 types de menaces différentes. En outre, il teste la structure et la connectivité du futur C2 (commandement et conduite) des opérations spatiales militaires dans un contexte multi-milieux (terre, air, mer et cyber) et multi-champs (électromagnétique et informationnel) au moyen de 23 événements, dont 17 coordonnés avec Orion (voir plus loin). De plus, Aster (X) valide les concepts d’emploi et la coordination entre le CNES et neuf partenaires industriels, dont Airbus, ArianeGroup (lanceurs spatiaux), MBDA (missiles) et l’Office national des études et recherches aérospatiales. Enfin, il développe et renforce les coopérations opérationnelles avec l’OTAN, les États-Unis, l’Allemagne, la Belgique et l’Italie. Selon le scénario d’une situation géopolitique inspirée de menaces spatiales réelles et avérées, Aster(X) a déployé des réseaux de communications classifiés en coordination avec la Direction du renseignement militaire et la Direction interarmées des réseaux d’infrastructures et des systèmes d’information. Le temps d’exercice d’Aster(X) correspond à celui d’Orion.

Orion. Le scénario de l’exercice de grande ampleur Orion part d’une situation comparable à la guerre en Ukraine, déclenchée par la Russie le 24 février 2022. Inspiré des exercices OTAN mais avec 9 pays sous commandement français, Orion se déroule en 4 phases sur le territoire national (20 départements) et en Méditerranée occidentale du 21 février au 5 mai 2023, après une planification opérationnelle de mai 2022 au 20 février 2023 (phase 1). Outre 13 directions, services et organismes interarmées, il met en œuvre : 1 division à 3 brigades (2 simulées), 2.300 véhicules (400 de combat), 40 hélicoptères et 100 drones pour l’armée de Terre ; 30 navires, dont 1 porte-avions et 2 porte-hélicoptères amphibies, et 50 aéronefs pour la Marine ; 10 bases, 80 aéronefs, 2 drones moyenne altitude longue endurance, 6 systèmes de défense sol-air et 20 capteurs spatiaux pour l’armée de l’Air et de l’Espace. Afin d’éviter une dégradation de la situation (phase 2), la France déploie en premier son échelon national d’urgence interarmées du 21 février au 11 mars avec 7.000 militaires (terre, air, mer, forces spéciales, cyber, spatial et logistique) pour une opération aéromaritime dans un contexte de déni d’accès. Il s’ensuit une gestion de crise politico-militaire (phase 3) par 5 groupes de travail et de réflexion (Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, états-majors et acteurs ministériels), qui présentent leurs propositions aux hautes autorités civiles et militaires fin mars. Puis une coalition, sous mandat ONU et OTAN, mène une vaste opération aéroterrestre du 22 avril au 5 mai avec 12.000 militaires (phase 4). Évaluation et retour d’expérience suivront.

Loïc Salmon

Espace : résurgence de la menace antisatellites

Espace : dangerosité du milieu et défense en coopération

Armée de l’Air et de l’Espace : enjeux de la très haute altitude




Armement : produire plus et plus vite en temps de guerre

Le soutien d’un effort de guerre dans la durée au profit des armées nécessite une visibilité pour les industriels et la sécurisation de leurs chaînes d’approvisionnement. L’économie « militaire » intervient avant, pendant et après un conflit comme celui de l’Ukraine.

L’économie de guerre a été présentée, le 9 février 2023 à Paris, par l’ingénieur général de 2ème classe Alexandre Lahousse, chef du service des affaires industrielles et de l’intelligence économique à la Direction générale de l’armement (DGA, photo). L’économie militaire a fait l’objet d’une conférence organisée, le 22 novembre 2022 à Paris, par l’association 3AED-IHEDN avec la participation de Grégory Chigolet, conseiller économique du chef d’État-major des armées.

L’économie de guerre. Les conséquences du conflit en Ukraine confirment ce que prescrit la Revue nationale stratégique 2022 sur l’économie de guerre, indique l’ingénieur général Lahousse. Les capacités de production de systèmes d’armes, de munitions et de maintien en condition opérationnelle doivent évoluer pour répondre aux besoins d’un éventuel engagement dans un conflit majeur. En conséquence, la DGA, les armées et les industriels de défense ont défini cinq chantiers prioritaires. Le premier concerne les contrats de longue durée relatifs aux équipements de première nécessité. La future loi de programmation militaire (2024-2030) va offrir aux industriels une visibilité sur sept ans à partager avec les petites et moyennes entreprises sous-traitantes, en vue d’une montée en puissance conjointe. Le deuxième chantier porte sur l’analyse des besoins des armées, leur chiffrage et l’évaluation de l’impact en termes de délais et de coûts. Le niveau d’exigence sera réduit de 20 %, dès la conception du besoin, pour simplifier le travail des industriels avec un partage du risque avec l’État. Le troisième chantier porte sur la chaîne d’approvisionnement. Les délais de la sous-traitance représentent 50 % de ceux de la production. Or 4 % des 4.000 entreprises de défense, ne pouvant accélérer leur cadence, bloquent la chaîne. Des études de réponses adaptées sont en cours. Les dépendances étrangères seront limitées par la constitution de stocks de matières premières, la multiplication des sources étrangères et la relocalisation d’activités en France. Le quatrième chantier concerne la formation en compétences critiques, comme les métiers de soudeur ou d’ajusteur en mécanique. Un dialogue sera engagé entre les entreprises, les écoles de formation et le ministère de l’Éducation nationale. Enfin, le cinquième chantier porte sur l’accès des entreprises de défense aux financements privés. Outre la mise en place d’un réseau de référents bancaires français, des initiatives sont à l’étude au niveau européen.

L’économie militaire. Le Fonds monétaire international a évalué l’impact du conflit en Ukraine sur les produits intérieurs bruts : Ukraine, une baisse de – 35 % en 2022 contre une croissance de + 3,4 % en 2021 ; Russie, une baisse de – 3,4 % en 2022 contre une croissance de + 4,7 % en 2021. Selon Grégory Chigolet, le conflit coûte à l’Ukraine : une baisse de la production des céréales, minerais et produits transformés ; la destruction d’infrastructures industrielles et minières ; le transfert de la main-d’œuvre vers les armées au détriment de la production ; un délitement des relations commerciales avec la Russie et la Biélorussie : la désorganisation des exportations via la mer Noire. Face aux sanctions économiques, la Russie a accéléré la montée en puissance de la production locale, confisqué les outils de production des firmes étrangères partantes et réorienté ses partenariats commerciaux. Face aux attaques contre sa monnaie par l’épuisement de ses réserves de change et l’embargo sur ses exportations, elle a imposé le paiement en roubles de certains biens fondamentaux. Face aux obstacles de financement sur les marchés internationaux, elle a menacé de dérégler le système financier mondial.

Loïc Salmon

Défense : « Revue nationale stratégique 2022 »

Armement : gestion des stocks dans un conflit de haute intensité

Stratégie : les métaux « critiques », enjeux de sécurité pour les États-Unis et de puissance pour la Chine




Armée de Terre : polyvalence globale et cohérence à conserver

La capacité d’intervenir en permanence sur divers théâtres d’opérations terrestres implique de s’y préparer en termes de commandement, d’appui, de soutien et d’évolution technologique, notamment dans un conflit de haute intensité.

Le général d’armé Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre, l’a expliqué lors d’une rencontre organisée, le 13 février 2023 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

Le conflit en Ukraine. La Russie a constitué un outil militaire pour employer la force en Ukraine, en vue de modifier l’ordre international au mépris du droit international, souligne le général Schill. Cette guerre, sur laquelle certains pays membres de l’ONU n’ont pas pris parti, provoque des répercussions économiques dans le monde (énergie et alimentation des populations), avec des risques de changement majeur. Ses premiers enseignements portent sur la force morale, à savoir la volonté de combattre des Ukrainiens, la capacité de soutien et la protection sol-air. La transparence du champ de bataille, acquise par les États-Unis, résulte de l’emploi des drones, de la guerre électronique, du cyber et des satellites. L’analyse des images par l’intelligence artificielle s’avère plus complexe sur un théâtre terrestre, en raison de la topographie et de la dispersion des forces. L’influence a montré son importance. La milice privée Wagner, outil de la Russie employé au seuil de la conflictualité, devait se développer. La frappe dans la profondeur mobilise drones, guerre électronique et forces spéciales. Le conflit entraîne une forte létalité, qui serait de l’ordre de 100.000 tués et blessés côté ukrainien mais moitié moins du côté russe. Pour gagner, un assaillant doit disposer d’un effectif au moins six fois supérieur à celui du défenseur. Actuellement, la Russie en déploie un d’environ une fois et demie le nombre de militaires ukrainiens. Le cyber s’est affirmé sur les plans défensif (effet stratégique) et offensif (effet tactique contre les moyens de communications du commandement) et aussi de l’influence (actions spéciales).

La transformation des forces terrestres. D’abord, indique son chef d’état-major, l’armée de Terre doit pouvoir continuer à remplir ses missions de défense du territoire national en métropole et outre-mer et ses engagements en Europe, au Sahel et au Moyen-Orient. Ensuite, en fonction de la situation internationale, elle doit être capable de s’engager de façon plus importante, quel que soit le moment, avec une réactivité strictement modulée selon les missions. La polyvalence globale prend du temps. Les réformes déjà entreprises portent sur le renseignement (compétences et filière), l’aviation légère de l’armée de Terre, la logistique, les systèmes d’information et de communications et les forces spéciales. Ces dernières, employées par le Commandement des opérations spéciales au niveau interarmées, peuvent l’être aussi au niveau tactique (division ou corps d’armée) pour cacher la manœuvre à l’adversaire. Facteur de supériorité, la masse opérationnelle se monte à 77.000 hommes, dont 20 % issus de l’outre-mer avec un recrutement de 15.000 jeunes par an (15 % en outre-mer). Actuellement, l’armée de Terre, qui fournit déjà les deux tiers des spécialistes cyber, va accroître le recrutement aux niveaux bac pro, BTS et ingénieur. Par ailleurs, elle dispose de 24.000 réservistes (2.400 employés par jour), dont 80 % pourraient être mobilisés en cas d’engagement majeur. Elle va créer un « commandement sur les effets », relatifs à l’artillerie, au renseignement et à l’aérocombat dans la profondeur. Au sein des armes de mêlée (infanterie et cavalerie), de nouveaux métiers seront créés et d’autres disparaîtront sans dissolution d’unités. A l’horizon 2030, grâce à la mise en service du système de combat collaboratif Scorpion, elle devrait pouvoir conserver sa capacité de commandement de corps d’armée de l’OTAN (Corps de réaction rapide-France).

Loïc Salmon

Armée de Terre : le combat dans les conflits de haute intensité

Cyber : champ de lutte informatique et d’influence

Armée de Terre : mise en place du modèle « Au Contact »

 




Armée de l’Air et de l’Espace : complémentarité des moyens d’action et modernisation

L’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) doit pouvoir remplir ses missions, du combat de haute intensité et de la projection lointaine à la surveillance de la très haute altitude et de l’espace, tout en poursuivant sa modernisation.

Son chef d’état-major, le général d’armée aérienne Stéphane Mille, l’a expliqué lors d’une rencontre organisée, le 6 février 2023 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

Combat et projection de puissance. L’absence de contrôle de l’espace aérien de l’Ukraine, par l’aviation russe, et de toute tentative de neutralisation de sa défense sol-air, a surpris, constate le général Mille. Le conflit en Ukraine se réduit à une campagne d’artillerie. La vente ou la cession de Mirage 2000 français à l’Ukraine ou à un autre pays dépend de trois conditions préalables : besoins exprimés ; non escalade de conflit ; ne pas affecter les capacités de l’AAE. Les Mirage 2000 C de défense aérienne ne volent plus depuis juin 2022, mais certains pays sont intéressés par leurs pièces détachées. Pour les déplacements sur une longue distance, l’OTAN demande des capacités à 4 jours, 4 semaines ou 4 mois avec l’empreinte logistique la plus faible possible. L’AAE a démontré les siennes lors des missions « Pégase 2018 » et « Pégase 2022 » en zone Indo-Pacifique avec la participation à l’exercice « Pitch Black » en Australie. De tels raids ne sont guère réalisables depuis la Polynésie française ou la Nouvelle-Calédonie, faute d’infrastructures d’accueil suffisantes.

Nouveaux champs. Le survol des Etats-Unis à très haute altitude, par un ballon chinois qui a été détruit par un avion de chasse américain au-dessus de l’Atlantique (4 février 2023), entre dans la logique de cette « zone grise », estime le général Mille. Les innovations technologiques offrent des perspectives commerciales et militaires dans cet espace, compris entre 20 km et 100 km d’altitude mais non régulé par un traité ou une convention. En vue d’établir une doctrine d’action, le chef d’Etat-major des armées a donné mandat à l‘AAE pour réfléchir aux aspects juridiques et technologiques de la très haute altitude, avec remise des conclusions à l’été 2023. Il faudra aussi en évaluer la surveillance depuis le sol ou depuis l’espace. Quant aux menaces de vecteurs hypersoniques, la protection du territoire national reste assurée par la dissuasion nucléaire, souligne le général Mille. Les drones armés Reaper de l’AAE pourraient être déployés sur d’autres endroits stratégiques. Enfin, l’Eurodrone, futur drone européen MALE (moyenne altitude longue endurance), serait utilisable pour la surveillance d’un espace contesté ou comme relais en dehors d’un conflit de haute intensité.

Modernisation. Le général Mille a rappelé les enjeux de l’AAE : défense sol-air ; protection des troupes en opérations au sol ; dispositif particulier de sécurité aérienne lors d’un événement ; projection de bases aériennes avancées. Outre la mise en réseau de tous les simulateurs, la préparation des équipages à des missions de plus en plus complexes nécessite de mixer le virtuel et le réel…en vol ! Les partenariats seront recherchés avec des pays disposant d’une capacité aéronautique et spatiale, car la surveillance de l’espace concerne surtout les orbites basses. Pour les missions humanitaires dans les outre-mer, le successeur du Casa verra le jour en 2030. Quant à la défense et aux opérations aériennes, le passage au « tout Rafale » devrait être réalisé en 2035. Enfin, le nouveau missile ASN4G entrera en service dans la composante nucléaire aéroportée vers 2030.

Loïc Salmon

Ukraine : livraisons accrues d’armements étrangers

Armée de l’Air et de l’Espace : enjeux de la très haute altitude

Armée de l’Air et de l’Espace : « Skyros 2021 », mission en interalliés en Eurasie




Ukraine : livraisons accrues d’armements étrangers

Face à la supériorité des forces armées russes, l’Ukraine a obtenu des armes à l’étranger et va recevoir des chars lourds. L’intensité et la durée du conflit entraînent l’usure des équipements. S’y ajoute le risque de détournement de livraisons.

Les 25 et 26 janvier 2023, une dizaine pays occidentaux ont annoncé les livraisons d’une centaine de chars lourds dans les prochains mois. Par ailleurs, le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) a publié, le 5 janvier 2023 à Bruxelles, une étude sur les livraisons d’armes par des États membres de l’OTAN, de l’Union européenne (UE) et de pays tiers sur les onze premiers mois de 2022. Convaincus de l’imminence du conflit, les Etats-Unis avaient commencé à envoyer des armes à l‘Ukraine dès janvier.

La situation sur le terrain. Au 25 janvier, selon la carte de l’État-major français des armées, les forces armées russes procèdent à des attaques, depuis le Donbass à Kherson, et poursuivent l’enveloppement de Bakhmut. Sur le front Nord-Est, elles maintiennent leur pression sur les axes logistiques y menant, pour forcer les forces ukrainiennes à se replier, et continuent de tirer sur les secteurs de Soumy, Koupiansk et Khakiv. Sur le front Est, les combats se poursuivent autour de Donetsk. Sur le front Sud, les combats continuent dans le secteur de Zaporiziah, autour d’Orikhiv et de Kamianske, ainsi que les tirs sur Kherson.

Les armements. Les promesses d’envoi de chars lourds à l’Ukraine se répartissent ainsi : Etats-Unis, 31 Abrams (canon de 120 mm) ; Grande-Bretagne, 14 Challenger 2 (canon de 120 mm) ; Allemagne, 14 Leopard 2 (canon de 120 mm) et autorisations à ses clients d’en livrer ; Pologne, 14 Leopard 2 ; Espagne, plus de 20 Leopard 2 ; Norvège, 8 Leopard 2 ; Finlande, 14 Leopard 2 ; Portugal, 4 Leopard 2 ; Canada, 4 Leopard 2. Restent à confirmer : Pays-Bas, 18 Leopard 2 ; Danemark, 6 Leopard 2 ; Suède, 10 Stridsvagn 122 (version améliorée du Leopard 2) ; France, quelques Leclerc. De son côté, Le GRIP a identifié quatre catégories de matériels envoyés à l’Ukraine : ML1, armes automatiques d’un calibre inférieur ou égal à 12,7 mm et canons d’un calibre inférieur à 20 mm ; ML2, armes de calibres supérieurs à 12,7 mm et canons de calibres supérieurs à 20 mm ; ML3, munitions et dispositifs de réglage de fusées ; ML4, bombes, torpilles, roquettes, missiles et autres dispositifs et charges explosives. Les ML3 et 4 sont les plus employées. Cette guerre nécessite des approvisionnements en artillerie, munitions, véhicules blindés et systèmes antiaériens et antichars portables. Après avoir puisé dans leurs stocks, les armées européennes vont rencontrer des difficultés financières et logistiques pour les reconstituer et réapprovisionner les forces ukrainiennes, car les fournisseurs ne sont pas suffisamment dimensionnés. En outre, l’entretien ou le maintien en condition opérationnelle des matériels livrés ne peut se faire qu’en dehors de l’Ukraine, dont les infrastructures, sont prises pour cibles. Enfin, les Etats-Unis et l’UE ont pris, tardivement souligne le GRIP, des mesures pour limiter les risques de détournements d’armes, consécutifs aux livraisons massives et rapides à un pays connu pour ses trafics douteux et son niveau élevé de corruption.

Les aides financières. Le GRIP estime la valeur des livraisons des onze premiers mois de 2022 à 33,2 Mds$, dont 32,3 Mds$ pour l’OTAN. Sur les 30 États membres de l’OTAN, 27 ont livré des matériels militaires à l’Ukraine. L’Islande, le Monténégro et la Hongrie n’ont rien envoyé. En outre, 22 États membres de l’UE en ont livré pour un montant de 9,66 Md$. L’Autriche, Chypre, la Hongrie, l’Irlande et Malte se sont abstenues. Le 28 février 2022, l’UE a activé la « Facilité européenne pour la paix » pour financer le transfert d’armes à l’Ukraine. Par ailleurs, l’Australie, la Bosnie, Israël, le Pakistan et Taïwan ont fourni des armes à l’Ukraine. Le 25 janvier 2023, les Etats-Unis ont annoncé une aide supplémentaire de 3 Mds$ à l’Ukraine.

Loïc Salmon

Armement : gestion des stocks dans un conflit de haute intensité

Ukraine : le volet français de la défense du flanc Est de l’Europe

Ukraine : sous-estimations stratégiques de la Russie




Cyber : champ de lutte informatique et d’influence

La guerre informationnelle précède puis accompagne l’arme cyber, fulgurante et secrète, employée avant et au début d’un affrontement armé, notamment celui en Ukraine déclenché le 24 février 2022.

Le général de division Aymeric Bonnemaison, commandant de la cyberdéfense (Comcyber), les a présentées à la presse le 12 janvier 2023 à Paris.

Enjeu de sécurité nationale. Le Comcyber assure : la protection des systèmes d’armes, placés sous la responsabilité du chef d’État-major des armées (CEMA); la conduite de la défense des systèmes informatiques du ministère des Armées, sauf ceux de la Direction générale de la sécurité extérieure et de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense ; la conception, la planification et la conduite des opérations militaires cyber sous l’autorité du CEMA ; la gestion des ressources cyber ; la définition des stratégies et politiques cyber. La construction d’une cyberattaque, taillée sur mesure à des fins de renseignement ou d’entrave, nécessite des mois, voire des années. Alors que l’affrontement « multi-milieux » se déroule sur terre, sur mer, dans les airs et le cyber, le combat « multi-champs » porte sur les guerres informationnelle et électronique. Le cyber se situe au niveau stratégique et la guerre électronique au niveau tactique, dont la coordination s’avère complexe. Selon le général, le conflit en Ukraine a fait prendre conscience aux États membres de l’Union européenne de la nécessité du partage d’informations en cas de cyberattaques d’envergure, car il faut réagir très vite.

Retour d’expérience. Dans le conflit russo-ukrainien au niveau cyber, la défense a pris le dessus sur l’offensive par l’endiguement, l’organisation et la capacité à rebondir, grâce au partage préalable des réseaux et à la très faible visibilité des acteurs, indique le général Bonnemaison. La Russie recourt à ses forces armées et services de renseignement ainsi qu’à des groupes cybercriminels et des pirates informatiques. L’Ukraine bénéficie de l’aide de pirates et de groupes informatiques privés américains… dont Microsoft ! Dès 2014, date d’annexion de la Crimée, et, jusqu’en 2019, la Russie a procédé à des cyberattaques. La plus importante, lancée contre Kiev, a privé 225.000 personnes d’électricité. Une autre a visé le réseau d’alimentation en eau. Le ver NotPetya (destructeur de donnés) a infecté toutes les versions de Microsoft Windows. Parallèlement, la propagande russe a amplifié les mécontentements de la population civile et celle par sms a ciblé les militaires ukrainiens. En 2015 et 2016, l’Ukraine a lancé des cyberattaques contre l’info sphère russe. En outre, des pirates informatiques ont divulgué des documents relatifs au gouvernement et à des personnalités politiques russes. En 2021, les cyberattaques russes contre l’Ukraine ont repris de l’ampleur et culminent dans les premiers mois de 2022, l’invasion militaire commençant le 24 février. Trois vagues ont visé les ministères, les routeurs de communication par le satellite américain KA-SAT et des entreprises privées. La domination russe dans le champ informationnel a été contestée par les Ukrainiens. Les deux belligérants ont construit des « bulles » qui ne se rencontrent ni se confrontent. Sur son territoire, la Russie s’est repliée sur elle-même et, à l’international, a cherché à manipuler l’information, non pour persuader mais pour semer la confusion. Le président ukrainien Voldymyr Zelensky, communique massivement vers sa population et l’Occident, via les réseaux sociaux, en utilisant son image.

Recrutement. L’action dans le cyber nécessitant une capacité d’anticipation, la France a élaboré des doctrines de luttes informatiques défensive et offensive. D’ici à 2025, le Comcyber compte pourvoir 1.800 postes, militaires et civils, dans ces domaines et celui de la lutte informationnelle : ingénieurs, techniciens, analystes, sociologues, psychologues et experts en codage et en géopolitique.

Loïc Salmon

Cyber : nouvelle doctrine pour la lutte informatique

Médias : réseaux sociaux, désinformation et manipulation

Défense : lutte informatique d’influence et respect du droit

 




Médias : réseaux sociaux, désinformation et manipulation

L’utilisation massive des réseaux sociaux renforce le partage d’informations imprécises et trompeuses. Ainsi, la manipulation de masse a été utilisée contre l’opération française « Barkhane » au Mali.

Co-fondateur de la startup Kap Code et expert indépendant pour Cap Digital (pôle de compétitivité et de la transformation numérique regroupant 1.000 organisations), Adel Mebarki l’a expliqué au cours d’une visioconférence organisée, le 7 décembre 2022 à Paris, par l’Association des auditeurs IHEDN région Paris Île-de France.

La désinformation. Conséquence de la pandémie du Covid 19, 40 % des gens parlent de leur santé sur les réseaux sociaux…que les professionnels de santé utilisent comme vecteurs de l’éducation scientifique et de la lutte contre la désinformation. Forte de son expertise médicale, Kap Code s’est spécialisée dans l’analyse des données de la vie réelle, recueillies sur les réseaux sociaux. La détection précoce de la désinformation amène à une réaction, d’abord de la part des autorités de santé puis des responsables politiques. Par ailleurs, l’Union européenne définit une désinformation comme un contenu faux ou mensonger, pour tromper dans un but lucratif ou politique, et susceptible de causer un préjudice public. La désinformation par les réseaux sociaux résulte de leur modèle économique (revenus publicitaires) et des suggestions de leurs contenus. Elle est ensuite propagée par les « lecteurs », qui la partagent avec leur entourage social. Enfin, des faussaires la diffusent au moyen de « trolls » (messages provocateurs) et de « bots » (programmes informatiques qui réagissent avec les serveurs). Selon Kap Code, le schéma de propagation d’une fausse information ressemble à la forme de propagation d’un virus. La vérification humaine d’une information douteuse permettra d’endiguer sa « viralité » (diffusion rapide et imprévisible).

Le fonctionnement. Kap Code a déterminé quatre modes de fonctionnement de la désinformation. Le « Cherry Picking » présente uniquement les faits ou données soutenant une thèse, mais en délaissant ou en cachant tout ce qui la contredit. La « fenêtre d’Overton » repose sur la répétition d’une information pour accroitre son acceptation. Ainsi, sur les roseaux sociaux, la surexposition à une désinformation lui permet de gagner en crédibilité et engendre son adhésion. Selon le « test de réalité secondaire », si plusieurs personnes croient une information, elle apparaît de plus en plus vraie. L’effet de répétition peut alors créer un consensus social « perçu », à défaut d’être « qualifié ». Enfin, l’interconnexion des « fake news » (informations tronquées dans un but de manipulation) à d’autres croyances « complotistes » (sanitaires ou politiques) engendre une consolidation mutuelle. Selon une étude du Conseil supérieur de l’audiovisuel publiée en 2020, des algorithmes et certaines fonctionnalités des réseaux sociaux multilingues contribuent à amplifier la désinformation, surtout sur Twitter (origine américaine) et Tik Tok (origine chinoise) mais moins sur Instagram (origine américaine). Kap Code a développé un algorithme capable d’identifier les trolls et les bots d’une campagne de désinformation.

L’application à « Barkhane ». Kap Code a constaté une prolifération de sites internet émetteurs de fausses nouvelles sur l’opération « Barkhane ». Faux comptes, trolls et bots ont émis sur les morts, les blessés et les dommages matériels pour susciter de l’émotion parmi les militaires et la population civile. En septembre 2022, 700 à 750 comptes se sont ainsi exprimés, en mélangeant les fausses informations aux vraies. Or, cela nécessite un investissement important que seul un État (Russie) peut consentir. Toutefois (voir l’illustration), les « url » (adresses internet) suspects (rouges) ont été partagés par 1.357 internautes, alors que les « url » vérifiés (gris) l’ont été par…9.220 utilisateurs !

Loïc Salmon

Menaces hybrides : conflits, climat et effets médiatiques

Défense : le « Métavers », nouveau champ de bataille

Défense : lutte informatique d’influence et respect du droit

 




Défense : la « mémoire combattante » incluse dans la préparation de la prochaine LPM

Un groupe de travail sur la mémoire combattante participe à l’élaboration de la loi de programmation militaire 2026-2031, afin de renforcer le lien Armée-Nation et le travail de reconnaissance, sur lequel des accords existent avec d’autres pays.

Présidé par le contrôleur général des armées Eric Lucas, il s’est réuni les 7 et 15 décembre 2022. Il comprend des représentants d’associations d’anciens combattants et de fondations mémorielles, des enseignants, des parlementaires, des maires, des militaires et des personnels des directions et services du ministère de Armées. Ses réflexions visent à rendre plus attractive, pour la jeunesse, une politique publique des commémorations et des cérémonies patriotiques en mobilisant les musées et les services d’archives.

La politique de mémoire. Trois axes déterminent les actions mémorielles de l’État. Le premier concerne la conservation et la mise en valeur du patrimoine de pierre. Une loi de 1915 rend obligatoire et à perpétuité l’entretien des tombes des soldats morts pour la France et dont les corps n’ont pas été restitués aux familles. Cela inclut l’entretien des sépultures de soldats décédés en service et depuis les guerres napoléoniennes puis les guerres de Crimée (1853-1856) et contre la Prusse (1870), quand la mention « mort pour la France » n’existait pas encore. A l’étranger, la Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DMPA) assure l’entretien d’un millier de lieux de sépultures, où 230.000 soldats sont inhumés, dans environ 80 pays. En liaison avec les associations d’anciens combattants, le deuxième axe porte sur les commémorations lors des 11 journées nationales et des dates identifiées dans le cadre de cycles mémoriels évoluant chaque année. Le troisième axe concerne les actions de sensibilisation auprès des jeunes générations. En partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, le ministère des Armées apporte un soutien à l’enseignement sur la défense, à la mise en place de ressources pédagogiques et au renforcement de la participation des élèves aux commémorations. Ce partenariat s’tend au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, pour l’enseignement agricole, et à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

La « mémoire partagée ». Depuis 2002, des accords de « mémoire partagée » valorisent les relations avec les pays, alliés ou adversaires, dont l’histoire militaire a croisé celle de la France au cours des conflits depuis 1870. Ils développent un « tourisme de mémoire » sur les lieux de combat et les cimetières militaires. La France a déjà signé de tels accords avec l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, la Grande-Bretagne, Madagascar, le Maroc, la Nouvelle-Zélande et la Tunisie. Le 10 novembre 2008, les « rencontres européennes de la mémoire » ont posé les bases d’une politique mémorielle élargie. Les représentants des pays de l’Union européenne ont décidé la mise en place d’une présentation et d’une mise en valeur du patrimoine mémoriel de la Grande Guerre en mettant en commun des archives de guerre, via un portail mémoriel européen. Depuis, les commémorations des deux guerres mondiales ont donné lieu à de nombreuses cérémonies internationales avec la mise en ligne d’archives et le développement de projets pédagogiques.

Les hauts lieux de la mémoire nationale. L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre valorise et gère les hauts lieux de la mémoire nationale, désignés par la DMPA : le site du Struthof (Natzwiller, Bas-Rhin) ; le site du Mont-Valérien (Suresnes, Hauts-de-Seine) ; le mémorial des martyrs de la Déportation, dans l’Ile de la Cité (Paris) ; le mémorial de la prison de Montluc (Lyon, Rhône) ; le mémorial du débarquement de Provence, au Mont-Faron (Toulon, Var) ; le mémorial des guerres d’Indochine (Fréjus, Var) ; le mémorial de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie (Paris).

Loïc Salmon

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Défense : reconversion professionnelle dans le civil

Confrontée à l’impératif de jeunesse, l’institution militaire doit conserver son attractivité et fidéliser les personnels ayant acquis une expertise grâce à une formation onéreuse. Toutefois, la très grande majorité des militaires doit aussi se préparer à retrouver un emploi dans le monde civil.

Ce thème a fait l’objet d’une conférence-débat organisée, le 28 novembre 2022 à Paris, par l’Institut de relations internationales et stratégiques. Y sont intervenus : Bénédicte Le Deley, directrice générale de Défense Mobilité (agence de reconversion du ministère de Armées) ; Dominique Lecerf, chercheur à l’Université de Montpellier ; Bruno de Lalande, comité de liaison Défense/Medef.

Privilégier le temps long. Selon le Haut comité d’évaluation de la condition militaire, parmi les 30.000 personnels qui quittent l’institution chaque année, 22.000 sont concernés par une reconversion (voir encadré ci-dessous). L’agence Défense Mobilité compte 700 agents répartis sur 80 antennes en métropole et dans les outremers, explique Bénédicte Le Deley. Elle accompagne les militaires en reconversion, leur conjoint en recherche d’emploi lors des affectations et les blessés. Elle n’oriente pas, mais aide à acquérir la capacité de faire des choix sur un projet individuel futur. Un militaire peut, selon les cas, passer 20 % de son temps en formation, soit plus que la moyenne de la population française. Un engagement long (6 ans au moins) développe l’employabilité. Le suivi des carrières et de l’augmentation des compétences, par la Direction des ressources humaines, permet d’accroître les capacités à remplir certaines missions. Aujourd’hui, les recruteurs recherchent des expertises et non plus des officiers ou des sous-officiers. Défense Mobilité donne, à chaque candidat, des outils pour devenir acteur de sa transition professionnelle, à savoir comprendre le marché du travail, sa valeur personnelle et les techniques de recherche. Il s’agit d’acquérir la capacité à expliquer son projet personnel et ses perspectives de carrière et savoir utiliser les réseaux des fédérations professionnelles et des associations.

Le processus de personnalisation. Selon Dominique Lecerf, la gestion des ressources humaines des armées implique un recrutement à la hauteur des ambitions du pays, avec la garantie d’une reconversion pour les militaires après une carrière d’une durée courte ou moyenne. Dans tous les corps de métiers, l’identité du groupe imprègne l’individu, mais ne doit pas être excessive. L’acquisition de compétences va de pair avec la volonté de progresser. Le passage de la vie militaire à une activité professionnelle civile doit se faire, autant que possible, en harmonie avec un nouveau projet de vie. Ainsi, le taux de satisfaction des personnels en reconversion passe de 62 % au début à 40 % au bout de 18 mois. De plus, un tiers d’entre eux rencontre des difficultés à se maintenir dans un emploi civil trois ans après avoir quitté les armées.

Reconversion et acculturation. Dans le monde civil, les gens qui changent d’emploi éprouvent les mêmes difficulités mais pour 70 % d’entre eux ça se passe bien, indique Bruno de Lalande. Certaines entreprises partagent les mêmes valeurs de savoir être, de loyauté et de confiance. Depuis la professionnalisation des armées (2002), il est devenu plus facile pour les militaires de passer d’un monde à l’autre. Le Medef et l’État-major des armées ont constitué des groupes de travail sur la reconversion des militaires en fonction des besoins des entreprises, la réserve de défense et l’intégration des blessés à la vie civile.

Loïc Salmon

Selon un document de Défense Mobilité datant de 2015, les militaires se reconvertissent ainsi : 29 %, transport et logistique ; 14 %, services à la personne et à la collectivité, dont la sécurité ; 14 %, installation et maintenance ; 9 %, construction et bâtiments et travaux publics ; 9 %, industrie ; 6 %, support à l’entreprise ; 6 %, commerce, vente et grande distribution ; 12 %, autres secteurs, dont la fonction publique.

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Marine : Patmar et Forfusco, de l’action de l’Etat en mer au combat

Le succès de certaines opérations aéromaritimes et aéroterrestres repose parfois sur la complémentarité de deux cultures de marins accomplis dans leur métier : celle de la Patrouille maritime (Patmar) et celle de la Force maritime des fusiliers et commandos (Forfusco).

Cette impression ressort de deux conférences prononcées lors d’une visite organisée, les 5 et 6 octobre 2022 dans deux sites de la Marine nationale en Bretagne, par l’Association nationale des croix de guerre et de la valeur militaire. Sur la base aéronavale (BAN) de Lann-Bihoué, le capitaine de frégate commandant la flottille 23 F a présenté la Patmar et, à Lanester, le capitaine de frégate féminin, chef de cabinet de l’amiral commandant la Forfusco, a présenté cette dernière.

Patmar, vite, loin et en autonomie. La Patmar comprend deux flottilles (21 F et 23 F) totalisant chacune 240 marins et 10 à 14 avions Atlantique 2 (ATL2, photo). Un équipage se constitue en plusieurs années par la formation élémentaire, les qualifications avancées et la vie opérationnelle. Les missions varient de 5 heures à 1.000 milles marins (1.852 km) à 8 heures à 500 milles (926 km). Chaque ATL2 embarque un équipage de 14 personnes réparties entre le cockpit et la tranche tactique. Trois fonctions sont assurées par 4 marins dans le cockpit : le commandant de bord (officier), chef de mission ; le pilote (officier) ; les deux mécaniciens de bord conseillers techniques chargés de la conduite machine et de la préparation de l’avion et du chargement. La tranche tactique est occupée par 10 personnes : le coordonnateur tactique (officier) ; 3 techniciens responsables de la radio, de la guerre électronique et des transmissions satellitaires ; 3 navigateurs et radaristes ; 1 acousticien ; 1 photographe ; 1 opérateur de prises de vues vidéos. Le plus jeunes acquièrent de l’expérience, grâce au compagnonnage des anciens. Devenus officiers mariniers (sous-officiers), ils se répartissent en spécialités : les mécaniciens pour l’entretien des moteurs, de la cellule, des trains d’atterrissage, des systèmes hydrauliques et autres ; les électroniciens pour l’entretien des radios, du radar, des consoles et des systèmes d’armes et de navigation ; les armuriers pour le chargement des bouées acoustiques, des artifices pour signaux et de l’armement de l’avion. L’ATL2 emporte, en soute, 2 missiles air-mer AM39 Exocet, 6 torpilles MU90 et 4 bombes guidées laser de 125 ou 250 kg. Depuis 2014, la Patmar a déjà tiré 54 de ces bombes au cours des opérations « Chammal » au Levant et « Barkhane » en bande sahélo-saharienne. Dans la lutte anti-sous-marine, l’ATL 2 peut larguer jusqu’à 150 bouées acoustiques, actives ou passives, par mission. A terme, la Patmar disposera de 18 ATL2 rénovés et aux performances améliorées. Fin 2020, 3 avions et 5 équipages ont atteint une première capacité opérationnelle. Un an plus tard, 5 avions et 8 équipages ont été mis en service opérationnel.

Forfusco, capacité multi-milieux. Commandée par un contre-amiral, la Forfusco compte 18 unités et 2.600 marins, dont un état-major de 100 personnes. Par l’interdiction maritime au large et sur le littoral, les 1.800 fusiliers marins protègent notamment les ports de Cherbourg, Brest (y compris les BAN de Lanvéoc et Landivisiau et la base sous-marine de l’Ile Longue), Lorient (BAN de Lann-Bihoué et les Commandos Marine) et Toulon. Les 700 commandos Marine se répartissent en 6 unités à Lorient et 1 à Toulon pour les actions spéciales à terre et en mer. Leur cycle opérationnel de deux ans correspond au temps de commandement d’une unité : 4 mois de remise en condition opérationnelle, 4 mois de déploiement à Djibouti, 4 mois de disponibilité opérationnelle, 4 mois en opérations et 8 mois de disponibilité opérationnelle et de « régénération ». Embarquant sur les frégates, porte-hélicoptères amphibie, hélicoptères et sous-marins, ils disposent d’armements et équipements spéciaux.

Loïc Salmon

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