La Marine française doit se préparer à des engagements plus durs dans une guerre imposée et probablement d’une marnière très brutale.
Son chef d’état-major, l’amiral Nicolas Vaujour, l’a expliqué lors d’une rencontre organisée, le 27 septembre 2023 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.
L’environnement opérationnel. Le contexte mondial se caractérise d’abord par l’accélération du désordre. En cas de crise et selon l’évolution de la situation, des actions robustes et résilientes permettront de consolider une stratégie d’accès mondial. En outre, une tectonique des puissances se manifeste au large avec des débordements en mer Noire et en Asie, qu’il faut connaître, comprendre et contenir. S’y ajoutent les missions de protection des approches maritimes, comme le déminage des plages, le sauvetage en mer, la lutte contre les trafics de drogue et d’armes et la surpêche. La multiplication des usages de la mer, avec les énergies renouvelables et l’augmentation du trafic commercial, entraîne une sorte de territorialisation des mers. Les préfets maritimes assurent la coordination interministérielle sur ces usages, afin de garantir l’entraînement dans les zones d’exercices, les essais des armes, l’emploi du groupe aéronaval et les évolutions dans des endroits dangereux au large. Enfin, la guerre en cours en Ukraine s’accompagne du retour de la menace nucléaire russe, face à laquelle la Marine française doit maintenir une dissuasion crédible. La possibilité de débordement du combat en mer, réelle en mer Noire, peut survenir ailleurs. Dans cette guerre d’usure, l’Ukraine se défend en y contestant la capacité russe par des attaques de drones contre des frégates et des sous-marins à quai. Ce contournement de la bataille aéroterrestre par une puissance non navale ne constitue pas une menace immédiate. Toutefois, des organisations malveillantes pourraient déployer des essaims de drones, en vue de perturber la circulation en mer.
Les partenariats. Selon l’amiral Vaujour, la puissance navale repose sur le nombre de navires, la technologie, le savoir-faire et les partenariats. Ces derniers apportent la cohérence de la réponse et la capacité de performance dans certaines zones. L’échange d’informations permet de s’organiser entre Marines alliées, notamment avec celle des États-Unis. Toutefois, les intérêts souverains imposent parfois le recours au « caveat », à savoir la limite de la participation à certaines missions à préciser au chef militaire de la coalition sur zone. La France et la Grande-Bretagne ont développé en commun des travaux sur la force de dissuasion, les porte-avions, les sous-marins et la guerre des mines. En Méditerranée, la Marine française travaille avec ses homologues italienne, grecque et espagnole pour éviter de s’épuiser seule sur une mission. En Asie, elle coopère avec d’autres Marines pour améliorer la persistance de sa présence et sa capacité de compréhension et d’analyse, en vue d’obtenir un effet militaire supérieur. Elle dispose d’une base navale aux Émirats arabes unis d’où partent les missions « Agénor », contributions à l’initiative européenne de liberté de navigation dans le golfe Arabo-Persique. Dans le Pacifique, elle dispose de points d’appui robustes et accessibles en tout temps. L’Australie reste son principal partenaire par sa situation dans la zone stratégique d’accès et sa grande capacité d’accueil portuaire. Des partenariats spécifiques se développent avec le Japon, la Corée du Sud, Singapour, l’Indonésie, la Malaisie et les Philippines.
Loïc Salmon
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