Recherche et développement, autonomie industrielle, partenariats internationaux et soutien à l’exportation permettent à la Corée du Sud de produire des matériels militaires de technologies moyennes mais de hautes qualités et à des prix compétitifs.
Patrick Michon, ingénieur général de l’armement retraité devenu consultant, a présenté la base industrielle et technologique de défense (BITD) de la Corée du Sud au cours d’une visioconférence organisée, le16 mai 2023 à Paris, par l’association 3AED-IHEDN et l’Association de l’armement terrestre.
Les forces armées. L’armée de Terre sud-coréenne a entamé sa numérisation et met en place un système de recueil du renseignement électromagnétique. Elle dispose de 400 chars K1A1 de 54 t, version améliorée du K1 (51 t), et de 68 canons automoteurs K9 Thunder de 155 mm. Elle a mis en service le char K2 Black Panther (56 t), de nouveaux systèmes antiaériens et des missiles à courte et moyenne portée. L’armée de l’Air a commandé une quarantaine de chasseurs F-35 et 4 AWACS (systèmes de détection et de commandement aéroportés) aux États-Unis. Avec l’assistance technique de l’avionneur américain Lockheed, la Corée du Sud a développé et produit les avions de chasse légers et d’entraînement TA-50 et FA-50 Golden Eagle. Elle a fait de même avec le constructeur européen Airbus Helicopters pour l’hélicoptère de transport tactique Surion et l’hélicoptère d’attaque léger LAH. En partenariat avec l’Indonésie, elle développe l’avion de combat multi-rôles de 5ème génération KF-21 Boramae, dont le prototype a effectué son premier vol en 2022. L’entrée en service du Boramae, prévue en 2026, permettra de remplacer ses F-4 Phantom II et F-5E/F Tiger II américains. La Marine dispose de 3 sous-marins à propulsion diesel-électrique avec une capacité de lancement de missiles mer-sol, 5 destroyers KDX-2 de 4.000 t, 3 destroyers KDX-3 de 7.000 t et de 3 porte-hélicoptères de 13.000 t. Elle a sélectionné le chantier sud-coréen Daewoo Shipbuilding pour la conception et la construction de trois « navires arsenaux » Joint Firepower Ships transportant chacun plus de 80 missiles balistiques nouveaux.
L’industrie d’armement. Outre le soutien de la BITD par tous les gouvernements depuis 1976 (encadré), la Corée du Sud augmente régulièrement son budget pour la recherche et le développement, passé de 4 % de son produit intérieur brut en 2018 à 5 % en 2020. En 2006, Le ministère de la Défense, qui disposait de huit agences d’acquisition d’équipements militaires, les a remplacées par la DARPA (Defense Acquisition Program Administration), inspirée de la Délégation générale de l’armement française avec un budget annuel de 10 Mds$. En outre, dans le domaine spatial, le KARI (Institut coréen de recherche aérospatiale), fondé en 1989, correspond à la NASA américaine ou, en France, à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales et au Centre national d’études spatiales réunis. Ses premières activités ont porté sur les fusées KSR-1 et KSR-2 à un ou deux étages puis sur le développement d’un moteur à oxygène liquide et kérosène. Pour accélérer le processus, il s’est associé à des partenaires russes pour réaliser la fusée KSLV, inspirée du lanceur russe Angara, mais dont les deux tirs ont échoué. Toutefois, le KARI a développé divers satellites : KOMPSAT Arirang (observation de la terre) ; COMS (météorologie) ; STSAT (expérimentations scientifiques).
La politique d’exportation. La Corée du Sud, qui a déjà gagné des contrats d’armements importants à l’exportation, vise 5 % du marché mondial d’ici à 2030. Ainsi, elle a réussi à vendre à la Malaisie des véhicules de combat d’infanterie KIFV (dérivés du M113 américain), mais pas de chars K1. Elle a vendu la licence du canon automoteur K9 Thunder à la Turquie et lui a transféré les technologies du char K2 Black Panther pour le développement du nouveau char turc Altay. Elle a conclu des options d’achats avec la Pologne se montant à 14 Mds€ et incluant une coopération industrielle et des transferts de technologies dont : 2,5 Mds€ pour la commande de 48 avions FA-50 Golden Eagle ; 2,25 Mds€ pour 180 chars K2 Black Panther avec une option sur 400 unités supplémentaires d’ici à 2030 ; 3 Mds€ pour 670 châssis de canons K9 Thunder. Ce dernier (ou sa licence de fabrication) a été aussi vendu à l’Australie, l’Inde, l’Égypte, l’Estonie, la Finlande et la Norvège. Dans le domaine naval, outre la construction d’une frégate de 2.300 t pour le Bengladesh, la Corée du Sud a vendu : plusieurs patrouilleurs côtiers à la Malaisie ; un bâtiment amphibie et un pétrolier-ravitailleur au Venezuela ; des chasseurs de mines à l’Inde avec une compétition en cours pour des sous-marins ; plusieurs bâtiments amphibies et 3 sous-marins avec une option sur 3 de plus à l’Indonésie. Dans le domaine aéronautique, la Corée du Sud a vendu : des avions d’entraînement KT1 et TA-50 à l’Indonésie ; des TA-50 version attaque au sol aux Philippines ; 40 KT1 à la Turquie ; 10 KT1 au Pérou. S’y ajoutent des commandes de FA-50 pour la Colombie, l’Irak et les Émirats arabes unis et de TA-50 pour le Sénégal, qui lui a acheté des KT1. Elle ne vend pas à des pays en guerre.
L’acquisition de connaissances. En 2023, la Corée du Sud dispose de bases industrielles civile, spatiale et de défense. En une cinquantaine d’années, elle est presque parvenue à la souveraineté dans ces domaines, dont elle maîtrise les technologies. Selon Patrick Michon, ces succès reposent sur l’éducation de masse et le confucianisme, qui régit les relations sociales et où la copie d’un « bon » maître est encouragée. Ainsi, le projet de réalisation « nationale » d’un sous-marin d’attaque à propulsion diesel-électrique en constitue une application. L’Inde puis la Corée du Sud ont décidé de le réaliser, à partir de la technologie du submersible allemand de la classe 209. La Corée du Sud y est parvenue en 2020, mais l’Inde pas encore. Tout commence en 1981, quand la Marine indienne achète quatre sous-marins 209/1500, dont deux sont construits au chantier allemand HDW et deux au chantier indien MDL dans le cadre d’un transfert de technologie, et les met en service entre 1986 et 1994 sous le nom de la classe Shishumar. A la suite de l’accord de 2005 avec la France, la Marine indienne a commandé six sous-marins conventionnels Scorpène (2.000 t en plongée), livrables entre 2017 et 2023, au chantier Naval Group. En 2022, ce dernier se retire de l’appel d’offres de la Marine indienne portant sur la construction, par MDL, de six unités anaérobies (autonomie de plongée accrue par rapport au unités conventionnelles grâce à la pile à combustibles), plus grandes que le Scorpène mais avec un nouveau transfert de technologie destiné au projet indien 75-i. De son côté mais en 1987, la Corée du Sud a acheté à l’Allemagne trois sous-marins 209/1300 (reclassés Chang Bogo). Ensuite, en 1993, la Marine sud-coréenne a commandé neuf sous-marins Chang Bogo construits sous licence au chantier sud-coréen Daewoo, tous livrés en 2001. Le programme national sud-coréen, lancé en 2007, porte sur la construction de neuf sous-marins de 3.000 t entre 2021 et 2029.
Loïc Salmon
La base industrielle et technologique de défense de la Corée du Sud repose sur des entreprises spécialisées, filiales des grands groupes industriels dénommés « Chaebols » : domaine naval, Hyundai Heavy Industries, Hanjin Heavy Heavy Industries, Daewoo Shipbuilding et Wia ; aéronautique, Korean Aerospace Industries (KAI), Korean Air Lines (KAL), Hanwha Defence et Wia ; équipements terrestres, Hanwha Defence, Doosan, Rotem et Wia ; missiles, KAI, Hanwha Defence, Next One Future, Hanwha (pour les explosifs) et Poogham (munitions) ; électronique pour les trois armées, Hanhwa Defence et Next One Future ; drones, KAL, Uconsystem (RemoEye, drone léger à usages civil et militaire) et KAI (drone Night Intruder 300 pour l’observation, la reconnaissance et la surveillance du territoire). Enfin, STX Engine développe des moteurs pour les navires et les véhicules terrestres.
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