Les missions militaires française, britannique et américaine de liaison à Berlin ont effectué des missions de renseignement opérationnel de 1947 à 1991 pour évaluer la menace des armées du Pacte de Varsovie et déceler toute tentative d’attaque surprise contre l’Ouest.
Des accords militaires, conclus après la seconde guerre mondiale, tolèrent une sorte d’espionnage réciproque par les missions militaires soviétique, américaine, britannique et française. Toutefois, alors que la mission soviétique opère à l’Ouest dans un pays démocratique, la République fédérale allemande, respectueuse du droit, les missions occidentales circulent à l’Est dans un pays totalitaire et hostile, la République démocratique allemande (RDA), où chaque citoyen a le devoir de surveiller l’autre. Le gouvernement est-allemand et la Stasi, sa police politique et service de contre-espionnage, veulent délibérément créer des incidents graves, considérant les missions occidentales comme des « nids d’espions » autorisés par « l’occupant soviétique » et susceptibles de « pervertir » la population est-allemande. Ainsi de 1975 à 1990, la mission britannique a répertorié 286 incidents graves, dont 13 tirs d’armes légères. Des équipes spécialisées mixtes soviétiques (spetsnaz) et est-allemandes (Stasi), constituées dans les années 1980, capturent des équipages et confisquent leurs matériels. En conséquence, les membres des missions militaires occidentales en RDA, dépourvus de toute immunité diplomatique, ont le sentiment d’avoir mené une guerre sans armes et assimilable à une opération extérieure, comme le prouvent la mort ou les blessures de nombre d’entre eux. Organisme interarmées placée sous l’autorité directe du général commandant en chef des forces françaises en Allemagne, la mission militaire française de liaison (MMFL) compte une quarantaine de personnels dans les années 1980, répartis en une section « air » et une section « terre ». Elle dispose de 18 « propousks », (carte d’accréditation soviétique leur permettant de circuler en RDA), la mission britannique 31 et son homologue américaine 14. Chaque semaine, la MMFL effectue notamment deux à trois reconnaissances aériennes et deux à trois sorties « terre » de 36 heures minimum, dont 24 heures d’observation, en RDA. En outre, en alternance avec ses homologues américaine et britannique, elle effectue deux ou trois missions de reconnaissance et d’alerte de 24 heures dans un rayon de 60 km autour de Berlin. Certaines missions « air » se font au sol sur des objectifs spécifiques, à savoir bases aériennes, sites radars, défense sol-air ou terrains d’exercices missiles et de bombardement. Cela implique des déplacements de nuit, discrets, rapides et en semant les « suiveurs » de la Stasi. Cette nécessité s’impose pour rejoindre en sécurité des postes d’observation et y rester dans l’attente d’activités aériennes à proximité des bases, tout en écoutant les communications en russe ou en allemand entre la tour de contrôle et les aéronefs. Les missions « terre » portent sur les nouveaux matériels, l’identification, l’équipement et les déplacements des unités, la surveillance et l’évolution de centaines d’objectifs, les indices dans les gares et les décomptes de convois. L’équipage de base (un observateur et un chauffeur), emporte deux appareils photos avec divers objectifs, deux magnétophones, des piles de rechange, des jumelles, de l’argent et des bons d’essence est-allemands. Il embarque sur un véhicule tout terrain, en partie blindé, avec des équipements particuliers. Les renseignements recueillis par la MMFL, fusionnés avec les écoutes électroniques, sont exploités dans les centres d’analyses des armées de Terre et de l’Air. La Direction du renseignement militaire, organisme interarmées, est créée en 1992 après la dissolution de l’URSS.
Loïc Salmon
« Les sentinelles oubliées », Roland Pietrini. Éditions Pierre de Taillac, 280 pages, nombreuses illustrations, 16,90 €.
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Renseignement : recomposition des services au début de la guerre froide (1945-1955)