Ils ont fait la paix

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Pour la première fois dans l’Histoire, les négociateurs du traité de Versailles de 1919 ont tenté de réaliser un ordre international, fondé sur le droit et la justice, et de léguer une organisation internationale pour préserver la paix.

Née en Europe, la guerre de 1914-1918 s’est étendue à l’Afrique, au Proche-Orient, en Asie et dans le Pacifique. A l’issue, les pays vainqueurs atteignent le nombre de 32 avec les « dominions », membres de l’Empire britannique de l’époque. La référence pour la paix future reste le Congrès de Vienne de 1815, qui a redessiné la carte de l’Europe. Mais, aux souverains de l’Ancien Régime, ont succédé les délégués de nations démocratiques, où les opinions publiques comptent. En Europe et au Proche-Orient, les Empires allemand, austro-hongrois et ottoman se sont effondrés. La Russie bolchévique, à l’avenir incertain, a succédé à l’Empire des tsars, démembré. Les Etats-Unis, intervenus tardivement en 1917, ont fait basculer le cours de la guerre, grâce à leurs effectifs massifs et leur puissance financière et industrielle. L’idéal élevé de la proposition américaine des « Quatorze Points » offre aux minorités des empires déchus l’espoir de devenir des Etats-nations. Mais il heurte les intérêts nationaux, souvent divergents, défendus par les diplomaties européennes. Pour la France, l’Allemagne reste le voisin belliciste et prédateur qui l’a envahie trois fois en un siècle (1815, 1870 et 1914). Le conflit lui a coûté 1,4 million de morts, de graves dégâts matériels et…plus de 7 Mds$ de dettes envers des pays alliés ! Outre la récupération de l’Alsace-Lorraine, annexée par l’Allemagne en 1870, elle obtient les colonies allemandes du Togo et du Cameroun et les mandats sur la Syrie et le Liban. Pour relier ses possessions du Nord (Egypte et Soudan) à celles du Sud (Rhodésie et Union sud-africaine), la Grande-Bretagne reçoit l’Afrique orientale allemande, à l’exception des provinces du Rwanda et du Burundi, confiées à la Belgique et voisines de son immense colonie, le Congo belge. Considérant le Proche-Orient comme partie d’un glacis protecteur de l’Empire des Indes, elle obtient les mandats de la Mésopotamie et de la Palestine, qui déboucheront plus tard sur la montée des nationalismes arabes et l’établissement d’un « Etat juif ». Le Japon obtient les mandats des îles ex-allemandes du Pacifique-Nord, la province chinoise du Shandong (annexée par l’Allemagne fin XIXème siècle) et la reconnaissance de son statut de grande puissance en Asie orientale. L’Allemagne a perdu 2 millions d’hommes et des territoires, subit de lourds prélèvements économiques et financiers, dont elle ignore en partie le montant, et se trouve désarmée militairement. Jugée responsable de la guerre, ses plénipotentiaires sont exclus des négociations et contraints de signer, le 28 juin 1919 à Versailles, un texte imposé, face à cinq soldats gravement blessés au visage. Alors que l’Allemagne avait capitulé sans condition, son opinion publique s’est laissée convaincre, par ses chefs militaires et la propagande, que son armée n’a pas été vaincue. Le « Diktat » de Versailles et la légende du « coup de poignard dans le dos » faciliteront son réarmement des années 1930. Le traité de Versailles a débouché sur l’éphémère « Société des nations », chargée de garantir la paix…sans force militaire. Pourtant, celle-ci aura donné naissance au Bureau international du travail (Genève) et au Tribunal international (La Haye), qui perdurent, puis à l’ONU (1945), mais cette fois avec des « casques bleus ».

Loïc Salmon

« Ils ont fait la paix », ouvrage collectif. Editions Les Arènes, 418 pages, cartes et photographies, 20€. 

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