Europe : dynamique de défense et coopération en Centrafrique

image_print

L’Union européenne (UE) relance son projet de défense sur les plans politique, capacitaire et opérationnel et contribue à la reconstruction des forces de défense et de sécurité de la Centrafrique.

Le colonel (Air) Patrice Morand, adjoint au chef de service du bureau Europe, Amérique du Nord et action multilatérale de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie, l’a expliqué à la presse le 23 janvier 2020 à Paris. En complément, la mission de formation de l’UE en République centrafricaine (EUTM-RCA) a été présentée par son commandant, le général de brigade Eric Peltier, en visioconférence depuis Bangui.

Le contexte stratégique. Selon le colonel Morand, l’environnement international en matière de défense et de sécurité se caractérise par : des crises au Sahel, en Libye, au Levant et dans le golfe Arabo-Persique ; le terrorisme ; le cyber ; l’espace ; la guerre hybride ; la course aux armements, consécutive aux retraits des Etats-Unis et de la Russie du traité sur les armes nucléaires à portée intermédiaire en 2019. Toutefois, l’OTAN reste le principal pilier de défense collective. De plus, les Etats membres de l’UE accroissent leurs budgets de défense. Enfin, des coopérations bilatérales existent entre la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Espagne, l’Estonie, les pays scandinaves, la Belgique et le Portugal.

Le pilier politique. A l’issue des attentats terroristes à Paris en 2015, l’article 42.7 du traité de l’UE a été activé pour la première fois par la France, rappelle le colonel Morand. En 2016, la nécessité de disposer d’une autonomie stratégique a été affirmée au sein de l’UE dans le cadre de sa stratégie globale. A l’instigation de la France, l’Initiative européenne d’intervention, instaurée en juin 2018, permet l’émergence d’une culture stratégique commune par des groupes de travail qui partagent l’analyse stratégique. Elle regroupe déjà 13 pays : Allemagne ; Belgique ; Danemark ; Norvège ; Suède ; Finlande ; Espagne ; Estonie ; Italie ; France ; Grande-Bretagne ; Pays-Bas ; Portugal. Enfin, l’UE a manifesté sa volonté de développer une base industrielle et technologique de défense autonome.

Le pilier capacitaire. Les Etats membres partagent leurs priorités en matière de capacités, notamment par la revue annuelle de coordination de défense pour éviter les duplications, indique le colonel Morand. En 2017, la création de la « Coopération structurée permanente » a déjà permis de renforcer la mobilisation de 25 Etats membres autour de 47 projets. La France participe à 37 d’entre eux et en coordonne 11. La revue stratégique 2020 constituera un point d’étape et une réflexion sur les orientations futures. La mise en place du Fonds européen de défense, d’un montant de 13 Mds€, apporte, pour la première fois, un soutien budgétaire européen à des projets capacitaires communs, en vue de renforcer la compétitivité et l’autonomie de l’industrie européenne. Le cadre financier pluriannuel (2021-2027) vise à faciliter la coopération entre grands groupes et petites et moyennes entreprises dans l’innovation, la recherche et le développement, depuis les études amont à la réalisation de prototypes. En outre, la Commission européenne dispose d’une Direction générale de l’industrie, de la défense et de l’espace depuis le 1er janvier 2020.

Le pilier opérationnel. L’UE est déjà engagée dans les opérations « Atalante » (lutte contre la piraterie en océan Indien) et « Sophia » (lutte contre l’immigration clandestine en Méditerranée), rappelle le colonel Morand. Elle remplit aussi des missions de formation (sigle anglais EUTM) au Mali ou en Centrafrique (voir plus loin). Depuis 2017, ces engagements sont notamment renforcés par la mise en place de la « Capacité militaire de planification et de conduite des opérations ». D’ici fin 2020, cette structure de commandement pourra contrôler les missions de type EUTM et un engagement européen jusqu’à 2.500 militaires. En 2018, l’UE a constitué la « Facilité européenne pour la paix » (FEP), à savoir un fonds de 10,5 Mds€ pour financer des actions opérationnelles relevant de la politique étrangère et de la sécurité commune. La FEP doit permettre de compléter l’action des EUTM dans une logique de formation et d’équipements, y compris létaux. Pour répondre à un besoin précis, des missions européennes peuvent être mises sur pied. Ainsi, la force d’intervention « Takuba », résultat d’une analyse stratégique commune, porte sur l’envoi au Sahel de forces spéciales de six pays européens et dont la gestion sera assurée par le Centre de planification et de conduite des opérations à Paris. Enfin, se développe un état-major « opératif » pour de futurs groupements tactiques interarmées européens de réaction rapide (1.500 militaires), déployables en 10 jours sur un théâtre de crise hors UE pendant une période de 30 à 120 jours.

L’EUTM-RCA. Mise en place en juillet 2016 à la demande du gouvernement centrafricain, la mission EUTM-RCA a pour mandat d’aider à reconstruire, dans la durée, les forces locales de défense et de sécurité, explique le général Peltier. Elle compte 180 militaires de 11 pays contributeurs, dont 8 européens. Son état-major de 20 cadres apporte un conseil stratégique pour aider l’armée à se constituer une ossature administrative, réglementaire et doctrinale, avec un modèle logistique et un autre de ressources humaines. La formation opérationnelle va de celle du combattant individuel à celle du niveau de compagnie d’infanterie. En outre, il s’agit de former des formateurs dans les domaines de l’informatique, des transmissions ou de la topographie. L’EUTM-RCA a déjà formé 6.000 soldats répartis dans 5 bataillons, dont 4 d’infanterie et 1 amphibie fluvial. Parmi eux, 1.500 soldats sont déjà déployés à l’extérieur de Bangui et appuyés par la Mission multidimensionnelle intégrée des nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA). Un chômage important permet de sélectionner 1.000 recrues sur 20.000 candidats. Il s’agit ensuite de passer d’une armée de projection à une armée de garnison, pour restaurer l’autorité de l’Etat sur un territoire de 623.000 km2 et peuplé de 4,6 millions d’habitants. Malgré les accords de paix de fin 2019, des groupes armés exercent une violence récurrente. Par ailleurs, l’EUTM-RCA entretient également des relations avec l’Union africaine, la France, les Etats-Unis, la Chine et la Russie. Celle-ci a affecté quelques officiers à la MINUSCA et a ouvert un centre d’entraînement à proximité de Bangui. Elle propose un aguerrissement complémentaire aux soldats centrafricains, avant leur déploiement dans les bataillons. L’arrivée prochaine en Centrafrique d’une mission militaire russe, officielle, permettra à l’EUTM-RCA de coordonner les formations, pour éviter toute redondance et rechercher l’efficacité.

Loïc Salmon

Depuis le 30 janvier 2020, la mission européenne de surveillance maritime EMASoH est opérationnelle dans le golfe Arabo-Persique et le détroit d’Ormuz. La frégate française Courbet a été rejointe par la frégate néerlandaise De-Ruyter mi-février. Une frégate danoise arrivera en septembre. L’état-major de l’EMASoH, implanté sur la base française d’Abou Dhabi, compte des officiers belges, néerlandais, danois et français.

Défense : montée en puissance de l’Initiative européenne d’intervention

Europe : défense future, la dimension militaire

Centrafrique : passage de relais des forces Sangaris et EUFOR RCA à la MINUSCA

image_print
Article précédentOpex : bilans de « Chammal » et de « Barkhane » en 2019
Article suivantArmes nucléaires : vérifier pour lutter contre la prolifération