Armistice

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Cent ans après, 31 écrivains, hommes et femmes, français et étrangers, s’expriment sur ce que représente, pour eux, l’armistice de 1918, à l’origine une simple trêve dans des combats qui durent depuis quatre ans.

Inspirations religieuses et engagements pacifistes en soulignent la complexité. Pour accorder écrits et visuels, les illustrations d’artistes allemands sont placées en vis-à-vis de textes d’auteurs français, celles de femmes face à ceux d’hommes, ou inversement.

Les travailleurs chinois. L’académicien François Cheng rappelle le recrutement de travailleurs chinois pour remplacer les ouvriers et paysans français et britanniques, partis au front. En effet, depuis l’entrée en guerre de la Chine aux côtés des Alliés en 1917, la Grande-Bretagne en fait venir 100.000 et la France 40.000. Quoiqu’exclus de toute opération militaire par contrat, les travailleurs chinois ont payé un lourd tribut au conflit. Environ 10.000, morts de maladies ou d’accidents dans des travaux à haut risque près du front, sont enterrés sur place en Belgique et en France, dont 900 au cimetière de Noyelles-sur-Mer. Après l’armistice, 3.000 décident de rester en France, ouvrant la voie à la venue des générations suivantes. Pour eux, la France représente le « pays du Milieu » (les deux caractères pour Chine dans leur langue) de l’Europe occidentale. Les deux pays partagent le même goût pour les traditions littéraire, artistique et…culinaire. A la fin du XXème siècle, quelque 150.000 travailleurs, commerçants, artistes et intellectuels d’origine chinoise et leur famille vivent en France. La mémoire des défunts du cimetière de Noyelles-sur-Mer est célébrée lors de la fête des Morts chinoise, depuis 1998.

Le wagon de Rethondes. La romancière Sylvie Germain, lauréate de trois prix littéraires, narre l’histoire du wagon où fut signé l’armistice. Cette voiture-restaurant de la Compagnie internationale des wagons-lits n’aura roulé que quelques mois, par intermittence, entre juin 1914 et avril 1945. Après son dernier voyage civil de Paris à Thionville en août 1918, elle est réquisitionnée, transformée en wagon-bureau et incorporée au train de l’état-major du maréchal Foch, en vue de la signature de l’armistice. A l’automne, le convoi prend la direction de la forêt de Compiègne, lieu isolé, discret et célèbre par la capture de Jeanne d’Arc et les chasses royales de François 1er à Louis XVI. L’armistice est signé le 11 novembre à 5 h du matin. « L’aube devait être très noire, écrit Sylvie Germain. Pour les vainqueurs, un noir intense et beau malgré l’immensité du deuil régnant ; pour les vaincus, un noir amer comme une bile pleine de hargne et de rancœur. » L’Etat rachète le wagon à son propriétaire, en réaménage l’intérieur en « bureau de signature de l’armistice » et l’expose dans la cour d’honneur des Invalides pendant six ans, sans entretien. Le mécène américain Henry Fleming s’en émeut, prend en charge sa restauration et l’installe à Compiègne, à l’intérieur d’un édifice-musée. Un peu plus tard, une statue de Foch est érigée à proximité. Lors de la signature de l’armistice du 22 juin 1940, Hitler exige que le wagon serve à nouveau et au même endroit, pour que Foch (mort 11 ans plus tôt), assiste au renversement de la victoire. Tous les monuments du lieu rappelant la première guerre mondiale sont démontés, sauf la statue de Foch. Le wagon, exposé à Berlin puis emporté près du camp de concentration de Buchenwald, sera incendié en 1945. Un jumeau sera reconstruit, décoré à l’identique et installé à Rethondes.

Loïc Salmon

« Armistice », ouvrage collectif. Éditions Gallimard, 304 p, 54 illustrations, 35 €

Exposition « L’Armistice, 11 novembre 1918 : un document, une histoire » à Vincennes

Exposition « 1918, armistice(s) » aux Invalides

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