En raison de leurs moyens, compétences et capacité à évoluer dans des environnements dégradés, les armées peuvent constituer des ressources pour la gestion de crises majeures sur le territoire national (actes de terrorisme, accidents industriels et catastrophes naturelles). Elles contribuent à la résilience de la nation, comme les réserves militaires et civiles.
Leur participation a fait l’objet d’un colloque organisé le 15 mars 2012, à l’Ecole militaire de Paris, par l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), la Fondation pour la recherche stratégique et le Conseil supérieur de la réserve militaire.
L’Etat : d’après le vice-amiral d’escadre Richard Laborde, directeur de l’IHEDN et de l’Enseignement militaire supérieur, la Défense, première raison d’être de l’Etat, et la Sécurité nationale, dont dépendent la vie et la mort de la collectivité, fonctionnent en synergie. La résilience résulte de « la volonté de vivre ensemble, de faire face et de résister par la force des armes si nécessaire ». Connaître le danger pour savoir le mesurer conduit à la résilience. L’esprit de défense, sur les plans individuel et collectif, a consisté à accepter et endurer la guerre jusqu’à la disparition de l’Union soviétique. Aujourd’hui, l’analyse des menaces porte sur la stratégie et les intentions de l’ennemi éventuel dans le cadre de l’Europe de la défense et aussi la prise en compte de l’évolution de la collectivité nationale : « que peut-on défendre, que veut-on défendre et contre qui ». La France dispose d’un outil militaire qui répond à ses ambitions sur le plan international. Cet outil apparaît comme un modèle à forte résilience : ouverture, disponibilité, force morale et discipline. La dimension morale de l’usage de la force joue un rôle moteur dans la politique internationale, « dans l’observation stricte des lois de la guerre ». Il convient de comprendre la situation internationale pour se donner les moyens d’agir, d’inscrire l’effort dans la durée (lois de programmation militaire depuis 1960) et d’expliquer pour susciter l’adhésion de la nation. « Aucune politique n’a de sens sans consentement national ». Pour le préfet Yann Jounot, chargé de la protection et de la sécurité de l’Etat au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), « la résilience consiste à résister, surmonter et rétablir ». Une approche globale et simultanée des risques et menaces implique les mêmes types de préparation, qui se traduisent par un guide pour l’action en termes de sécurité globale. Un dispositif existe au niveau du Premier ministre et avec l’ensemble des ministères. La capacité à comprendre ce qui se passe se met au service d’une stratégie de réponse aux niveaux de l’Etat, du territoire (coordination départementale) et de l’environnement européen, condition d’efficacité internationale. D’abord, il y a le plan gouvernemental, outil de planification, guide pour la stratégie d’action sur le terrain, support de la gestion politique des crises et prise en compte du retour d’expérience. Les professionnels de la gestion de crises y sont associés. Par ailleurs, il convient de connaître les capacités des organisations publiques et privées à tenir dans la durée (économie, transport et santé) et celles des collectivités locales à continuer leurs activités. Les sites internet gouvernementaux communiquent sur la connaissance des risques et menaces pour faciliter leur compréhension par les citoyens. Selon le préfet Jounot, la communication doit être accrue et apporter des réponses précises : comportement des citoyens, association des collectivités locales à la planification et participation à des colloques et séminaires.
Les armées : la résilience est plus longue que la simple gestion des crises, estime le colonel (Terre) Patrick Chanliau, officier « Projets » du Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations. « C’est un cycle à quatre-temps : la préparation, résister, se rétablir et consolider ». Lorsque la crise est jugulée, il faut dresser rapidement un état des lieux et reconstruire, surtout les esprits pour ne pas affecter la volonté de résister à l’événement. Il convient pour tous de ne pas céder à la panique et de garder confiance en soi. Par leur capacité à agir en situation dégradée, les armées inspirent confiance et maintiennent la cohésion nationale, sans laquelle il ne peut y avoir de résilience. La réponse se trouve dans la solidité des acteurs, la capacité d’agir de manière décentralisée et la solidité technique (réseaux informatiques). Par rapport à la société, les armées ont un rôle à jouer : éduquer en suscitant la conscience raisonnée de la menace (continuité de l’histoire du pays et de ses intérêts) ; informer sur ce qu’il convient de faire (code des sirènes, aujourd’hui méconnu) ; impliquer la réserve ; éviter les initiatives malheureuses et les rumeurs déstabilisantes. Le retour d’expérience doit se faire à chaud et sans complaisance pour en tirer des enseignements. Enfin, il faut intégrer la nécessité de se préparer à la crise future et ajuster les comportements individuels et collectifs.
La réserve : permet à l’Etat de monter en puissance de façons quantitative et qualitative (voir rubrique « Archives » 14-3-2012). Le général d’armée (Gendarmerie) Marc Watin-Augouard, inspecteur général des armées, explique la particularité du réserviste citoyen, qui reste dans son entreprise ou sa collectivité. Il correspond à la notion de poste-clé entre les acteurs de terrain, civils et militaires. La réserve permet d’ajuster l’offre de sécurité et de défense. La réserve citoyenne constitue une résilience territoriale capable de jouer en réseaux maillés. « Il faut 50.000 réservistes, hommes et femmes de toutes conditions. Dans une situation et un lieu géographique donnés, ils peuvent donner de la rassurance », déclare le général Watin-Augouard, qui recommande aux jeunes retraités militaires d’animer ces réseaux citoyens. Enfin, Jean-François Daguzan de la Fondation pour la recherche stratégique conclut : « La résilience est possible quand le citoyen sait qui il est et ce qu’il doit faire ».
Loïc Salmon
Selon le Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité nationale (2008), « la résilience se définit comme la volonté et la capacité d’un pays, de la société et des pouvoirs publics à résister aux conséquences d’une agression ou d’une catastrophe majeure, puis à rétablir rapidement leur capacité de fonctionner normalement, ou à tout le moins dans un mode socialement acceptable. Elle concerne non seulement les pouvoirs publics, mais encore les acteurs économiques et la société civile tout entière. (…) C’est en effet un devoir pour l’État de se préparer à répondre aux situations dans lesquelles pourraient être mis en cause la vie de la population ou le fonctionnement régulier de la vie économique, sociale ou institutionnelle du pays. Cela suppose une organisation des pouvoirs publics, conçue dès le temps de paix pour prendre en compte les hypothèses du temps de crise, et l’établissement de priorités dans les capacités de renseignement, d’analyse et de décision. La résilience suppose aussi d’organiser la coopération entre l’État et les collectivités territoriales, pour la complémentarité des moyens, et entre l’État et les entreprises privées dans les secteurs stratégiques (énergie, communication, santé, alimentation) ».