En cas de crises majeures hostiles, accidentelles ou naturelles, le Secrétariat général de la zone de défense et de sécurité de Paris (SGZDSP), rattaché à la Préfecture de police, doit informer le plus vite possible les autorités politiques et administratives et leur fournir les bonnes réponses avec un temps d’avance. Son chef d’état-major, le général Serge Garrigues, a expliqué comment faire face à ces crises, au cours d’une conférence organisée, le 20 mars 2012 à Paris, par l’Association nationale des auditeurs jeunes de l’institut de hautes de défense nationale.
Les crises sont diverses : terrorisme, soulèvement populaire, d’ordre sanitaire, intempéries et inondations. Les terroristes n’ont plus besoin des moyens lourds d’autrefois pour parvenir à leurs fins. Certains ont fait des études supérieures et donc acquis les mêmes démarches intellectuelles que ceux chargés de les dépister. Ils peuvent ainsi simplement faire planer des menaces de nature NRBC (nucléaire, radiologique, biologique, chimique). Un colis chargé d’explosif conventionnel crée la même panique qu’un véritable objet radioactif, s’il est présenté comme tel. Lors des Jeux Olympiques de Londres (27 juillet-12 août 2012), une partie des menaces risque de viser la France, dont certaines zones seront sécurisées. Les ingrédients d’une arme bactériologique sont accessibles sur internet, mais un plan gouvernemental prend en compte la réactivité des laboratoires. Les soulèvements populaires ne se produisent pas d’un seul coup et sont gérés par le préfet de zone. Les crises sanitaires (grippe aviaire par exemple) font l’objet de retours (médicaments et centres de vaccinations). Sur les 30.000 km d’autoroutes du pays, L’Etat ne gère que 900 Km, le reste étant du ressort d’opérateurs privés et de collectivités locales, les mairies étant responsables de l’hébergement des personnes bloquées par un enneigement soudain. L’Ile-de-France dispose de 60 déneigeuses, suffisantes pour faire face… à condition que trop de voitures ne bloquent pas la circulation ! Les leçons de la crue de la Seine de 1910 à Paris ont été tirées. Aujourd’hui, 80.000 personnes se retrouveraient les pieds dans l’eau et 5 millions d’autres subiraient des conséquences (électricité, télécommunications et déchets). Quelque 400 km d’échafaudages seraient installés dans les zones inondables. Environ deux millions de personnes resteraient chez elles… si les toilettes fonctionnaient et si les grands magasins restaient ouverts. L’eau potable serait fournie. Des norias de bateaux enlèveraient les déchets. ERDF (Electricité Réseau Distribution France) a déjà consolidé ses réseaux et mis en place 1.500 groupes électrogènes dans les endroits stratégiques, dont les hôpitaux. Toutefois, une planification d’évacuation de 250.000 personnes, dont 75 % partiraient d’elles-mêmes, est établie sur Lille, Rennes et Strasbourg. Les zones évacuées seraient sécurisées pour éviter les pillages. Dans tous les cas, le SGZDSP doit anticiper les débordements dans les départements voisins, d’autant plus que la couverture médiatique des événements aura un impact sur l’opinion publique et les autorités nationales.
L’action publique en Ile-de-France est exercée par l’Etat et les collectivités locales. L’état-major (75 personnes) du SGZDSP reçoit des informations des préfets des huit départements, par un réseau extranet sécurisé, et définit les priorités. Il faut réagir vite et bien, car si ça démarre mal… ça se passe mal. La réponse est globale. La police et les pompiers interviennent les premiers. Les hôpitaux déprogramment leurs opérations pour libérer 1.200 à 3.000 lits. Le plan de gestion de la circulation prévoit le blocage de certains axes pour envoyer au loin les blessés les moins graves. L’Etat a décentralisé les missions de service public et les capacités de financement. Les préfets élaborent les schémas directeurs, mais les moyens capacitaires sont payés par les conseils généraux. Pour le SGZDSP, il est essentiel que toutes les communes aient leur plan de sauvegarde. Les entreprises ne doivent plus attendre d’aide de l’Etat, sauf pour l’audit de leurs propres plans de continuité de leurs activités. Les sociétés étrangères, implantées en Ile-de-France, ont bien intégré ce fait et, si elles sont bien gérées, constatent que leur cotation en bourse remonte quand la validation de leur plan de sauvegarde est connue ! En cas de crise grave, le plan Orsec (Organisation de la réponse de sécurité civile) est déclenché. Sa planification repose sur quatre principes : sauvegarde de la population ; autonomisation des acteurs économiques et sociaux (audit inondation) ; permanence des services de secours et de police ; maintien des liaisons gouvernementales. Finalement, le dispositif du SGZDSP est une « boîte à outils », où l’état-major prend ce dont il a besoin. Par chance, les principales associations caritatives, dont la Protection civile, la Croix-Rouge et l’Ordre de Malte, disposent de personnels formés et encadrés.
Les opérateurs publics et privés sont preneurs d’informations, partagées grâce à l’extranet sécurisé. Le SGZDSP en a besoin pour sa planification, notamment pour l’alimentation, les télécommunications et l’approvisionnement en hydrocarbures. Cependant, les grands opérateurs ont perdu l’esprit public… et font payer un service maximal ! Aujourd’hui, l’Etat ne peut plus assurer des plates-formes logistiques. Si trop de CRS et de gendarmes mobiles sont mis à contribution pour sécuriser les dépôts d’Ile-de-France, ils seront moins nombreux sur le terrain. Or, en cas de crise majeure, certaines équipes de fauteurs de troubles urbains n’attendent que ça. Ainsi, un mouvement social intense peut dégénérer et empêcher la mise en place du plan de sauvegarde. C’est notamment le cas pour les approvisionnements en hydrocarbures, quand les stations-services sont vidées de leurs réserves en quelques heures par des automobilistes et des chauffeurs de camions paniqués. Selon le SGZDSP, les Français ont perdu la culture du risque depuis la chute du mur de Berlin (1989), contrairement aux citoyens des pays asiatiques et anglo-saxons, mais sont capables de s’organiser dans l’urgence. Les réflexes se créent au fur et à mesure, alors qu’ils devraient s’acquérir… dès l’école !
Loïc Salmon
Les armées peuvent être amenées à participer, sous la direction des autorités civiles, à la gestion d’une crise majeure sur le territoire national : voir dans la rubrique « Archives » 25-4-2012, 26-10-2011 et 26-10-2011. Parmi les sept zones de défense de France, celle de la région parisienne est particulièrement sensible, car elle concentre des institutions et les sièges sociaux de grandes entreprises et des médias nationaux. Son activité économique représente 28 % du produit intérieur brut du pays. Sa population de 11,5 millions de personnes effectue 35 millions de déplacements par jour. Le terrorisme, qui a touché Paris en 1986, a pris de l’ampleur depuis le 11 septembre 2001 à New York (2.977 morts et 6.291 blessés) : 17 attentats dans le monde faisant 828 morts et 3.591 blessés, notamment à Londres et Madrid. La zone Ile-de-France peut compter sur 2.000 sapeurs pompiers, 18.000 médecins et 28.000 policiers, renforcés par les 600 militaires du plan Vigipirate.