« L’Année terrible » (19 juillet 1870-28 mai 1871) transforme durablement les sociétés de chaque côté du Rhin. Un empire s’effondre, un autre surgit. Paris, capitale culturelle de l’Europe, devra se relever de ses ruines. Berlin deviendra celle du IIème Reich.
Napoléon III dirige 280.000 hommes (7 corps d’armée) et la Garde impériale. Malade, il en confie le commandement au maréchal Bazaine après 25 jours de guerre. Guillaume Ier, roi de Prusse, dispose de 500.000 soldats de la Confédération de l’Allemagne du Nord (16 corps d’armée). Toutefois, il délègue la conduite des opérations à son chef d’état-major, le général von Moltke. La modernisation de son armée a permis à la Prusse de gagner les guerres précédentes contre le Danemark (1864-1865) et contre l’Autriche (1866) : augmentation des effectifs ; service militaire obligatoire de 3 ans ; armée de réserve permanente. L’armement des forces prussiennes et françaises connaît des innovations importantes : chargement du fusil par la culasse ; canon rayé qui accroît la portée et la précision du projectile ; cartouche métallique ; remplacement des boulets par des obus, explosifs ou à balles. Après la déchéance de l’Empire consécutive à la défaite de Sedan (1er septembre 1870), le Gouvernement de la défense nationale favorise la fabrication, par l’industrie privée, de mitrailleuses multitubes pour les armées de secours. Mais elles ne sont guère décisives, faute de doctrine d’emploi et de formation du personnel. Par la suite, les hauts commandements vont minimiser les innovations de l’armement et la létalité du feu et privilégier l’esprit offensif de l’infanterie. L’Empire allemand est proclamé le 18 janvier dans la galerie des glaces du château de Versailles, suivi de l’armistice du 28 janvier mettant fin au siège de Paris. Le 13 février, la capitulation de Belfort, également assiégé, entraîne un armistice complet le 15 février. L’instauration de la Commune de Paris, le 28 mars, est suivie d’une guerre civile jusqu’au 28 mai, faisant entre 5.700 et 7.400 victimes la dernière semaine. Paris, défiguré par le feu et les massacres, voit son économie dévastée et sa population diminuée de plus de 100.000 personnes. Cette guerre bouleverse la représentation réciproque de la France et de l’Allemagne, dans laquelle la culture joue un rôle décisif. Celle-ci s’incarne dans deux compositeurs allemands qui vont chercher dans le Paris du Second Empire une reconnaissance, tremplin pour une carrière internationale : Jacques Offenbach (1819-1880) et Richard Wagner (1813-1883). Créateur de l’opérette, Offenbach réussit et prendra la nationalité française en 1860. Wagner, précurseur de la musique romantique, échoue. La guerre de 1870 place Offenbach dans une position délicate, écartelé entre son pays d’origine et celui qu’il a adopté. En revanche, Wagner triomphera avec le festival de Bayreuth inauguré en 1876. Un tableau de l’exposition montre l’empereur Guillaume Ier chevauchant sur un champ de bataille escorté de Walkyries germaniques. Après la guerre, la IIIème République développe l’enseignement de l’histoire de France et l’éducation civique pour exalter la patrie, l’héroïsme et le sacrifice. Les monuments aux morts se multiplient pour symboliser l’esprit de résistance. Le tourisme de mémoire se développe sur les champs de bataille de l’Est et du Nord. Dans la société allemande militarisée, la rhétorique commémorative perpétue la victoire de 1870 et la fidélité à l’empereur.
Loïc Salmon
Exposition « France Allemagne (s) 1870-1871 » aux Invalides
Exposition « Images interdites de la Grande Guerre » à Vincennes
« France Allemagne(s) », ouvrage collectif. Éditions Gallimard/Musée de l’Armée, 304 pages, 35 €