Missile : l’ICBM Hwasongpho-18 (HS-18) de la Corée du Nord

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Grâce à trois essais réussis, le missile balistique intercontinental HS-18 (portée théorique 15.000 km) résulte d’une rupture technologique majeure et deviendra l’élément central de la dissuasion nucléaire de la Corée du Nord.

Cela ressort d’une analyse publiée, le 2 février 2024 à Levallois-Perret (banlieue parisienne), par la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Elle a été réalisée par Stéphane Delory, maître de recherche à la FRS où il dirige l’Observatoire de la défense antimissile, et Christian Maire, chercheur à la FRS après un passage dans l’industrie aérospatiale, notamment chez ArianeGroup.

Caractéristiques. Au cours du premier essai du 13 avril 2023, le HS-18 aurait atteint un apogée (point le plus éloigné de la Terre) inférieur à 3.000 km et volé 58 minutes. Les deux premiers étages sont tombés en mer, l’un à 10 km de la péninsule de Hodo et l’autre à 335 km de la côte du comté d’Orang. Ont été ainsi confirmées les performances du missile à propulsion solide (propergol), la technologie de séparation d’étages et la fiabilité de divers systèmes de pilotage. Lors du tir du 12 juillet, le missile a atteint une apogée de 6.648,4 km et parcouru la distance de 1001,2 km en 74 minutes et 51 secondes. Ce deuxième essai a confirmé la crédibilité technique et la fiabilité opérationnelle du système. Lors du tir du 18 décembre, le HS-18 a attient une apogée de 6.518,2 km et parcouru 1002,3 km en 73 minutes et 35 secondes. Ce troisième essai a permis d’estimer les capacités des opérateurs militaires et leur réactivité en termes de mise en œuvre ainsi que la fiabilité du système d’arme. Les ingénieurs nord-coréens maîtrisent la technologie des ICBM modernes, à savoir le développement de trois étages propulsifs à poudre d’un missile de 23,5 m de long et de 1,9 m diamètre, la séparation d’étages et la réalisation d’une trajectoire en deux phases. En général, la Corée du Nord teste ses missiles de très longue portée selon des trajectoires plongeantes pour éviter une récupération étrangère des débris à des fins d’analyses. En outre, un apogée élevé permet de reproduire une portée longue. Le HS-18 a donc été lancé sur une trajectoire à énergie minimale assurant la portée la plus longue. Après l’allumage du deuxième et/ou du troisième étage, il a suivi une trajectoire plongeante.

Conséquences. Le troisième essai, qualifié officiellement de « tir d’exercice », implique qu’il a été réalisé par une unité opérationnelle, en vue d’une prochaine mise en service. La Coré du Nord produit du propergol de qualité, grâce à des transferts industriels directs de la Russie et de la Chine, et en quantité suffisante (150 tonnes ou plus) pour effectuer trois essais. Les tirs de HS-18 par des véhicules lance-missiles, à partir de pistes non bétonnées, seront plus difficiles à détecter ainsi que la durée de la procédure de lancement, quand les missiles émergent de tunnels des pas de tirs potentiels, camouflés dans des zones de stationnement durcies. En mai 2023 lors d’une audition par le Congrès américain, le commandant du NORAD (Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord) a exprimé ses doutes sur la capacité de l’architecture actuelle de défense anti-missiles à prendre en compte les évolutions des systèmes de frappe nord-coréens. L’administration américaine avait signalé les tentatives de Pyongyang d’acquérir des gyroscopes à fibre optique, laser ou MEMS, dès 2020, et d’accéléromètres QA-2000, en 2021, les plus utilisés sur les centrales inertielles. Depuis, les États-Unis déploient, sur plusieurs années, une architecture spatiale très dense de détection et de trajectographie des menaces balistiques et hypersoniques. Par ailleurs, la Corée du Nord maîtrise le stockage de missiles balistiques, indispensable pour en protéger le propergol et l’électronique vis-à-vis des variations climatiques et en raccourcir le délai de préparation au tir. La technologie HS-18 sera appliquée à la Force océanique stratégique en cours de développement.

Loïc Salmon

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