Missiles : amélioration de la technologie de la Corée du Nord

image_print

Les essais du missile intercontinental Hwasong-15 visent à renforcer la capacité de frappe nucléaire de la Corée du Nord, dont le missile de portée intermédiaire Hwasong-12 pourrait déjà atteindre l’île américaine de Guam.

Ce thème a fait l’objet de deux notes publiées à Paris, l’une en février et l’autre en mars 2023, par la Fondation pour la recherche stratégique et rédigées par Antoine Bondaz, directeur du Programme Corée sur la sécurité et la diplomatie, Stéphane Delory, maître de recherche, et Christian Maire, chercheur associé.

Avancées réalisées. Le 18 février 2023, un missile Hwasong-15, tiré vraisemblablement depuis l’aéroport international de Pyongyang, a effectué une trajectoire « plongeante » pour vérifier tous les paramètres de propulsion. Selon l’agence de presse officielle KCNA, ce missile aurait atteint un apogée (point le plus éloigné de la terre) de 5. 768 km et une portée de 989 km pour un temps de vol de 67 minutes avec un retour précis dans une zone prédéterminée en mer. Ce troisième essai fait suite à celui du 3 novembre 2022, pour un apogée de 1.920 km, une portée de 760 km et une vitesse de 5km/s. L’essai du 29 novembre 2017 a réalisé un apogée de 4.475 km, une portée de 950 km et un vol de 53 minutes. A l’époque, Pyongyang avait déclaré que ce missile pouvait cibler tout le territoire américain, soit une portée minimale de 11.000 km…confirmée ultérieurement par les Forces américaines en Corée du Sud ! Tous les missiles nord-coréens de portées intermédiaires et intercontinentales utilisent la propulsion liquide des lanceurs spatiaux Taepodong et Unha, testés en 1999, 2006, 2009, 2012 et 2016. Ces engins dépendent d’infrastructures routières de bonne qualité pour des transits sur des distances limitées (photo). La propulsion liquide s’appuie sur la combustion de deux ergols, à savoir un comburant (peroxyde d’azote) et un carburant (kérosène), stockés dans deux réservoirs distincts et mélangés dans la chambre de combustion. La transformation structurelle de réservoirs à fonds séparés en réservoirs à fonds communs permet d’emporter jusqu’à 2.600 kg d’ergols supplémentaires, d’allonger la durée de combustion de 8 à 9 secondes et d’améliorer les performances en vol de façon sensible. L’acquisition de la technologie du moteur soviétique RD-250, qui utilise ces ergols stockables et très énergétiques, permet à la Corée du Nord de concevoir des missiles autour d’un système de propulsion de très forte poussée, indispensable pour s’affranchir de la pesanteur terrestre. Cette évolution a été démontrée avec succès lors des essais en vol des missiles à longue portée effectués à partir de 2017. Un autre enjeu technologique porte sur la forme du corps de rentrée dans l’atmosphère, soumis aux fortes contraintes des flux thermiques résultant de vitesses supérieures à 7 km/s. Le corps de rentrée du Hwasong-15 ressemble à celui du missile intercontinental américain Titan II (portée de 15.000 km) des années 1950-1960, dont la forme a évolué depuis. Mais cela a nécessité de nouveaux matériaux, dont la Corée du Nord ne maîtrise pas encore la technologie. Le corps de rentrée du Hwasong-15 lancé le 29 novembre 2017 emportait surtout des systèmes de mesures et d’instrumentation. Celui lancé le 18 février 2023 pourrait avoir emporté un lest, réplique d’une charge militaire.

Origines soviétiques puis chinoises. Client traditionnel de l’URSS, la Corée du Nord a bénéficié de son aide pour la conception de certains missiles à courte portée et à propulsion solide. Mais par la suite, les dimensions et la structure du Hwasong-15 présentent des analogies avec le missile chinois DF-4 à propulsion liquide, d’une portée de 5.000 km et emportant une charge utile de 2.200 kg. Le lanceur spatial chinois CZ-I dérive du DF4. La complexité des éléments d’un missile nécessite des outils industriels très spécialisés. La Corée du Nord semble en avoir acquis ainsi que les données techniques du CZ-I.

Loïc Salmon

Indo-Pacifique : éviter l’escalade nucléaire malgré la compétition stratégique accrue

Japon : protection et évacuation des ressortissants en cas de crise en Corée et à Taïwan

Corée du Nord : « royaume ermite » et facteur de crise en Asie du Nord-Est

image_print
Article précédentJapon : stratégie de défense et de sécurité et programmation militaire renforcées
Article suivantLe livre noir de la CIA