Veiller et combattre constituent les missions permanentes des 200 aéronefs et des 5.000 marins du ciel qui, en outre, sauvent 300 vies humaines par an.
Le contre-amiral Guillaume Goutay, commandant la Force de l’aéronautique navale, l’a expliqué au cours d’une conférence organisée, le 29 janvier 2020 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine.
Atouts aériens. Profitant de la liberté de la haute mer pour conduire une opération aéromaritime, les forces navales à la mer utilisent la troisième dimension, qui leur donne un préavis sur l’ennemi, souligne l’amiral. Depuis 1912, l’aéronautique navale française a perdu 1.600 personnels, morts au combat ou en vol d’expérimentation. Les Rafale, équipés du missile ASMPA (air-sol moyenne portée), et les avions de guet aérien Hawkeye du groupe aéronaval (GAN) contribuent à la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire. L’avion de patrouille maritime ATL2 et les hélicoptères embarqués sur les frégates empêchent toute intrusion au large de la base de la Force océanique stratégique à Brest. Depuis six ans, l’aviation navale intervient dans toutes les opérations extérieures avec les missions « Arromanches 1,2 et 3 » en Libye et au Levant (2014-2016), « Clemenceau » en Méditerranée et océan Indien (2019) et « Foch » au Levant (2020, encadré). En mer, le GAN effectue 60 sorties aériennes/jour en moyenne pour des missions de renseignement ou de combat jusqu’à 1.000 km à l’intérieur des terres. Le Hawkeye détecte tous les éléments mobiles, sur l’eau et dans les airs, sur une zone équivalente à la superficie de la France. Instrument politique et diplomatique majeur dans la durée et en autonomie, il fait peser sur Daech (Levant) une présence militaire par des cycles d’intervention de 3-4 semaines avec 1 semaine de « régénération ». Adapté aux missions aéroterrestres, un ATL2, déployé en permanence dans l’opération « Barkhane » au Sahel, permet la collecte de renseignements, l’appréciation de la situation ou le guidage de frappes. Par ailleurs, la lutte contre les trafics illicites, l’immigration clandestine et le terrorisme par la mer ou sur les côtes s’intensifie depuis 2014. Un avion Falcon 50 de surveillance maritime est déployé en Méditerranée et un autre dans les départements et territoires d’outre-mer. En complément, un dispositif d’hélicoptères est mis en œuvre, notamment pour la surveillance des 6.000 km de côtes métropolitaines, le sauvetage, les évacuations médicales et l’action de l’Etat en mer. En Asie du Sud-est, en mer de Chine méridionale, en Atlantique et dans le grand Nord, le déploiement d’une frégate et de son hélicoptère embarqué permet de recueillir des renseignements, en vue d’anticiper une crise puis de la prévenir. Depuis 2016, les pilotes d’aéronefs constatent la résurgence de la contestation maritime, en surface et sous la mer, de la part de la Chine, de la Russie et d’organisations non-étatiques. L’amiral Goutay pressent un durcissement des conditions d’engagement en mer avec des préavis plus courts, d’ici à une dizaine d’années.
Ressources humaines limitées. Parmi les 200 aéronefs, 50 des 110 avions sont disponibles quotidiennement, indique l’amiral Goutay. Depuis 2001, les missions opérationnelles représentent 60 % de leur activité, contre 40 % pour l’entraînement. Seules les Marines américaine et française disposent de porte-avions à catapultes et brins d’arrêt. Cette technologie, qui nécessite dix ans pour en acquérir le savoir-faire, crée un niveau élevé de confiance réciproque. Ainsi, lors de la mission « Chesapeake » aux Etats-Unis en 2018, 350 marins, dont 27 pilotes, 1 Hawkeye et 13 Rafale se sont notamment entraînés sur le porte-avions George H.Bush. Depuis les années 1990, une école française de chasse embarquée, installée aux Etats-Unis, forme, pendant 18 mois, 10 pilotes par an, qui obtiennent leur qualification porte-avions à l’issue de 12 appontages. Après une formation initiale de 3 ans pour les missions de renseignement et de bombardement, un pilote de chasse la complète par un perfectionnement de 4 ans pour devenir chef de patrouille. Le passage de l’entraînement à la mission opérationnelle s’avère difficile, car la prise de risques et de décision du pilote de chasse diffère de celle du pilote d’un avion commercial ou d’un ATL2. D’abord marins, tous les personnels de l’aéronavale comprennent la nécessité de l’humilité, de la sécurité des vols et du partage du retour d’expérience entre les équipages, y compris avec ceux de l’armée de l’Air. L’aéronavale française, féminisée à 14 %, compte 500 pilotes pour ses Hawkeye, Rafale, ATL2 et hélicoptères. Elle inclut d’autres familles de métiers : la maintenance des moteurs, de l’avionique et de l’armement ; le contrôle aérien et la préparation des opérations aviation. La moyenne d’âge y atteint 32 ans, contre 29 ans pour l’ensemble de la Marine. Cette dernière, comme l’armée de l’Air et les industriels, doit trouver des compétences et assurer formation et mises à niveau. Pour compenser le départ des anciens, partis poursuivre une carrière civile, elle doit stabiliser les flux d’entrée. Or, avec la remontée en puissance des armées engagée depuis 2015, l’aéronavale peine à recruter des jeunes, dont 25 officiers sous contrat par an, face à la concurrence du secteur privé…et de l’armée de l’Air ! Quoique la formation (14 mois) des techniciens soit mutualisée avec l’armée de l’Air, l’aéronavale perd souvent les siens vers l’âge de 25-27 ans, en raison notamment des contraintes liées au service à la mer.
Perspectives. L’aéronavale va recevoir le Rafale standard F3r équipé du missile Météor (air-sol longue portée), qui sera remplacé par le Rafale standard F4 vers 2025, indique l’amiral Goutay. A cette date, les hélicoptères embarqueront des drones. Vers 2030, le drone MALE (moyenne altitude longue endurance) européen complètera la surveillance maritime avec les satellites. Enfin, le SCAF (système de combat aérien futur) franco-allemand devrait entrer en service ainsi vers 2035 ainsi que les drones embarqués sur le porte-avions de la prochaine génération.
Loïc Salmon
Le groupe aéronaval (GAN) a quitté Toulon le 21 janvier 2020 dans le cadre de la mission « Foch » d’une durée de trois mois. Le premier volet, en Méditerranée orientale, concerne l’appui de l’opération « Chammal », composante française de la coalition internationale contre Daech. Le second, en Atlantique et en mer du Nord, porte surtout sur des exercices de coopération avec les alliés de l’OTAN pour maintenir un haut niveau d’interopérabilité. Au départ, le GAN compte : le porte-avions Charles-de-Gaulle avec 18 Rafale marine, 2 avions de guet aérien E-2C Hawkeye, 1 hélicoptère Caïman marine et 2 hélicoptères Dauphin ; la frégate multi-missions (FREMM) Auvergne ; la frégate de défense aérienne (FDA) Chevalier-Paul ; le bâtiment de commandement et de ravitaillement (BCR) Var ; la frégate grecque Spetsai ; un sous-marin d’attaque. Sont prévus de participer partiellement à la mission « Foch » : les BCR Somme et Marne ; les FREMM Bretagne et Normandie ; la frégate furtive Surcouf ; la frégate anti-sous-marine La-Motte-Piquet ; un avion de patrouille maritime ATL 2 ; différents bâtiments d’Espagne, du Portugal, de Belgique, des Pays-Bas et d’Allemagne.
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