Cette exposition consacrée à Napoléon 1er (1769-1821), la plus synthétique et ambitieuse depuis celle du bicentenaire de sa naissance, se tient au musée de l’Armée, proche de son tombeau aux Invalides, l’un des monuments les plus visités de France.
L’exposition. Tout est abordé : guerre, diplomatie, politique, administration, monnaie, propagande et arts. Dans un souci d’impartialité, les visions française et « européennes » sont confrontées : œuvres d’art, tableaux, gravures et caricatures… surtout britanniques ! Une maquette de la colonne Vendôme à Paris rappelle qu’elle fut surmontée, pendant trente ans, d’une statue de bronze de l’empereur en redingote, portant bicorne et la main gauche dans son gilet, Cette statue se trouve aujourd’hui… dans la cour d’honneur des Invalides !
Figurent en bonne place : plusieurs sculptures d’artistes italiens (Canova, Pacetti, Bartolini et Vela) ; la peinture monumentale (David) du Premier consul à cheval, manteau rouge au vent, franchissant le col alpin du Grand Saint-Bernard, l’assimilant à Hannibal et Charlemagne ; une réplique d’époque des parures de rubis et diamants de l’impératrice Marie-Louise (collection Chaumet) ; un uniforme du tsar Alexandre 1er (musée du Kremlin). De son côté, le National Maritime Museum de Londres a prêté, pour la première fois, l’habit de l’amiral Nelson percé à l’épaule gauche par une balle française, qui l’a blessé mortellement à la bataille navale de Trafalgar. C’était le 21 octobre 1805. Napoléon abandonne alors son projet d’invasion de l’Angleterre, se tourne vers le continent européen et remporte la « bataille des Trois Empereurs » (France, Saint Empire Romain Germanique et Russie) à Austerlitz le 2 décembre suivant. Cette armée du camp de Boulogne deviendra la « Grande Armée », dont une exposition récente au Fort de Vincennes a rappelé les heures de gloire jusqu’à la campagne de Russie en 1812 (voir rubrique « Archives » 12-12-2012 : « Des Aigles et des Hommes, sur les traces de la Grande Armée »).
L’ascension et le déclin. L’exposition du musée de l’Armée compte plusieurs séquences retraçant l’épopée napoléonienne et l’organisation de l’Europe occidentale en Grand Empire, appelé parfois « Empire d’Occident » en référence à ceux de Rome et de Charlemagne, dont Napoléon 1er revendique l’héritage. L’ascension de Bonaparte commence au siège de Toulon (1793) et se poursuit pendant les campagnes d’Italie (1796-1797) et d’Egypte (1798-1799), le coup d’Etat du 18 brumaire (1799) et le Consulat (1799-1804). Elle culmine le 2 décembre 1804, quand il se couronne empereur des Français sous le nom de Napoléon 1er. L’Empire se construit par la guerre : des cartes montrent son évolution jusqu’à 134 départements en 1812. Celles des pays ennemis de la France expliquent les raisons géographiques et géopolitiques de leur hostilité à l’Europe napoléonienne, caractérisées par sept coalitions jusqu’à la défaite de Waterloo en 1815 : l’Autriche, la Prusse, le royaume de Sicile, les Etats pontificaux, la Russie, l’Espagne, le Portugal et, last but not the least, la Grande-Bretagne ! Pendant les Cent-Jours (20 mars-22 juin 1815), les puissances alliées, réunies au Congrès international de Vienne, réorganisent le continent européen à leur avantage.
La légende. De nombreuses citations ponctuent le parcours d’exception de Napoléon jusqu’à son exil et sa mort à Sainte-Hélène, qui donneront lieu à une exposition au musée de l’Armée en 2016. Dans ses mémoires, le chancelier autrichien Metternich écrit : « Les uns ne voyaient en Napoléon que le grand général ; d’autres cherchaient à expliquer son élévation par la supériorité de son esprit politique ; d’autres enfin ne voulaient l’admettre que comme un aventurier comblé par la fortune ; tous oubliaient que, pour se rendre compte des succès prodigieux de cet homme, il était indispensable de tenir compte à la fois de ses qualités personnelles et des circonstances au milieu desquelles il a vécu ». Lucide, il ajoute : « L’erreur générale de l’Europe provenait de ce qu’on ne voyait pas qu’au mouvement national en France avait brusquement succédé l’action unique de l’ambition dévorante d’un seul homme ».
Dans son roman « La Chartreuse de Parme », Stendhal devient lyrique : « Le 15 mai 1796, le général Bonaparte fit son entrée dans Milan à la tête de cette jeune armée, qui venait de passer le pont de Lodi et d’apprendre au monde qu’après tant de siècles César et Alexandre avaient un successeur ». Dans une lettre autographe adressée le 12 novembre 1808 au grand chancelier de la Légion d’Honneur Lacépède et présentée à l’exposition, le poète allemand Goethe ne cache pas son admiration : « Aujourd’hui que sa Majesté Impériale et Royale daigne me distinguer en me décorant de son Ordre, je me sens très heureux de continuer par devoir et par reconnaissance ce que j’avais commencé par l’impulsion du sentiment ». Prenant modèle sur la Légion d’Honneur, le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III établit la croix de Fer en 1813 pour récompenser les actions militaires, sans distinction de grade ou de catégorie sociale. Deux exemplaires d’époque sont exposés. Cette même croix de Fer inspirera, à son tour, la création de la croix de Guerre française… en 1915 ! Enfin, que pensait Napoléon de l’Europe ? Il s’en est confié à Las Cases dans le « Mémorial de Sainte-Hélène », dont deux citations sont reproduites. D’abord, il rappelle le sommet de sa gloire : « Mon élévation est sans exemple. J’ai livré cinquante batailles rangées que j’ai presque toutes gagnées. J’ai mis en vigueur un code de lois qui fera passer mon nom à la postérité. De rien, je me suis élevé au rang du plus puissant monarque du monde. L’Europe était à mes pieds ». Au crépuscule de sa vie, il anticipe un grand projet européen : « Je pense qu’après ma chute et la disparition de mon système, il n’y aura en Europe d’autre grand équilibre possible que dans l’agglomération et la confédération des grands peuples ».
Loïc Salmon
Des Aigles et des Hommes : sur les traces de la Grande Armée
L’histoire des Invalides en 3 D
L’exposition « Napoléon et l’Europe » (27 mars -14 juillet 2013), organisée par le musée de l’Armée avec le concours de la Fondation Napoléon et du Centre national d’art et d’exposition de la République fédérale d’Allemagne à Bonn, se tient aux Invalides à Paris. Elle rassemble plus de 250 œuvres d’art, objets et documents prêtés par une cinquantaine de musées et institutions européennes. En marge, ont été programmés : un cycle de conférences en mars ; des projections de films en avril ; une table ronde intitulée « Napoléon et l’uchronie » (8 juin) ; un cycle de concerts dans la cathédrale Saint-Louis des Invalides jusqu’au 27 juin avec surtout des œuvres de Beethoven, qui avait notamment composé sa troisième symphonie « Eroica » en l’honneur de Napoléon Bonaparte, alors Premier consul. Renseignements : www.musee-armee.fr/ExpoNapoleonEurope