Exposition « Les gendarmeries du monde » à Melun

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Au service des Etats et des citoyens, les gendarmeries garantissent aussi l’indépendance et le choix des autorités judiciaires, en temps de paix, de crise ou de guerre, grâce à leurs organisation, formation et équipements adaptés.

Un même concept. Quels que soient les appellations, les uniformes ou leurs rattachements aux ministères de la Défense ou de l’Intérieur, les gendarmeries se caractérisent par leur structure militaire avec des valeurs partagées, un sentiment d’appartenance et un fort esprit de corps. Leurs armements varient des pistolets et fusils de petit calibre aux armes lourdes et véhicules blindés, avec emploi d’avions, d’hélicoptères et de bateaux. Organisées pour le traitement de l’insécurité intérieure et parfois extérieure, elles agissent de façon raisonnée et hiérarchisée, suivant des ordres déclinés d’un échelon à l’autre. En France, la « maréchaussée », apparue au XIVème siècle, devient « Gendarmerie nationale » en 1791. Elle s’exporte, d’abord en Europe par les guerres révolutionnaires et napoléoniennes puis, à partir de 1830, lors de l’expansion coloniale en Afrique et en Asie jusqu’aux indépendances de nouveaux Etats entre 1954 et 1962. De même, le Portugal, l’Espagne et l’Italie développent leurs modèles dans leurs sphères d’influence. La Turquie s’est inspirée de l’Allemagne. L’Iran fait appel à la Gendarmerie suédoise en 1911. La Chine a réformé sa Police armée populaire (PAP) en 1982 et le Cambodge a recréé sa Gendarmerie royale khmère en 1993. Après la dissolution du Pacte de Varsovie en 1991, les gendarmeries sont réapparues en Roumanie, Lituanie, Moldavie, Serbie et même… Russie ! Leur modèle a été retenu au Qatar (2003), en Jordanie (2008) et au Mexique (2014). Ces cousinages ont débouché notamment sur des coopérations bilatérales frontalières, facilitées par la similitude des missions.

Le contrôle des flux. Le maillage des unités sur les axes de communication permet de contrôler l’espace terrestre national. Au Bénin et à Madagascar, la gendarmerie couvre 90 % du territoire où vit 81 % de la population. Le Niger, le Mali, la Mauritanie ont créé des brigades fluviales. En 2015, le Tchad a suivi leur exemple et a aussi institué un Groupement de sécurité et de protection des installations pétrolières. La Guinée s’est dotée d’une Gendarmerie de l’urbanisme et de l’habitat et d’une autre chargée des mines et de la géologie. La PAP chinoise a développé des « unités des mines d’or », des brigades de gardes forestiers et des « unités de travaux hydrauliques ». La surveillance des frontières est dévolue à la gendarmerie en Turquie et en Algérie. L’Union européenne dispose de l’agence Frontex pour le contrôle de ses frontières extérieures. En outre, la « Guardia Civil » espagnole surveille ses frontières terrestres avec le Maroc, pour les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, et maritimes par des patrouilles en haute mer. En Amérique, la répression de la criminalité transfrontalière dans les voies navigables communes est assurée par le Service des douanes et de la protection des frontières des Etats-Unis et la Gendarmerie royale canadienne. Des gendarmeries maritimes existent aux Comores, en France, au Gabon, en Guinée Conakry, au Maroc, en Mauritanie, au Portugal, au Togo, en Tunisie et au Venezuela. Le maillage territorial des brigades de gendarmerie, qui vivent sur place avec leur famille, facilite leur proximité avec la population. Une caserne de gendarmerie symbolise l’Etat, comme l’école, le lieu de culte ou la mairie. Ce lien social s’avère essentiel dans les pays peuplés de nombreuses ethnies aux affrontements récurrents, comme en Côte d’Ivoire (2002-2005) et en Centrafrique (2004-2007 et depuis 2012). Certaines gendarmeries côtoient des populations nomades : Touaregs (Tchad, Mali, Algérie et Niger) ; Bédouins (Jordanie) ; Peuls (Sénégal) ; Somalis (Djibouti). Suite à la guerre civile en Syrie depuis 2011, le Liban accueille 1,5 million de réfugiés et la Jordanie près d’un million.

La protection de la nation et de l’Etat. La plupart des gendarmeries assurent la police au sein des armées pour éviter les exactions à l’encontre des populations civiles. Certaines se sont trouvé directement confrontées aux groupes armés terroristes d’Aqmi ou de Boko Haram : Burkina Faso (9 octobre 2015) ; Cameroun (7 octobre 2016) ; Tchad (8 octobre 2016) ; Niger (6 mars 2017). En 2016, la Garde nationale tunisienne a été sévèrement attaquée par des groupes de Daech, venus de Libye pour établir un émirat en Tunisie. Depuis 2005, des carabiniers italiens forment des policiers d’Afrique et d’Asie avant leur déploiement dans les missions de l’ONU. Par ailleurs, les gendarmes assurent souvent la garde rapprochée du chef de l’Etat, des hôtes étrangers et des hautes personnalités (Côte d’Ivoire et Comores). Lors des déplacements, les escortes sont constituées de motocyclistes, mais aussi, parfois, de gendarmes à cheval comme ceux de la Garde républicaine française : Italie ; Mali ; Maroc ; Niger ; Portugal ; Burkina Faso ; Jordanie ; Sénégal (la Garde rouge) ; Togo. Les fanfares de gendarmerie rendent les honneurs aux plus hautes personnalités de l’Etat et animent les cérémonies patriotiques. Enfin, outre la garde des palais nationaux, les gendarmes assurent celle des ambassades à l’étranger.

Les nouvelles menaces. Les gendarmeries ont constitué des unités spécialisées dans la lutte contre le terrorisme. La Guardia Civil reste la pionnière avec la création d’un service de renseignement dédié contre l’ETA (organisation armée indépendantiste basque de 1959 à 2011), suivie des carabiniers contre les Brigades rouges italiennes (1970-1988 et 1999-2003). Le GIGN français, créé en1974, a servi de modèle à des unités similaires : DSI en Algérie (intervention sur le site gazier de Tiguentourine en janvier 2013) ; SFE en Argentine ; GIGN au Bénin et au Tchad ; GPIGN au Cameroun ; GOPE au Chili ; PIGN aux Comores ; UIGN en Côte d’Ivoire ; UEI en Espagne ; PIGN au Mali ; GSI au Maroc ; GSI en Italie ; GSIGN en Mauritanie et au Togo ; « Scorpion » en Moldavie ; USI/GN au Niger ; BSB aux Pays-Bas ; JÖAK en Turquie. Ces unités ont acquis un savoir-faire particulier dans le tir de précision, l’emploi d’explosifs et la libération d’otages. La PAP chinoise intervient lors de prises massives d’otages. Quelques pays disposent d’unités de sécurité spécialisées dans le déminage : Portugal avec un centre à Bela ; Qatar pour les explosifs radioactifs, biologiques et chimiques (RBC) ; Espagne pour les menaces RBC et nucléaire.

Loïc Salmon

Gendarmerie : lutte contre le terrorisme et renseignement

Les gendarmes du ciel

Les spécialistes de la gendarmerie

L’exposition « les Gendarmeries du monde » (5 octobre 2017- 15 juillet 2018) est organisée par le musée de la Gendarmerie de Melun, avec notamment les participations du ministère des Affaires étrangères, de la Garde républicaine et de la Société nationale de l’histoire et du patrimoine de la gendarmerie. Elle présente des objets, documents, équipements, armes, uniformes, insignes, photos et clips vidéo des gendarmeries ou forces équivalentes de 46 pays dans le monde, dont le Vatican et Monaco. Entre 1951 et 2016, l’Ecole des officiers de la Gendarmerie nationale de Melun a formé 837 officiers de 52 pays. (www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/musee)

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