Europe : l’autonomie stratégique, réflexion et construction d’une capacité

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L’efficacité d’une politique de sécurité commune entre les Etats membres de l’Union européenne (UE) s’appuie sur des capacités militaires appropriées.

Benjamin Hautecouverture, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, l’a expliqué dans un « podcast » audio diffusé le 12 novembre 2020 à Paris.

Communauté de destins. La crise sanitaire du Covid-19 provoque une crise économique durable, qui détourne l’attention politique sur l’autonomie stratégique de l’UE. Outre la fracture interne du « Brexit », cette dernière constate : la résurgence de la Russie comme acteur stratégique agressif ; des inquiétudes diverses quant à la garantie de la sécurité américaine ; une appréhension vis-à-vis de la Chine ; la perception de menaces diverses à ses frontières du Sud-Est et du Sud. Benjamin Hautecouverture souligne le manque de capacité militaire en matière de partage de l’information et d’inégalité dans les investissements de défense entre les Etats membres. Le manque collectif d’investissements, de l’ordre de 300 Mds$, pourrait être comblé en vingt ans. En ce qui concerne sa sécurité, l’UE se scinde en trois groupes : les tenants de la garantie américaine en cas de conflit en Europe ; ceux favorables à une autonomie stratégique plus poussée, prenant en compte les armes nucléaires stratégiques britanniques et françaises (France, Allemagne, Italie et Espagne) ; ceux partisans d’un désarmement nucléaire radical (Autriche notamment). L’idée d’une politique européenne de sécurité a préparé la voie au traité franco-britannique de Lancaster House (2010), à l’Initiative européenne d’intervention (2018) et à certaines dispositions du traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle (2019). Elle se concrétise dans les programmes de coopération : projet de drone MALE (moyenne altitude longue endurance) ; missions et opérations militaires européennes ; mise en concurrence des Etats générateurs de forces pour des missions civiles ou militaires. Parmi elles, figurent les opérations « Atalante » de lutte contre la piraterie le long de la côte somalienne et « Sofia » contre les passeurs de migrants en Méditerranée.

Ambition française. L’approche de la France en matière d’autonomie stratégique européenne porte sur les moyens de l’action militaire. A l’appui, Benjamin Hautecouverture cite le président de la République Emmanuel Macron dans son discours à l’Ecole de guerre en février 2020, dans la ligne de ses prédécesseurs Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande : « La France vit dans un tissu d’intérêts qui s’étend au-delà de ses frontières. Elle n’est pas isolée. L’Europe occidentale, dans son ensemble, ne peut pas ne pas bénéficier indirectement de la dissuasion française, qui est un facteur stable et déterminant de la sécurité européenne. » La France souhaite façonner une « culture stratégique européenne partagée ». Selon cette logique exprimée par le président, le désarmement n’est pas une fin en soi, mais doit permettre d’accroître la sécurité de tous. Son discours vise à reconstruire une politique européenne du désarmement sous des considérations de stricte sécurité et non sur des considérations idéologiques ou humanitaires. Il s’agit de comprendre la dynamique de l’escalade d’un conflit et de chercher à la prévenir ou à l’éviter par des normes claires et vérifiables. La prise en compte de l’évolution des armements contemporains doit permettre de défendre les intérêts européens et ce qui apparaît favorable à la préservation de la stabilité stratégique du continent.

Loïc Salmon

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