OTAN : 75ème anniversaire, soutien accru à l’Ukraine et partenariats extérieurs

Lors du sommet de l’OTAN tenu à Washington du 9 au 11 juillet 2024, 75 ans après de sa création, les pays membres ont réaffirmé leur soutien à l’Ukraine jusqu’à la victoire contre la Russie. En outre, l’OTAN approfondit des partenariats extérieurs.

Conseil OTAN-Ukraine. Les 32 chefs d’État et de gouvernement ont souligné « l’entière responsabilité de la Russie dans cette guerre (contre l’Ukraine), « violation flagrante du droit international et notamment de la Charte des Nations Unies ». Ils ont déploré « les souffrances et la destruction causées par la guerre d’agression, illégale et injustifiable, que la Russie a déclenchée en l’absence de toute provocation ». Les Alliés ont lancé le programme « NSATU » de formation et d’assistance à la sécurité en faveur de l’Ukraine, destiné à coordonner les formations et les livraisons d’équipements militaires et aussi à fournir un soutien logistique. Ils ont aussi annoncé l’adoption d’un engagement durable à l’Ukraine pour assurer sa sécurité en incluant un financement de 40 Mds€ pour l’année à venir. Le 11 juillet, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejoint la réunion du Conseil OTAN-Ukraine, dont les membres lui ont confirmé leur aide pour une adhésion à l’OTAN, lorsque les conditions seront réunies. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a indiqué que 20 États membres de l’OTAN ont signé des accords bilatéraux avec l’Ukraine et que ce nombre continue d’augmenter. Il a ajouté qu’un centre d’analyse, d’entraînement et de formation, dénommé JATEC et auquel participera l’Ukraine, sera établi en Pologne, afin d’exploiter les enseignements à tirer de la guerre russo-ukrainienne, notamment en matière de résilience.

Partenariats extérieurs. Le 11 juillet, les dirigeants de l’OTAN ont rencontré ceux d’Australie, de Nouvelle-Zélande, du Japon, de Corée du Sud et de l’Union européenne (UE) pour parler de la sécurité commune. Face à l’alignement croissant de la Russie, de la Chine, de l’Iran et de la Corée du Nord, l’OTAN coopère de plus en plus étroitement avec ses partenaires de la zone Indopacifique et avec l’UE pour préserver la paix et protéger l’ordre international fondé sur des règles. Son secrétaire général a expliqué le rôle déterminant de la Chine dans la guerre de la Russie contre l’Ukraine. Le prochain sommet de l’OTAN se tiendra en 2025 à La Haye (Pays-Bas).

Participation française à l’OTAN. En 2024, la France consacre 2 % de son produit intérieur brut à la défense, objectif fixé par l’OTAN. En outre, sa crédibilité se manifeste par l’interopérabilité dans les exercices interalliés. Ainsi, l’exercice « Steadfast Defender », le plus important de l’OTAN, a mis en cohérence des manœuvres multi-milieux (terre, air, mer et espace) et multi-champs (cyber et informationnel) de la guerre hybride à celle de la haute intensité. Il a englobé les exercices : « Joint Warrior », défense navale en mer de Norvège (25 février-5 mars) ; « Dragon », combats de blindés de haute intensité en Pologne (29 février-14 mars) ; « Nordic Response », combats polaires en Norvège et en Finlande (5-14 mars) ; « Springstorm », défense du territoire en Estonie (22 avril-30 mai) ; « Swift Response », opération parachutiste en Roumanie (5-24 mai) ; « Gran Quadriga », défense du territoire en Lituanie (12-31 mai) ; « Dacian Spring », déploiement d’un poste de commandement de niveau brigade en Roumanie (18-26 mai) ; « Neptune Strike » avec les groupes aéronavals français, américain, espagnol, italien et turc en Méditerranée (26 avril-16 mai). S’y ajoutent notamment : la mission « Aigle » avec un bataillon multinational de 1.000 soldats en Roumanie, où la France est nation-cadre (depuis le 28 février 2022) ; la contribution régulière à la police du ciel dans les pays baltes à partir de la Lituanie (4 Rafale de novembre 2022 à mars 2023 puis 4 Mirage 2000-5 de novembre 2023 à mars 2024) ; le système de défense sol-air Mamba déployé en Roumanie (depuis le 16 mai 2022).

Loïc Salmon

Russie : la BITD s’adapte pendant la guerre contre l’Ukraine

OTAN : pouvoir conserver l’avantage opérationnel

Ukraine : le volet français de la défense du flanc Est de l’Europe




Russie : la BITD s’adapte pendant la guerre contre l’Ukraine

Par suite de la raréfaction des livraisons d’armes occidentales, la base industrielle de technologie et de défense (BITD) russe se prépare à un affrontement de longue durée et organise ses approvisionnements à l’étranger.

Isabelle Facon, directrice adjointe de la Fondation pour la recherche stratégique, l’explique dans le numéro de juin 2024 de la revue Défense & Industries.

Tâtonnements et reprise. En septembre 2022, après la mobilisation de 300.000 hommes, le président russe Vladimir Poutine ordonne à l’industrie d’armement de concentrer ses efforts sur les besoins des forces armée engagées sur le front ukrainien. Or la BITD souffre de coûts élevés de fonctionnement et du manque de personnels qualifiés. Loin d’en améliorer l’efficacité, la création de grands groupes industriels, au milieu des années 2000, a favorisé la corruption et le népotisme. Devant l’insuffisance des rythmes de production, des négociations portent sur des achats massifs de drones iraniens et la fourniture de munitions par la Corée du Nord. En outre, des pièces de rechange de chars et de missiles sont rachetées dans l’urgence à l’Inde et à la Birmanie. Rien qu’en décembre 2022, 24 M$ ont été dépensés pour racheter 6.000 télescopes de visée et 200 caméras pour moderniser les chars T-72 en stock. Un missilier russe a racheté au ministère indien de la Défense ses propres composants pour missiles anti-aériens au prix de 150.000 $. Puis, à l’automne 2023, les entreprises russes d’armement accroissent la production de systèmes, d’obus, de lance-roquettes multiples et de munitions guidées. Le budget de la défense passe de 3,9 % du produit intérieur brut en 2023 à 6,7 % en 2024. Pour pallier le manque de personnel qualifié, estimé à 160.000 personnes, de nouveaux recrutés sont formés avant d’être employés sur les chaînes de production. L’économie russe profite des dépenses de l’État pour satisfaire les demandes de l’industrie d’armement, notamment d’acier, de matériels informatiques et électroniques, d’instruments de navigation et d’équipements électriques. La production globale de 2023, supérieure à celle de 2022, inclut les équipements issus des stocks, à savoir chars, pièces d’artillerie et blindés de transport de troupes réparés ou modernisés. Celles des missiles Iskander et Kalibr continuent. Celles des drones de diverses catégories ont considérablement augmenté ainsi que celles des munitions d’artillerie de différents calibres. Selon certains économistes, la Russie peut produire des matériels peu sophistiqués en grandes quantités et sans limite de temps. En revanche, elle subit les conséquences des sanctions occidentales et de la faiblesse de l’électronique nationale pour les équipements plus complexes. Environ 80 % des besoins des forces armées russes sur le front ukrainien sont assurés par le groupe Rosteckh, qui emploie 660.000 personnes et inclut notamment l’entreprise aéronautique OAK, les fabricants de moteurs, la société Hélicoptères de Russie et la centrale d’exportation d’armement Rosoboronexport. Selon le président-directeur général de Rostekh, Seguei Tchermezov, le ministère de la Défense tente de faire baisser les prix d’achat en rognant sur les marges des industriels, qui ne sont plus motivés pour améliorer leur productivité. En outre, la présence des agents de la Sécurité intérieure s’affirme de plus en plus sur les sites industriels. Ceux de la Sécurité extérieure s’efforcent de reconstituer des chaînes d’approvisionnement de matériels de haute technologie et de contourner les restrictions occidentales.

Dépendance mais bonnes connexions. Après l’invasion de la Crimée en 2014 et les premières sanctions occidentales, la BITD russe avait dû élaborer des programmes de substitution de centaines de pièces de rechange et de composants achetés dans les pays occidentaux et en Ukraine. Depuis l’invasion de celle-ci en 2022, le démontage de matériels russes récupérés sur le champ de bataille atteste de l’emploi massif de composants étrangers. La Chine en est devenue le premier fournisseur, y compris pour les machines-outils utilisées. D’autres technologies et matériels, construits en Europe ou aux États-Unis, sont réexportés en Russie par des pays qui ne se considèrent pas tenus de respecter les sanctions occidentales contre la Russie. L’accès aux composants militaires faisant l’objet de contrôles plus sévères, il s’agit en général de produits civils ou à double usage. Ainsi certains d’entre eux, considérés comme « hautement prioritaires » par les pays occidentaux, ont été découverts dans les missiles Kalibr, les missiles de croisière aériens Kh-101, les drones Orlan-10, les munitions rôdeuses Lancet et les hélicoptères Ka-52 Alligator. En 2023, leur nombre aurait à nouveau atteint celui d’avant l’invasion de l’Ukraine en février 2022, avantageant considérablement la Russie dans sa guerre d’attrition contre elle. Par ailleurs, la Russie s’inspire des expériences de l’Iran et de la Corée du Nord, qui parviennent à produire des armements malgré les sanctions internationales de longue durée à leur encontre. La centrale Rosoboronexport anticipe une montée en puissance des partenariats technologiques pour la réalisation de matériels militaires, susceptibles de couvrir jusqu’à 40 % du marché mondial d’ici à 2030. Le partage de technologies et de compétences pour la production d’armements à l’étranger devrait permettre aux pays partenaires de développer leur propre BITD et aux entreprises russes de se concentrer sur la satisfaction des besoins des forces armées nationales. Cela souligne la détermination de Moscou à restaurer, à terme, la place occupée précédemment par sa BITD sur le marché mondial de l’armement. Indépendamment de la guerre en Ukraine, les entreprises russes d’armement anticipent des commandes importantes dans la prochaine décennie, en vue de reconstituer les stocks dans la perspective d’une confrontation militaro-politique de longue durée ave l’OTAN.

Perspectives à l’exportation. La guerre en Ukraine a fortement ralenti l’exportation d’armements russes, dont le montant moyen annuel est passé de 15 Mds$, depuis plusieurs années, à 8 Mds$ en 2022, baisse poursuivie en 2023. Toutefois, Rosoboronexport continue de prospecter à l’étranger en vue de l’après-guerre. Selon elle, l’expérience ainsi acquise stimule l’innovation et l’élaboration de nouvelles solutions techniques pour améliorer les performances des matériels militaires. Comme lors des opérations russes en Syrie (depuis 2015) ou d’exercices nationaux, des équipements ont été expérimentés sur le champ de bataille en Ukraine et modifiés en fonction du retour d’expérience. Selon la presse russe, plusieurs armées étrangères ont signalé leur intérêt pour les matériels suivants, après leur emploi en conditions réelles de combat : drones ; munitions rôdeuses Lancet et Kub ; équipements anti-drones ; missiles aériens, dont missiles antiradars ; hélicoptères de reconnaissance et d’attaque Ka-52 et MI-28N et leurs moyens antichars utilisables à distance du champ de bataille ; missiles Vikhr ; systèmes de protection contre les  « manpads » (systèmes portatifs de défense anti-aérienne) ; véhicules de soutien du char Terminator ; véhicules de soutien d’infanterie ; systèmes anti-aériens ; fusils d’assaut AK-12 ; systèmes Tor contre les munitions de Himars (lance-roquettes multiples américains) ; toute la gamme des moyens d’artillerie jusqu’aux missiles balistiques Iskander à courte et moyenne portées. Malgré le conflit ukrainien, des contrats auraient été signés avec des clients étrangers, en toute confidentialité pour éviter des sanctions ultérieures américaines. En outre, pour contourner les sanctions occidentales sur les institutions bancaires, de nouveaux schémas de paiement sont utilisés ou à l’étude, comme les paiements en monnaies nationales hors dollar et euro, le troc et la cryptomonnaie. Ainsi, la BITD russe disposerait d’un carnet stable de commandes, réalisables après la guerre, estimé à 50-55 Mds$.

Loïc Salmon

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Ukraine : accélération de l’innovation en temps de guerre

Très dépendante de l’URSS jusqu’à son implosion en 1991, l’Ukraine a ensuite développé sa propre base industrielle et technologique de défense (BITD). L’innovation à faible coût s’est accélérée dès l’invasion russe de la Crimée en 2014 puis davantage depuis l’attaque de 2022.

Xavier Tytelman, consultant aéronautique et défense, l’a expliqué au cours d’une visioconférence organisée, le 4 avril 2024 à Paris, par l’association 3AED-IHEDN.

L’héritage soviétique. En 1991, l’Ukraine dispose du tiers de l’industrie de défense de l’URSS, soit 1.810 entreprises, 750 usines et 140 institutions scientifiques et techniques qui emploient un million de personnes. Elle va pouvoir exporter 6.500 chars, 700 véhicules de combat, 7.200 pièces d’artillerie, 500 navires et 1.000 aéronefs. Vingt-cinq ans plus tard, l’industrie de défense ukrainienne n’emploie plus que 250.000 personnes et sa production est exportée à 90 % pour un montant d’environ 1,5 Md€ par an, grâce à des prix très compétitifs. Entre 2005 et 2014, ces ventes portent sur plus de 200 avions de chasse, 230 hélicoptères, 700 véhicules blindés et 800 chars. Pour la période 2008-2012, selon l’Institut de recherche sur la paix de Stockholm, l’Ukraine se classe à la 9ème position mondiale des pays exportateurs d’armes entre Israël et l’Italie et devant la Corée du Sud. Elle a notamment vendu le char T-84 (dérivé du char T-80 soviétique) à la Thaïlande et à l’Angola. Équipé d’une mitrailleuse de 7,62 mm modernisée, de systèmes de protection et de capteurs, le T-84 existe en version « soviétique » avec un canon de 135 mm et en version « OTAN » avec un canon de 120 mm. Outre un prix d’achat de 5 M$, considéré comme abordable, le T-84 bénéficie d’un coût d’exploitation très bas grâce à une maintenance réalisée dans des usines de tracteurs au Pakistan et en Thaïlande.

La réorientation. Après l’invasion de la Crimée, l’Ukraine puise dans ses stocks d’armes pléthoriques et en améliore les systèmes. Plutôt que de développer des systèmes onéreux, les forces armées achètent ce qui existe sur le marché civil à bas prix (environ 100 €), comme les caissons pour caméras de surveillance. Sur la période 2013-2017, les composants externes représentent 85 % des ventes à l’export, notamment des moteurs de navires à destination de la Russie. Mais dès 2015, l’Ukraine suspend ses exportations vers la Russie, très dépendante pour 184 types de systèmes ukrainiens pour ses navires, chars et avions Celle-ci, atteinte par les sanctions internationales à son encontre, a dû retarder ou annuler des programmes d’armement. De son côté, la BITD ukrainienne a réorienté sa production vers ses besoins nationaux en raison de la poursuite de la guerre avec la Russie. Son chiffre d’affaires à l’export a alors beaucoup diminué. La Russie lui avait commandé 60 avions de transport opérationnel Antonov An-70 livrables à partir de 2015. L’Allemagne s’apprêtait à les racheter, mais a finalement choisi l’A400M européen. Des négociations ultérieures avec l’Inde, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite n’ont pas abouti. Puis, à partir de 2018, l’Ukraine cesse d’exporter de l’armement, à l’exception de 12 chars T-84 à la Thaïlande.

L’accélération. Dès 2014, la BITD ukrainienne commence à développer ses propres armements à partir de ceux, soviétiques, dont elle disposait. Ainsi, son missile longue portée R-360 Neptune a coulé le croiseur russe Moskva en mer noire en 2022. Il s’agit d’un modèle équipant une batterie de défense côtière mais dont tous les composants ont été modifiés. Son développement a duré environ deux ans et a coûté 40 M$. Son nouvel altmètre lui permet de voler très bas, de sorte que les radars de défense aérienne russes ne voient pas la différence avec les vagues. Son système de navigation inertielle, dont le GPS résiste au brouillage. Le missile Neptune, présenté au salon ukrainien de l’armement en 2015, effectue un premier tir en 2017 et valide un essai à plus de 100 km l’année suivante. En 2019, est annoncée une version capable voler au-dessus de la mer et de frapper une cible à terre. Or la technologie de désignation d’une cible terrestre s’avère plus compliquée qu’un navire, facilement repéré dès l’allumage du radar peu avant la fin du vol. En 2023, une version modernisée a détruit deux batteries russes de défense antiaérienne S400 en Crimée, pourtant très protégées. En 2013, la BITD ukrainienne modernise le système sol-air russe S200 (portée 300 km), retiré du service deux ans plus tôt, et allonge sa portée à 600 km…avec succès selon des sources russes ! Le système sol-air ukrainien FrankenSAM, équipé d’un radar S300 russe d’une portée limitée, a été associé à un missile d’une allonge très supérieure. En février 2024, il a abattu un avion de surveillance aérienne A50 au-dessus du territoire russe. En effet, estimant le radar S200 obsolète, les pilotes russes volaient à une distance considérée comme suffisante pour leur sécurité. Par ailleurs, la BITD ukrainienne a réalisé deux prototypes de missile balistique sol-sol en 2019 et 2020 et lancé la production de masse en 2023, à raison d’un ou deux missiles par mois. Cet engin, d’une portée de 500 km, est dérivé de l’OTR-21 Tochka soviétique (portée 120 km), transporté sur un tracteur puis positionné à la verticale pour son lancement. Enfin, une coopération a été lancée avec la Turquie sur la motorisation des drones et sur l’avionique, notamment celle du futur avion de chasse de 5ème génération que la Turquie prévoit de réaliser à la fin de la décennie.

L’adaptation. Lors de l’indépendance de l’Ukraine en 1991, plus de 80 % de la population du Donbass parle russe, mais ne se sent pas russe, et l’unique usine ukrainienne de munitions s’y trouve. Le gouvernement décide alors de déplacer une grande partie de la production d’armement et les bureaux d’études dans d’autres villes vers l’Ouest. En 2014, seule la production de matériels consommables reste près du front. Il n’existe pas de centre unique pour les dizaines d’usines différentes de production de drones navals et le développement de nouveaux missiles est organisé à plus de 2.000 km de la portée des missiles de croisière russes. Dès le début des bombardements russes, les ingénieurs privilégient le télétravail et ne se rencontrent que lors des essais dans une soufflerie souterraine, en vue d’une mise en service opérationnelle rapide. A Kharkiv (près de la frontière orientale), les forces armées russes ont bombardé les usines des chars et de véhicules blindés et miné le terrain. A l’exception de l’usine de fabrication d’obus située en zone occupée, l’Ukraine est parvenue à reconstruire une capacité de production d’armement en zone sécurisée. L’État finance le développement des grands projets, comme le missile balistique à courte portée Hrim-2 et l’évolution des missiles soviétiques. Par ailleurs, les jeunes officiers de 2014 ont, depuis, acquis l’expérience de dix ans de guerre et atteint des grades élevés et des postes de haute responsabilité à 35 ans. Ils connaissent la doctrine militaire russe et, pour la contourner, élaborent des systèmes de commandement (C2) grâce aux grandes quantités de données traitées par l’intelligence artificielle. La population civile coopère dans le domaine des C2 et, pour le reste, développe elle-même des innovations avec les moyens du bord. De son côté, la Russie rattrape son retard dans le domaine des drones grâce aux composants fournis par la Chine. Mais les techniciens, mobilisés pour travailler dans les usines d’armement, ne s’intéressent guère aux innovations. En outre, peu d’étudiants russes tentent d’en imaginer chez eux, le soir ou pendant les weekends. En revanche, l’Ukraine a bénéficié de l’arrivée de 500.000 volontaires proposant leurs idées d’innovations et certains avec des drones civils, financés par leurs parents et amis, pour le largage de grenades. Après deux ans de guerre de haute intensité, la maintenance des équipements hétéroclites de l’Ukraine s’avère difficile et les avions de chasse russes Sukhoï-34 manquent de bombes plus intelligentes et de systèmes de navigation plus performants.

Loïc Salmon

Ukraine : les enseignements de deux ans de guerre

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Défense : renforcement industriel en armement et munitions

Les commandes d’armement aux industriels ont atteint 20 Mds€ en 2023. Les livraisons de missiles et d’obus, prévues pour 2024-2030 s’échelonneront entre l’été 2024 et le 2ème semestre 2025.

Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, les a annoncées au cours d’une conférence de presse, organisée le 26 mars 2024 à Paris, en présence des hautes autorités militaires et civiles, dont le chef d’État-major des armées, le général d’armée Thierry Burkhard, et le délégué général pour l’armement, Emmanuel Chiva (photo).

Accélération des commandes. Le montant de 20 Mds€ des commandes effectives de 2023 dépassent d’un tiers celui de la moyenne de 15 Mds€ sur la période 2017-2022 et de plus du double celui de la moyenne de 9,5 Mds€ sur la période 2012-2016. Cela donne beaucoup de visibilité aux industriels de l’armement, explique le ministre, qui reconnaît des segments en tension dont les missiles Aster 30. Ces derniers équipent le dispositif sol-air Mamba, installé en Roumanie dans le cadre des missions OTAN de réassurance à l’Ukraine. Ce besoin de missiles concerne aussi la France. Ainsi, les frégates déployées en mer Rouge pour sécuriser le trafic maritime, ont tiré 22 missiles Aster 15 et 30 contre les drones et missiles balistiques lancés par les rebelles Houthis en réponse à l’offensive d’Israël à Gaza. Les commandes de divers types de missiles sol-air s’accélèrent. La livraison prévue en 2026 de 200 missiles longue portée Aster, commande d’un montant de 900 M€, aura lieu au 2ème semestre 2024. Celle de 1.500 missiles antichars MMP (400 M€) prévue fin 2024, sera avancée à l’été 2024, comme celle de 300 missiles courte portée Mistral (150 M€). Celle de 500 missiles air-air Mica-NG (700 M€), prévue fin 2026, aura lieu au 2ème semestre 2025. La livraison de 55.000 obus de 155 mm (600 M€) pour le canon Caesar, prévue de 2024 à 2030, sera avancée à l’été 2024. En outre, le ministre annoncé une commande anticipée de 200 missiles Aster, portant le montant total à 2 Mds€ et une autre similaire pour le Mica-NG. Au 31 décembre 2023, les principales commandes se répartissent ainsi : MBDA (missiles), 3 Md€ ; Naval Group (construction navale), 4 Mds€ ; Thalès (électronique), 6 Mds€ ; Arquus (véhicules terrestres), 1 Md€ ; Nexter (systémier terrestre), 1,5 Md€ ; Safran (aéronautique et espace), 2 Mds€. A l’export, le succès des canons Caesar offerts à l’Ukraine suscite de l’intérêt au Moyen Orient et en Europe, de même que les radars GM200 ou GM400. Toutefois, certains contrats n’ont pu aboutir en raison de délais de livraison trop longs.

Économie de guerre. Il s’agit de produire plus vite et en plus grande quantité, souligne le ministre, en s’appuyant sur une base industrielle et technologique de défense complètement autonome et performante à l’exportation. Les difficultés résultent de la diminution des crédits budgétaires et de contrats opérationnels, notamment au Sahel, ne nécessitant pas la même masse d’équipements ou de munitions qu’un conflit de haute intensité. Les industriels ont alors investi dans l’innovation et le développement d’armes nouvelles pour ne pas perdre des avancées technologiques. Toutefois, la production faisant la différence sur le terrain opérationnel, des travaux sont en cours sur les simplifications administratives et le financement, notamment au niveau de l’Union européenne. Enfin, le ministère des Armées va investir 10 M€ dans une usine de fabrication de poudre, filière perdue depuis 2007, pour produire l’équivalent à terme de 150.000 obus de 155 mm par an.

Aide à l’Ukraine. En deux ans de guerre, la France a livré environ 30.000 obus de 155 mm à l’Ukraine et lui en fournira 80.000 en 2024 ainsi que 78 canons Caesar (financement international bouclé). La France et l’Allemagne lui ont livré 400 équipements, qui auront besoin de maintenance. Un dialogue se poursuit avec les partenaires anglo-saxons pour adapter des bombes françaises A2SM sur les avions américains F16 destinés à l’Ukraine.

Loïc Salmon

Armement : produire plus et plus vite en temps de guerre

Ukraine : les enseignements de deux ans de guerre

Armement : la coalition « Artillerie pour l’Ukraine »




Ukraine : les enseignements de deux ans de guerre

Depuis l’offensive de la Russie contre l’Ukraine le 24 février 2022, la guerre s’enlise. Elle rappelle l’importance des forces morales, de l’accès aux ressources et du champ électromagnétique ainsi que le risque nucléaire. En outre, les deux belligérants s’adaptent en permanence.

Un retour d’expérience du conflit a été présenté à la presse, le 22 février 2024 à Paris, par le général de division aérienne Vincent Breton, directeur du Centre interarmées de concepts, doctrines et expérimentations.

Haute intensité et attrition. La Russie occupe encore une partie de Ukraine pour agrandir son propre territoire (en rouge sur la carte de situation du 21 au 23 février 2024, établie par l’État-major des armées). Cette guerre entraîne une attrition des matériels et des hommes. Les pertes seraient de l’ordre de 100.000 morts de chaque côté avec un ratio de 2 à 4 blessés pour 1 décès. Dans le milieu terrestre, les combats de tranchées, les champs de mines et les échanges d’artillerie réapparaissent. Aucun des belligérants ne dispose de la supériorité aérienne, qui lui permettrait la liberté de manœuvre aux abords du front et des frappes dans la profondeur. Presque chaque nuit, la Russie tire des missiles de croisière, des missiles balistiques et des drones Shahid 131 et 136, munitions préprogrammées bon marché de conception iranienne. L’Ukraine a développé ses propres missiles de croisière capables de frapper des raffineries et des dépôts pétroliers au cœur du territoire russe. Elle tire des missiles de croisière français Scalp et britanniques Storm Shadow contre des centres de commandement russes en Crimée. Par une manœuvre très habile, sa défense sol-air a détruit un avion radar Iliouchine A50, spécialisé dans la surveillance aérienne et basé en Biélorussie. L’Ukraine compense son manque de munitions d’artillerie par l’emploi massif (1 million/an) de drones FPV britanniques utilisés pour l’observation, les relais radio et comme munitions téléopérées. Toutefois, la Russie a rattrapé et même dépassé l’Ukraine en la matière et l’emporte dans la guerre électromagnétique, employée pour le renseignement et le brouillage de drones, du GPS, d’émissions radio et de radars. Dans le domaine maritime, les deux belligérants se neutralisent. L’Ukraine ne possède pas assez de navires pour contrôler la mer Noire, mais sa défense côtière oblige la flotte russe à se replier plus à l’Ouest. En outre au cours des trois derniers mois, la destruction de cinq bâtiments amphibies entrave la capacité russe d’opérations de la mer vers la terre.

Cyber et propagande. Au début de la guerre, la Russie a lancé de nombreuses cyberattaques, mais guère décisives car l’Ukraine avait préparé sa protection en amont. Toutefois, la menace cyber reste permanente. Ainsi en décembre 2023, une attaque russe contre le principal opérateur ukrainien de téléphonie mobile a privé une partie de la population des sirènes d’alerte aérienne. En matière de propagande, internet et les réseaux sociaux offrent une caisse de résonance extraordinaire dans une société hypermédiatisée. La stratégie de communication de l’Ukraine lui permis d’obtenir un soutien massif de l’Occident. La machine de guerre informationnelle de la Russie, héritée du KGB soviétique, joue sur la lassitude de la guerre pour créer un doute et lézarder la cohésion occidentale, mais sans y parvenir. Vis-à-vis des pays émergents, elle tente de faire passer l’invasion de l’Ukraine comme une guerre défensive contre une pseudo-agression de l’Occident, en jouant sur le ressentiment global des pays du Sud à son égard.

Profondeur stratégique. L’Ukraine parvient à résister grâce à la résilience de sa population et l’aide de l’Occident. La Russie, qui dispose d’un quasi-continent riche en matières premières, a conservé des stocks considérables de matériels, d’équipements, de munitions et d’armements accumulés pendant la guerre froide (1947-1991). Enfin, ses intentions restent difficiles à déterminer.

Loïc Salmon

Armement : la coalition « Artillerie pour l’Ukraine »

Russie : confit en Ukraine, mobilisation partielle et fragilités

352 | Dossier : « L’Ukraine, un an de guerre




Armement : la coalition « Artillerie pour l’Ukraine »

Une coalition, dirigée par la France et les États-Unis, vise à orienter, fédérer et coordonner les initiatives des pays participants pour équiper, former et structurer l’artillerie de l’Ukraine.

Annoncée le 18 janvier 2024 par le ministre des Armées Sébastien Lecornu, cette coalition a été présentée à la presse le 25 janvier par le général de division Jean-Michel Guilloton, commandant de l’entraînement au combat interarmes et de la base de défense de Mourmelon-Mailly.

Selon le ministère des Armées, la France propose à l’Ukraine une offre complète de soutien militaire : livraisons capacitaires, de l’équipement individuel au char de combat ; maintien des matériels en condition opérationnelle ; munitions ; formation. Elle lui fournira 3.000 obus de 155 mm par mois, une quarantaine de missiles de croisière Scalp et plusieurs centaines de bombes A2SM longue portée.

La situation du front. Depuis l’invasion russe du 22 février 2022, indique le général Guilloton, l’armée ukrainienne montre des signes d’usure avec l’échec de la contre-offensive du printemps 2023, malgré la livraison importante de matériels occidentaux. En matière d’artillerie, l’armée russe tire six fois plus d’obus que la partie ukrainienne et accentue sa pression sur le front. Elle impose son tempo opérationnel et conserve l’initiative. A l’arrière, la Russie a transformé son industrie en économie et de guerre et, grâce à des partenariats, aurait reçu près d’un million d’obus de la Corée du Nord et des drones armés de l’Iran. Depuis la seconde guerre mondiale, l’armée russe compte sur son artillerie pour conduire la guerre avec une masse très variée de canons, lance-roquettes multiples, missiles longue portée et drones armés. Elle frappe, très loin dans la profondeur, les points névralgiques ukrainiens, les centres énergétiques et la population. Le champ de bataille devient transparent par la connexion directe des capteurs à l’artillerie longue portée et fait l’objet d’une guerre hybride via la propagande et l’influence. De son côté, l’Ukraine va bientôt atteindre son maximum en matière d’équipements, de logistique, de capacité de combat et de munitions. En face, la Russie s’est organisée en ordre de marche pour favoriser son rapport de force dans la durée.

La coalition « Artillerie ». Sur proposition des États-Unis, les 54 nations alliées pour la défense de l’Ukraine (31 membres de l’OTAN et 23 hors OTAN), réunies sur la base aérienne de l’OTAN à Ramstein (Allemagne), ont constitué un groupe de contact, dit « format Ramstein ». Le 19 septembre 2023 et afin de mieux coordonner l’aide apportée à l’Ukraine, rappelle le général Guilloton, elles ont défini cinq coalitions capacitaires majeures, à savoir maritime, aérienne, blindée, défense sol-air et artillerie sol-sol. Dans ce cadre, la France a pris la direction de la coalition de l’artillerie sol-sol. Actuellement, l’artillerie ukrainienne compte plusieurs milliers de pièces, dont 30 canons Caesar français et 19 Caesar danois. Le ministre des Armés a annoncé la livraison prochaine de 6 Caesar et une offre de 72 autres, dont 12 financés par la France et les autres par les diverses nations alliées. Une vingtaine d’États ont manifesté leur intérêt pour cette coalition, co-dirigée par les États-Unis qui ont déjà proposé plusieurs centaines de milliers d’obus. L’aide inclut tous les systèmes d’artillerie de 105 mm à 155 mm, les lance-roquettes et les capacités émergentes. En 2023, la France a formé 5.000 combattants ukrainiens, dont 350 artilleurs. L’objectif de 2024 porte sur 7.000-9.000 combattants, dont 220 artilleurs. A court terme, il s’agit de répondre aux besoins urgents en munitions et en maintenance et réparations des matériels cédés. Le moyen terme concerne la création d’une nouvelle armée ukrainienne interopérable au standard OTAN. Le long terme porte sur la mise en œuvre d’une production nationale ukrainienne, sous licence étrangère, de lanceurs, de munitions, de pièces détachées et de matériels logistiques.

Loïc Salmon

Russie : confit en Ukraine, mobilisation partielle et fragilités

Ukraine : ascendant opérationnel incertain dans le conflit en cours

Armements terrestres : enjeux capacitaires et industriels dans le contexte du conflit en Ukraine




Russie : confit en Ukraine, mobilisation partielle et fragilités

Durant l’hiver 2022-2023, les forces armées russes ont repris l’initiative. Elles limitent leurs frappes aériennes à distance de sécurité, portent leurs efforts sur le combat terrestre et accroissent leurs effectifs par une mobilisation partielle. Toutefois, la base industrielle et technologique de défense peine à suivre.

Dans une note publiée en région parisienne en avril 2023 par la Fondation pour la recherche stratégique, Philippe Gros, maître de recherche, et Vincent Tourret, chercheur associé, fondent leur analyse sur les sources ouvertes et la littérature technico-militaire russe, mais restent prudents en raison de la propagande des deux camps, des informations erronées et des lacunes dans les données disponibles.

Absence de supériorité aérienne. Lors du déclenchement de la guerre (24 février 2022), les forces aérospatiales russes (VKS) pouvaient déployer 300 avions de combat et environ 300 hélicoptères, souvent assez modernes, face à la centaine d’appareils et aux systèmes de défense anti-aérienne, vieillissants et parfaitement connus, de l’armée de l’Air ukrainienne. Pourtant, celle-ci a contraint les VKS à une posture largement défensive, voire passive, par des vols rasants et nocturnes, en deçà de la couverture radar, et par des frappes, sommaires mais efficaces, sur les bases aériennes russes. L’attrition qui s’ensuivit a dissuadé les VKS de s‘engager trop profondément dans l’espace aérien ukrainien. Selon la conception soviétique puis russe, l’aviation se réduit à une artillerie aéroportée, complémentaire de l’arsenal balistique pour la frappe en profondeur contre les centres de commandement et de conduite, aérodromes et systèmes anti-aériens stratégiques. En outre, elle doit protéger les systèmes de défense anti-aériens russes et saturer l’adversaire par ses feux, sans tenter de maîtriser l’espace de la manœuvre aérienne. La doctrine russe préconise le canon, la roquette, le missile et la guerre électronique pour percer des « corridors aériens » permettant le passage de l’aviation. Elle a privilégié le développement des missiles à longue portée Tochka-U et Iskander, pour des tirs à distance de sécurité depuis les bombardiers lourds Tu-160, Yu-95 et Tu-22, et le maintien d’un stock de bombes et de roquettes, non guidées et moins coûteuses, pour les bombardiers légers Su-30, Su-34 et Su-35. Par ailleurs, les équipages d’avions de combat ne volent qu’une centaine d’heures par an, contre 180 heures selon le standard OTAN, et les exercices avec des munitions guidées restent trop limités. En conséquence, les 66 hélicoptères et 67 avions russes déjà abattus ont entraîné la mort de 127 personnels navigants, dont 105 officiers. En outre, les appareils russes nécessitent une maintenance complexe, aggravée par le manque de pièces de rechange, une externalisation incohérente, un personnel insuffisamment qualifié et une documentation obsolète. Les frappes aériennes contre les villes et les infrastructures ukrainiennes critiques ou les dépôts de carburants et les lignes de communications dénotent un manque de stratégie d’interdiction basée sur les effets, vu la superficie de l’Ukraine, le nombre de ses infrastructures à cibler et sa capacité à réparer les matériels détruits. Le maintien des salves de missiles dans la durée dépend des stocks et de la production. De plus, les VKS ne disposent pas de capacités ISR (renseignement, surveillance et reconnaissance) pour le ciblage d’opportunité sur des objectifs délocalisables, comme les PC tactiques, ou liés aux activités d’une infrastructure. Dans le domaine spatial, la capacité de renseignement d’origine image varie entre l’obsolescence, voire la fin d’activités, des trois satellites Persona, l’échec de la mise en orbite des minisatellites Razbeg et le retard des deux grands programmes de remplacement : la famille de satellites de reconnaissance optique Razdan, équivalente au KH-11 américain ; la constellation de minisatellites de surveillance de la terre tout temps Berkut.

Effectifs terrestres affaiblis. Le volume des pertes russes depuis le début de la guerre s’avère difficile à évaluer. L’État-major de l’Union européenne les estiment à 60.000 morts et 250.000 blessés. Selon la terminologie russe les « pertes irrémédiables » incluent les morts, les prisonniers et les portés disparus, les blessés étant comptabilisés par le Service de santé. Le nombre des prisonniers aux mains des Ukrainiens se monterait à plusieurs milliers. En outre, il convient de tenir compte des milliers de soldats russes qui refusent de servir, préférant la sanction disciplinaire à la mort ou ne voulant pas tuer des Ukrainiens dans une guerre qu’ils estiment injustifiée. Pendant les premières semaines de guerre, de lourdes pertes ont été constatées parmi les unités les plus expérimentées, à savoir les « Spetsnaz » (forces spéciales), les parachutistes et l’infanterie de Marine. Le corps des officiers a été particulièrement touché, de l’ordre de 6.000 à 16.000 mis hors de combat (tués ou blessés graves). Or selon la doctrine russe du « commandement par un seul homme », les officiers assurent aussi une grande partie de l’expertise technique et de l’encadrement, fonctions confiées…aux sous-officiers dans les armées occidentales. Pour rétablir la parité numérique avec les forces armées ukrainiennes, le Kremlin a décidé une mobilisation partielle de 300.000 hommes, auxquels il faut ajouter les 50.000 repris de justice recrutés par la société paramilitaire privée Wagner. Mais ce flux de volontaires s’est tari après la mise hors de combat de 30.000 d’entre eux, dont 9.000 tués. Plus de 70 % des soldats mobilisés seraient inaptes au combat pour diverses raisons. D’abord, la formation initiale de deux semaines est considérée comme inadaptée et insuffisante. Démotivée, la plupart des recrues ne croit guère à la propagande sur la « dénazification » de l’Ukraine ni à l’objectif affiché de sa « démilitarisation ». Les troupes, souvent composées de conscrits, ne sont pas encadrées par des soldats plus expérimentés. S’y ajoutent les actes de sabotage, intentionnels ou non, les défaillances du Service de santé, le manque d’appui d’artillerie et l’insuffisance des moyens de communications.

Érosion de l’armement lourd. Au début des hostilités, les forces armées russes disposaient de 7.000 chars, dont 1.200 à 1.600 auraient été engagés, de la fourniture de 250 chars neufs par an et de 700 réparés et stockés. Depuis, elles en auraient déjà perdu 3.000 au combat, en panne définitive ou « cannibalisés ». Le maintien en condition opérationnelle (MCO) a surtout porté sur les chars anciens, moins compliqués à moderniser. En 2021, l’artillerie disposait de 4.000 canons automoteurs, 12.000 canons tractés et plus de 3.000 lance-roquettes en stocks. Elle pouvait déployer en opération 2.000 canons automoteurs (1.750 de 152 mm), 150 canons tractés, 1.000 lance-roquettes multiples (LRM) et 1.500 mortiers lourds. Selon la doctrine en vigueur sur la tactique, la manœuvre terrestre emploie l’artillerie comme effecteur principal et non pas comme appui des unités de mêlée. Déjà, les pertes sont estimées à 360 canons automoteurs, 180 LRM et 185 mortiers lourds et canons tractés. S’y ajoutent celles en artilleurs (25 % d’officiers), en drones (guidage et correction des feux) et dans le ravitaillement en munitions. L’inefficacité, voire l’absence, de l’artillerie d’appui a été compensée par les tirs des chars. Le rationnement des munitions de l’artillerie résulte de la baisse de production et des mauvaises conditions de leur stockage à l’air libre, où les grands écarts de température dégradent les charges propulsives. Par ailleurs, le rythme des salves accélère l’usure des pièces. Au-delà de 2.000 coups par canon, le tube risque de se déformer et donc de réduire la précision puis, à terme, d’éclater. Les pertes au combat et les déficiences du MCO auraient provoqué des diminutions des parcs : 45% pour les chars ; 40 % pour les véhicules blindés ; 30 % pour l’artillerie ; 25 % pour les LRM. Cette réduction de la puissance de feu ne permet plus aux forces russes les mêmes tactiques de manœuvre.

Loïc Salmon

Ukraine : ascendant opérationnel incertain dans le conflit en cours

Russie : perception et premier bilan de la guerre en Ukraine

Ukraine : sous-estimations stratégiques de la Russie




Ukraine : ascendant opérationnel incertain dans le conflit en cours

Dans la perspective de la contre-offensive annoncée, les forces armées ukrainiennes disposent d’une assistance occidentale massive en termes de renseignement et de soutien, mais doivent combiner la culture militaire soviétique avec les pratiques de l’OTAN. (Carte : situation au 26-4-2023)

Dans une note publiée en région parisienne en avril 2023 par la Fondation pour la recherche stratégique, Philippe Gros, maître de recherche, et Vincent Tourret, chercheur associé, fondent leur analyse sur les sources ouvertes et la littérature technico-militaire russe, mais restent prudents en raison de la propagande des deux camps, des informations erronées et des lacunes dans les données disponibles.

Une organisation perfectible. Depuis l’invasion russe de la Crimée en 2014, les forces armées ukrainiennes se sont préparées à une guerre défensive globale sur les plans doctrinaire, capacitaire et opérationnel en s’inspirant de la culture miliaire de l’OTAN. Toutefois, des officiers supérieurs, formés au modèle soviétique, laissent difficilement une marge d’initiative à leurs subordonnés. En outre, les unités régulières cohabitent avec des volontaires et des unités de défense territoriales dans le maintien d’une forte centralisation administrative. Cette hétérogénéité se retrouve dans la compétence des chefs, la gestion des ressources humaines, l’entraînement et les équipements des unités. Outre des critiques virulentes, elle entraîne trop de pertes pour pouvoir soutenir une guerre longue contre les forces russes. Cependant, les généraux et les états-majors ont démontré leur capacité à concevoir une manœuvre au niveau d’un théâtre grâce à leur maîtrise de l’offensive, par le siège et le mouvement, et à leur savoir-faire pour l’adapter aux menaces et à l’environnement. Dans le renseignement, le système de drones Delta, mis au point en 2016 par les développeurs civils nationaux selon les standards de l’OTAN, est déployé dans les sept zones de front. Il réalise une fusion des données ISR (renseignement multi-sources, surveillance et reconnaissance), accessible aux unités tactiques sur les tablettes ou les téléphones portables, via le réseau satellitaire privé américain Starlink. Si la parité avec les Russes apparaît au niveau des capteurs (mini-drones) au front, les Ukrainiens les surpassent pour le renseignement dans la profondeur du dispositif adverse, grâce d’abord à l’énorme capacité spatiale occidentale. Cette dernière combine la diffusion de renseignements de la part des pays alliés et les réponses rapides aux demandes de renseignement ukrainiennes. La production inclut le renseignement d’intérêt immédiat, celui de situation et celui d’appui au ciblage, avec une précision de 7 mètres pour la mise en œuvre des roquettes américaines Himars/M270 guidées par recalage GPS. En outre, les Ukrainiens disposent de nombreuses sources de renseignements d’origine humaine dans les zones occupées par les forces russes, mais peu dans le Donbass, et des moyens pour les récupérer et les fusionner dans le système Delta. En matière de soutien, le système ukrainien, très centralisé, manque de coordination et de plateformes logistiques aux échelons tactiques et repose sur des lignes de communications longues et confuses. Il dépend en grande partie de l’assistance des populations locales et des réseaux bénévoles ukrainiens et internationaux. Le ravitaillement, fourni par les États alliés et coordonné par des structures américaine, OTAN et européenne, se heurte à l’interopérabilité limitée des moyens mis en œuvre et à la réglementation des transports au sein de l’Union européenne. Le dysfonctionnement du service de santé auprès des unités en première ligne est compensé par l’assistance occidentale, à savoir équipements et formation pour les structures locales et accueil des blessés dans les hôpitaux des pays alliés. L’évacuation des blessés graves et des grands brûlés vers les hôpitaux de l’arrière, souvent entravée par l’état catastrophique des routes, se fait surtout par des trains médicalisés.

Des troupes à former. Les forces armées ukrainiennes, estimées à 120.000 hommes, subissent de lourdes pertes évaluées à plusieurs dizaines de morts et de blessés par jour, notamment parmi les troupes expérimentées et celles formées dans les pays de l’OTAN. Le grand nombre de contrats d’engagements militaires courts, souscrits durant la guerre dans le Donbass entre 2014 et 2022, a permis à l’Ukraine de disposer d’une certaine réserve expérimentée. Mais ce vivier a été mal exploité en raison de l’hétérogénéité des unités, de la guerre d’usure et d’une mauvaise gestion, comme l’envoi de conscrits au front sans un entraînement préalable de plusieurs semaines. La plupart des 400.000 « mobilisables » n’a aucune expérience militaire. La remontée en puissance des forces ukrainiennes repose donc sur la formation dans les pays alliés. L’opération britannique « Orbital » a ainsi formé 22.000 soldats entre 2015 et 2022. Puis l’opération « Interflex », qui rassemble plus de 800 instructeurs britanniques, australiens, danois, canadiens, lituaniens, néerlandais, néo-zélandais, norvégiens, finlandais et suédois, a organisé des stages de trois semaines à 10.000 hommes en 2022, chiffre qui devrait doubler en 2023. Un programme international, sous commandement américain et incluant des instructeurs britanniques, canadiens et lituaniens, a formé 23.000 officiers et sous-officiers entre 2015 et 2022. Entre avril et août 2022, la « Task Force Gator » (américaine) a formé 1.600 militaires sur 16 systèmes d’armes…américains ! En juin 2023, l’initiative « European Union Military Assistance Mission », qui rassemble 23 pays européens dont la Pologne, l’Allemagne, la France, l’Espagne et l’Italie, aura formé 12.000 combattants et 2.800 spécialistes dans des stages de 30 jours.

Des armements lourds insuffisants. Malgré les captures d’équipements russes, dont seulement 30 % réutilisables, et les livraisons d’armes occidentales, l’usure opérationnelle et les pertes freinent la montée en puissance des parcs ukrainiens. Celui des chars, qui en a déjà perdu de 800 à 1.000, n’en compterait qu’entre 700 et 1.000. En raison de la perte plausible de 2.000 véhicules ukrainiens, le parc d’engins blindés atteindrait 3.000, grâce à la capture de quelques centaines de véhicules russes et surtout aux livraisons occidentales de 3.500 véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI), transports de troupes blindés et autres véhicules. S’y ajouteront les livraisons, promises et échelonnées sur plusieurs mois, de 300 chars tous modèles confondus, 200 VBCI, 450 véhicules tout terrain, 300 MRAP (véhicules conçus pour résister aux engins explosifs improvisés et aux embuscades) et 120 canons autopropulsés, qui subiront aussi des pertes et dont il faudra assurer le maintien en condition opérationnel. Leur expérience du combat, acquise depuis 2014, et leur formation à l’américaine ont permis aux Ukrainiens de réagir dans l’emploi de l’artillerie. Ils disposent de bombes de petit diamètre lancées du sol (bombes guidées planantes) combinant longue portée et précision, de lance-missiles balistiques Vilkha-M ukrainiens et de canons Caesar français et PzH 2000 allemands. Très utilisés, ces canons subissent une usure accélérée. Des centres de maintien en condition opérationnelle ont donc été installés en Lituanie, Pologne et Slovaquie.

Des stocks de munitions limités. L’intensité des combats entraîne des cadences de tirs de 5.000 à 7.000 obus/jour et réduit les stocks. Les 1.500 canons d’origine soviétique tirent des obus de 122 mm et 152 mm, mais les canons « occidentaux » surtout des obus de 155 mm. Or les tirs d’obus de 155 mm atteignent 3.500/jour. Entre mai 2022 et février 2023, les États-Unis ont livré 1,1 million d’obus de ce calibre et les autres pays alliés (France, Grande-Bretagne, Canada, Finlande, Allemagne, Italie, Norvège, Espagne et Suède) 100.000, soit en tout trois mois de munitions au rythme actuel. Enfin, le brouillage russe réduit le stock des drones. En moyenne, le drone d’une unité d’infanterie ne dure qu’un jour contre 40 pour une unité d’artillerie.

Loïc Salmon

Ukraine : livraisons accrues d’armements étrangers

Ukraine : les drones, symboles de la résistance pour Kiev

Armement : gestion des stocks dans un conflit de haute intensité




Armée de Terre : polyvalence globale et cohérence à conserver

La capacité d’intervenir en permanence sur divers théâtres d’opérations terrestres implique de s’y préparer en termes de commandement, d’appui, de soutien et d’évolution technologique, notamment dans un conflit de haute intensité.

Le général d’armé Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre, l’a expliqué lors d’une rencontre organisée, le 13 février 2023 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

Le conflit en Ukraine. La Russie a constitué un outil militaire pour employer la force en Ukraine, en vue de modifier l’ordre international au mépris du droit international, souligne le général Schill. Cette guerre, sur laquelle certains pays membres de l’ONU n’ont pas pris parti, provoque des répercussions économiques dans le monde (énergie et alimentation des populations), avec des risques de changement majeur. Ses premiers enseignements portent sur la force morale, à savoir la volonté de combattre des Ukrainiens, la capacité de soutien et la protection sol-air. La transparence du champ de bataille, acquise par les États-Unis, résulte de l’emploi des drones, de la guerre électronique, du cyber et des satellites. L’analyse des images par l’intelligence artificielle s’avère plus complexe sur un théâtre terrestre, en raison de la topographie et de la dispersion des forces. L’influence a montré son importance. La milice privée Wagner, outil de la Russie employé au seuil de la conflictualité, devait se développer. La frappe dans la profondeur mobilise drones, guerre électronique et forces spéciales. Le conflit entraîne une forte létalité, qui serait de l’ordre de 100.000 tués et blessés côté ukrainien mais moitié moins du côté russe. Pour gagner, un assaillant doit disposer d’un effectif au moins six fois supérieur à celui du défenseur. Actuellement, la Russie en déploie un d’environ une fois et demie le nombre de militaires ukrainiens. Le cyber s’est affirmé sur les plans défensif (effet stratégique) et offensif (effet tactique contre les moyens de communications du commandement) et aussi de l’influence (actions spéciales).

La transformation des forces terrestres. D’abord, indique son chef d’état-major, l’armée de Terre doit pouvoir continuer à remplir ses missions de défense du territoire national en métropole et outre-mer et ses engagements en Europe, au Sahel et au Moyen-Orient. Ensuite, en fonction de la situation internationale, elle doit être capable de s’engager de façon plus importante, quel que soit le moment, avec une réactivité strictement modulée selon les missions. La polyvalence globale prend du temps. Les réformes déjà entreprises portent sur le renseignement (compétences et filière), l’aviation légère de l’armée de Terre, la logistique, les systèmes d’information et de communications et les forces spéciales. Ces dernières, employées par le Commandement des opérations spéciales au niveau interarmées, peuvent l’être aussi au niveau tactique (division ou corps d’armée) pour cacher la manœuvre à l’adversaire. Facteur de supériorité, la masse opérationnelle se monte à 77.000 hommes, dont 20 % issus de l’outre-mer avec un recrutement de 15.000 jeunes par an (15 % en outre-mer). Actuellement, l’armée de Terre, qui fournit déjà les deux tiers des spécialistes cyber, va accroître le recrutement aux niveaux bac pro, BTS et ingénieur. Par ailleurs, elle dispose de 24.000 réservistes (2.400 employés par jour), dont 80 % pourraient être mobilisés en cas d’engagement majeur. Elle va créer un « commandement sur les effets », relatifs à l’artillerie, au renseignement et à l’aérocombat dans la profondeur. Au sein des armes de mêlée (infanterie et cavalerie), de nouveaux métiers seront créés et d’autres disparaîtront sans dissolution d’unités. A l’horizon 2030, grâce à la mise en service du système de combat collaboratif Scorpion, elle devrait pouvoir conserver sa capacité de commandement de corps d’armée de l’OTAN (Corps de réaction rapide-France).

Loïc Salmon

Armée de Terre : le combat dans les conflits de haute intensité

Cyber : champ de lutte informatique et d’influence

Armée de Terre : mise en place du modèle « Au Contact »

 




Armée de l’Air et de l’Espace : complémentarité des moyens d’action et modernisation

L’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) doit pouvoir remplir ses missions, du combat de haute intensité et de la projection lointaine à la surveillance de la très haute altitude et de l’espace, tout en poursuivant sa modernisation.

Son chef d’état-major, le général d’armée aérienne Stéphane Mille, l’a expliqué lors d’une rencontre organisée, le 6 février 2023 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

Combat et projection de puissance. L’absence de contrôle de l’espace aérien de l’Ukraine, par l’aviation russe, et de toute tentative de neutralisation de sa défense sol-air, a surpris, constate le général Mille. Le conflit en Ukraine se réduit à une campagne d’artillerie. La vente ou la cession de Mirage 2000 français à l’Ukraine ou à un autre pays dépend de trois conditions préalables : besoins exprimés ; non escalade de conflit ; ne pas affecter les capacités de l’AAE. Les Mirage 2000 C de défense aérienne ne volent plus depuis juin 2022, mais certains pays sont intéressés par leurs pièces détachées. Pour les déplacements sur une longue distance, l’OTAN demande des capacités à 4 jours, 4 semaines ou 4 mois avec l’empreinte logistique la plus faible possible. L’AAE a démontré les siennes lors des missions « Pégase 2018 » et « Pégase 2022 » en zone Indo-Pacifique avec la participation à l’exercice « Pitch Black » en Australie. De tels raids ne sont guère réalisables depuis la Polynésie française ou la Nouvelle-Calédonie, faute d’infrastructures d’accueil suffisantes.

Nouveaux champs. Le survol des Etats-Unis à très haute altitude, par un ballon chinois qui a été détruit par un avion de chasse américain au-dessus de l’Atlantique (4 février 2023), entre dans la logique de cette « zone grise », estime le général Mille. Les innovations technologiques offrent des perspectives commerciales et militaires dans cet espace, compris entre 20 km et 100 km d’altitude mais non régulé par un traité ou une convention. En vue d’établir une doctrine d’action, le chef d’Etat-major des armées a donné mandat à l‘AAE pour réfléchir aux aspects juridiques et technologiques de la très haute altitude, avec remise des conclusions à l’été 2023. Il faudra aussi en évaluer la surveillance depuis le sol ou depuis l’espace. Quant aux menaces de vecteurs hypersoniques, la protection du territoire national reste assurée par la dissuasion nucléaire, souligne le général Mille. Les drones armés Reaper de l’AAE pourraient être déployés sur d’autres endroits stratégiques. Enfin, l’Eurodrone, futur drone européen MALE (moyenne altitude longue endurance), serait utilisable pour la surveillance d’un espace contesté ou comme relais en dehors d’un conflit de haute intensité.

Modernisation. Le général Mille a rappelé les enjeux de l’AAE : défense sol-air ; protection des troupes en opérations au sol ; dispositif particulier de sécurité aérienne lors d’un événement ; projection de bases aériennes avancées. Outre la mise en réseau de tous les simulateurs, la préparation des équipages à des missions de plus en plus complexes nécessite de mixer le virtuel et le réel…en vol ! Les partenariats seront recherchés avec des pays disposant d’une capacité aéronautique et spatiale, car la surveillance de l’espace concerne surtout les orbites basses. Pour les missions humanitaires dans les outre-mer, le successeur du Casa verra le jour en 2030. Quant à la défense et aux opérations aériennes, le passage au « tout Rafale » devrait être réalisé en 2035. Enfin, le nouveau missile ASN4G entrera en service dans la composante nucléaire aéroportée vers 2030.

Loïc Salmon

Ukraine : livraisons accrues d’armements étrangers

Armée de l’Air et de l’Espace : enjeux de la très haute altitude

Armée de l’Air et de l’Espace : « Skyros 2021 », mission en interalliés en Eurasie