Armée de l’Air : anticipation, audace et créativité

Les capacités de décider et de gérer l’aléatoire entrent dans la formation des cadres de l’armée de l’Air, qui devra créer compétences et scénarios pour les missions du futur, plus complexes.

Ces questions ont fait l’objet du colloque qu’elle a organisé le 29 novembre 2018 à Paris. Y sont notamment intervenus : le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA), le général d’armée aérienne Philippe Lavigne ; Olivier Zadec, maître de conférences, université Lyon 3 « Jean Moulin » ; le général de brigade aérienne Frédéric Parisot, sous-chef d’état-major « préparation de l’avenir » ; le lieutenant-colonel Anne-Laure Michel, directrice générale de la formation militaire à l’Ecole de l’air de Salon-de-Provence (photo).

Projets structurants 2019-2025. Dans le document « Plan de vol » de l’armée de l’Air présenté lors du colloque, le CEMAA avertit que l’emploi de la puissance aérienne pourrait se trouver, à terme, entravée par la contestation croissante du milieu aérien. Cela résulte du durcissement de la dynamique des Etats puissances (Russie et Chine) et des organisations non étatiques ainsi que de la fragilisation des mécanismes de régulation internationaux. Le « Plan de vol » s’inscrit dans la remontée en puissance de l’armée de l’Air, initiée par la loi de programmation militaire 2019-2025. Il doit lui permettre de garder un temps d’avance et de conserver à la France une position forte sur la scène internationale. L’armée de l’Air assure en permanence la maîtrise du domaine aérien et spatial ainsi que la composante aérienne de la dissuasion nucléaire, avec la Marine nationale. Ses modes d’action vont du recueil de renseignement au déploiement de forces terrestres et de la destruction des moyens militaires adverses aux missions humanitaires. La puissance permet de conserver l’avantage en opération, souligne le CEMAA. Elle se combine avec une « agilité », accrue notamment par : l’avion de ravitaillement en vol et de transport stratégique Phénix ; le commandement des opérations aériennes « JFAC France » dans le cadre de l’OTAN ; les opérations spatiales ; le Rafale au standard F3-R, équipé du missile air-air longue portée Meteor, de la nacelle de désignation d’objectif Talios et de la version à guidage terminal laser de l’armement air-sol modulaire, adapté aux cibles mobiles ; le drone Reaper armé ; les capacités de lutte contre le déni d’accès à un théâtre ; la modernisation de la composante nucléaire aéroportée ; le système franco-allemand de combat aérien futur. Lors d’une rencontre avec la presse, le CEMAA a indiqué que l’avion de transport tactique A400M est en train d’acquérir les capacités d’atterrissage sur terrain sommaire et de largage de parachutistes par la porte arrière (ouverture commandée) et par les portes latérales (ouverture automatique). En outre, le ravitaillement en vol d’hélicoptères, qui leur permettra d’aller plus loin dans la profondeur, évitera d’installer des plots de ravitaillement au sol. Il réduira d’autant « l’empreinte au sol » des forces spéciales, qui imaginent l’usage de certains équipements pour répondre aux menaces existantes ou futures. Par ailleurs, « agilité » et « audace » induisent le décloisonnement des organisations et le recours aux « Big data » (mégadonnées), à l’intelligence artificielle (IA, transformation numérique) et à la connectivité. Sont ainsi concernés : le combat aérien ; la capacité de l’hélicoptère lourd ; l’action aérienne de l’Etat ; le Rafale au futur standard F4, successeur du F3-R à partir de 2025, équipé d’un système de reconnaissance capable de trier en direct les éléments d’intérêt militaire ; l’avion léger de surveillance et de reconnaissance ; la capacité universelle de guerre électronique, à savoir trois avions de renseignement stratégique livrables entre 2025 et 2027. Enfin, la coopération en interalliés porte sur l’interopérabilité entre les armées de l’Air française, américaine et britannique ainsi que sur l’installation d’un escadron de transport franco-allemand de six Hercules C-130J à la base d’Evreux.

Complexité et accélération. La complexité politique d’un conflit, consécutive à la culture et à l’Histoire, s’inscrit dans le temps long, explique Olivier Zadec. Elle inclut le temps réel des opérations, avec des lignes de réaction politiques à prévoir. Il s’agit de trouver l’équilibre entre le temps prévisible et le temps imprévu. La transformation de très nombreuses données en connaissance entre dans l’accélération de la boucle décisionnelle, en vue de réduire l’adversaire. L’OTAN a fabriqué de l’interopérabilité mais laisse l’indispensable autonomie de décision. Or la réactivité se vit au quotidien avec une action sur court préavis, rappelle le général Parisot. Les frappes en coalition se décident en quelques heures. Les avions peuvent décoller entre 2 et 7 minutes, avec la capacité de rappel pour un raid limité au résultat le plus significatif. La réussite de la mission rend impératif le recours à l’innovation technologique. L’IA prépare les informations utiles, complétées par celles de l’état-major, et présente des options au chef, qui décidera en toute connaissance de cause. Ainsi, au Levant, indique le général Parisot, média et réseaux sociaux influencent le rythme des opérations. En effet, une mission peut être interrompue à la suite d’une information, dont la vérification fera perdre du temps. Seul un modèle d’armée complet permet de trouver une place dans une coalition, mener une action autonome et disposer d’une certaine masse pour rester longtemps sur plusieurs théâtres et affronter une menace nouvelle, souligne le général. Enfin, le maintien de la supériorité opérationnelle, par l’innovation technologique, répond à l’ambition de pouvoir, en permanence, entrer en premier sur un théâtre, capacité des seules forces armées américaine, britannique et française.

Loïc Salmon

Le taux de féminisation dépasse 20 % dans l’armée de l’Air et dans son Ecole de Salon-de-Provence. Quoique toutes les spécialités soient ouvertes aux femmes, faute de volontaires aux aptitudes suffisantes, elles ne sont que 12 pilotes de chasse, dont le lieutenant-colonel Anne-Laure Michel. Selon elle, les élèves de l’Ecole de l’air, âgés de 18 à 30 ans, ultra-connectés car nés à l’ère du numérique et des réseaux sociaux, s’adaptent vite à la formation scientifique et technique dispensée. Une « smart school » ou formation à la carte, via la communication par internet, est en cours ainsi que des licences d’excellence sur le cyber, l’espace et les drones. Tout au long de sa carrière, un officier pourra accéder à son « passeport numérique de compétences ». La préparation au commandement consiste à faire prendre conscience de l’engagement en alliant compétences et qualités humaines pour obtenir l’adhésion des équipiers. Par exemple, lors de l’opération « Pamir » en Afghanistan (2001-2014), une mission de 6 heures, avec ravitaillements en vol dans un environnement hostile avec tirs possibles de missiles sol-air, était toujours dirigée par un « leader » apportant précision et audace. L’incertitude fait partie du métier de pilote de chasse, qui doit prendre la bonne décision au bon moment pour remplir sa mission. Les exercices interalliés permettent d’élaborer des méthodes communes par un travail « collaboratif », en vue d’une opération ultérieure en coalition.

Armée de l’Air : l’humain, les opérations et la modernisation

Armée de l’Air : le combat numérique au cœur des opérations




Exposition « Le nouveau visage de la guerre » à Verdun

L’année 1918, marque un tournant dans le premier conflit mondial, en raison de l’évolution du combat terrestre, de l’emploi du char et de l’avion et enfin de l’intervention de l’armée américaine, qui se modernise très rapidement.

Evolutions et innovations. Au début de la guerre, l’infanterie, « reine des batailles », dispose de la cavalerie, pour l’éclairage et la reconnaissance en avant-garde et la protection de la retraite, et de l’artillerie, pour accompagner ses mouvements. Des tranchées sur un front de 700 km et les hécatombes de 1915-1917 remettent en question ces tactiques. Outre les premières lignes, l’artillerie frappe désormais les zones de ravitaillement et de concentration des troupes adverses, situées à une dizaine de km à l’arrière du front. Elle conquiert le terrain par un « barrage de feu roulant », inventé par les Français, pour annihiler toute résistance de l’ennemi et permettre à l’infanterie d’avancer de 200 m toutes les trois minutes. En quatre ans, cette dernière passe de 67 % à 47 % des effectifs de l’armée française. Pour éviter les pertes importantes, elle ne part plus à l’assaut par vagues de bataillons ou régiments entiers, cibles de choix pour les mitrailleuses adverses. Quoique réduites en taille, les unités d’infanterie disposent d’une puissance de feu très supérieure. Ainsi, entre 1914 et 1918, un bataillon français passe de 1.100 hommes et 24 mitrailleuses à 700 hommes, 108 mitrailleuses et 24 fusils-mitrailleurs, inexistants au début de la guerre. L’artillerie légère s’est enrichie des mortiers de 81 mm et de canons de 37 mm. De petits unités, spécialisées et très bien équipées, s’infiltrent dans le dispositif adverse pour en détecter les faiblesses et laisser aux troupes, qui les suivent, le soin de réduire les poches de résistance. Gaz et lance-flammes changent le visage du combat. L’avion de chasse, qui vole à 300 km/h en 1918 contre 100 km/h quatre ans plus tôt, dispose de lance-bombes et de mitrailleuses synchronisées, qui empêchent l’ennemi de se fixer dans des tranchées profondes comme auparavant. La mobilité, grâce au char capable de franchir les tranchées, devient un facteur de victoire. La coordination de toutes les armes et services nécessite un important travail, souvent méconnu, des états-majors. Enfin, la mise au point en 1918 du commandement unifié, confié à Ferdinand Foch, maréchal de France, de Grande-Bretagne et de Pologne, ouvre la voie aux grands combats interarmées.

L’armée allemande. L’armistice de Brest-Litovsk signé avec la Russie le 3 mars 1918 permet à l’Allemagne de concentrer ses forces sur le front Ouest. Elle veut gagner la guerre avant l’arrivée des renforts venus des Etats-Unis, qui ont décidé, le 6 avril 1917, de participer au conflit. Elle peut aligner 3,5 millions d’hommes, soit 400.000 de plus que les Alliés. Son artillerie, qui dispose de canons modernes et diversifiés, ne cherche plus à anéantir ses objectifs. Pour gagner du temps et économiser ses munitions, elle effectue des bombardements brefs et concentrés, qui conservent l’effet de surprise, sur des objectifs soigneusement repérés par l’aviation d’observation. Les tirs mixtes d’obus explosifs et toxiques empêchent les fantassins adverses de sortir de leurs abris. Les « offensives de printemps » mobilisent toutes les ressources de l’armée allemande pour percer le front par des coups de boutoir successifs. Mais elles occasionnent de lourdes pertes : 500.000 hommes entre mars et juillet puis encore 300.000 entre juillet et septembre. Faute d’une victoire décisive, l’armée allemande se met en position défensive dès le 16 juillet. Elle ne dispose pas de force adaptée contre les chars et le manque de chevaux et de camions gêne sa mobilité. Sa résistance s’écroule début novembre.

L’armée française. Les lourdes pertes de l’été 1914 font prendre conscience de l’impact des armes modernes. Dès le mois de novembre, les comportements des soldats et des matériels sont adaptés à la guerre de tranchées. L’effort porte aussi sur le développement de l’aviation et de l’artillerie. Celle-ci triple de volume en quatre ans et comble son déficit en canons de gros calibre dès 1916. La mise en place d’une réserve d’artillerie lourde permet des concentrations rapides de canons. La multiplication des tracteurs automobiles accroît la mobilité de pièces. L’aviation commence par des missions de renseignement puis acquiert, dès l’été 1917, la supériorité aérienne qui lui permet de pratiquer le bombardement sur les arrières de l’ennemi. En 1918, la coordination devient effective entre les troupes au sol, l’artillerie et l’aviation. En outre, l’armée française a multiplié son format par huit. A partir de l’été, les fantassins associent leur expérience des tranchées à la redécouverte du mouvement…qu’ils maîtrisent moins bien que les troupes d’assaut allemandes. Entre chaque offensive et malgré leur épuisement, ils doivent poursuivre l’armée allemande qui se replie. La motorisation progressive facilite leur mobilité et celle des matériels. S’y ajoute l’emploi massif de chars légers pour ébranler, lentement mais sûrement, les lignes allemandes.

L’armée américaine. Jusqu’à l’été 1918, la doctrine américaine prône la guerre de mouvement et donc l’attaque frontale de fantassins, le fusil à la main, comme…les Français en 1914 ! Les combattants en première ligne passent de 100.000 en mars à 750.000 en août. La mort de 60.000 hommes en quatre mois conduit à un infléchissement de la doctrine. Celle-ci reconnaît le rôle de l’artillerie lourde et recommande l’emploi de chars en soutien. Les soldats doivent évoluer en dispositif souple, attaquer les flancs de l’ennemi et utiliser des armes automatiques. Toutefois, la doctrine ignore la logistique (ravitaillement et munitions) et le travail d’état-major, rendant difficile la coordination avec les Alliés. Soucieux d’être « associé » à la guerre et non plus un simple exécutant, le général John Pershing obtient de Foch de participer à la reprise du saillant de Saint-Mihiel (12-13 septembre), pour couper la retraite de l’armée austro-allemande (80.000 hommes + 30.000 en réserve). Les effectifs se montent à 216.000 Américains (+ 200.000 en réserve) avec 260 chars (50 % pilotés par des Français) et 48.000 Français. Le capitaine Harry Truman, futur président des Etats-Unis (1945-1953) et le colonel Douglas Mac Arthur, qui jouera un rôle majeur dans la guerre du Pacifique (1941-1945), participent à la bataille. Avec la victoire de Saint-Mihiel, l’armée américaine a démontré sa valeur au combat, qu’elle poursuivra en Meuse-Argonne au prix de lourdes pertes. Mais elle aura réussi sa montée en puissance.

Loïc Salmon

L’exposition « Le nouveau visage de la guerre » (4 juillet-21 décembre 2018), est organisée par le Mémorial de Verdun-champ de Bataille et le National WWI Museum and Memorial de Kansas City. Elle met en exergue l’intervention des troupes américaines lors des offensives sur la Meuse en 1918. Outre des photos, documents, dessins et armes, elle présente, à l’extérieur du Mémorial, l’évolution d’une arme nouvelle : le char de combat Renault FT (6,7 t) de 1917 et le char Leclerc (57,7 t) de 1993. Cette exposition s’accompagne d’une reconstitution historique (24-26 août 2018) par environ 1.000 figurants des 18 nations belligérantes de la Grande Guerre (1914-1918) avec leurs armes et équipements. Renseignements : www.memorial-verdun.fr

Le nouveau visage de la guerre

Grande Guerre : l’action des « Sammies » en Meuse-Argonne

« La Nuit aux Invalides », spectacle du centenaire de 1918

 




Forces spéciales Air : allonge, rapidité et puissance de feu

Les forces spéciales Air assurent une projection discrète de petits effectifs sur des objectifs à forte valeur ajoutée, constituant un outil de liberté d’action pour le chef d’Etat-major des armées.

Leur commandant, le général de brigade aérienne Louis Fontant, les a présentées à la presse le 11 janvier 2018.

Un système de forces. Des équipes de 3 à 10 militaires doivent se déplacer sur de longues distances, rapidement et en évitant les voies terrestres propices aux embuscades et engins explosifs improvisés, explique le général. Leurs missiles portatifs et canons de 20 mm ne leur permettent pas de neutraliser un adversaire bien retranché ou protégé par une épaisse muraille. Elles recourent alors à l’aviation de combat pour un appui feu rapide dans la profondeur. Une opération spéciale sur un théâtre extérieur nécessite des radars embarqués sur des drones, hélicoptères, avions de transport et de chasse. Les forces spéciales air disposent d’une capacité d’action dans des contextes particuliers, mais dépendent des forces conventionnelles terrestres aériennes et navales pour leurs besoins logistiques. L’armée de l’Air fournit les modules d’appui feu aux opérations spéciales. Une formation commune est dispensée aux forces spéciales des trois armées : sabotage, destruction d’objectifs, renseignement et récupération de personnels isolés. Toutefois, les forces spéciales Air constituent un système qui se décline en trois cercles, indique leur commandant. Le premier inclut les combattants au sol, qui totalisent environ 750 personnels, et des hélicoptères. Le deuxième comprend les moyens d’appui : génie, transmissions, largage de commandos en haute altitude et équipes NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique). Celles-ci récoltent les preuves d’utilisation de produits chimiques ou bactériologiques et procèdent aux évacuations d‘urgence de victimes. Le troisième cercle inclut l’aviation de chasse dans son ensemble et les unités chargées d’établir les procédures avec les forces spéciales au sol. S’y ajoutent : les drones Reaper (moyenne altitude longue endurance), bientôt équipés de capteurs de communications et d’armement ; le centre de formation des personnels pour la mise en œuvre de drones de toutes dimensions.

Les unités. Le Commando parachutiste de l’air N°10 s’entraîne en permanence. Chaque personnel participe à au moins une opération par an. Son effectif de 250 personnes devrait s’accroître de 40 recrues, dont des civils. Il assure la liaison avec l’aviation de chasse pour détecter les cibles, renseigne sur les positions des troupes amies afin d’éviter les tirs fratricides, dirige les frappes sur l’ennemi et évalue les dégâts causés à la cible. Il assure également la liaison avec les avions de transport pour reconnaître les zones de largage ou de poser, examiner les terrains d’atterrissage sommaire ou s’emparer d’une plateforme aéroportuaire (opération « Serval » au Mali en 2013). L’escadron de transport 3/61 « Poitou », basé à Orléans, dépose les commandos dans la profondeur et peut servir de PC volant ou de relais radio. Il sera doté des avions A400M pour la logistique et des KC-160J capables de ravitailler deux hélicoptères en vol dont la livraison est prévue en 2019. L’escadron 1/67 « Pyrénées », basé à Cazaux, regroupe les hélicoptères Caracal pour la recherche et le sauvetage à terre et en mer. Les autres modules d’appui incluent les équipes cynophiles, les systèmes de communication et de commandement, le génie aéronautique, le déminage et l’infrastructure aéronautique de campagne.

Loïc Salmon

Forces spéciales : opérations selon le droit de la guerre

Forces spéciales : ET «Poitou»/CPA10, binôme avions/commandos

Défense : les opérations aéroportées, capacités spécifiques selon les missions




Patrouille de France, la tournée américaine de 2017

Pour commémorer le centenaire de l’entrée en guerre des Etats-Unis dans la première guerre mondiale, la Patrouille de France (PdF) y a effectué une tournée de 7 semaines et 12 démonstrations entre le 17 mars et le 6 mai 2017.

Depuis sa création en 1931, elle a participé à de nombreux meetings aériens nationaux et internationaux. Elle s’était déjà rendue aux Etats-Unis en 1986, cent ans après l’érection, sur une île de la baie de New York, de la statue de la Liberté offerte par la France à l’occasion du centenaire de la Déclaration d’indépendance américaine et pour honorer l’amitié entre les deux nations. En 2009, la PdF avait parcouru 50.000 km à travers le monde pour célébrer les 75 ans de l’armée de l’Air. En 2017, composée de 72 personnels militaires, 10 Alphajet et d’un A400 M Atlas emportant 25 t de fret, elle a traversé la Grande-Bretagne, l’Islande, le Groenland, le Canada et les Etats-Unis. Outre New York et Washington, elle a survolé le centre spatial Kennedy de Cap Canaveral (Floride), d’où ont été lancées les missions Mercury, Gemini, Apollo et les navettes spatiales américaines entre 1961 et 1986. Le 6 avril à Kansas City, la PdF est invitée à la cérémonie commémorative du 100ème anniversaire de l’entrée des Etats-Unis dans le premier conflit mondial, en présence des autorités américaines, de présidents d’associations d’anciens combattants et de dignitaires politiques et militaires étrangers. Les 8 et 9 avril à la base de Maxwell (Alabama), elle participe à des meetings aériens avec la patrouille acrobatique des Thunderbirds de l’armée de l’Air américaine. Quoiqu’issue du corps des transmissions de l’armée de Terre en 1907, cette dernière n’obtient son autonomie qu’en 1947. Du 10 au 12 avril à la base aéronavale de Pensacola (Floride), la PdF évolue avec la patrouille acrobatique de la Marine américaine, les Blue Angels, dont les avions volent de façon très étagée à moins de 2 m les uns des autres. Le 30 avril à Ottawa, elle présente une démonstration avec son homologue canadienne, les Snowbirds. Cette visite a commémoré les 150 ans de la loi constitutionnelle du Canada et du centenaire de la bataille de la crête de Vimy (Pas-de-Calais), où pendant quatre jours 10.600 soldats canadiens furent tués ou blessés. La tournée en Amérique du Nord a inclus 30 vols de transit. La fraternité aéronautique entre la France et les Etats-Unis a commencé en 1916 sur la base de Luxeuil avec la création de l’escadrille N124 « Tête de Sioux », placée sous commandement français. Son personnel comprenait des jeunes volontaires américains, qui s’étaient engagés dans la Légion étrangère dès 1914. Pendant la durée du conflit, l’escadrille remporte 41 victoires homologuées mais perd 68 de ses 250 pilotes. En 1942, elle devient « La Fayette », puis en 1949 l’escadron de chasse 2/4 qui assure la mission aérienne tactique à partir de 1973. Renommée « La Fayette » en 2011, sa transformation sur Rafale est prévue en 2018. Après sélection, les pilotes de chasse justifiant d’au moins 1.500 heures de vol et de l’obtention de la qualification de chef de patrouille peuvent   intégrer la PdF en qualité de « charognard » (derrière le « leader ») ou intérieurs droit et gauche en vol. Les pilotes évoluent à 300-800 km/h à 3-4 m l’un de l’autre et subissent des accélérations de – 3 g à + 7 g. Indicatif radio de la PdF, « Athos leader » en désigne aussi le chef, qui a tenu un journal de bord pendant cette tournée.

Loïc Salmon

2017 : centenaire de la participation des Etats-Unis à la première guerre mondiale

Dissuasion nucléaire : résultat de la puissance militaire et de l’excellence industrielle

« Patrouille de France, la tournée américaine » SIRPA Air et Athos leader. Editions E/P/A, 168 pages, nombreuses photos, 35 €.




Terrorisme : évolutions stratégiques et sociologiques

Le terrorisme en Occident, autrefois le fait de professionnels motivés par une idéologie et qui préservaient leur vie, est devenu celui de jeunes qui y sont nés et souhaitent perdre la leur dans l’action.

Ce thème a fait l’objet d’une conférence-débat organisée, le 16 octobre 2017 à Paris, par l’Institut national des hautes études de défense nationale. Y est intervenu Olivier Roy, professeur de sciences politiques à l’Institut universitaire européen de Florence et spécialiste des religions comparées.

Recherche de légitimité. Le « djihad » (guerre sainte) concerne un territoire précis et relève d’autorités reconnues, à savoir les « ulémas » (théologiens de référence), gardiens de la tradition musulmane et qui veulent conserver le monopole de la force légitime, explique Olivier Roy. Daech se réclame des origines de l’islam pour justifier son existence. Le djihad forme un(e) islamiste global(e), détaché(e) d’une langue et d’un pays. Dans les années 1980, les volontaires musulmans d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient constituent les premiers djihadistes « globaux », combattant l’armée soviétique en Afghanistan. Les jeunes gens mineurs et même les jeunes filles peuvent s’y rendre sans autorisation de leurs parents. Le terrorisme islamiste survient dans les années 1990, quand Oussama ben Laden exclut de se fixer sur un territoire précis, trop vulnérable aux attaques soviétiques et kurdes. Sa stratégie consiste à se doter de zones sanctuarisées et de frapper les populations civiles pour établir le véritable « Etat islamiste ». S’inspirant de l’iconographie des « Brigades rouges » italiennes, Al Qaïda a pu recruter quelques centaines de jeunes radicalisés, venus chercher le « bon djihad » en Bosnie, en Tchétchénie, en Afghanistan et au Pakistan. Ensuite, des émirats islamistes sont apparus dans le Nord du Nigeria (Boko Haram) et de l’Indus, en Afghanistan, au Yémen, au Nord de l’lrak, au Mali et dans le désert du Sinaï. Il s’agit toujours de zones tribales aux liens familiaux très étroits…que le modèle djihadiste veut nier ! Daech estime que les sociétés occidentales, fragiles, seront mises à genoux par le terrorisme, aboutissement de la trajectoire d’un salafiste. En effet, la radicalisation salafiste prône une communauté de foi, qui oblige à vivre à part pour ne pas se laisser corrompre par la société. Daech a pu ainsi recruter quelques milliers de jeunes salafistes en Europe occidentale, dans les Balkans et en Amérique du Nord et même leur offrir un territoire entre Raqqah et Bagdad. Iconoclaste, il détruit tout ce qui peut rappeler le passé, y compris musulman (mosquée de Mossoul datant du XIème siècle). A partir de la culture des jeunes d’aujourd’hui, il élabore un imaginaire islamiste avec une esthétique de la violence. Les Khmères rouges et les nazis dissimulaient les exécutions, rappelle Olivier Roy. Par contre, Daech les exhibe et compte sur cette fascination pour s’opposer à un monde, où les sociétés, même musulmanes, se sécularisent sous l’influence de l’Occident. La radicalisation religieuse conduit de la violence symbolique à la violence réelle. Les jeunes radicaux recherchent l’action pour s’inscrire dans les grandes tendances géostratégiques, qui pourtant ne les concernent pas.

Profils et parcours. La radicalisation islamiste ne ressemble pas à celle des mouvements d’extrême-gauche, qui bénéficiaient du soutien de sympathisants. Pour Daech, c’est tout ou rien, souligne Olivier Roy. Ses adeptes n’ont pas de passé militant « islamo-gauchiste ». Ils comptent 65 % d’immigrés de la 2ème génération et 35 % de convertis à l’islam en Europe et 40 % aux Etats-Unis. En France, ils se trouvent parmi les jeunes Antillais et Africains de banlieue, non musulmans, et aussi parmi les Normands et les Bretons… mais pas les Corses ! Aucun n’a participé aux émeutes entre la police et les jeunes de quartiers sensibles. Malgré l’absence de passé religieux, ils croient qu’ils iront au paradis après leur rencontre avec leur modèle : Al Qaïda ou Daech. Comme les mouvements extrémistes (IRA provisoire et mafias), les entités islamistes profitent des traditions familiales, mais où les rôles s’inversent. Leur père n’étant pas considéré comme un « bon » musulman, les enfants vont endoctriner leur mère. Ils agissent souvent entre frères de sang. Lors des guerres du Daghestan (1999) et de Tchétchénie (1999-2009), des sœurs ou épouses reprennent le flambeau de leur frère ou mari, tué par la police. Depuis 2012, des jeunes femmes, volontaires ou forcées, rejoignent massivement Daech en Syrie, pour procréer ou y mourir. En effet, les jeunes radicalisés sont davantage nihilistes qu’islamistes et veulent mourir après l’attentat, réussi ou raté. Motivés par le suicide, ils se construisent une généalogie imaginaire pour devenir plus « saints » que leurs parents, dont la culture ne les intéresse pas. De leur côté, certains parents musulmans renient leurs enfants terroristes.

« Déradicalisation » difficile. Souvent petits délinquants au départ, les futurs djihadistes ont découvert la radicalisation en prison, sur internet ou auprès d’un pair radicalisé, explique Olivier Roy. La coopération européenne en matière de renseignement permet de les suivre et de démasquer les réseaux de radicalisation, malgré la difficulté à déceler l’individu isolé qui entrera en contact avec Daech trois mois plus tard. Les djihadistes occidentaux se considèrent comme des « militants », à l’exemple de ceux de l’extrême-gauche terroriste, en raison du choix qui a donné un sens à leur vie. Des mères tentent de « déradicaliser » leurs filles, revenues de Syrie et conscientes des excès de Daech. Autrefois en France, la laïcité se présentait comme une spiritualité et le communisme comme une forme de religion, tous deux porteurs de valeurs partagées. Aujourd’hui, l’appartenance religieuse redevient plus visible, mais avec des valeurs spécifiques. L’Etat peut décréter des normes, mais pas des valeurs.

Loïc Salmon

Défense et sécurité : s’organiser face au terrorisme protéiforme

Moyen-Orient : crises, Daech et flux de migrants en Europe

Géopolitique : frontières ignorées et affrontements futurs

Entre 1968 et 1990, des groupes d’extrême-gauche ont perpétré des attentats en Europe. Ainsi, en Allemagne de l’Ouest, la « Fraction armée rouge », financée et aidée par l’Allemagne de l’Est, a exécuté 34 personnes, dont Hanns-Martin Schleiyer, représentant du patronat allemand (1977) et Alfred Herrhausen, président de la Deutsche Bank (1989). En Italie, les « Brigades rouges » ont tué 84 personnes, dont l’ancien chef du gouvernement Aldo Moro (1978). En Grande-Bretagne, l’IRA provisoire a pratiqué les attentats à l’explosif contre l’amiral Louis Mountbatten (1979) et en Irlande du Nord, dont celui d’Omagh avec 29 morts et 220 blessés (1998). En Espagne, l’ETA basque a utilisé des explosifs, notamment à Madrid contre l’amiral Luiz Carrero Blanco (1973) et dans un centre commercial à Barcelone causant 21 morts et 40 blessés (1987). En France, « Action directe » a assassiné l’ingénieur général René Audran (1985) et le président directeur général de Renault Georges Besse (1986). Entre 2001 et 2015, le terrorisme islamiste a tué 232 Français en France et à l’étranger. L’attentat le plus meurtrier a eu lieu le 13 novembre 2015 dans Paris et sa banlieue (130 morts et 415 blessés), suivi de celui du 14 juillet 2016 à Nice (86 morts). Enfin en Espagne, l’attentat du 17 août 2017 à Barcelone a fait 14 morts et une centaine de blessés de 35 nationalités différentes.




Marine Nationale : 40 bâtiments en permanence à la mer

Les missions opérationnelles et de présence de la Marine nécessitent de combler le manque de patrouilleurs de haute mer, de pétroliers-ravitailleurs et d’hélicoptères légers, d’accroître la flotte et de fidéliser un personnel d’experts.

Son chef d’état-major, l’amiral Christophe Prazuck, l’a expliqué, le 4 décembre 2017 à Paris, au cours d’une rencontre avec l’Association des journalistes de défense.

Engagement intense. La Force océanique stratégique déploie au moins un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) depuis 1972. En Méditerranée, une frégate participe à l’opération européenne « Sophia » de lutte contre les trafics de migrants. Au large de la Syrie, l’opération « Chammal » mobilise une frégate pour la surveillance et un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) pour le recueil de renseignements. En raison de l’augmentation du nombre de sous-marins dans le monde, notamment en Atlantique depuis trois ans, les SNA (5 en patrouille sur 6) ont effectué en tout environ 1.000 jours de mer en 2017, soit le taux d’activité le plus élevé depuis le début de l’action sous-marine. La Marine russe est de retour. La Chine développe sa puissance océanique avec la construction de 80 navires de combat en quatre ans et d’une base navale à Djibouti. Elle affirme sa présence en Méditerranée et surtout en océan Indien dans la lutte contre la piraterie. Dans le cadre de la « Task Force 150 » de la lutte contre le terrorisme en océan Indien et d’autres missions, la frégate française Jean-Bart est restée 187 jours en mer en 2017. Une frégate assure la sécurité navale dans le golfe de Guinée (opération « Corymbe ») et d’autres navires de passage participent à l’entraînement « Nemo » des Marines riveraines pour l’intervention en mer. La pêche industrielle fait en effet courir un risque alimentaire à cette région. Au large de la Guyane, la pêche illégale, pratiquée par des bateaux brésiliens et du Surinam, atteint un niveau élevé de violence. La présence de bateaux de pêche vietnamiens près de la Nouvelle -Calédonie nécessite une coopération internationale. Fin novembre, le bâtiment de projection et de commandement Tonnerre et la frégate Chevalier-Paul sont partis soutenir les forces françaises engagées en Méditerranée et en océan Indien et s’entraîner avec la Marine américaine (exercice « Bois Belleau 100 ») au large du golfe Arabo-Persique.

Compétences à fidéliser. L’âge moyen d’un équipage, tous navires confondus, est de 30 ans, contre 35 ans pour les autres armées. Cette jeunesse s’explique par le service en 3×8 à bord, l’éloignement de longue durée et la préparation permanente au combat. La réduction des équipages sur les nouveaux navires implique polyvalence et responsabilités personnelles accrues. Recrutés à 20 ans, les personnels non officiers acquièrent une expertise technique pendant 15 ans et quittent la Marine à 40 ans. Pour éviter qu’ils ne partent trop tôt (vers 30-35 ans) dans le monde civil qui les convoite, le commandement doit prendre en compte leur rémunération mais aussi la conciliation de leur métier avec leur vie privée : logement, emploi du conjoint et garde d’enfants. La féminisation atteint 14,7 % (9 % à la mer) avec 64 bâtiments adaptés et 36 femmes ayant déjà commandé à la mer. Mais les femmes partent vers 32 ans pour fonder une famille. Un SNLE doit bientôt partir en patrouille avec 4 officiers féminins disposant d’une chambre individuelle : 1 médecin, 1 chef de quart, 1 expert nucléaire et 1 spécialiste en mécanique, électricité et sécurité plongée.

Loïc Salmon

Afrique : coopération française en matière de sécurité maritime

Marine nationale : motiver, fidéliser et accompagner

Défense : le « plan famille » de fidélisation des militaires




Armée de Terre : faire face à toutes menaces, ici et là-bas

Posture dynamique sur le territoire national et recherche de l’innovation dans les engagements de haute intensité sur les théâtres d’opération extérieurs.

Cette vision pour l’armée de Terre a été exposée par son chef d’état-major, le général Jean-Pierre Bosser, lors de sa présentation, le 19 octobre 2017 à Satory (banlieue parisienne), devant les officiers stagiaires de l’Ecole de Guerre, les auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale et la presse.

La 3ème Division à l’honneur. Vedette de cette journée de présentation, la 3ème Division fournit des unités entraînées aux 2 division de l’armée de Terre (AdT). Elle comprend 3 brigades (parachutiste, blindée et légère blindée) et 3 régiments organiques des forces terrestres (cavalerie, génie d’appui et artillerie). Son état-major, basé à Marseille, constitue un centre expert de décision et d’exécution pour la préparation à l’engagement opérationnel et la génération de forces. Les équipements de ses unités seront renouvelés par les systèmes d’armes du programme Scorpion. Sa démonstration du 19 octobre 2017 s’est articulée autour de deux présentations de combat aéroterrestre. La première a mis en valeur les actions menées, contre un ennemi asymétrique, par une approche globale de résolution de conflit dans le cadre d’un partenariat avec un pays ami menacé. Cette approche inclut : l’assistance militaire opérationnelle ; la neutralisation de groupes armés ennemis par les forces spéciales ; les opérations militaires d’influence ; la reconnaissance d’un axe pour un convoi logistique et la réaction à une attaque par engin explosif improvisé. La seconde présentation a montré l’action de l’AdT dans un conflit de haute intensité. Sa capacité porte sur : l’identification de la menace ; le renseignement sur l’ennemi ; la préparation à l’engagement ; l’évaluation de l’ennemi sur le terrain ; l’ouverture du feu dès le contact.

Les impératifs d’une ambition. Conformément à l’objectif fixé par le président de la République de devenir les premières en Europe, les armées françaises verront leur budget augmenter de 1,8 Md€ en 2018, puis de 1,7 Md€ par an jusqu’en 2022, en vue d’atteindre 2 % du produit intérieur brut en 2025. Selon le général Bosser, cela implique, pour l’AdT, de maintenir son modèle complet, ou presque, en vue d’intervenir seule en premier et affronter un ennemi conventionnel, hybride ou irrégulier. Cela exige de la « masse » pour durer, pourvoir renouveler hommes, munitions et équipements et enfin de créer un effet d’entraînement vis-à-vis des armées partenaires. Suffisamment aguerris, les soldats français devront combiner haute technologie et rusticité, continuer à combattre malgré les pertes et accepter de payer le prix du sang. La possession des équipements les plus modernes assurera une meilleure protection, permettra de pratiquer un combat interarmes « infovalorisé » (échange automatique des flux massifs d’informations entre systèmes d’armes) et garantira de rester dans la course à l’innovation. S’y ajoute la capacité à constituer ou soutenir une coopération, en la dirigeant ou en lui apportant un concours. De plus, permettre aux soldats et à leurs familles de vivre et travailler dans de bonnes conditions préservera l’attractivité du métier des armes. Par ailleurs, constate le général Bosser, l’adversaire durcit ses modes d’action et les conflictualités se diversifient. Les forces terrestres subissent un étalement, lié au nombre, à la dispersion et aux élongations des théâtres d’opérations, provoquant des tensions sur les hommes, les compétences et les équipements. De plus, la perception des faits l’emporte de plus en plus sur leur réalité, à savoir l’influence des émotions, idéologies et croyances personnelles sur l’opinion publique. Il s’agit donc, à tous les niveaux de responsabilité, de vaincre et de convaincre, souligne le chef d’état-major de l’AdT. Celle-ci doit retrouver, en 2018, son niveau d’entraînement d’avant les attentats de 2015, qui ont déclenché son redéploiement sur le territoire national pour en renforcer la sécurité. La reprise de la préparation opérationnelle interarmes, amorcée en 2017, sera amplifiée en 2018. En matière d’équipements, le projet MCO-T 2025 (maintien en condition opérationnelle Terre à l’horizon 2025) va séparer l’entretien opérationnel, au plus près des forces, de la maintenance industrielle pour produire simultanément du potentiel et de la disponibilité. L’Adt devra recruter du personnel civil et dégager des financements pour confier davantage de maintenance aux entreprises privées.

Les ressources humaines. L’AdT devra aussi recruter des personnels, développer leurs compétences puis les fidéliser. En 2017, l’Adt, qui constitue 42 % de l’effectif total des forces armées, compte : 75 officiers généraux ; 11.000 officiers ; 31.000 sous-officiers ; 56.000 militaires du rang ; 19.000 réservistes opérationnels ; 8.200 civils. Elle emploie surtout des personnels sous contrat dans 400 métiers : 74 % parmi les militaires, dont 100 % chez ceux du rang. Sa moyenne d’âge se situe à 33 ans : 40 ans pour les officiers ; 38 ans pour les sous-officiers ; 28 ans pour les soldats. L’AdT encourage la promotion interne avec environ 50 % des officiers et sous-officiers sortis du rang. Enfin, son chef d’état-major souhaite redonner ses lettres de noblesse à l’Ecole de Guerre, définir le rôle et la place du renseignement de niveau tactique, structurer l’aguerrissement et rénover la doctrine de la cynotechnie.

La protection du territoire national. Créé en juin 2016, le Commandement Terre pour le territoire national (Com TN) a pour mission d’optimiser l’engagement de l’AdT en soutien à l’action de l’Etat, en métropole et outre-mer, dans un cadre interarmées et interministériel. Ainsi, en cas de crise, le préfet de département, directeur des opérations, la gère avec les forces de sécurité intérieure. En cas de besoin, il demande des renforts militaires au préfet de zone de défense et de sécurité. Ce dernier et l’officier général de zone de défense et de sécurité formulent une demande de concours ou une réquisition de capacités militaires. Puis le chef d’état-major des armées décide le déclenchement d’une opération ou d’une mission intérieure et la mise à disposition de moyens. L’AdT fournit alors des capacités militaires à la chaîne opérationnelle, afin de produire l’effet nécessaire à la résolution de la crise. Le Com TN se trouve ainsi en mesure de renforcer les structures de commandement opérationnel de crise.

Loïc Salmon

Armée de Terre : préparer les ruptures stratégiques et technologiques de demain

Armée de Terre : mise en place du modèle « Au Contact »

Armée de Terre : un état-major de forces immédiatement projetable

En 2017, l’armée de Terre regroupe : 106.000 personnels, dont 10 % de femmes ; une force projetable de 77.000 militaires ; 2 divisions de combat (1 en préparation opérationnelle et 1 en opération extérieure ou intérieure) de 7 brigades interarmes, dont la Brigade franco-allemande, et 1 brigade d’aérocombat. Elle est équipée de : 225 chars Leclerc ; 250 chars médians ; 3.300 véhicules blindés multi-rôles et de combat d’infanterie ; 160 hélicoptères de reconnaissance, d’attaque et d’appui ; 126 hélicoptères de manœuvre ; 25 drones tactiques ; 109 canons de 155 mm ; 863 porteurs polyvalents tactiques ; 93.080 fusils d’assaut HK416, livrés à partir de 2017 pour remplacer les Famas. Son budget se monte à 8,6 Mds€ contre 32,7 Mds€ pour celui de la Défense, inclus dans celui de l’Etat (322,4 Mds€).




Défense : face aux menaces, un modèle d’armée complet

Les armées doivent protéger le territoire national, répondre à une crise dans le voisinage proche, conserver l’ascendant sur tout adversaire non étatique, réagir à une confrontation avec un Etat.

Ces missions, complémentaires de la dissuasion nucléaire avec ses composantes aérienne et océanique, ont été définies dans le document « Revue stratégique de défense et de sécurité nationale 2017 », rendu public le 13 octobre 2017 par le ministère des Armées pour préparer une nouvelle loi de programmation militaire.

Protection. Le territoire national sera mieux protégé par : la modernisation du réseau radar de surveillance maritime Spationav ; la couverture radar 3D de l’espace aérien ; la posture de protection terrestre avec capacité à opérer en milieu nucléaire, radiologique, biologique ou chimique. Les capacités de détection et de neutralisation des drones aériens ainsi que la protection des équipements et des personnels seront développées. Elles complèteront la modernisation des systèmes sol-air, des hélicoptères légers et des moyens navals, sous-marins et aéromaritimes.

Adaptation et coopérations. Sous très faible préavis, les armées doivent pouvoir intervenir simultanément sur des théâtres d’opérations dispersés. La durée variable des engagements nécessite une masse critique suffisante de forces disponibles (hommes, équipements et stocks). Cette capacité repose sur une base industrielle et technologique de défense, qui requiert la participation des armées à des tâches associées à l’exportation. Sur le plan opérationnel, les armées doivent : acquérir et conserver la supériorité au combat dans tous les milieux ; frapper dans la profondeur ; acheminer les moyens en urgence sur un théâtre durci et les protéger contre les menaces conventionnelles ; être mobiles au sein du théâtre ; fournir les appuis feu au contact de l’adversaire ; mener des opérations amphibies, aéroportées, en zone urbaine, montagne, désert ou jungle ; extraire du personnel en milieu hostile. Toutefois, agir de façon autonome dans n’importe quel contexte et détenir toutes les aptitudes au plus haut niveau de performance ou de masse ne semblent guère possibles aujourd’hui. Mais le renoncement, même temporaire, à une aptitude opérationnelle entraîne un risque de perte définitive de certaines compétences. Par ailleurs, faute de capacités suffisantes, la complexité de certaines missions nécessite des partenariats, une fois les conditions politiques réunies. En coalition, l’interopérabilité implique des normes communes, techniques pour les systèmes de commandement et équipements majeurs, mais aussi en matière de concepts, doctrines, tactiques et procédures. Parfois, la France doit pouvoir fournir des capacités discriminantes et un volume de forces significatif pour jouer le rôle de « nation cadre » pour des actions relevant d’aptitudes militaires à haute valeur ajoutée : planification ; génération de forces, commandement et contrôle d’une opération. Dans le cadre de l’OTAN, elle doit fournir les capacités nécessaires au commandement d’une petite opération commune (SJO en anglais) et d’une composante pour une grande opération commune (MJO). Elle participe à la définition des normes OTAN sur l’interopérabilité des matériels et le contrôle politique des nations sur les capacités communes essentielles.

Renseignement. Il s’agit d’investir dans tout le spectre : humain, électromagnétique, radar, optique et numérique. Les plates-formes, capteurs et modes de recueil seront diversifiés : aéronefs habités ; drones ; unités navales ; moyens spatiaux. Leur complémentarité doit permettre l’accès à des cibles liées à tout type de menaces. Pour accélérer les prises de décisions, une meilleure interconnexion entre les différents systèmes améliorera et intégrera des traitements automatisés d’exploitation et d’analyse, intelligence artificielle et « big data » compris. La vulnérabilité croissante des moyens de commandement et de surveillance nécessite de sécuriser les moyens spatiaux et la conduite des opérations en augmentant, notamment, le niveau de protection et de résilience des futurs satellites Syracuse 4. En outre, la capacité d’alerte avancée permettra de mieux identifier une menace balistique, en déterminant l’origine d’un tir et l’évaluation de la zone ciblée.

Systèmes de commandement. L’amélioration de l’homogénéité et de l’interopérabilité des systèmes facilitera l’engagement sur un théâtre avec les Etats membres de l’OTAN et des pays partenaires de circonstance. La boucle décisionnelle sera accélérée par le partage de l’information, tout en en gardant la maîtrise dans le risque cyber. Entrer en premier. Face aux systèmes défensifs de haute technologie et aux capacités adverses de déni d’accès dans les milieux physiques et immatériels, il s’agit de disposer de la capacité de passer outre et de réduire le niveau de la menace, en vue d’y conduire des opérations militaires. Au préalable, celles-ci exigent la supériorité aérienne pour conférer la liberté d’action nécessaire aux forces terrestres et navales. La frappe des centres de gravité ennemis dans la profondeur du théâtre nécessite de pouvoir opérer depuis le territoire national, à partir de bases aériennes projetées, d’emprises terrestres ou depuis la mer par le groupe aéronaval. L’allonge des systèmes d’armes augmentera avec la combinaison entre avions ravitailleurs et armements. La capacité de projection de puissance sera accrue par les missiles de croisière : navals ; aéroportés rénovés ; antinavires à développer avec la Grande-Bretagne. Les capacités des forces spéciales seront renforcées en termes de projection et de mobilité. Les opérations dans l’espace numérique jusqu’au niveau tactique, intégrées à la chaîne de planification et de conduite des opérations militaires, exploiteront la numérisation croissante des adversaires, étatiques ou non.

Combat terrestre futur. Le programme Scorpion de l’armée de Terre permettra d’augmenter la puissance et l’agilité des unités engagées. L’armement des drones aériens apportera une capacité de réaction adaptée à des adversaires plus fugaces et à des espaces étendus. Le successeur du char Leclerc et le futur système d’artillerie seront étudiés en coopération avec l’Allemagne.

Loïc Salmon

La France a souscrit des engagements contraignants dans le cadre du Traité sur l’Union européenne de 2009 (TUE) et du Traité de Washington de 1949. L’article 42.7 du TUE précise : « Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations Unies ». Le TUE rappelle que « les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre ». Selon le Traité de Washington, la France doit « assister la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, telle action (jugée) nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord ».




Défense : vers un renforcement du lien Armées-Nation

Outre leurs objectifs stratégiques et opérationnels, les armées constituent une chaîne humaine, des anciennes générations aux plus jeunes, au sein de la nation qu’elles servent aussi par leur action sociale et le devoir de mémoire. Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’Etat auprès de la ministre des Armées, a présenté ses objectifs devant la presse, le 20 octobre 2017 à Paris.

Service national universel. Projet de société voulu par le président de la République, le « service national universel » ne sera pas militaire et résultera d’une coordination interministérielle relevant du Premier ministre, souligne la secrétaire d’Etat. Il impliquera notamment les ministères des Armées, de l’Intérieur, de l’Education nationale et des Sports. D’une durée d’un mois, il vise à susciter l’engagement personnel et citoyen et développer l’esprit de défense et de la sécurité du pays. Il pourrait inclure, notamment, la cybersécurité de base et l’apprentissage des gestes de premiers secours en cas de catastrophe naturelle ou de terrorisme. Il permettra de vérifier le niveau d’illettrisme et l’état de santé des jeunes (dépistage et prévention de maladies). Au niveau parlementaire, la commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale va mettre sur pied une mission spécifique sur le projet de service national universel. Le Sénat devrait faire de même. Dans une première phase, le Premier ministre va constituer une mission d’inspection de tous les dispositifs existants concernant la jeunesse. Ensuite, une commission de haut niveau procédera à des auditions et évaluera les éléments juridiques, en vue de formuler des propositions au printemps 2018. Puis le président de la République fixera une ligne budgétaire bien identifiée dans le projet de loi de finances 2019. Responsable de la contribution de son ministère au projet de service national universel, Geneviève Darrieussecq a rappelé l’appétence des armées à développer un soutien à la jeunesse par leur savoir-faire, notamment dans le cadre du « service militaire adapté » pour l’insertion socioprofessionnelle des jeunes de 18 à 25 ans dans les départements et territoires d’outre-mer. En outre, à titre expérimental, l’armée de Terre a organisé un « service militaire volontaire » d’un an en métropole pour 1.000 jeunes en difficultés, dont 70 % ont pu se réinsérer dans la société à l’issue. Mais cela nécessite du personnel d’encadrement, que les armées peinent à fournir en raison de leurs engagements prioritaires. La « Journée Défense et Citoyenneté », essentiellement encadrée par la Gendarmerie et les réservistes, devrait disparaître lors de la mise en œuvre du service national universel, a indiqué, Geneviève Darrieussecq.

Société et culture. Relais du monde combattant, le secrétariat d’Etat l’accompagne, de la formation initiale puis continue au cours de la carrière et jusqu’à la réinsertion dans la vie civile. Il développe des partenariats avec les centres académiques et d’enseignement technique, pour faciliter le recrutement de militaires formés. Le Service de santé des armées évolue et organise son réseau local, pour conserver sa capacité opérationnelle et mettre ses compétences à la disposition de la population. Par ailleurs, le ministère des Armées constitue le deuxième opérateur culturel de l’Etat avec les musées de l’Armée, de la Marine et de l’Air et de l’Espace. Les hauts lieux de mémoire militaire, qui connaissent une fréquentation croissante avec 12 millions de visiteurs par an, apportent un soutien économique local.

Loïc Salmon

Garde nationale : catalyser les réserves militaires et civiles

Résilience : la survie de la collectivité nationale

Service de santé des armées : garantir aux blessés les meilleures chances de survie




Défense : le « plan famille » de fidélisation des militaires

« Rendre possible la conciliation entre l’engagement dans les armées et une vie familiale épanouie », tel est l’objectif du « plan famille » 2018-2022.

Florence Parly, ministre des Armées, a ainsi présenté à la presse, le 31 octobre 2017 à Paris, ce plan destiné à améliorer les conditions de vie des militaires.

Compréhension et concertation. Le plan famille a été établi avec les instances de concertation (Conseils et Conseil supérieur de la fonction militaire) et les associations impliquées dans l’action sociale. D’un montant de 300 M€ de crédits nouveaux sur 5 ans, il sera mis en œuvre à 70 % dès 2018. Il comprend douze mesures, dont la moitié pourra s’appliquer au personnel civil du ministère des Armées : faciliter la vie du conjoint par un élargissement et une simplification de l’offre des prestations sociales ; fournir au militaire déployé un accès internet wifi gratuit, surtout dans les emprises mal équipées du territoire national ; amplifier le soutien moral et psychologique des familles avant, pendant et après les missions opérationnelles ; exonérer de toute avance de fonds le militaire lors des déplacements en mission ; offrir aux militaires une meilleure visibilité sur leur mutation, soit 5 mois de préavis dans 80 % des cas ; améliorer le dispositif de prise en compte des déménagements ; renforcer et améliorer l’offre de logement dans les zones de densification ou de tension locative forte, notamment en Ile-de-France, en proposant 660 logements en métropole de 2018 à 2020 ; accompagner tous les membres de la famille, à savoir dans le travail du conjoint, la garde des enfants (240 places supplémentaires en crèche en 2018) et leur scolarité ainsi que la vie associative ; faciliter l’information et l’intégration des familles à la communauté de défense (création d’un portail e-social) ; faciliter la capacité du commandement à organiser localement des activités de cohésion incluant les familles ; individualiser les parcours professionnels, notamment pour les familles monoparentales ou séparées et les couples de militaires, en vue de pouvoir exercer leur droit de visite des enfants ; épauler les familles lors de la blessure du militaire ou de son décès.

Sociologie militaire. Selon une étude réalisée par le ministère des Armées, 47 % des militaires sont mariés, 6 % ont signé un PACS et 18 % ont vécu une rupture d’union. De nombreuses femmes militaires vivent en couple avec un conjoint militaire. Environ 55 % des militaires ont des enfants (deux en moyenne). En tout, 70 % des militaires ont constitué leur propre famille : 90 % en famille nucléaire, avec ou sans enfant ; 7 % dans une famille recomposée ; 3 % dans une famille monoparentale, surtout des femmes. En matière de logement, 42 % des militaires sont locataires de leur résidence principale, 33 % en sont propriétaires et 25 % sont hébergés à titre gratuit. La mobilité et ses contraintes conduisent 11 % des militaires, contre 1% des Français, à choisir le célibat géographique en raison du travail du conjoint, de la scolarité des enfants, de l’environnement social ou de la propriété de la résidence principale.

Djihadistes français. Florence Parly a précisé que les djihadistes français, capturés en Irak, seront jugés dans ce pays. La situation de leurs enfants sera examinée au cas par cas. Certains pourront être rapatriés, mais en tenant compte de la volonté de leurs parents. En Syrie, les Français combattant dans les rangs de Daech font l’objet d’un signalement auprès du Comité international de la Croix-Rouge. S’ils rentrent en France, ils s’exposent à des poursuites judiciaires systématiques.

Loïc Salmon

L’ONAC-VG : 100 ans au service du monde combattant

Service de santé : « Maison des blessés et des familles » à Percy

Défense : les armées, leur image et leurs moyens