Défense : l’ONERA, acteur majeur de l’innovation

La France dispose des moyens de développer les technologies nécessaires à sa souveraineté, assurée notamment par la dissuasion nucléaire, grâce aussi à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA).

Ce dernier a été présenté à la presse, le 22 mars 2018 à Paris, par l’ingénieure générale Caroline Laurent, directrice de la stratégie de la Direction générale de l’armement (tutelle de l’ONERA), et Thierry Michal, directeur technique général de l’ONERA.

Préparation de l’avenir. L’innovation, en coordination avec l’intelligence artificielle, est vitale pour la supériorité opérationnelle. Outre une meilleure appréhension des menaces futures, elle permet de préparer les armes pour les contrer, souligne l’ingénieure générale. Le budget innovation de la défense a été porté à 1 Md€ pour en renforcer le socle technologique et construire davantage de démonstrateurs. L’ONERA, qui remplit une mission de service public pour la recherche appliquée, travaille avec les ministères des Armées et de la Recherche, la Direction générale de l’aviation civile, les industriels et les start-ups des secteurs aéronautique et spatial. Son fonctionnement est assuré à 49 % par des subventions de l’Etat et à 51 % par des contrats commerciaux. Ses travaux dans les domaines hypersonique et de la furtivité (signature radar très faible), qui relèvent exclusivement de la défense, préparent les ruptures technologiques, en lien avec la dissuasion nucléaire, les systèmes de défense aérienne et ceux du combat aérien. En matière de ruptures technologiques, indique l’ingénieure générale, il s’agit de maîtriser les concepts avant de les partager, notamment avec Singapour pour éviter de trop dépendre des Etats-Unis. Outre des installations « stratégiques », l’ONERA dispose de savoir-faire complexes dans l’aérodynamique, l’énergie, les matériaux composites pour la furtivité, les capteurs, l’optronique et le traitement de l’information.

Expertise de référence. Dans le domaine aérospatial, l’ONERA apporte son expertise à l’Etat, répond aux enjeux du futur, contribue à la compétitivité de l’industrie et prépare la défense de demain, explique son directeur technique général. Pour cela, il dispose de 70 ans d’expertise, d’un niveau scientifique de premier rang mondial, de 2.000 collaborateurs (300 doctorants et post-doctorants) répartis sur 8 sites, d’un budget annuel de 235 M€ et de 12 souffleries utilisables par des clients étrangers (premier pôle de compétences en Europe). Il coopère avec la NASA américaine, le Centre national d’études spatiales et MBDA (missiles balistiques, porteurs et interfaces entre eux pour la dissuasion nucléaire). Il participe à tous les grands programmes : radars ; Rafale ; avion de transport tactique A400M ; hélicoptères civil H-160/HIL à pales silencieuses ; drone européen nEUron (furtivité) ; BLADE pour les études de pénétration des futurs missiles face à des défenses aériennes et pour la définition d’architecture du système de combat aérien futur. En matière de défense, la télécommunication optique permet furtivité et discrétion avec un débit important de bandes passantes. Les études sur le radar à longue portée pour l’observation des satellites, lancées en partenariat avec Thales, ont débouché sur des essais en 2017 en vue d’une qualification en 2019. Le radar Graves détecte, entre 400 km et 1.000 km d’altitude et avec une description précise de leurs orbites, les satellites espions représentant une menace pour les forces. Vers 2030, il devrait pouvoir déceler des objets d’une taille inférieure à 10 cm et encore plus éloignés.

Loïc Salmon

Espace : sécurisation en question et dissuasion nucléaire

Drones : préparer le combat aérien de demain

Drones et armes hypersoniques : futurs enjeux de puissance




Défense : 2017, budgets mondiaux et modernisation

Les budgets militaires ont stagné dans le monde en 2017, sauf en Europe. Chine et Russie améliorent la qualité de leurs armements. Etats-Unis, Chine et Russie modernisent leur arsenal nucléaire. L’Afrique de l’Est s’internationalise.

Tel est le constat du document « Military Balance 2018 » de l’Institut d’études stratégiques de Londres (International Institute for Strategic Studies, IISS), présenté lors d’une conférence-débat organisée, le 28 février 2018 à Paris, par l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire. Y sont notamment intervenus : François Heisbourg, président du conseil de l’IISS ; le général de brigade (2S) britannique Ben Barry, chercheur à l’IISS ; Sonia Le Gouriellec, maître de conférences à l’Université Catholique de Lille.

L’Europe. L’analyse des exercices budgétaires 2016-2017 relatifs à la défense des pays européens, dont la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, montre une augmentation sensible en valeur absolue. Cela correspond à une rupture avec la politique des « dividendes de la paix » (prônée après la dissolution de l’URSS en 1991), souligne François Heisbourg. La France et la Grande-Bretagne suivent des trajectoires très convergentes. La France pourrait bientôt dépasser la Grande-Bretagne lorsqu’elle y consacrera 2 % de son produit intérieur brut (PIB), objectif fixé par l’OTAN à ses membres. Malgré l’augmentation régulière de son budget militaire, l’Allemagne glisse plutôt vers 1 %, car son PIB croît plus rapidement.

La Chine. La modernisation des forces aériennes se poursuit, explique le général Barry. L’avion de combat furtif Chengdu J-20 devrait entrer en service vers 2020, mettant fin au monopole américain dans ce domaine. En matière de missiles air-air, le PL-10 d’une portée de 30 km, en service depuis 2015, sera suivi, dès 2018, du PL15 (150 km) et, vers 2020, du PL XX, tous deux de même portée avec statoréacteur et radar à antenne active contre toutes cibles aériennes. Des missiles à longue portée (400 km) contre avions gros porteurs sont en développement. Le PL 10 a été proposé à l’exportation peu après son entrée en service dans l’armée de l’Air chinoise. La suprématie aérienne des Etats-Unis et de ses alliés n’est plus assurée. Depuis 2000, la Chine a construit plus de sous-marins, frégates et corvettes que la Corée du Sud, l’Inde et le Japon réunis. Le tonnage en bâtiments de combat et de soutien, lancés au cours des quatre dernières années, dépasse celui de toute la Marine française. Avec la mise à l’eau du premier croiseur de la classe 055 (12.000 t), la Chine rattrape son retard en capacité offensive. Sa Marine navigue jusqu’au large de l’Europe et sa base de Djibouti lui permettra d’autres déploiements. S’y ajoute le renforcement des infrastructures militaires sur des atolls en mer de Chine méridionale. Les recherches progressent en matière de technologies avancées, y compris dans l’informatique et la « communication quantique ». La Chine ne se contente plus de rattraper l’Occident et innove dans la défense globale. Ses dépenses militaires s’alignent sur une croissance annuelle de 6-7 % de son PIB. Toutefois, l’emploi optimal de toutes ces capacités implique des progrès similaires dans l’entraînement, la doctrine et la tactique. En matière de dissuasion nucléaire, la Chine devrait en reconstituer la composante aérienne dans le cadre d’une future force de bombardement. Enfin, pour contrer les défenses antimissiles adverses, elle poursuit le développement de planeurs hypersoniques.

La Russie. Principal sujet de préoccupation pour la sécurité de l’Est et du Nord de l’Europe, la Russie déploie des équipements militaires de pointe, dont le système de défense aérienne et antimissile S-400 et les missiles balistiques Iskander de 500 km de portée, sur son flanc Ouest, indique le général Barry. Quoique les forces armées reçoivent des matériels neufs, la rupture technologique annoncée semble plus lente que prévu. La Russie connaît des insuffisances sur les plans financier et industriel. Les systèmes d’armes avancés, comme l’avion de combat Su-57 et le char de bataille T-14, vont entrer en service, mais en nombre plus réduit qu’initialement prévu. Encore plus affectée, la Marine compte compenser la limitation des constructions de grands navires neufs par l’équipement d’unités plus petites en systèmes d’armes de haute précision. Parallèlement, la Russie investit dans les lance-roquettes unitaires, parties intégrantes de son arsenal depuis longtemps. Elle continue de manifester sa volonté d’utiliser ses moyens militaires à ses frontières et à l’étranger. Elle tire profit de sa réelle puissance militaire pour développer équipements et formations des personnels. Elle s’intéresse aussi aux capacités, dépassant les simples forces conventionnelles, mais faciles à développer et à déployer sans qu’on sache pourquoi. Les pays occidentaux n’ont guère réagi par des contremesures ou des sanctions. Ainsi, il convient d’observer : ses tentatives de puissance financière, notamment par la prise de participations de blocage dans des infrastructures économiques ; sa propagande ciblée vers les minorités russophones et partis politiques pro-russes ; l’affirmation de sa « cyberpuissance » par l’interférence dans les processus démocratiques. Comme les Etats-Unis, la Russie, modernise les composantes terrestre, navale et aérienne de sa dissuasion nucléaire. Comme la Chine, elle met au point des planeurs hypersoniques pour percer les défenses antimissiles.

L’Afrique de l’Est. La contribution des pays est-africains aux opérations de maintien de la paix dans le cadre de l’ONU leur permet de constituer un socle pour leurs propres armées, explique Sonia Le Gouriellec. Forts de leur expérience, le Kenya et l’Ethiopie ont même ouvert des écoles de maintien de la paix. Ces opérations permettent aux Etats de professionnaliser leurs armées, de renouveler leurs matériels selon les normes ONU et de toucher des indemnités par prélèvement d’une partie des soldes versées. Djibouti, qui déploie ainsi 34 % de ses troupes à l’étranger, compte faire passer ses forces armées de 8.000 à 15.000 hommes et développer ses capacités aérienne, navale, terrestre et de renseignement. Plusieurs pays étrangers y disposent de bases militaires : la France depuis 1977 ; les Etats-Unis qui y investissent 64 M$/an ; la Chine pour stationner 10.000 hommes dans le cadre du projet des « nouvelles routes de la soie » ; le Japon et l’Italie pour lutter contre la piraterie.

Loïc Salmon

 

L’institut d’études stratégiques de Londres publie chaque année un document intitulé « Military Balance » sur les capacités militaires et les budgets de défense de plus de 170 pays. L’édition 2018 présente les budgets 2017 : Etats-Unis, 602,8 Mds$ ; Chine, 150,5 Mds$ ; Arabie saoudite, 76,7 Mds$ ; Russie, 61,2 Mds$ ; Inde, 52,5 Mds$ ; Grande-Bretagne, 50,7 Mds$ ; France, 48,6 Mds$ ; Japon, 46 Mds$ ; Allemagne, 41,7 Mds$ ; Corée du Sud, 35,7 Mds$ ; Brésil, 29,4 Mds$ ; Australie, 25 Mds$ ; Italie, 22,9 Mds$ ; Israël, 21,6 Mds$ ; Irak, 19,4 Mds$. Sur la période 2010-2017, l’effort européen de défense, calculé en milliards de dollars constants et qui était d’environ 297 Mds$ en 2010, a baissé à 264 Mds$ en 2014 puis est remonté à 295 Mds$ en 2017, soit autant qu’en 2011.




Défense : vers 2 % du Produit intérieur brut à l’horizon 2025

L

Le projet de loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, qui prévoit un important effort financier, devrait être voté par les deux chambres du Parlement fin juin, début juillet 2018.

Jean-Jacques Bridey, président de la commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale, s’en est entretenu avec l’Association des journalistes de défense le 19 février à Paris, avant l’examen en commission.

Moderniser et renouveler. La LPM maintient, en ressources humaines et capacités technologiques, le modèle d’armée défini dans la « Revue stratégique de défense et sécurité nationale 2017 », indique Jean-Jacques Bridey. Son effort porte d’abord sur l’équipement du soldat et son entraînement, les infrastructures et le maintien en condition opérationnelle des matériels. En matière de grands programmes, elle accélère les livraisons et lance les études amont, en vue de disposer de forces armées bien équipées et entraînées à l’horizon 2030. Le Parlement se réserve un droit de contrôle en 2021, sur pièces et sur place, et le fera savoir à la presse. Si les industriels ne peuvent pas réaliser les programmes prévus, ils devront le dire dès 2019, souligne Jean-Jacques Bridey. Le remplacement du porte-avions Charles-De-Gaulle, théoriquement effectif en 2040, implique de lancer, durant la LPM, des études sur la propulsion, les catapultes et le nombre d’unités (1 ou 2), en vue d’une décision entre 2025 et 2027. Outre la grande souplesse d’utilisation qu’elle confère au Charles-De-Gaulle, la propulsion nucléaire est déjà installée sur tous les sous-marins français, d’attaque ou lanceurs d’engins. Aux Etats-Unis, des expérimentations sont déjà en cours sur des catapultes électromagnétiques, destinées à succéder aux catapultes à vapeur. Vers 2021-2022, le président de la République sera en mesure de décider le choix du ou des prochains porte-avions, avant d’en lancer l’étude de faisabilité. Un seul porte-avions à propulsion nucléaire nécessitant un arrêt technique de 18 mois tous les 10 ans, une permanence à la mer pourrait être assurée au niveau européen, estime Jean-Jacques Bridey. La Grande-Bretagne, qui va se doter de porte-aéronefs, et l’Allemagne ont déjà envoyé des frégates pour escorter le Charles-De-Gaulle en opérations. De son côté, la Belgique envisage d’acquérir des Rafale Marine, susceptibles de s’intégrer au groupe aérien de son successeur.

Cohérence interarmées. La LPM prévoit : la modernisation du Système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales, destiné à la détection à haute et très basse altitudes ; une capacité de surveillance spatiale. Les moyens de renseignement d’origine électromagnétique (ROIM), aux niveaux stratégique et tactique, seront améliorés et complétés par 1 système CUGE (charge universelle de guerre électronique) à 3 avions, 3 satellites MUSIS (système multinational d’imagerie spatiale) et 1 système CERES (écoute et ROIM spatial). Le parc de drones MALE (moyenne altitude longue endurance) comprendra 1 système européen et 4 systèmes américains Reaper (+ 2), complétés par 4 avions légers de surveillance et de reconnaissance. Le Système d’information des armées inclura celui de l’optimisation du renseignement interarmées. Le système GEODE 4 D permettra de mieux connaître l’environnement géophysique des théâtres. Les communications seront assurées par 2 satellites Syracuse IV. Les moyens de commandement et de conduite des opérations, au niveau division de la nation-cadre (norme OTAN), incluront l’architecture de communication résiliente et les capacités de ciblage, d’opérations spéciales, de soutien interarmées et de protection NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique).

Forces navales. La LPM conserve la Force océanique stratégique à 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. La flotte sous-marine comptera 6 submersibles nucléaires d’attaque, nombre inchangé mais 4 de type Barracuda. La Force d’action navale comprendra : 1 porte-avions nucléaire (inchangé) avec son groupe aérien embarqué de 42 Rafale (+1) et 2 E2C Hawkeye de guet aérien (inchangé) ; 3 bâtiments de projection et de commandement (inchangé) ; 17 frégates (inchangé), dont 2 de défense aérienne, 5 légères furtives, 8 multi-missions et 2 de taille intermédiaire ; 3 pétroliers-ravitailleurs, dont 2 de nouvelle génération ; 27 hélicoptères moyens/lourds NH90 embarqués (- 9), pour la lutte antinavire. L’action de l’Etat en mer sera assurée par : 6 frégates de surveillance (inchangé) ; 18 patrouilleurs (inchangé) ; 4 bâtiments multi-missions (+ 1) ; 4 bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (+ 2). La guerre de mines inclura : 5 chasseurs de mines tripartites (- 6) ; 2 bâtiments porteurs ; 3 bâtiments-bases de plongeurs démineurs ; 4 systèmes de drones. L’aviation maritime, hors groupe aérien embarqué, inclura : 18 avions de patrouille ATL2 (- 4), tous rénovés ; 11 avions de surveillance (- 2) ; 45 hélicoptères légers (inchangé).

Forces aériennes. La LPM prévoit : 253 avions de combat en parc (- 1), dont 171 Rafale ; 79 pods de désignation laser (34 d’ancienne génération et 45 de nouvelle génération) ; 4 avions radar E3F Awacs (inchangé) rénovés avec liaisons de données tactiques ; 15 avions ravitailleurs, dont 12 multi-rôles et 2 de transport stratégiques A340 ; 43 avions de transport tactique (- 5), dont 25 A400M (+ 11), 14 C-130 Hercules rénovés et 4 C-130J Super Hercules (+ 2) ; 36 hélicoptères moyens (inchangé), dont 11 Caracal ; 40 hélicoptères légers (inchangé) ; 8 sections de défense sol-air SAMP TT (inchangé).

Forces terrestres. La LPM prévoit : 200 chars Leclerc (- 41), dont 122 rénovés ; 150 chars médians AMX 10RC (-100) et 150 Jaguar ; 629 véhicules blindés du combat d’infanterie(inchangé) ; 1.545 véhicules de l’avant blindé (- 1.116), 936 Griffon et 489 véhicules blindés multi-rôles (VBMR) ; 930 véhicules tactiques porteurs de systèmes d’armes, dont 200 VBMR légers d’appui Scorpion ; 1.387 véhicules blindés légers (- 7), dont 733 régénérés ; 4.983 véhicules légers tactiques polyvalents non protégés. Les forces spéciales recevront 241 véhicules dédiés et 202 poids lourds dédiés, tous de nouvelle génération. L’artillerie disposera de 109 canons Caesar (+ 32) et 13 lance-roquettes unitaires (inchangé). Le parc aérien comprendra 147 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque (- 17), dont 67 Tigre (+ 3) et 80 Gazelle (- 14) ; 115 hélicoptères de manœuvre (- 7), dont 70 NH90 (+ 34), 11 Puma (- 41), 26 Cougar rénovés et 8 caracal (inchangé) ; 3 systèmes de drones tactiques Patroller.

Loïc Salmon

Défense : face aux menaces, un modèle d’armée complet

Marine nationale : mission « Arromanches 3 » du GAN en Méditerranée orientale

Défense : le futur combattant dans un monde numérisé

Le projet de loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 indique des crédits budgétaires de 35,9 Md€ courants en 2019, 37, 6 Md€ en 2020, 39,3 Md€ en 2021, 41 Md€ en 2022 et 44 Md€ en 2023. La croissance annuelle de 1,7 Md€, de 2019 à 2022, atteindra 3 Md€ en 2023. Une actualisation de la LPM en 2021 devrait préciser le niveau de ressources pour 2024 et 2025, afin de tenir compte de la situation macroéconomique en vue de consacrer 2 % du produit intérieur brut à la défense, objectif fixé par l’OTAN. Seuls les Etats-Unis, la Grèce, la Grande-Bretagne, l’Estonie et la Pologne y sont déjà parvenus en 2016.




Forces spéciales : réactivité maximale partout dans le monde avec les ERC

Les « embarcations rapides commandos » (ERC), prépositionnées ou déployées, permettent aux commandos marine d’effectuer opérations spéciales, interventions aéromaritimes de la mer vers la terre et actions de l’Etat en mer.

Elles ont fait l’objet d’une présentation à la presse, le 15 février 2018 à Paris, par un capitaine de frégate de la Force maritime des fusiliers marins et commandos (Forfusco).

Systèmes d’armes modulables. La Forfusco dispose de deux types d’ERC : l’Etraco (Embarcation de transport rapide pour commandos) et l’Ecume (Embarcation commando à usages multiples et embarquable). Toutes deux, capables d’embarquer jusqu’à 12 commandos équipés, sont employables depuis la terre par transport routier sur remorque. Pour les missions lointaines, elles sont déployables par mer sur les frégates multimissions (6.000 t), bâtiments de projection et de commandement ou bâtiments de soutien. En cas d’urgence, elles sont largables d’avions de transport tactique C-130 Hercules ou A400M Atlas. Longue de 8 m, l’Etraco déplace 2,4 t, emporte une mitrailleuse de 7,62 mm et navigue à plus de 50 nœuds (93 km/h). L’Ecume, qui a profité du retour d’expérience de l’Etraco, est modulable selon les missions, endurante et particulièrement manœuvrable même par gros temps. Elle présente une longueur de 9,3 m, un déplacement de 7 t, une vitesse supérieure à 40 nœuds (75 km/h), une capacité d’emport de 3 t et une autonomie en charge de 200 nautiques (370 km). La future frégate de taille intermédiaire (4.250 t) pourra en embarquer un ou deux.

Large spectre de missions. L’action de l’Etat en mer s’exerce sur l’ensemble des zones économiques exclusives de la France. Cela va de la lutte contre les narcotrafics jusqu’à 60 nautiques (111 km) au large des Antilles à celle contre la pêche illicite dans les zones maritimes de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. S’y ajoutent la lutte contre la piraterie dans le golfe de Guinée, le détroit de Malacca et au large de la Somalie et celle contre le crime organisé sur la côte libyenne. Celle contre le terrorisme s’étend de la Méditerranée orientale à la mer Rouge. Les ERC rendent possibles des opérations spéciales contre la terre, comme pénétrer de façon discrète dans un espace hostile, notamment pour recueillir du renseignement. Pour s’y préparer physiquement et mentalement et se maintenir à niveau, les commandos effectuent des raids nautiques de 1.200 km en 4 jours entre Lorient et Saint-Malo. Cet entraînement leur permettra de faire des raids de 100 nautiques (1.852 km), à partir d’un bâtiment porteur ou par aérolargage pour, par exemple, rattraper un navire détourné par des pirates. La capacité à conduire des assauts de vive force contre des adversaires en mer, explique le capitaine de frégate, nécessite de parcourir de longues distances, longtemps, et avec une importante réserve de puissance au moment de les intercepter et d’agir contre eux, sans leur laisser la possibilité de fuir. Une autre action contre la terre consiste à forcer le déni d’accès à une côte, lequel peut s’étendre jusqu’à 50 nautiques (90 km) en mer et sur des longueurs de plus en plus longues. Cela implique la participation des partenaires aériens et navals de la Forfusco, pour le transport jusqu’à la limite de la zone, et la mise à l’eau de senseurs, pour que les commandos puissent passer inaperçus. L’équipe ERC/hélicoptère Caïman permet de les récupérer. L’action à partir de sous-marins relève des nageurs de combat.

Loïc Salmon

Forces spéciales : création du commando Ponchardier de la Marine nationale

Forces spéciales Air : allonge, rapidité et puissance de feu




Défense : la météorologie, élément-clé des opérations

La connaissance de l’environnement géophysique permet d’éviter qu’il soit moins défavorable, pour soi que pour l’ennemi, et de s’en faire un allié lors d’une opération extérieure.

Le capitaine de frégate Gwendal Le Moigne, commandant le Centre interarmées de soutien météo-océanographique aux forces (CISMF), en a expliqué le pourquoi et le comment à la presse, le15 février 2018 à Paris.

Au service des forces. Grâce à la finesse des prévisions météorologiques, les premières vagues de parachutistes du débarquement en Normandie, le 6 juin 1944, ont été larguées au bon moment entre deux dépressions atmosphériques, rappelle le capitaine de frégate. Installé à Toulouse à proximité du centre de prévisions de Météo France et rattaché au Commandement pour les opérations interarmées, le CISMF assure une permanence totale. Ses missions portent sur l’aide à la planification opérationnelle, l’aide à la décision pour la protection des biens et des personnes ainsi que le maintien des performances des armes et des capteurs (précision). Il s’appuie sur les bases de données de Météo France, qu’il aide à développer ses outils, le Service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) et les senseurs de l’armée de l’Air. S’y ajoutent des partages d’informations avec la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Danemark (zones couvertes par les glaces en mer du Nord), le Japon (zone Pacifique), le Etats-Unis et l’OTAN (données brutes quotidiennes). Le CISMF emploie 75 militaires et civils, dont 12 ingénieurs de Météo France détachés auprès des armées. Depuis 2012, le personnel sous-officier de l’armée de l’Air et de la Marine se forme à l’Ecole nationale de météorologie, pour les cours théoriques, et au CISMF pour la partie opérationnelle. En outre, le CISMF établit un manuel destiné aux météorologues africains pour développer leurs compétences.

Applications sur le « terrain ». Le CISMF envoie une synthèse, constituée de cartes satellitaires et de modèles informatiques, à toutes les unités françaises déployées dans le monde, afin qu’elles affinent leurs propres prévisions. Ces informations, rapides et concises, sont présentées surlignées en vert, orange et rouge, selon le niveau de vigilance recommandé, par exemple pour les opérations « Harmattan » (Libye, 2011) et « Barkhane » (Sahel, depuis 2014) ou l’exercice OTAN « Brilliant Mariner 2017 ». Elles indiquent les zones propices au largage de parachutistes ou à éviter par les pilotes de chasse. Celles du SHOM établissent des cartes très précises des zones acoustiques pour les sous-marins et les navires de surface remorquant un sonar immergé, car la température des masses d’eau influe sur la propagation du son. Elles permettent aussi à une torpille MU90, très sensible à l’environnement marin, de ne pas confondre un rocher avec un sous-marin immobile, grâce à une imagerie de haute résolution pour que son senseur voit plus loin et avec davantage de finesse. Dans une mer avec 12 m de creux, une frégate lutte pour sa survie et exclut toute mise en œuvre d’hélicoptère, d’embarcation ou de sonar. En Afrique, un orage violent, très difficile à prévoir, peut provoquer la chute du toit d’un hangar, la torsion d’une aile d’avion, des soulèvements de sable ou un flash électrique sur un drone, perturbant ses capteurs et sa mission. La température extérieure au sol détermine le choix des vêtements de l’équipage d’un hélicoptère, au cas où il se crasherait. Enfin, un vent de face gêne un missile à longue portée, qui vole moins loin et consomme plus de carburant.

Loïc Salmon

Marine : la « marétique », transformation numérique du monde maritime

Défense : le climat, facteur de dérèglement géopolitique




Armée de Terre : 1er REC, projeté dans toutes les Opex

Le 1er Régiment étranger de cavalerie (REC) assure des missions de reconnaissance et d’intervention avec la puissance de feu de chars AMX 10RC-R à roues et canon de 105 mm. Il recueille aussi le renseignement tactique (véhicules blindés légers) et agit contre les chars (missile Milan et successeur).

Installé dans les Bouches-du-Rhône sur le camp de Carpiagne (1.600 ha), le 1er REC a accueilli, le 25 janvier 2018 en visite de travail, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, avant la discussion du projet de loi de programmations militaire 2019-2025 le 22 mai prochain. Son président, Christian Cambon, a souligné le rôle du Sénat pour éviter, notamment, le contournement des engagements du président de la République en matière de Défense (19 janvier à Toulon) par le ministère de l’Economie et des Finances. De son côté, le général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de Terre, a rappelé que l’entretien de matériels anciens coûte aussi cher que leur remplacement par des équipements modernes protégeant mieux les soldats.

Préparation opérationnelle. Un sous-groupement tactique interarmes en opération extérieure (Opex), accroché par un adversaire, l’isole, le neutralise puis se réarticule pour poursuivre sa mission. Le 1er REC a procédé à une démonstration dynamique en plusieurs phases : véhicule blindé léger touché par un engin explosif improvisé et déminage autour (photo) ; évacuation d’un blessé par hélicoptère ; prise d’assaut d’une habitation, dont se sont emparés 10 terroristes, renforcés par 20 combattants en réserve avec des pickups. Alors que l’entraînement réel fait prendre conscience de la réalité du terrain, de l’adversaire et de l’incertitude du combat, la simulation permet de l’optimiser par un gain de temps de formation et une économie de munitions. A cet effet, le 1er REC dispose d’un centre complet de simulation. Une vision globale du champ de bataille est obtenue par sa numérisation par recueil de données en temps réel. La simulation par ordinateur permet d’envoyer des ordres et de recevoir des comptes rendus. La salle de planification organise des exercices où se multiplient les incidents, comme les engins explosifs improvisés ou les évacuations sanitaires. Il s’agit d’intégrer les bons réflexes, de comprendre les mécanismes de combat et d’acquérir des savoir-faire, du niveau d’une équipe de trois légionnaires à celui du colonel chef de corps. La simulation du tir de missile Milan et de canon d’AMX 10 RC-R constitue un entraînement avant la campagne de tirs réels. Le Milan, d’une portée de 1.900 m, présente une période de vulnérabilité de 12 secondes pour le tireur. Son successeur, le MMP (missile moyenne portée), d’une portée de 4.000 m et qui n’a pas cet inconvénient, entre déjà en service dans les unités terrestres.

Arme et équipement individuels. D’ici à 2028, toute l’armée de Terre sera dotée du fusil d’assaut allemand HK 416 F, en remplacement du Famas français amélioré. La version standard, au calibre Otan (5,56 mm) et réglable pour les gauchers, est munie d’une baïonnette, d’un bipied, d’un lance-grenade de 40 mm et d’une aide à la visée. Les légionnaires du 1er REC s’entraînent déjà au tir de cette arme en marchant. Le nouveau gilet pare-balles, plus confortable que les précédents, empêche la perforation mais pas le choc de l’impact. Le « barda », qui inclut musette, gilet, fusil, casque en kevlar, rations de combat et munitions (12 chargeurs à 30 cartouches pour le HK 416 F), pèse 40-50 kg. Enfin, le soldat consomme 9 litres d’eau par jour en opération.

Loïc Salmon

La Légion étrangère : qualité, commandement et formation

Armée de Terre : programme « Scorpion », le GTIA de demain

Défense : le futur combattant dans un monde numérisé

 




Forces spéciales Air : allonge, rapidité et puissance de feu

Les forces spéciales Air assurent une projection discrète de petits effectifs sur des objectifs à forte valeur ajoutée, constituant un outil de liberté d’action pour le chef d’Etat-major des armées.

Leur commandant, le général de brigade aérienne Louis Fontant, les a présentées à la presse le 11 janvier 2018.

Un système de forces. Des équipes de 3 à 10 militaires doivent se déplacer sur de longues distances, rapidement et en évitant les voies terrestres propices aux embuscades et engins explosifs improvisés, explique le général. Leurs missiles portatifs et canons de 20 mm ne leur permettent pas de neutraliser un adversaire bien retranché ou protégé par une épaisse muraille. Elles recourent alors à l’aviation de combat pour un appui feu rapide dans la profondeur. Une opération spéciale sur un théâtre extérieur nécessite des radars embarqués sur des drones, hélicoptères, avions de transport et de chasse. Les forces spéciales air disposent d’une capacité d’action dans des contextes particuliers, mais dépendent des forces conventionnelles terrestres aériennes et navales pour leurs besoins logistiques. L’armée de l’Air fournit les modules d’appui feu aux opérations spéciales. Une formation commune est dispensée aux forces spéciales des trois armées : sabotage, destruction d’objectifs, renseignement et récupération de personnels isolés. Toutefois, les forces spéciales Air constituent un système qui se décline en trois cercles, indique leur commandant. Le premier inclut les combattants au sol, qui totalisent environ 750 personnels, et des hélicoptères. Le deuxième comprend les moyens d’appui : génie, transmissions, largage de commandos en haute altitude et équipes NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique). Celles-ci récoltent les preuves d’utilisation de produits chimiques ou bactériologiques et procèdent aux évacuations d‘urgence de victimes. Le troisième cercle inclut l’aviation de chasse dans son ensemble et les unités chargées d’établir les procédures avec les forces spéciales au sol. S’y ajoutent : les drones Reaper (moyenne altitude longue endurance), bientôt équipés de capteurs de communications et d’armement ; le centre de formation des personnels pour la mise en œuvre de drones de toutes dimensions.

Les unités. Le Commando parachutiste de l’air N°10 s’entraîne en permanence. Chaque personnel participe à au moins une opération par an. Son effectif de 250 personnes devrait s’accroître de 40 recrues, dont des civils. Il assure la liaison avec l’aviation de chasse pour détecter les cibles, renseigne sur les positions des troupes amies afin d’éviter les tirs fratricides, dirige les frappes sur l’ennemi et évalue les dégâts causés à la cible. Il assure également la liaison avec les avions de transport pour reconnaître les zones de largage ou de poser, examiner les terrains d’atterrissage sommaire ou s’emparer d’une plateforme aéroportuaire (opération « Serval » au Mali en 2013). L’escadron de transport 3/61 « Poitou », basé à Orléans, dépose les commandos dans la profondeur et peut servir de PC volant ou de relais radio. Il sera doté des avions A400M pour la logistique et des KC-160J capables de ravitailler deux hélicoptères en vol dont la livraison est prévue en 2019. L’escadron 1/67 « Pyrénées », basé à Cazaux, regroupe les hélicoptères Caracal pour la recherche et le sauvetage à terre et en mer. Les autres modules d’appui incluent les équipes cynophiles, les systèmes de communication et de commandement, le génie aéronautique, le déminage et l’infrastructure aéronautique de campagne.

Loïc Salmon

Forces spéciales : opérations selon le droit de la guerre

Forces spéciales : ET «Poitou»/CPA10, binôme avions/commandos

Défense : les opérations aéroportées, capacités spécifiques selon les missions




Patrouille de France, la tournée américaine de 2017

Pour commémorer le centenaire de l’entrée en guerre des Etats-Unis dans la première guerre mondiale, la Patrouille de France (PdF) y a effectué une tournée de 7 semaines et 12 démonstrations entre le 17 mars et le 6 mai 2017.

Depuis sa création en 1931, elle a participé à de nombreux meetings aériens nationaux et internationaux. Elle s’était déjà rendue aux Etats-Unis en 1986, cent ans après l’érection, sur une île de la baie de New York, de la statue de la Liberté offerte par la France à l’occasion du centenaire de la Déclaration d’indépendance américaine et pour honorer l’amitié entre les deux nations. En 2009, la PdF avait parcouru 50.000 km à travers le monde pour célébrer les 75 ans de l’armée de l’Air. En 2017, composée de 72 personnels militaires, 10 Alphajet et d’un A400 M Atlas emportant 25 t de fret, elle a traversé la Grande-Bretagne, l’Islande, le Groenland, le Canada et les Etats-Unis. Outre New York et Washington, elle a survolé le centre spatial Kennedy de Cap Canaveral (Floride), d’où ont été lancées les missions Mercury, Gemini, Apollo et les navettes spatiales américaines entre 1961 et 1986. Le 6 avril à Kansas City, la PdF est invitée à la cérémonie commémorative du 100ème anniversaire de l’entrée des Etats-Unis dans le premier conflit mondial, en présence des autorités américaines, de présidents d’associations d’anciens combattants et de dignitaires politiques et militaires étrangers. Les 8 et 9 avril à la base de Maxwell (Alabama), elle participe à des meetings aériens avec la patrouille acrobatique des Thunderbirds de l’armée de l’Air américaine. Quoiqu’issue du corps des transmissions de l’armée de Terre en 1907, cette dernière n’obtient son autonomie qu’en 1947. Du 10 au 12 avril à la base aéronavale de Pensacola (Floride), la PdF évolue avec la patrouille acrobatique de la Marine américaine, les Blue Angels, dont les avions volent de façon très étagée à moins de 2 m les uns des autres. Le 30 avril à Ottawa, elle présente une démonstration avec son homologue canadienne, les Snowbirds. Cette visite a commémoré les 150 ans de la loi constitutionnelle du Canada et du centenaire de la bataille de la crête de Vimy (Pas-de-Calais), où pendant quatre jours 10.600 soldats canadiens furent tués ou blessés. La tournée en Amérique du Nord a inclus 30 vols de transit. La fraternité aéronautique entre la France et les Etats-Unis a commencé en 1916 sur la base de Luxeuil avec la création de l’escadrille N124 « Tête de Sioux », placée sous commandement français. Son personnel comprenait des jeunes volontaires américains, qui s’étaient engagés dans la Légion étrangère dès 1914. Pendant la durée du conflit, l’escadrille remporte 41 victoires homologuées mais perd 68 de ses 250 pilotes. En 1942, elle devient « La Fayette », puis en 1949 l’escadron de chasse 2/4 qui assure la mission aérienne tactique à partir de 1973. Renommée « La Fayette » en 2011, sa transformation sur Rafale est prévue en 2018. Après sélection, les pilotes de chasse justifiant d’au moins 1.500 heures de vol et de l’obtention de la qualification de chef de patrouille peuvent   intégrer la PdF en qualité de « charognard » (derrière le « leader ») ou intérieurs droit et gauche en vol. Les pilotes évoluent à 300-800 km/h à 3-4 m l’un de l’autre et subissent des accélérations de – 3 g à + 7 g. Indicatif radio de la PdF, « Athos leader » en désigne aussi le chef, qui a tenu un journal de bord pendant cette tournée.

Loïc Salmon

2017 : centenaire de la participation des Etats-Unis à la première guerre mondiale

Dissuasion nucléaire : résultat de la puissance militaire et de l’excellence industrielle

« Patrouille de France, la tournée américaine » SIRPA Air et Athos leader. Editions E/P/A, 168 pages, nombreuses photos, 35 €.




Armée de Terre : faire face à toutes menaces, ici et là-bas

Posture dynamique sur le territoire national et recherche de l’innovation dans les engagements de haute intensité sur les théâtres d’opération extérieurs.

Cette vision pour l’armée de Terre a été exposée par son chef d’état-major, le général Jean-Pierre Bosser, lors de sa présentation, le 19 octobre 2017 à Satory (banlieue parisienne), devant les officiers stagiaires de l’Ecole de Guerre, les auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale et la presse.

La 3ème Division à l’honneur. Vedette de cette journée de présentation, la 3ème Division fournit des unités entraînées aux 2 division de l’armée de Terre (AdT). Elle comprend 3 brigades (parachutiste, blindée et légère blindée) et 3 régiments organiques des forces terrestres (cavalerie, génie d’appui et artillerie). Son état-major, basé à Marseille, constitue un centre expert de décision et d’exécution pour la préparation à l’engagement opérationnel et la génération de forces. Les équipements de ses unités seront renouvelés par les systèmes d’armes du programme Scorpion. Sa démonstration du 19 octobre 2017 s’est articulée autour de deux présentations de combat aéroterrestre. La première a mis en valeur les actions menées, contre un ennemi asymétrique, par une approche globale de résolution de conflit dans le cadre d’un partenariat avec un pays ami menacé. Cette approche inclut : l’assistance militaire opérationnelle ; la neutralisation de groupes armés ennemis par les forces spéciales ; les opérations militaires d’influence ; la reconnaissance d’un axe pour un convoi logistique et la réaction à une attaque par engin explosif improvisé. La seconde présentation a montré l’action de l’AdT dans un conflit de haute intensité. Sa capacité porte sur : l’identification de la menace ; le renseignement sur l’ennemi ; la préparation à l’engagement ; l’évaluation de l’ennemi sur le terrain ; l’ouverture du feu dès le contact.

Les impératifs d’une ambition. Conformément à l’objectif fixé par le président de la République de devenir les premières en Europe, les armées françaises verront leur budget augmenter de 1,8 Md€ en 2018, puis de 1,7 Md€ par an jusqu’en 2022, en vue d’atteindre 2 % du produit intérieur brut en 2025. Selon le général Bosser, cela implique, pour l’AdT, de maintenir son modèle complet, ou presque, en vue d’intervenir seule en premier et affronter un ennemi conventionnel, hybride ou irrégulier. Cela exige de la « masse » pour durer, pourvoir renouveler hommes, munitions et équipements et enfin de créer un effet d’entraînement vis-à-vis des armées partenaires. Suffisamment aguerris, les soldats français devront combiner haute technologie et rusticité, continuer à combattre malgré les pertes et accepter de payer le prix du sang. La possession des équipements les plus modernes assurera une meilleure protection, permettra de pratiquer un combat interarmes « infovalorisé » (échange automatique des flux massifs d’informations entre systèmes d’armes) et garantira de rester dans la course à l’innovation. S’y ajoute la capacité à constituer ou soutenir une coopération, en la dirigeant ou en lui apportant un concours. De plus, permettre aux soldats et à leurs familles de vivre et travailler dans de bonnes conditions préservera l’attractivité du métier des armes. Par ailleurs, constate le général Bosser, l’adversaire durcit ses modes d’action et les conflictualités se diversifient. Les forces terrestres subissent un étalement, lié au nombre, à la dispersion et aux élongations des théâtres d’opérations, provoquant des tensions sur les hommes, les compétences et les équipements. De plus, la perception des faits l’emporte de plus en plus sur leur réalité, à savoir l’influence des émotions, idéologies et croyances personnelles sur l’opinion publique. Il s’agit donc, à tous les niveaux de responsabilité, de vaincre et de convaincre, souligne le chef d’état-major de l’AdT. Celle-ci doit retrouver, en 2018, son niveau d’entraînement d’avant les attentats de 2015, qui ont déclenché son redéploiement sur le territoire national pour en renforcer la sécurité. La reprise de la préparation opérationnelle interarmes, amorcée en 2017, sera amplifiée en 2018. En matière d’équipements, le projet MCO-T 2025 (maintien en condition opérationnelle Terre à l’horizon 2025) va séparer l’entretien opérationnel, au plus près des forces, de la maintenance industrielle pour produire simultanément du potentiel et de la disponibilité. L’Adt devra recruter du personnel civil et dégager des financements pour confier davantage de maintenance aux entreprises privées.

Les ressources humaines. L’AdT devra aussi recruter des personnels, développer leurs compétences puis les fidéliser. En 2017, l’Adt, qui constitue 42 % de l’effectif total des forces armées, compte : 75 officiers généraux ; 11.000 officiers ; 31.000 sous-officiers ; 56.000 militaires du rang ; 19.000 réservistes opérationnels ; 8.200 civils. Elle emploie surtout des personnels sous contrat dans 400 métiers : 74 % parmi les militaires, dont 100 % chez ceux du rang. Sa moyenne d’âge se situe à 33 ans : 40 ans pour les officiers ; 38 ans pour les sous-officiers ; 28 ans pour les soldats. L’AdT encourage la promotion interne avec environ 50 % des officiers et sous-officiers sortis du rang. Enfin, son chef d’état-major souhaite redonner ses lettres de noblesse à l’Ecole de Guerre, définir le rôle et la place du renseignement de niveau tactique, structurer l’aguerrissement et rénover la doctrine de la cynotechnie.

La protection du territoire national. Créé en juin 2016, le Commandement Terre pour le territoire national (Com TN) a pour mission d’optimiser l’engagement de l’AdT en soutien à l’action de l’Etat, en métropole et outre-mer, dans un cadre interarmées et interministériel. Ainsi, en cas de crise, le préfet de département, directeur des opérations, la gère avec les forces de sécurité intérieure. En cas de besoin, il demande des renforts militaires au préfet de zone de défense et de sécurité. Ce dernier et l’officier général de zone de défense et de sécurité formulent une demande de concours ou une réquisition de capacités militaires. Puis le chef d’état-major des armées décide le déclenchement d’une opération ou d’une mission intérieure et la mise à disposition de moyens. L’AdT fournit alors des capacités militaires à la chaîne opérationnelle, afin de produire l’effet nécessaire à la résolution de la crise. Le Com TN se trouve ainsi en mesure de renforcer les structures de commandement opérationnel de crise.

Loïc Salmon

Armée de Terre : préparer les ruptures stratégiques et technologiques de demain

Armée de Terre : mise en place du modèle « Au Contact »

Armée de Terre : un état-major de forces immédiatement projetable

En 2017, l’armée de Terre regroupe : 106.000 personnels, dont 10 % de femmes ; une force projetable de 77.000 militaires ; 2 divisions de combat (1 en préparation opérationnelle et 1 en opération extérieure ou intérieure) de 7 brigades interarmes, dont la Brigade franco-allemande, et 1 brigade d’aérocombat. Elle est équipée de : 225 chars Leclerc ; 250 chars médians ; 3.300 véhicules blindés multi-rôles et de combat d’infanterie ; 160 hélicoptères de reconnaissance, d’attaque et d’appui ; 126 hélicoptères de manœuvre ; 25 drones tactiques ; 109 canons de 155 mm ; 863 porteurs polyvalents tactiques ; 93.080 fusils d’assaut HK416, livrés à partir de 2017 pour remplacer les Famas. Son budget se monte à 8,6 Mds€ contre 32,7 Mds€ pour celui de la Défense, inclus dans celui de l’Etat (322,4 Mds€).




Défense : face aux menaces, un modèle d’armée complet

Les armées doivent protéger le territoire national, répondre à une crise dans le voisinage proche, conserver l’ascendant sur tout adversaire non étatique, réagir à une confrontation avec un Etat.

Ces missions, complémentaires de la dissuasion nucléaire avec ses composantes aérienne et océanique, ont été définies dans le document « Revue stratégique de défense et de sécurité nationale 2017 », rendu public le 13 octobre 2017 par le ministère des Armées pour préparer une nouvelle loi de programmation militaire.

Protection. Le territoire national sera mieux protégé par : la modernisation du réseau radar de surveillance maritime Spationav ; la couverture radar 3D de l’espace aérien ; la posture de protection terrestre avec capacité à opérer en milieu nucléaire, radiologique, biologique ou chimique. Les capacités de détection et de neutralisation des drones aériens ainsi que la protection des équipements et des personnels seront développées. Elles complèteront la modernisation des systèmes sol-air, des hélicoptères légers et des moyens navals, sous-marins et aéromaritimes.

Adaptation et coopérations. Sous très faible préavis, les armées doivent pouvoir intervenir simultanément sur des théâtres d’opérations dispersés. La durée variable des engagements nécessite une masse critique suffisante de forces disponibles (hommes, équipements et stocks). Cette capacité repose sur une base industrielle et technologique de défense, qui requiert la participation des armées à des tâches associées à l’exportation. Sur le plan opérationnel, les armées doivent : acquérir et conserver la supériorité au combat dans tous les milieux ; frapper dans la profondeur ; acheminer les moyens en urgence sur un théâtre durci et les protéger contre les menaces conventionnelles ; être mobiles au sein du théâtre ; fournir les appuis feu au contact de l’adversaire ; mener des opérations amphibies, aéroportées, en zone urbaine, montagne, désert ou jungle ; extraire du personnel en milieu hostile. Toutefois, agir de façon autonome dans n’importe quel contexte et détenir toutes les aptitudes au plus haut niveau de performance ou de masse ne semblent guère possibles aujourd’hui. Mais le renoncement, même temporaire, à une aptitude opérationnelle entraîne un risque de perte définitive de certaines compétences. Par ailleurs, faute de capacités suffisantes, la complexité de certaines missions nécessite des partenariats, une fois les conditions politiques réunies. En coalition, l’interopérabilité implique des normes communes, techniques pour les systèmes de commandement et équipements majeurs, mais aussi en matière de concepts, doctrines, tactiques et procédures. Parfois, la France doit pouvoir fournir des capacités discriminantes et un volume de forces significatif pour jouer le rôle de « nation cadre » pour des actions relevant d’aptitudes militaires à haute valeur ajoutée : planification ; génération de forces, commandement et contrôle d’une opération. Dans le cadre de l’OTAN, elle doit fournir les capacités nécessaires au commandement d’une petite opération commune (SJO en anglais) et d’une composante pour une grande opération commune (MJO). Elle participe à la définition des normes OTAN sur l’interopérabilité des matériels et le contrôle politique des nations sur les capacités communes essentielles.

Renseignement. Il s’agit d’investir dans tout le spectre : humain, électromagnétique, radar, optique et numérique. Les plates-formes, capteurs et modes de recueil seront diversifiés : aéronefs habités ; drones ; unités navales ; moyens spatiaux. Leur complémentarité doit permettre l’accès à des cibles liées à tout type de menaces. Pour accélérer les prises de décisions, une meilleure interconnexion entre les différents systèmes améliorera et intégrera des traitements automatisés d’exploitation et d’analyse, intelligence artificielle et « big data » compris. La vulnérabilité croissante des moyens de commandement et de surveillance nécessite de sécuriser les moyens spatiaux et la conduite des opérations en augmentant, notamment, le niveau de protection et de résilience des futurs satellites Syracuse 4. En outre, la capacité d’alerte avancée permettra de mieux identifier une menace balistique, en déterminant l’origine d’un tir et l’évaluation de la zone ciblée.

Systèmes de commandement. L’amélioration de l’homogénéité et de l’interopérabilité des systèmes facilitera l’engagement sur un théâtre avec les Etats membres de l’OTAN et des pays partenaires de circonstance. La boucle décisionnelle sera accélérée par le partage de l’information, tout en en gardant la maîtrise dans le risque cyber. Entrer en premier. Face aux systèmes défensifs de haute technologie et aux capacités adverses de déni d’accès dans les milieux physiques et immatériels, il s’agit de disposer de la capacité de passer outre et de réduire le niveau de la menace, en vue d’y conduire des opérations militaires. Au préalable, celles-ci exigent la supériorité aérienne pour conférer la liberté d’action nécessaire aux forces terrestres et navales. La frappe des centres de gravité ennemis dans la profondeur du théâtre nécessite de pouvoir opérer depuis le territoire national, à partir de bases aériennes projetées, d’emprises terrestres ou depuis la mer par le groupe aéronaval. L’allonge des systèmes d’armes augmentera avec la combinaison entre avions ravitailleurs et armements. La capacité de projection de puissance sera accrue par les missiles de croisière : navals ; aéroportés rénovés ; antinavires à développer avec la Grande-Bretagne. Les capacités des forces spéciales seront renforcées en termes de projection et de mobilité. Les opérations dans l’espace numérique jusqu’au niveau tactique, intégrées à la chaîne de planification et de conduite des opérations militaires, exploiteront la numérisation croissante des adversaires, étatiques ou non.

Combat terrestre futur. Le programme Scorpion de l’armée de Terre permettra d’augmenter la puissance et l’agilité des unités engagées. L’armement des drones aériens apportera une capacité de réaction adaptée à des adversaires plus fugaces et à des espaces étendus. Le successeur du char Leclerc et le futur système d’artillerie seront étudiés en coopération avec l’Allemagne.

Loïc Salmon

La France a souscrit des engagements contraignants dans le cadre du Traité sur l’Union européenne de 2009 (TUE) et du Traité de Washington de 1949. L’article 42.7 du TUE précise : « Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations Unies ». Le TUE rappelle que « les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre ». Selon le Traité de Washington, la France doit « assister la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, telle action (jugée) nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord ».