Sécurité : la participation militaire terrestre à la gestion des crises

Face aux risques de grande ampleur, des personnels, des hélicoptères et des véhicules militaires appuient les forces de sécurité intérieures à la demande du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer.

Le colonel Stanislas Rouquayrol, commandant les formations militaires de la sécurité civile, en a présenté les spécificités à la presse le 20 juillet 2023 à Paris.

Force d’action rapide. Les formations militaires de la sécurité civile (Formisc), issues de l’arme du génie de l’armée de Terre, sont sollicitées lors des grands événements et fournissent des conseils aux autorités. Leurs champs d’interventions couvrent toutes les crises : tremblements de terre ; feux de forêts ; inondations ; cyclones ; tempêtes ; épidémies ; accidents ou sabotages industriels ; menaces nucléaire, radiologique, biologique et chimique. Polyvalentes, les Formisc portent une assistance aux réfugiés, populations déplacées ou rapatriées et fournissent une logistique opérationnelle. Dans la lutte contre les feux de forêt dans le Sud de la France, l’opération dite « Héphaïstos », qui dure du 1er juillet au 30 septembre, déploie 160 militaires, 3 hélicoptères et 50 véhicules. Elle met notamment en œuvre le Détachement d’intervention retardant, dont les véhicules dispersent des produits qui ralentissent la propagation de l’incendie, des moyens lourds du génie et des sections d’intervention feux de forêt. En 2023, « Héphaïstos » a élargi son engagement avec une compétence nationale et une capacité de mobilisation de moyens humains spécifiques en cas de crise avec des détachements Air, basés à Orange et Mont-de-Marsan, et un module adapté de surveillance sous la direction de l’État-major des armées. Au sein du dispositif national du ministère de l’Intérieur, la Force d’action rapide de la sécurité civile, pluridisciplinaire et en astreinte permanente, peut intervenir partout en France ou à l’étranger. Elle mobilise 262 personnes en 3 heures et jusqu’à 600 personnels en moins de 72 heures pendant un mois sans relève

Bilan « Héphaïstos » 2022. La campagne des feux de forêts 2022 s’est caractérisée par une grande virulence, souligne le colonel Rouquayrol. Les Formisc sont intervenues à 92 reprises sur des incendies ravageant 70.000 ha, soit 6 fois plus qu’en 2021. Rien qu’en juillet, elles ont engagé près de 55 % de leurs effectifs. Le Détachement d’intervention héliporté national a été déployé sur 4 feux majeurs pendant 13 jours. En Gironde, la lutte contre le feu a mobilisé 6 Sections militaires intégrées de 150 hommes chacune, formées, équipées et encadrées sur le terrain par les Formisc, soit l’équivalent du dispositif opérationnel permanent « Sentinelle ». En outre, les moyen aériens (avions, hélicoptères et drone Reaper) ont effectué plus de 100 heures de vol de reconnaissance. Ils complètent ceux de la Direction générale de l’aviation civile : Canadair, avion amphibie, qui s’approvisionne jusqu’à 6 t d’eau en mer ou sur un plan d’eau douce ; avion Dash qui se ravitaille à terre ; hélicoptère Dragon pour les missions de secours ; location d’hélicoptères pour des largages d’eau à des endroits précis.

Engagements hors métropole. La période 2022-2023 constitue un engagement hors normes pour les Formisc, estime le colonel Rouquayrol. En 2022, après le passage du cyclone Batsiral à Madagascar, 59 personnels ont assuré le traitement de l’eau et la coordination avec les moyens de l’Union européenne. En Ukraine, 153 personnels et 3 experts européens ont effectué 3 convois de fret. En Grèce, au Pakistan, en Guadeloupe et au Tchad, des personnels ont participé au traitement de l‘eau. Au premier semestre 2023, les Formisc sont intervenues à la suite des tremblements de terre en Turquie (7 février-10 mars), des feux de forêts au Chili (13 février-6 mars), des inondations en Italie (23-30 mai), de la sècheresse à Mayotte (15-23 avril puis 17 juillet) et des feux de forêt au Canada (depuis le 8 juin).

Loïc Salmon

Défense et sécurité : « réagir ensemble » aux attentats terroristes et aux crises

Sécurité : « Orphé », plongée au cœur des cellules de crise

Aviation militaire : le BEA-É pour la sécurité aérienne

 




Marine nationale : agir face au dérèglement climatique

La connaissance des risques météo-climatiques permet d’anticiper les catastrophes naturelles et d’agir en adaptant la réflexion à l’action, notamment de la Marine nationale.

Nicolas Regaud, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire, et un capitaine de frégate du bureau stratégie et politique de l’Etat-major de la marine l’ont expliqué au cours d’une conférence-débat organisée, le 13 avril 2022 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine.

Dégradation accélérée. Le nombre de catastrophes naturelles a été multiplié par 5 au cours des 50 dernières années avec une intensité croissante des cyclones et ouragans, indique Nicolas Regaud. La température de la planète a augmenté de 1° C entre 1850 et 1900 et pourrait croître encore de 1,5° C d’ici à 2030, de 2° C vers 2050 et même de 3° C en 2100. A cette date, le risque de fragmentation de la banquise en Arctique et en Antarctique pourrait provoquer une hausse de 2 m du niveau de la mer. Toutefois, le réchauffement climatique et la montée des eaux déjà constatés varient selon les régions. Dans l’Arctique, cela a entraîné des perspectives pour le transport maritime, l’exploitation des ressources naturelles, dont les hydrocarbures, et l’accroissement de l’activité militaire russe depuis dix ans. Le changement climatique augmente la salinité et la désoxygénation des eaux, modifie le tracé des côtes et rend vulnérables des zones fertiles comme le delta du Nil et le Bengladesh. Il provoque des déplacements de ressources halieutiques et donc de la pêche illicite dans les zones économiques exclusives. Il induit des migrations internes et internationales de populations et amplifie les tensions et les violences politiques, dont pourraient profiter les groupes terroristes. En conséquence, l’OTAN prépare, pour 2024, un plan d’action sur les enjeux stratégiques de l’environnement et des mesures pour réduire les émissions des gaz à effet de serre. Etat archipel, la France maintient une présence militaire dans les zones subtropicales à risques climatiques. En métropole, le port de Brest, plus menacé que celui de Toulon, devra renforcer ses infrastructures concernant le transport maritime, la production d’électricité et les télécommunications.

Prévention et réactivité. Il faut observer et voir pour intervenir et conserver la supériorité opérationnelle, souligne le capitaine de frégate. Le navire logistique polaire Astrolabe (photo) du Service hydrographique et océanique de la marine ravitaille les Terres australes et antarctiques françaises et y effectue la police des pêches. Outre les 300 météorologues embarqués sur les autres bâtiments de la Marine, les timoniers sont formés à effectuer des relevés météorologiques. En 2018, le bâtiment de soutien et d’assistance métropolitaine Rhône a franchi pour la première fois le passage du Nord-Est (Arctique). Toutes les données climatiques ainsi récoltées sont envoyées à Météo-France. Les connaissances sur le dérèglement climatique s’améliorent, grâce à la coopération avec les pays riverains dans le golfe de Guinée et avec les Marines britannique, américaine, indienne, australienne, néo-zélandaise et chinoise dans la zone indopacifique. Par ailleurs, la composante navale de la dissuasion nucléaire nécessite des déplacements maritimes très lointains pour la protection des intérêts vitaux de la France. En effet, la convention de 1976 sur l’interdiction de techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ne constitue pas une garantie absolue.

Loïc Salmon

Environnement : conséquences du changement climatique sur la sécurité internationale

Océan Indien : espace de coopération internationale

Marine nationale : le CEPPOL, outil contre la pollution en mer




Marine nationale : le CEPPOL, outil contre la pollution en mer

Le Centre d’expertises pratiques de lutte antipollution (CEPPOL) propose, expérimente et détermine les spécificités de contrats d’assistance impliquant armateurs, sociétés de classification et assureurs.

Son commandant, un capitaine de frégate, a présenté cette lutte au cours d’une conférence organisée, le 30 mars 2022 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine.

Veille et actions. Les quantités de produits polluants, en majorité des hydrocarbures, déversés dans la mer augmentent. La pollution dure de quelques jours, par évaporation ou dispersion par émulsion/eau huile, à plusieurs mois par la biodégradation des goudrons et jusqu’à des années en cas de sédimentation au fond de la mer. Les nappes de pétrole de 20 à 30 m de diamètre contiennent 90 % d’eau, qu’il faudra rejeter à la mer. Le reliquat (photo) sert de combustible aux centrales électriques thermiques. Quand un pétrolier ou un chimiquier se signale en détresse, des drones permettent de détecter les fuites éventuelles d’hydrocarbures ou de produits dangereux. La lutte contre la pollution maritime présente des parallèles avec une opération militaire, indique le capitaine de frégate. Un comité d’experts anticipe, pendant deux à cinq jours, les actions à mener grâce à la surveillance de ces navires, par des moyens navals, aériens et satellitaires, leur dérive prévisible, l’analyse de leur comportement et leur vieillissement. En cas d’alerte, un aéronef arrive sur zone dans les deux heures et un navire antipollution dans les 24 heures. La logistique opérationnelle évalue ce qu’il est possible de faire dans les quatre jours : recherche des moyens ; mouvements des matériels ; soutien technique en cas d’avarie. Les techniques de lutte varient selon le degré de pollution. S’il est très faible, l’évaporation, la dispersion et la dissolution naturelle suffiront. L’observation constante permet d’agir dans de bonnes conditions techniques et météorologiques pour préserver la population et les usagers de la mer. L’action à la source de la pollution consiste à alléger le navire en difficulté, par un transbordement de sa cargaison sur un autre, le ceinturer par un barrage flottant et pomper les produits polluants à partir de la brèche détectée, qui sera colmatée. L’action sur le produit polluant consiste en : une dispersion, variable selon ses caractéristiques et les zones ; un confinement, pour le récupérer ou le « chaluter » (photo) ; un brassage, s’il s’agit de gazole ou d’un produit chimique volatile non dangereux. Enfin, la protection des cibles de la pollution nécessite le déclenchement du plan ORSEC, au niveau départemental et de la zone de défense (plan Polmar terre).

Organisation nationale. Les sociétés de classification certifient la tenue des navires à la mer. En cas d’accident, l’armateur doit réagir en premier auprès de son assureur. La Marine intervient gratuitement pour sauver des vies humaines, mais facture son assistance au navire pollueur. L’action de l’Etat en mer relève du Premier ministre, qui dispose du Comité interministériel de la mer (12 ministres) et du Secrétariat général de la mer. L’amiral préfet maritime de zone dirige les opérations de secours et les interrompt lorsqu’il n’y a plus d’espoir. Le plan ORSEC maritime place la lutte contre la pollution après les recherche et sauvetage et l’assistance aux navires en difficulté. La Marine forme 150-200 personnels à cette lutte et organise un entraînement majeur chaque année en métropole et tous les deux ans en outre-mer.

Loïc Salmon

Marine nationale : le « MICA Center », compétence mondiale

Manche et mer du Nord : l’urgence et la gouvernance

Afrique : exercice majeur sur la sécurité maritime régionale




Stratégie : maîtrise des fonds marins, ambition et opérations

La connaissance des fonds marins jusqu’à 6.000 m permettra à la France de mieux les connaître, en vue de garantir sa liberté d’action de ses forces, de protéger les zones d’intérêt national et, éventuellement, d’agir militairement.

Le 14 février 2022 à Paris, Florence Parly, ministre des Armées, et le général Thierry Burkhard, chef d’Etat-major des Armées (CEMA), ont présenté ce projet stratégique et sa feuille de route.

Les enjeux. La ministre a rappelé que, pour les besoins industriels, des drones et robots télé-opérés sont capables de mener des opérations militaires à plusieurs kilomètres de profondeur. La compétition dans les grands fonds marins résulte d’abord de la raréfaction des ressources terrestres en pétrole et gaz et métaux rares pour les technologies numériques, laquelle pousse à en rechercher au fond des mers. Il s’ensuit des tensions géopolitiques, notamment en mer de Chine méridionale et en Méditerranée. En outre, de grandes puissances militaires et les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft), explorent les fonds marins avec une certaine ambivalence des objectifs, civils ou militaires, en raison de l’emploi de moyens à double usage. Enfin, le droit de la mer se trouve contourné par la conjugaison d’activités secrètes, commerciales, scientifiques et militaires, avec des actions au seuil de la conflictualité, difficiles à caractériser et attribuer. Par ailleurs, les 450 câbles sous-marins véhiculant 99 % des données numériques constituent des infrastructures sensibles que certaines nations pourraient surveiller ou dégrader. L’absence de surveillance incite tôt ou tard à piller ou contester. Selon Florence Parly, il s’agit de garantir la liberté d’action des armées, protéger les infrastructures sous-marines et faire peser une menace crédible sur les pays tentés de s’en prendre aux intérêts de la France, dans son espace maritime, ou de ses partenaires stratégiques. La doctrine dans ce domaine évoluera au gré des avancées technologiques et des préoccupations des pays alliés et de l’OTAN, conclut la ministre des Armées.

Les opérations. Face à la stratégie hybride d’actions difficilement attribuable, explique le CEMA, il faut pouvoir peser sur le rapport de force pour éviter le fait accompli. Cela implique d’anticiper et de faire connaître sa capacité à réagir de façon indépendante avec les ressources nécessaires. Les moyens de surveillance de la Marine nationale, de la surface à quelques centaines de mètres actuellement, seront portés à 6.000 m de profondeur. Le système de lutte anti-mines marine futur (SLAMF, voir plus loin) utilisera l’intelligence artificielle, les drones et les robots. En synergie avec la Direction générale de l’armement (DGA), le Service hydrographique et océanographique de la Marine (Shom) utilisera les données des sous-marins et des navires de surface pour améliorer la cartographie des fonds destinée aux forces navales. En 2023, la Marine nationale disposera d’une capacité d’exploration des grands fonds par le couple drone-robot. La future doctrine interarmées, interalliés et avec les industriels visera à : protéger les approches des eaux territoriales et les zones économiques exclusives (ZEE) ; maintenir la souveraineté dans les Outre-mer ; disposer de moyens projetables et aérotransportables pour renforcer la défense des côtes.

L’environnement. Selon le ministère des Armées, les sous-marins étrangers doivent naviguer en surface dans les eaux territoriales. Des entreprises étrangères peuvent poser des câbles et des pipelines dans les ZEE. Au-delà de 6.000 m de profondeur (17 % des fonds marins), la « zone hadale » se trouve dans l’obscurité totale et le froid. La pression de l’eau équivaut à 1 t/cm2. Les ondes acoustiques y passent, mais pas les ondes électromagnétiques. Les GAFAM financent 50 % des câbles de communication par internet. Les fonds marins intéressent également la Chine, la Russie, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie, l’Italie, l’Inde et le Japon. Dans son Plan d’investissement 2020-2030, la France prévoit 300 M€ pour mieux les connaître et les exploiter. Elle dispose du Shom, de l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) et de la capacité d’archéologie sous-marine. Elle coopère avec les pays étrangers pour l’échange d’informations et de technologie, en vue d’améliorer les moyens existants. Le ministère des Armées s’appuie sur les technologies civiles qui bénéficient d’investissements très importants. Un amiral assurera la coordination des actions dans ce domaine. A l’Etat-major des armées, un groupe de travail réunit des représentants du Shom, de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie, de la DGA et des services de renseignement. L’épave du sous-marin Minerve, disparu en Méditerranée en1968, a été retrouvée en 2019 en cinq jours à 2.350 m de profondeur par un navire norvégien de travaux sous-marins. En décembre 2021, un avion de chasse britannique F-35B, abîmé en Méditerranée, a été récupéré en trois semaines. Un F-35C américain, qui s’est écrasé en mer de Chine en janvier 2022, fait l’objet de recherches.

Les moyens techniques. La guerre des mines nécessite navires de surface, sonars remorqués robots télé-opérés et plongeurs démineurs et, demain, des drones de surface pilotés depuis la terre ou la mer et des drones sous-marins autonomes. Le bâtiment de guerre des mines prépare la mission et engage les moyens. Trois groupes de plongeurs démineurs (40-60 hommes), basés à Cherbourg, Brest et Toulon avec leur bâtiment base, peuvent agir jusqu’ à 80 m. Les sonars remorqués détectent, classifient et localisent les mines. Les robots télé-opérés les identifient et les neutralisent jusqu’à 150 m. Le centre de commandement traite les images par l’intelligence artificielle. Le SLAMF (système de lutte anti-mines futur) inclura des « bâtiments-mères » mettant en œuvre : un drone de surface pour envoyer des informations en temps réel ; un drone sous-marin pour des images haute résolution et multi-angles jusqu’à 300 m. La Marine nationale dispose du robot Ulisse qui descend jusqu’à 1.000 m et du robot Diomede jusqu’à 2.000 m. En 2023, le ministère des Armées devrait acquérir deux « couples robots-drones » civils, capables d’atteindre des profondeurs de 3.000 à 6.000 m. D’ici à 2030, La DGA et les industriels français auront développé des unités capables de très grandes précision et rapidité de transmission.

Loïc Salmon

Les fonds marins s’étendent sur 361 Mkm2 à une profondeur moyenne de 3.800 m. La connaissance métrique ne porte que sur 2 % de leur surface. Environ 75 % de ce fonds se situent à des profondeurs supérieures à 3.000 m. Des moyens d’intervention et de surveillance jusqu’à 6.000 m de fond permettront de les rendre accessibles à 97 %. Selon la Convention de Montego Bay en vigueur depuis 1994, la souveraineté des Etats, de la surface au sous-sol marin s’étend à 22,22 km (12 milles marins) et la zone économique exclusive (ZEE) à des fins d’exploitation à 370,4 km (200 milles) avec possibilité d’extension dans la continuité du plateau continental jusqu’à 500 km, après arbitrage international. Au-delà des ZEE, les eaux internationales sont définies comme le patrimoine commun de l’humanité.

Marine : la « marétique », transformation numérique du monde maritime

Marine nationale : « Clemenceau 22 », la TF 473 en Méditerranée

Asie du Sud-Est : zone sous tension et appropriation territoriale de la mer




Union européenne : penser les opérations maritimes futures

La sécurité maritime de l’Union européenne (UE) s’étend jusqu’au golfe de Guinée et à la zone Indo-Pacifique, en raison de la « militarisation » des océans et de la « maritimisation » des activités criminelles croissantes qui menacent ses échanges économiques.

Ce thème a fait l’objet du colloque « Forum Sûreté Maritime », suivi dans 29 pays en « distanciel » et organisé le 12 janvier 2022 par la Présidence française du Conseil de l’Union européenne et la Marine nationale. Y sont notamment intervenus : Josep Borell, vice-président de la Commission européenne et Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ; l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine française ; le vice-amiral espagnol José Nunez, commandant de l’opération « Atalanta » ; Eva Pejsova, chercheuse à la Fondation pour la recherche stratégique ; Julia Tasse, chercheuse associée à l’Institut de relations internationales et stratégiques.

Acteur mondial. L’UE dépend des transports et des infrastructures maritimes, rappelle Josep Borell. Les rivalités géostratégiques, la criminalité et le terrorisme transforment les océans, espaces communs, en zones de plus en plus prisées et contestées. L’utilisation pacifique et libre des océans se trouve perturbée par des contentieux juridiques, la politique du fait accompli, les cyber-activités et d’autres « zones grises ». Mais l’UE dispose de l’expertise, des capacités et des ressources nécessaires pour y faire face. Elle s’y est déjà engagée avec les opérations « Irini » en Méditerranée et « Atalanta » dans l’océan Indien. Elle peut tirer profit des moyens navals et aériens déjà déployés par les Etats membres pour accroître ses capacités pour agir dans les zones maritimes où ses intérêts sont menacés, notamment dans le golfe de Guinée où la piraterie se répand. Dans le Nord-Ouest de l’océan Indien, zone d’intérêt majeur, elle vise à promouvoir une architecture de sécurité régionale fondée sur la coopération, le respect du droit international et la protection des routes maritimes. L’UE va y accroître sa présence navale pour augmenter sa visibilité dans le domaine maritime et affirmer son rôle stratégique sur les océans dans le contexte des rivalités croissantes et des menaces hybrides. Selon le vice-amiral Nunez, l’opération « Atalanta », lancée fin 2008, a protégé 1.598 navires du Programme alimentaire mondial (ONU), qui ont livré 2,28 Mt de marchandises d’urgence en Somalie, et transféré 171 pirates aux autorités judiciaires régionales. En outre, elle contribue à l’embargo sur les armes vers la Somalie et à la lutte contre le trafic de stupéfiants. Outil diplomatique de l’UE, « Atlanta » coopère avec le Centre de sécurité maritime de la Corne de l’Afrique et avec la Commission pour l’océan Indien (La Réunion, Madagascar, les Seychelles et l’Ile Maurice). Elle assure aussi une mission de formation au Mozambique.

Spectre d’action élargi. La zone Indo-Pacifique présente des intérêts économiques, politiques et stratégiques pour l’UE, souligne Eva Pejsova. Elle assure 50 % de son commerce maritime avec l’Asie, dont les échanges bilatéraux ont totalisé 1,5 milliard de milliards d’euros en 2018, soit le tiers des exportations de l’UE. La Chine constitue le deuxième partenaire commercial de l’UE. Cette dernière est le premier partenaire commercial de la Chine avec 1 Md€/jour. Les échanges UE-Japon représentent 25 % du produit intérieur brut mondial. L’Association des nations du Sud-Est (ASEAN, Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Brunei, Viêt Nam, Laos, Birmanie et Cambodge) est devenue la principale récipiendiaire des investissements directs de l’UE à l’étranger avec 189 Mds€ en 2020. Sur les 19 ports situés le long des principales voies maritimes mondiales, 16 se trouvent en Indo-Pacifique, où la France assure une présence permanente. Pour renforcer sa crédibilité dans les relations internationales, l’UE a conclu divers accords-cadres ou des partenariats stratégiques avec la Corée du Sud en 2016, le Japon (2018 et 2019), l’ASEAN (2020), le Viêt Nam (2020) et l’Inde (2020). En effet, les ambitions maritimes de la Chine dans la zone Indo-Pacifique exacerbent les tensions régionales par sa volonté d’étendre une souveraineté, contestée, sur des îlots et atolls en mer de Chine orientale et méridionale. Elle augmente ses capacités d’action en haute mer et construit des bases navales ou des ports à usage civil et militaire sur la partie maritime des « Nouvelles Routes de la Soie ». La situation de la zone se trouve fragilisée par la rivalité sino-américaine, la piraterie, les trafics illicites, la surpêche et les dégradations de l’environnement (voir encadré).

Approche sécuritaire globale. Le droit de la mer, en vigueur depuis 1982, est contesté et parfois violé, souligne l’amiral Vandier. La « territorialisation » d’espaces océaniques se poursuit en mer de Chine et en Méditerranée, tandis que la piraterie et le brigandage maritime persistent dans le golfe de Guinée et le détroit de Singapour. Outre la vulnérabilité des détroits d’Ormuz, de Suez, Malacca et Bab-el-Mandeb, des tensions se font sentir sur les routes maritimes essentielles, dans le golfe de Guinée et en mer de Chine. Aujourd’hui, la conflictualité porte sur la mer, l’espace extra-atmosphérique et le cyberespace, caractérisés par l’absence de frontière physique, la liberté de mouvement par la maîtrise de la technologie de pointe, leurs enjeux commerciaux, leurs dimensions et leur opacité qui facilite des actions sous le seuil d’affrontement et difficilement attribuables. Le réarmement naval se confirme en Méditerranée et en Asie. L’influence géopolitique de l’opération « Atalanta », unanimement reconnue et modèle de la défense de l’UE, complète l’OTAN, que renforce la Politique (européenne) de sécurité et de défense commune. La coopération civilo-militaire, principe d’action de l’UE, se concrétise par les projets Crimario et Mase (océan Indien), Yaris (golfe de Guinée) et Esiwa (Asie). Le plan d’action de la Stratégie de sûreté maritime de l’UE, mis à jour en 2018, bénéficie du partage de l’information par le MICA Center de Brest. Le concept de présences maritimes coordonnées, dans une zone maritime d’intérêt pour l’UE, va renforcer l’interopérabilité des Marines de l’UE déployées en océan Indien. Celles-ci totalisent un nombre de frégates et de destroyers équivalent à ceux de la Chine et des Etats-Unis.

Loïc Salmon

Selon Julia Tasse, la sécurité de l’environnement constitue un enjeu stratégique, en raison du réchauffement climatique et de la perturbation de l’équilibre des écosystèmes de la biodiversité. L’élévation de la température de la surface de la mer va provoquer des migrations des bancs de poissons de la zone tropicale vers la haute mer. Les pêcheurs feront alors des incursions dans les zones économiques exclusives des pays voisins. Dans quelques décennies, l’élévation du niveau des eaux devrait submerger 30 % du delta du Mékong, zone de production alimentaire en Asie du Sud-Est, et entraîner des déplacements de populations. En outre, d’ici à 2050, elle risque de menacer des villes de plus de 10 millions d’habitants, à savoir Londres, Istanbul, Mumbai, Chennai, Shanghai, Dacca, Bangkok, Djakarta, Dar es Salaam, Luanda, Lagos, Dakar, Buenos Aires, Lima et New York.

Union Européenne : présidence française, les enjeux de défense

Marine nationale : le « MICA Center », compétence mondiale

Afrique : golfe de Guinée, zone de coopération stratégique

 




Environnement : lancement de l’initiative « Changement climatique et forces armées »

L’intensification des bouleversements climatiques menace directement la biodiversité et crée des tensions géopolitiques et démographiques pour l’accès aux ressources naturelles. Les forces armées s’y préparent.

Lors du Forum de Paris sur la paix (11-13 novembre 2021), les ministres des Armées de 25 pays, dont la France et les Etats-Unis, ont souligné que la transition énergétique doit constituer un atout opérationnel et un axe de coopération privilégié entre les Etats, nécessitant une coordination internationale.

Adaptation et résilience. Dans une déclaration conjointe, les ministres des Armées signataires préconisent des mesures d’anticipation stratégique. Il s’agit notamment de favoriser la création d’un réseau d’experts « climat et énergie » par des coopérations entre « think tanks », universités et instituts de recherche dédiés. Les industries de défense doivent encourager la recherche et le développement d’équipements militaires au bilan carbone neutre, de préférence à double usage. Une approche commune doit évaluer les impacts géopolitiques et sécuritaires du changement climatique en construisant les fondations d’une coopérations Nord-Sud accrue. Une articulation des politiques diplomatique, de développement et de défense doit permettre de répondre aux enjeux sécuritaires dans les zones fragiles et affectés par les conflits. Les mesures d’adaptation portent notamment sur la résilience des armées en ce qui concerne les équipements, modes d’actions militaires et infrastructures de communication, de transport, d’énergie et de traitement de l’eau. Parmi les mesures d’atténuation des effets du changement climatique, figurent la réduction de la dépendance des infrastructures militaires aux énergies fossiles, par l’autonomie énergétique des camps, et celle des combustibles fossiles par l’électrification et l’emploi de carburants synthétiques dans les domaines aérien, maritime et terrestre.

Plan biodiversité 2030. Le ministère des Armées a publié un document sur la préservation de la biodiversité à l’horizon 2030. Son action porte sur la clarification des responsabilités, la formation de 650 « chargés d’environnement », la garantie d’une programmation financière (1,6 M€/an) et le développement d’outils d’aide à la décision pour donner une vision d’ensemble au niveau national. Ainsi, 310.000 € sont destinés à renforcer les capacités de la nature à capter et emmagasiner le CO2. La convention 2021-2024 avec la Fédération des conservatoires d’espaces naturels prévoit d’évaluer le stock de carbone présent sur les sites militaires (forêts, prairies, landes tourbières et zones humides), d’augmenter la captation sur site et d’identifier des sites pour la conservation et la restauration des milieux hors du domaine public utilisés par le ministère des Armées. Le projet « Kivi Kuaka » (400.000 €) porte sur l’analyse des comportements des oiseaux en réponse à des cyclones et tsunamis. Sur des sites polynésiens, 56 oiseaux ont été équipés de GPS et de balises pour récupérer des données météorologiques, qui sont envoyées à la Station spatiale internationale et traitées par les équipes du Muséum d’histoire naturelle au sol. En partenariat avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, le ministère des Armées finance (150.000 €) un projet sur les stocks et les déplacements des thons, ressource importante et enjeu politique majeur, vers les eaux internationales du Pacifique, plus difficiles à contrôler.

Loïc Salmon

Environnement : conséquences du changement climatique sur la sécurité internationale

Défense : le climat, facteur de dérèglement géopolitique

Sécurité : risques et tensions liés au désordre climatique




Environnement : conséquences du changement climatique sur la sécurité internationale

Le réchauffement climatique et la dégradation de l’environnement créent des tensions, qui influent sur la stabilité mondiale et les opérations militaires. Le triptyque défense, diplomatie et développement implique une coopération entre les différents acteurs.

A cet effet, la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des Armées a mis sur pied un « observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense ». Ce dernier a rédigé un rapport sur l’action des forces armées étrangères dans ce domaine, présenté à la presse le 22 mars 2021 à Paris par Julia Tasse, Sofia Kabbej et François Gemenne, chercheurs à l’Institut de relations internationales et stratégiques. Une note de synthèse du rapport a été publiée le lendemain.

Collaboration civilo-militaire. De nouveaux conflits peuvent surgir dans des lieux jusque-là épargnés, indique François Gemenne. La compétition pour la sécurité alimentaire et le nombre croissant d’Etats faillis provoquent des tensions ethniques, dont profitent les organisations djihadistes. Les Etats démunis recourent alors aux forces armées étrangères pour maintenir la stabilité. Selon Julia Tasse, la prévention de ces risques passe par la fourniture de moyens de subsistance aux populations exposées, pour qu’elles s’adaptent, afin d’éviter l’émergence des situations extrêmes. Les Etats-Unis et le Conseil de sécurité de l’ONU prennent en compte les risques de tensions internationales consécutives au changement climatique. Pour y faire face, la coopération porte sur la formation et les échanges de savoir-faire et de bonnes pratiques, indique Sofia Kabbej. Déjà l’Union européenne, l’OTAN et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est abordent ces domaines, préconisent exercices et formations en commun et rédigent des rapports sur les capacités de coopération, ajoute François Gemenne.

Maintien de l’effet militaire. Les perturbations du climat se manifestent par l’occurrence de phénomènes extrêmes et à évolutions lentes avec des implications sécuritaires importantes, à savoir cyclones, inondations, sècheresse, tempêtes, élévation du niveau des mers et des océans. En conséquence, indique le rapport de l’observatoire de la DGRIS, la diversité des impacts du changement climatique est prise en compte, surtout parmi les forces armées des pays les plus riches, afin de maintenir une totale capacité opérationnelle dans un environnement dégradé. Certains documents de doctrine évoquent le changement climatique comme une menace de plus pour la sécurité nationale, d’autres examinent en détail ses effets en termes d’opérabilité et de capacité. Ils étudient les impacts sur les infrastructures civiles et militaires, la dimension civile, voire humanitaire, croissante des missions futures, la nécessité de développer de nouvelles infrastructures et des matériels plus adaptés. Pour la majorité des pays étudiés, la coopération internationale apparaît comme une réponse aux impacts sécuritaires. Toutefois, seuls l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis recommandent l’élaboration de méthodologies d’évaluation de vulnérabilité, la création de comités spécifiques, le soutien à la recherche ou la rédaction de manuels et de rapports spécifiques. Les forces armées doivent tenir compte du changement climatique dans la surveillance maritime et frontalières. Pour assurer la résilience des sites, aéroports et emprises militaires, les Etats-Unis renforcent les partenariats des armées avec les agences fédérales civiles, les pouvoirs publics locaux et les organisations non gouvernementales. La Norvège et la Nouvelle-Zélande préfèrent cibler leurs investissements sur l’adaptation des équipements militaires aux effets du changement climatique. La Russie va construire 40 brise-glace et adapter des infrastructures et des équipements aux conditions extrêmes de l’Arctique. La Jordanie, qui subit augmentation des températures et sécheresse, demande à des organisations non gouvernementales de former ses militaires à la gestion de l’eau. Les Etats-Unis accroissent les entraînements sur simulateurs et sites adaptés.

Réduction de l’empreinte climatique. La résilience énergétique des forces armées, souligne le rapport de l’observatoire de la DGRIS, se concentre sur l’identification et la réduction des faiblesses dans la chaîne d’approvisionnement en énergie, susceptibles de compromettre la conduite des opérations. Cela implique notamment : une dépendance moindre aux carburants fossiles, qui nécessitent un acheminement ; un recours accru aux énergies renouvelables, qui fonctionnent de manière plus autonome sur le terrain ; un meilleur rendement énergétique des équipements. Le rapport note que peu de pays mentionnent les résultats de leur bilan énergétique et de leur « bilan carbone » (tonnes d’équivalent CO2 émises par leurs activités) dans leurs documents stratégiques relatifs à l’environnement. Quoique le Canada n’entre pas dans les détails, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis se montrent plus transparents dans ce domaine. La résilience énergétique nécessite aussi la mise en œuvre de programmes visant à diminuer les émissions de gaz à effet de serre. L’Inde, les Etats-Unis et le Danemark envisagent de plus en plus le recours aux énergies renouvelables dans les opérations extérieures, compte tenu du caractère opérationnel de l’autonomie des bases avancées. En outre, la résilience énergétique des véhicules de transport porte sur des carburants alternatifs, comme le biodiesel et l’hydrogène, sur les moteurs existants et l’innovation sur les batteries portatives des équipements individuels. La restauration des écosystèmes inclut notamment la plantation d’arbres, en Chine et en Jordanie, et le déminage des anciennes zones de combat, pratiqué par les Etats-Unis et la Norvège. Au Brésil, les forces armées protègent la forêt amazonienne des exploitations illégales. Enfin, en Inde, des « bataillons éco-territoriaux » sont formés à la protection de l’environnement.

Missions de sécurité civile. Selon le rapport de l’observatoire de la DGRIS, les autorités civiles sollicitent de plus en plus les forces armées pour les secours lors des catastrophes naturelles, qui augmentent en fréquence et en intensité. Ainsi, les Etats-Unis, l’Australie, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et les Pays-Bas mobilisent immédiatement leurs forces armées. La coopération civilo-militaire fait partie du programme d’anticipation des catastrophes naturelles au Japon, au Chili et aux Etats-Unis. La majorité des pays ayant mis en place des pratiques spécifiques à l’anticipation ou à la réponse aux catastrophes naturelles sont pauvres et y sont particulièrement exposés. Il se trouvent surtout en Afrique, en Amérique latine et en Asie du Sud-Est. Même les pays industrialisés, de plus en plus exposés, institutionnalisent la coopération civilo-militaire. L’ONU, l’OTAN et la Plate-forme d’intervention régionale de l’océan indien de la Croix-Rouge ont mis en œuvre des procédures d’interventions civilo-militaires pour les missions de sécurité civile hors des territoires nationaux.

Loïc Salmon

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Défense : les infrastructures, de la construction à l’expertise

Le Service d’infrastructure de la défense (SID) intervient, partout et en tout temps, pour assurer la résilience du ministère des Armées, des hébergements aux grands programmes d’armement et sites nucléaires.

Son directeur central, le général de corps d’armée Bernard Fontan, l’a présenté à la presse, au cours d’une visioconférence à Paris le 27 mai 2021.

Eventail complet de capacités. Placé sous l’autorité du Secrétariat général pour l’administration, le SID construit et adapte les infrastructures des forces armées, directions et services, en métropole, outre-mer et opérations extérieures (Opex). Outre la maintenance lourde des infrastructures communes, il réalise celles destinées à l’entraînement des forces et à la collecte de données. En Opex, il met en œuvre centrales électriques, installations pyrotechniques, centres médico-chirurgicaux et unités de traitement de l’eau (captage, filtrage, distribution, retraitement des eaux usées et leur rejet dans la nature). Ses 6.600 personnels (67 % civils et 33 % militaires) traitent 4.100 immeubles et 2,7 Mdsm2 de terrain, 30,5 Mm2 de surface bâtie et 230 M€ d’achat d’énergie. Leurs domaines de compétences incluent les ports, installations nucléaires, centres de traitement des déchets, monuments historiques et forêts.

Programmes majeurs. Dans le cadre de la loi de programmation militaire 2019-2025, le SID réalise notamment les infrastructures d’accueil et de soutien des sous-marins d‘attaque Barracuda à Toulon et les travaux à l’Ile Longue (Brest), base de la Force océanique stratégique. Pour l’armée de l’Air et de l’Espace, il adapte les infrastructures des bases de Mont-de-Marsan et d’Orange pour le soutien des avions de chasse Rafale. Il reconfigure la base d’Istres pour l’accueil des Airbus A330 MRTT de la 31ème Escadre aérienne de ravitaillement et de transport stratégique dédiée à la dissuasion nucléaire. Pour l’armée de Terre, le SID réalise les infrastructures relatives au programme de combat collaboratif Scorpion (écoles, centres de maintenance et régiments).

Organisation. Créé en 2011, le SID a réalisé un maillage fin du territoire, indique le général Fontan. Son réseau s’articule autour d’une direction centrale, d’un centre d’expertise et d’un centre national de production à Versailles et de sept établissements répartis en métropole. Ces derniers comprennent 49 unités de soutien au plus près des bases de défense, qui disposent d’antennes pour soutenir les régiments, bases aériennes et navales ainsi que les centres de la Direction générale de l’armement. A ces quelque 200 sites s’ajoutent les unités implantées hors du territoire métropolitain, à savoir à Cayenne (Guyane), Fort-de-France (Martinique), Nouméa (Nouvelle-Calédonie), Papeete (Polynésie française), Saint-Denis (La Réunion), Abou Dhabi (Emirats arabes unis), Abidjan (Côte d’Ivoire), Dakar (Sénégal), Libreville (Gabon) et Djibouti. Le SID suit les consommations d’énergie et optimise les contrats d’achat d’électricité et de gaz. Il assure la transition énergétique globale en identifiant les sites les plus gourmands, afin de diminuer leur consommation, respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de recourir aux énergies alternatives. Cela implique le remplacement des chaudières à gaz, l’arrêt du charbon en 2024 et l’installation de panneaux photovoltaïques. Depuis 2017, le SID recrute plus de 400 personnes par an. Son budget est passé de 1,5 Md€ en 2015 à 2,1 Mds€ en 2020.

Loïc Salmon

Défense : relance de la politique immobilière des armées

La sûreté nucléaire des installations de défense

Défense : la stratégie énergétique, un atout opérationnel pour la résilience




Défense : la géographie pour garantir la liberté d’action

L’appréciation autonome de la situation dépend de la compréhension de l’environnement géophysique d’un théâtre, en vue de planifier et conduire une opération aérienne, navale, aéroterrestre ou interarmées.

La géographie militaire a été présentée en visioconférence à la presse, le 29 avril 2021 à Paris, par : un colonel, chef du bureau géographique, hydrographique, océanographique et météorologique du Commandement pour les opérations interarmées ; un ingénieur en chef de l’armement, directeur adjoint de l’unité de management ESIO (espace et systèmes d’information opérationnels) de la direction des opérations de la Direction générale de l’armement (DGA).

Objectifs opérationnels. La veille stratégique inclut l’information géographique militaire globale, explique le colonel. La prise de décision tient compte de l’interaction entre géographie, hydrographie, météorologie et océanographie. L’intelligence artificielle permettra de gagner du temps et d’augmenter la base de données. Celles-ci servent, par exemple, à préparer une opération amphibie ou à déterminer la praticabilité d’axes routiers pendant la saison des pluies dans la bande sahélo-saharienne. Elles sont utilisées pour la précision de 80-90 % des systèmes d’armes. Grâce à la coopération internationale de 32 pays, la représentation de 43 % des terres émergées est disponible en cartes au 50.000ème. L’accès à l’espace permettra d’anticiper les enjeux et risques à moyen et long termes, consécutifs notamment au réchauffement climatique.

Production et information. Selon l’ingénieur en chef, l’Etat-major des armées et la DGA ont lancé, depuis 2016, le programme GEODE 4 D de mise à jour des données géographiques, à savoir augmentation de la résolution, rafraîchissement de l’information et couverture de nouvelles zones. La première composante de GEODE 4 D porte sur la production de données, acquises via trois marchés complémentaires : GEOSOCLE pour les images précises des vallées et montagnes de toute la planète ; GEOMAPS pour la modélisation de l’environnement (routes, zones industrielles, infrastructures etc.) ; T-Rex, coopération internationale basée sur l’exploitation de l’imagerie satellitaire radar pour numériser la surface du sol (immeubles, éoliennes, pylônes etc.). La seconde composante de GEODE 4D compte trois systèmes d’information : réalisation de modèles de cibles ; prévisions océanographiques du Service hydrographique et océanographique de la marine ; acquisition automatique des données géographiques, hydrographiques, océanographiques et météorologiques, dont certaines sont destinées aux systèmes d’armes.

Moyens. Selon le ministère des Armées, environ 500 militaires et civils traitent de la géographie militaire au sein de l’Etat-major des armées, de la Direction générale de l’armement, de l’Etablissement géographique interarmées (basé à Creil) et du 28ème Groupe géographique (Hagenau). Le ministère des Armées est représenté au conseil d’administration de trois établissements publics « satellites » : le Service hydrographique et océanographique de la marine (500 personnes) ; Météo France (2.500 personnes) ; l’Institut national de l’information géographique et forestière (1.500 personnes). La loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit 450 M€ pour la géographie militaire. Celle-ci dispose de 270.000 produits référencés et d’un patrimoine numérique de 150 téraoctets.

Loïc Salmon

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Défense : relance de la politique immobilière des armées

Adaptation des infrastructures aux grands programmes d’armement, amélioration de l’habitat militaire et transition écologique constituent les piliers de la nouvelle politique immobilières des armées.

Un document, rendu public à Paris le 21 janvier 2021, récapitule les avancées réalisées dans le cadre de la loi de programmation miliaire 2019-2025.

Grandes infrastructures. Les armées bénéficient progressivement des investissements nécessaires à l’accueil et au soutien des grands équipements militaires de nouvelle génération. L’armée de Terre va recevoir des véhicules blindés multi-rôles Griffon et engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar. Ainsi, 17 M€ ont été consacrés à l’adaptation de la zone technique du 13ème Bataillon de chasseurs alpins à Saint-Alban/Barby, inaugurée en mars 2021. En outre, 4,5 M€ sont destinés à la construction du bâtiment d’accueil des simulateurs Griffon et Jaguar du 1er Régiment de chasseurs d’Afrique de Canjuers (juin 2021). La Marine nationale doit pouvoir assurer le soutien des sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda et des frégates multi-missions (FREMM). Ainsi, 18,2 M€ ont été alloués à la construction d’un second ponton pour les FREMM à la base navale de Brest (mars 2021). Par ailleurs, 30,2 M€ ont financé la construction des bâtiments et aires aéronautiques pour la 3ème Flottille de chasseurs embarqués Rafale de la base de Landivisiau (janvier 2021). L’armée de l’Air et de l’Espace doit prendre en charge les avions de transport militaire polyvalents A400 M et de transport et de ravitaillement en vol Airbus A330 MRTT. Par ailleurs, 67 M€ ont été alloués à la construction, pour une inauguration en novembre 2021, des infrastructures « techniques et horizontales » pour l’unité de transport aérien franco-allemand C-130J sur la base aérienne 105 d’Evreux.

Habitat à « hauteur d’homme ». Le plan d’amélioration d’hébergement en enceinte militaire a engagé des travaux à hauteur de 237 M€ en 2021, soit une augmentation de 60 M€ par rapport à 2020 et deux fois plus qu’en 2019. Les livraisons portent sur 2.250 plans d’hébergement : 850 places nouvelles, dont 500 dans les bâtiments pour les cadres célibataires (BCC) ; 1.400 places réhabilitées. Ainsi ont été attribués en 2021 : 11,8 M€ à l’armée de Terre pour la construction de 100 places BCC à l’Ecole nationale des sous-officiers d‘active de Saint-Maixent ; 10,6 M€ à la Marine nationale pour 200 places sur la base de Lorient ; 3,5 M€ à l’armée de l’Air et de l’Espace pour la réhabilitation de logements sur la base de Saint-Dizier. En outre, le projet de loi de finances 2021 prévoit 160 M€ d’autorisations d’engagement en faveur du logement familial pour les personnels.

Transition écologique. Dans le cadre de la Stratégie ministérielle pour la performance énergétique, près de 500 M€ ont été mobilisés jusqu’en 2025 pour réduire les consommations énergétiques des infrastructures du ministère des Armées, remettre aux normes les installations classées et dépolluer les sols et les eaux. En 2021, 65,30 M€ d’autorisations d’engagement (AE) et 38,72 M€ de crédits de paiement (CP) ont été affectés à des investissements de transition écologique. Ainsi, 53,46 M€ en AE et 34,24 M€ en CP doivent notamment financer le remplacement de chaufferies au charbon ou au fioul lourd ou les contrats de performance énergétique, comme au camp de Mourmelon. Par ailleurs, un champ solaire a été édifié à Saint-Christol et une chaufferie biomasse construite à Mailly-le-Camp.

Loïc Salmon

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Défense : le ministère des Armées à l’ère du numérique