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Défense : programmation militaire, 413, 3 Mds€ pour la période 2024-2030

Le projet de loi de programmation militaire (LPM) prévoit un budget de 413,3 Mds€ entre 2024 et 2030, en vue de parvenir à 2 % du produit intérieur brut dès 2025, et précise les besoins et ressources jusqu’en 2030 et les orientations en matière d’équipements à l’horizon 20235.

Il a été présenté par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, à l‘Assemblée nationale à Paris le 4 avril 2023.

Les priorités. Outre le maintien à niveau de la dissuasion nucléaire, le projet de LPM prévoit 10 Mds€ pour l’innovation, en vue de fournir aux armées la maîtrise dans l’espace, les fonds marins, le champ informationnel et le cyber en 2030, via les technologies civiles ou l’exploration des nouvelles technologies de rupture. Il inclut 6 Mds€ pour l’espace, afin d’accroître les capacités de détection et d’attribution d’un acte suspect ou agressif. Un centre de commandement, de contrôle, de communication et de calcul des opérations spatiales pilotera les actions vers, dans et depuis l’espace. Le projet de LPM prévoit 5 Mds€ pour les drones et robots : drones de contact ; munitions téléopérées pour atteindre la capacité de vol en essaims ; futur système de lutte anti-mines marines ; connaissance, surveillance et action jusqu’à 6.000 m sous la mer ; robots terrestres et systèmes capables de coopérer avec le soldat et son environnement, mais sous son contrôle. Il inclut 5 Mds€ pour la défense surface-air dans les basse et haute couches de l’atmosphère, contre les drones et pour l’adaptation aux menaces d’engins hypersoniques. Il prévoit 5 Mds€ pour le renseignement : dispositif de traitement des données de masse ; capacités humaines de recherche technique, de traitement des sources, d’exploitation du renseignement et d’action. Il inclut 4 Mds€ pour la défense cyber : adaptation aux évolutions technologiques ; appui à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information ; accompagnement des entreprises de défense les plus sensibles ; lutte informatique d’influence. Il prévoit 2 Mds€ pour les forces spéciales pour moderniser leurs équipements : avions de transport ; hélicoptères NH90 spécifiques ; drones ; véhicules terrestres, de surface et sous-marins. Enfin, 16 Mds€ seront destinés aux munitions : missiles à longue portée antinavires ; missiles surface-air et air-air ; missiles antichars ; torpilles lourdes.

Les effectifs. En 2023, le ministère des Armées compte 207.000 militaires et 63.000 civils, dont 22 % de femmes. Le projet de LPM précise les augmentations nettes des effectifs : 700 en 2024 ; 700 en 2025 ; 800 en 2026 ; 900 en 2027 ; 1.000 en 2028 ; 1.000 en 2029 et 1.200 en 2030. Ces chiffres ne prennent pas en compte les apprentis civils et militaires ni les volontaires du service militaire volontaire ni les volontaires du service national universel. En conséquence, les effectifs du ministère des Armées se monteront à 271.800 équivalents temps plein en 2027 et 275.000 en 2030. En 2023, les armées comptent 41.000 réservistes opérationnels sous contrat. Ce chiffre sera porté à 105.000 au plus tard en 2035, en vue d’attendre l’objectif d’un militaire de réserve pour deux militaires d’active.

Le financement. Actuellement, le budget de armées atteint 43,9 Mds€, dont 14,5 Mds€ pour l’équipement des forces. Il devrait atteindre 47,04 Mds€ (+ 3,1 %) en 2024, 50,04 Mds€ (+ 3 %) en 2025, 53,04 Mds€ (+ 3 %) en 2026, 56,04 Mds€ (+3 %) en 2027, 60,32 Mds€ (+ 4,3 %) en 2028, 64,61 Mds€ (+ 4,3 %) en 2029 et 68,91 Mds€ (+ 4,3 %) en 2030. Il faudra y ajouter les ressources nécessaires au financement de l’aide militaire à l’Ukraine, sous forme de contribution à la Facilité européenne pour la paix. La LPM 2024-2030 sera actualisée en 2027. Chaque année, le gouvernement présentera au Parlement un bilan de l’exécution réalisée l’année précédente avant le 30 avril, un rapport sur les enjeux et les principales évolutions avant le 30 juin ainsi qu’un bilan opérationnel et financier des opérations extérieures et des missions intérieures.

Loïc Salmon

Défense : « Revue nationale stratégique 2022 »

Défense : vers 2 % du Produit intérieur brut à l’horizon 2025

Défense : démarche capacitaire, de la menace à l’organisation et à la coopération européenne




Défense : le « Métavers », nouveau champ de bataille

Le réseau social « Métavers », évolutif dans le monde virtuel et interactif en temps réel, offre des possibilités en matière de formation, de renseignement, d’influence et de recrutement pour les armées, mais présente aussi des risques.

Cela ressort d’un colloque organisé, le 1er décembre 2022 à Paris, par le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement de l’armée de Terre (CDEC). Y sont notamment intervenus : Mathieu Flaig, société de conseil en systèmes et logiciels informatiques SQORUS ; le colonel Samir Yaker, CDEC ; l’ingénieur civil Hervé Cicchelero, Direction générale du numérique et des systèmes d’information et de communication ; le colonel Jean-Gabriel Herbinet, État-major de l’armée de Terre ; le lieutenant-colonel Raphaël Briant, Direction générale des relations internationales et de la stratégie ; le lieutenant-colonel Hubert de Quièvrecourt, direction des ressources humaines de l’armée de Terre ; le lieutenant-colonel Fabien Simon, État-major de l’armée de Terre/Cyber ; le général de division Pierre-joseph Givre, directeur du CDEC.

Perspectives techniques. L’internet a connu plusieurs évolutions, indique Mathieu Flaig. Le web 1.0 porte uniquement sur la lecture avec les moteurs de recherche dont Google et Yahoo. Le web. 2.0 permet en outre d’écrire et d’échanger via les réseaux sociaux, dont Facebook et Twitter. Le web 3.0 y ajoute la confiance et la vérification au moyen de diverses plateformes et des lunettes pour le virtuel. Persistant et massivement évolutif, le Métavers, réseau de mondes virtuels interconnectés, est axé sur l’interaction en temps réel où les gens peuvent travailler, réagir socialement, effectuer des transactions, jouer et même créer des environnements. La fusion entre le réel et le virtuel s’effectue déjà par l’intermédiaire de l’ordinateur ou du smartphone. La société américaine Meta, fondée en 2004, a rejoint les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazone et Microsoft). Environ 25 % des gens passeront une heure par jour à naviguer sur internet en 2026. Le marché du Métavers est estimé à 13 Mds$ en 2030. Toutefois, 60 % des gens ne semblent guère enclins à faire leur marché de façon virtuelle.

Espace de confrontation. La stratégie consiste à imposer sa volonté face à celle de l’ennemi, rappelle le colonel Yaker. Dans le triptyque « compétition, confrontation et affrontement », la formule « gagner la guerre avant la guerre » s’inscrit dans la phase de compétition. La victoire stratégique résulte de la modification du comportement de l’adversaire au moyen de la guerre informationnelle, qui influe sur sa prise de décision. Il s’agit de prendre l’ascendant sur lui en décidant plus vite que lui. Après une intervention foudroyante qui sidère l’adversaire, il convient d’évaluer l’opération militaire en termes de pertes et de gains potentiels avec les conséquences sur la liberté d’action du chef. La stratégie de communication fixe un code des opérations pour que la population, présente sur le théâtre, en comprenne le sens. Celle-ci de répartit en trois catégories : la première, hostile, qu’il faut discréditer ; la deuxième qui doute et qu’il faut convaincre ; la troisième, favorable, dont il faut renforcer les convictions. Ainsi, la guerre en Ukraine met en en œuvre l’affrontement physique avec les forces russes, la résilience de la nation et ses forces morales (valeurs et patriotisme). A terme, le Métavers prendra aussi en compte les forces morales. Par ailleurs, la conflictualité devient multi-champs, à savoir terre, mer, air et cyber, avec les défis de l’interopérabilité et de la connectivité. Le renseignement tactique est recoupé et coté à 100 % ou 80 % selon les sources. L’armée de Terre se prépare à des opérations hybrides par la simulation et l’entraînement sur le terrain. La numérisation du champ de bataille apporte l’information juste au bon niveau de commandement, pour éviter une surcharge cognitive. Le Métavers va rendre encore plus complexe le travail de l’état-major. Le futur contrôle technologique devra conserver l’humain au centre de tout.

Potentialités militaires. Avant de se trouver dans la réalité du combat, le militaire va s’y préparer via le métavers, indique le lieutenant-colonel Briant. Les bases aériennes d’Orange et de Mont-de-Marsan disposent d’équipements créant un environnement représentatif de vol (photo). Le Métavers constitue un espace expérimental d’interopérabilité peu sécurisé, mais toutes les armées du monde vont se l’approprier. L’adversaire pourrait alors biaiser la reprogrammation, en vue de détruire la cohésion homme/machine. Il faudra pouvoir le déceler à temps pour ne pas se faire déposséder de la conduite de la guerre. Le couplage entre le réel et le virtuel permettra de simuler un champ de bataille à l’étranger pour une mise en situation opérationnelle. Aujourd’hui, souligne Hervé Cicchelero, la réalité allant très vite, l’ingénierie reste indispensable en progressant pas à pas et en acceptant de se tromper dans un monde physique, de plus en plus numérisé et virtualisé. En outre, gagner la guerre, en vue ensuite de négocier, nécessite une approche sociologique des gouvernants et une prise en compte des normes au niveau européen. En opération, les soldats n’emportent pas de téléphone personnel, qui localiserait leurs émotions à une date et un endroit précis, rappelle le lieutenant-colonel Simon. Il existe en effet des applications qui facilitent la fuite de données, dont les traces persistent après effacement. Des robots pourraient y être installés pour simuler une présence dans un endroit virtuel, afin de tromper l’adversaire. Le casque de Métavers enregistre des données personnelles, notamment la sudation, le pouls et l’expression du visage, signes de réaction au stress. Les données comportementales sont exclues de l’échange d’informations dans le cadre d’une coopération internationale. Toutefois, ces données permettent de cibler les personnels à recruter pour des métiers correspondant à leurs points forts. L’armée de Terre recherche chaque année des jeunes de 18-25 ans et devra donc prospecter le Métavers qu’ils connaissent bien, indique le lieutenant-colonel de Quièvrecourt. Déjà peu après leur arrivée, les recrues, coiffées d’un casque de vision virtuelle à 360°, se trouvent plongées dans une ambiance d’un combat violent ainsi que dans la mise en œuvre d’un canon ou la conduite d’un char. Bientôt, le recrutement pourra se faire en ligne. Selon le colonel Herbinet, des règles strictes relatives aux smartphones assurent la protection des données en opération. Pourtant, rien n’empêche des espions russes, chinois ou israéliens d’aller capter les données personnelles des futurs cadres de l’armée française… aux abords de l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan !

Préparer demain. La discussion libre entre civils et militaires améliore la visibilité dans le « brouillard de la guerre », constate le général Givre. L’armée de Terre doit recruter des compétences et capter des talents. Dans ses champs d’action, elle doit utiliser le défensif en appui de l’offensif. Cela passe par l’exploitation des données, dont 80 % viennent de sources ouvertes. Le renseignement, destiné aux forces engagées en opération, doit provenir de toutes les sources possibles. Des robots pourront capter des informations sur le Métavers et lancer des leurres en temps réel. Le champ de bataille connaît une hybridation systématique. L’Ukraine, qui a militarisé sa société civile depuis l’invasion russe en 2022, dispose d’informaticiens capables de créer des applications en 48 heures pour la protection de ses systèmes et la saturation de ceux des forces russes. Pendant la guerre du Haut-Karabagh en 2020, les Azéris ont réagi très vite face aux Arméniens. Les décisions rapides reposent sur l’exploitation des données. La France, souligne le général, ne peut se permettre d’être en retard dans le Métavers. Seule, elle n’y parviendra pas et doit aller à la vitesse des autres en mobilisant toutes les intelligences. Les GAFAM ont déjà réalisé un réseau de très haut niveau technique… mis au service des Etats-Unis !

Loïc Salmon

Médias sociaux : tout n’est pas bon à dire en opérations

Armée de Terre : connaissance, coopération et influence

Armée de Terre : entraînement et juste équilibre technologique




Défense : la « mémoire combattante » incluse dans la préparation de la prochaine LPM

Un groupe de travail sur la mémoire combattante participe à l’élaboration de la loi de programmation militaire 2026-2031, afin de renforcer le lien Armée-Nation et le travail de reconnaissance, sur lequel des accords existent avec d’autres pays.

Présidé par le contrôleur général des armées Eric Lucas, il s’est réuni les 7 et 15 décembre 2022. Il comprend des représentants d’associations d’anciens combattants et de fondations mémorielles, des enseignants, des parlementaires, des maires, des militaires et des personnels des directions et services du ministère de Armées. Ses réflexions visent à rendre plus attractive, pour la jeunesse, une politique publique des commémorations et des cérémonies patriotiques en mobilisant les musées et les services d’archives.

La politique de mémoire. Trois axes déterminent les actions mémorielles de l’État. Le premier concerne la conservation et la mise en valeur du patrimoine de pierre. Une loi de 1915 rend obligatoire et à perpétuité l’entretien des tombes des soldats morts pour la France et dont les corps n’ont pas été restitués aux familles. Cela inclut l’entretien des sépultures de soldats décédés en service et depuis les guerres napoléoniennes puis les guerres de Crimée (1853-1856) et contre la Prusse (1870), quand la mention « mort pour la France » n’existait pas encore. A l’étranger, la Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DMPA) assure l’entretien d’un millier de lieux de sépultures, où 230.000 soldats sont inhumés, dans environ 80 pays. En liaison avec les associations d’anciens combattants, le deuxième axe porte sur les commémorations lors des 11 journées nationales et des dates identifiées dans le cadre de cycles mémoriels évoluant chaque année. Le troisième axe concerne les actions de sensibilisation auprès des jeunes générations. En partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, le ministère des Armées apporte un soutien à l’enseignement sur la défense, à la mise en place de ressources pédagogiques et au renforcement de la participation des élèves aux commémorations. Ce partenariat s’tend au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, pour l’enseignement agricole, et à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

La « mémoire partagée ». Depuis 2002, des accords de « mémoire partagée » valorisent les relations avec les pays, alliés ou adversaires, dont l’histoire militaire a croisé celle de la France au cours des conflits depuis 1870. Ils développent un « tourisme de mémoire » sur les lieux de combat et les cimetières militaires. La France a déjà signé de tels accords avec l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, la Grande-Bretagne, Madagascar, le Maroc, la Nouvelle-Zélande et la Tunisie. Le 10 novembre 2008, les « rencontres européennes de la mémoire » ont posé les bases d’une politique mémorielle élargie. Les représentants des pays de l’Union européenne ont décidé la mise en place d’une présentation et d’une mise en valeur du patrimoine mémoriel de la Grande Guerre en mettant en commun des archives de guerre, via un portail mémoriel européen. Depuis, les commémorations des deux guerres mondiales ont donné lieu à de nombreuses cérémonies internationales avec la mise en ligne d’archives et le développement de projets pédagogiques.

Les hauts lieux de la mémoire nationale. L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre valorise et gère les hauts lieux de la mémoire nationale, désignés par la DMPA : le site du Struthof (Natzwiller, Bas-Rhin) ; le site du Mont-Valérien (Suresnes, Hauts-de-Seine) ; le mémorial des martyrs de la Déportation, dans l’Ile de la Cité (Paris) ; le mémorial de la prison de Montluc (Lyon, Rhône) ; le mémorial du débarquement de Provence, au Mont-Faron (Toulon, Var) ; le mémorial des guerres d’Indochine (Fréjus, Var) ; le mémorial de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie (Paris).

Loïc Salmon

Défense : découvrir le passé pour réfléchir sur l’avenir

Exposition « Le nouveau visage de la guerre » à Verdun

Exposition « Napoléon stratège » aux Invalides

 




Défense : reconversion professionnelle dans le civil

Confrontée à l’impératif de jeunesse, l’institution militaire doit conserver son attractivité et fidéliser les personnels ayant acquis une expertise grâce à une formation onéreuse. Toutefois, la très grande majorité des militaires doit aussi se préparer à retrouver un emploi dans le monde civil.

Ce thème a fait l’objet d’une conférence-débat organisée, le 28 novembre 2022 à Paris, par l’Institut de relations internationales et stratégiques. Y sont intervenus : Bénédicte Le Deley, directrice générale de Défense Mobilité (agence de reconversion du ministère de Armées) ; Dominique Lecerf, chercheur à l’Université de Montpellier ; Bruno de Lalande, comité de liaison Défense/Medef.

Privilégier le temps long. Selon le Haut comité d’évaluation de la condition militaire, parmi les 30.000 personnels qui quittent l’institution chaque année, 22.000 sont concernés par une reconversion (voir encadré ci-dessous). L’agence Défense Mobilité compte 700 agents répartis sur 80 antennes en métropole et dans les outremers, explique Bénédicte Le Deley. Elle accompagne les militaires en reconversion, leur conjoint en recherche d’emploi lors des affectations et les blessés. Elle n’oriente pas, mais aide à acquérir la capacité de faire des choix sur un projet individuel futur. Un militaire peut, selon les cas, passer 20 % de son temps en formation, soit plus que la moyenne de la population française. Un engagement long (6 ans au moins) développe l’employabilité. Le suivi des carrières et de l’augmentation des compétences, par la Direction des ressources humaines, permet d’accroître les capacités à remplir certaines missions. Aujourd’hui, les recruteurs recherchent des expertises et non plus des officiers ou des sous-officiers. Défense Mobilité donne, à chaque candidat, des outils pour devenir acteur de sa transition professionnelle, à savoir comprendre le marché du travail, sa valeur personnelle et les techniques de recherche. Il s’agit d’acquérir la capacité à expliquer son projet personnel et ses perspectives de carrière et savoir utiliser les réseaux des fédérations professionnelles et des associations.

Le processus de personnalisation. Selon Dominique Lecerf, la gestion des ressources humaines des armées implique un recrutement à la hauteur des ambitions du pays, avec la garantie d’une reconversion pour les militaires après une carrière d’une durée courte ou moyenne. Dans tous les corps de métiers, l’identité du groupe imprègne l’individu, mais ne doit pas être excessive. L’acquisition de compétences va de pair avec la volonté de progresser. Le passage de la vie militaire à une activité professionnelle civile doit se faire, autant que possible, en harmonie avec un nouveau projet de vie. Ainsi, le taux de satisfaction des personnels en reconversion passe de 62 % au début à 40 % au bout de 18 mois. De plus, un tiers d’entre eux rencontre des difficultés à se maintenir dans un emploi civil trois ans après avoir quitté les armées.

Reconversion et acculturation. Dans le monde civil, les gens qui changent d’emploi éprouvent les mêmes difficulités mais pour 70 % d’entre eux ça se passe bien, indique Bruno de Lalande. Certaines entreprises partagent les mêmes valeurs de savoir être, de loyauté et de confiance. Depuis la professionnalisation des armées (2002), il est devenu plus facile pour les militaires de passer d’un monde à l’autre. Le Medef et l’État-major des armées ont constitué des groupes de travail sur la reconversion des militaires en fonction des besoins des entreprises, la réserve de défense et l’intégration des blessés à la vie civile.

Loïc Salmon

Selon un document de Défense Mobilité datant de 2015, les militaires se reconvertissent ainsi : 29 %, transport et logistique ; 14 %, services à la personne et à la collectivité, dont la sécurité ; 14 %, installation et maintenance ; 9 %, construction et bâtiments et travaux publics ; 9 %, industrie ; 6 %, support à l’entreprise ; 6 %, commerce, vente et grande distribution ; 12 %, autres secteurs, dont la fonction publique.

Monde combattant : écoute, concertation, protection et modernisation

Défense : le « plan mixité » pour la performance opérationnelle

Défense : le Plan Famille, soutien du moral des troupes




Forces spéciales

Autonomie, faible empreinte, réactivité et démarche innovante caractérisent les forces spéciales, qui disposent d’un vivier de réservistes opérationnels.

Pendant la guerre du Golfe après l’invasion du Koweït par l’armée irakienne (1990-1991), la France a mis en œuvre des forces spéciales dans l’urgence et sans les moyens adéquats. Pour combler son retard par rapport à celles des États-Unis et de la Grande-Bretagne, elle constitue alors une structure interarmées dédiée, le Commandement des opérations spéciales (COS). Durant la décennie 1990, les forces spéciales (FS) françaises et alliées interviennent pendant la guerre interethnique et religieuse en Bosnie pour des missions de recherche et sauvetage de pilotes d’aéronefs abattus. Ensuite, faute de moyens satellitaires, elles privilégient le renseignement humain dans la recherche de criminels de guerre, grâce à une collaboration internationale étroite, puis procèdent à leur capture par des opérations complexes mobilisant des moyens aériens. Au Kosovo, elles effectuent des missions de renseignement et de sécurisation des sites industriels sensibles avec, parfois, des mesures de coercition et de neutralisation. Selon l’actualité géopolitique, les forces spéciales sont envoyées dans les zones de crises majeures (Somalie, Comores, Sierra Leone, Guinée Bissau, Centrafrique, Rwanda et République du Congo) pour empêcher des massacres ou exfiltrer des ressortissants français. Pendant les années 2000, le COS organise des opérations de neutralisation de djihadistes et de démantèlement de cellules de l’organisation terroriste Al-Qaïda en Asie centrale, au Moyen-Orient et en Afrique. En Afghanistan, la France obtient la certification OTAN de nation-cadre pour la conduite d’opérations spéciales. Par ailleurs, des FS sont associées à la lutte contre la piraterie en Somalie ou contre les narcotrafics (cocaïne et amphétamines), actifs entre l’Amérique latine et l’Europe via les ports africains. Le contrôle des navires de commerce nécessite des gendarmes et des FS, en liaison avec les services régionaux de lutte contre la drogue (États-Unis et États des petites Antilles). Dans la décennie 2010, les FS réduisent en intensité leurs actions militaires en Afghanistan et sont redéployées au Levant et au Sahel. Dès 2013, elles sont envoyées au Mali pour des missions de contre-terrorisme et de neutralisation d’individus « à haute valeur ». Les opérations, effectuées à 90 % de nuit, incluent combats, indentifications, retours à la base d’appui et de soutien puis réengagements sur le terrain après de brève périodes de repos. Les opérations de libération d’otages connaissent des succès, mais aussi des échecs avec des morts et des blessés parmi les FS. En mars 2020, la « Task Force Takuba », composée uniquement de FS européennes (dix pays) mais majoritairement françaises, appuie et soutient l’armée malienne et l’aide à constituer des FS…jusqu’au départ des forces françaises le 30 juin 2022. A l’avenir, les détachements de FS seront amenés à agir dans des « zones grises » militarisées, où l’adversaire cherchera à contester la présence française tout en restant sous le seuil de l’affrontement par des actions « hybrides ». Ils devront apprendre à descendre au niveau tactique des moyens de types cyberattaque, guerre électronique et, éventuellement, d’influence ou d’actions sur l’environnement. Il ‘agira de comprendre les intentions de l’adversaire pour les dévoiler, grâce à une plus grande fusion de tous les types de renseignements et une approche multi-capteurs, tournée vers l’appui à l’action. Selon le Service de santé des armées, la « télémédecine » devrait prendre plus d’ampleur sur fond d’attaque cyber. Compte tenu des retours d’expérience et de la crise sanitaire du Covid-19, l’adversaire pourrait tenter de rendre peu crédible le soutien médical aux FS et ainsi semer le doute parmi elles.

Loïc Salmon

« Force spéciales », ouvrage collectif. Éditions de La Martinière et Musée de l’Armée Invalides, 320 pages, nombreuses illustrations, 35 €

Exposition « Forces spéciales » aux Invalides

Corps et âme

Défense : le chef de l’EIGS tué et le grand contrat australien rompu

 




Défense : « Revue nationale stratégique 2022 »

Crise sanitaire et climatique et retour d’une guerre de haute intensité en Europe rappellent l’interdépendance internationale dans les domaines alimentaire, économique et énergétique. Quand la compétition et la confrontation stratégiques se confondent, souveraineté et résistance prennent un tour nouveau.

Cela ressort de la « Revue nationale stratégique 2022 » présentée, le 9 novembre 2022 à Toulon, par le président de la République Emmanuel Macron, à bord du porte-hélicoptères amphibie Dixmude, et détaillée par le Secrétariat de la défense et de la sécurité nationale.

Environnement stratégique. Postures d’intimidation ou stratégies agressives se manifestent, mêlant modes d’action militaires et non militaires, manipulation de l’information et menace nucléaire à des fins d’intimidation. La désinhibition des puissances globales et régionales, poursuivant des révisions de l’Histoire et des politiques militaires opportunistes, va de pair avec le renforcement de la tendance aux replis isolationnistes ou identitaires. Prolifération technologique et menace terroriste restent d’actualité. En outre, des déséquilibres risquent d’émerger, notamment sur l’accès à l’eau, l’insécurité alimentaire, les migrations, la démographie et les pandémies. Une réponse globale vise à favoriser l’émergence d’une conception commune et partagée de la défense de l’Europe et de son autonomie stratégique. Les menaces s’inscrivent dans un cadre marqué par la haute intensité de l’affrontement potentiel entre forces conventionnelles. Elles se concrétisent par les stratégies « hybrides » (attaques cyber, numériques et dans l’espace) ou de déni d’accès à une zone pour peser sur les intérêts de la France (exploitation des vulnérabilités des flux ou infrastructures logistiques et des espaces aéromaritimes).

Défense et action. Pour lutter contre les menaces hybrides, la France s’appuie sur l’OTAN et l’Union européenne afin de bénéficier d’effets de levier. Sa stratégie d’influence mobilise une diplomatie publique dans une approche globale et sur le temps long, pour valoriser ses engagements et riposter efficacement à des manœuvres ou à des attaques informationnelles, notamment en Afrique. La communication stratégique de la France, éventuellement coordonnée avec celles de ses alliés, vise à porter un message cohérent, crédible et efficace vers les compétiteurs, partenaires ou alliés et vers les opinions publiques nationale et internationale. La France lutte contre l’utilisation du droit et de la norme, comme outil stratégique (« lawfare »), par ses compétiteurs et appuie l’adoption d’outils européens concourant à la lutte contre l’extraterritorialité. Elle développe de outils de riposte contre les sociétés militaires privées, groupes armés ou milices utilisées comme intermédiaires (« proxies ») par des puissances hostiles, pour démultiplier leurs actions de contestation ou de compétition, tout en maintenant un déni plausible. Diffusion d’informations, sanctions françaises ou européennes, poursuites judiciaires ou même actions militaires pourront cibler ces groupes, s’ils mènent des activités préjudiciables aux intérêts de la France, portent atteinte aux droits humains ou commettent des crimes de guerre.

Ambition pour 2030. Afin de devenir une puissance d’équilibres dans le monde en 2030, la France entend contribuer à la stabilité en Méditerranée, grâce à des capacités d’engagement dans un conflit de haute intensité. Elle peut déjà assumer le rôle de nation-cadre au sein d’une coalition de l’OTAN, de l’Union européenne ou de circonstance. Dans le cadre de partenariats équilibrés, elle agit de l’Afrique subsaharienne au golfe Arabo-Persique, à partir de points d’appui adaptés, et contribue à la stabilité de la zone indopacifique. Avec ses partenaires, elle assure sa liberté d’action dans les espaces communs (cyber, spatial, fonds marins et espace aéromaritime) et la sûreté de ses voies d’approvisionnements.

Loïc Salmon

Défense : actualisation de la LPM 2014-2019

OTAN : actualisation du concept stratégique et complémentarité navale franco-américaine

Prospective 2030 : tendances lourdes consolidées et ruptures technologiques prévisibles




Défense : l’innovation, pour la supériorité opérationnelle et l’autonomie stratégique

Espace, Robotique, hypervélocité et stratégie capacitaire pour la maîtrise des fonds marins sont pris en compte par le ministère des Armées dans l’hypothèse d’un engagement majeur d’ici à 2030.

Selon le « Document de référence de l’orientation de l’innovation de défense » publié le 21 juillet 2022, le ministère bénéficiera de financements dans le cadre du Plan d’investissements France de 34 Mds€ sur 5 ans, lancé en octobre 2021, et du Fonds européen de défense. Le document de référence intègre les ajustements de la loi de programmation militaire 2019-2025 en matière de cyberdéfense, défense NRBC (nucléaire, biologique, radiologique et chimique) et lutte anti-drones. Par ailleurs, le réseau de 9 « clusters » (regroupements d’entreprises) d’innovation technique de la Direction générale de l’armement démultiplie l’action de l’Agence de l’innovation de défense.

Frappe dans la profondeur. A l’horizon 2030, la principale menace porte sur la contestation d’espaces et d’accès par des moyens de défense aérienne, à savoir des radars et des systèmes surface-air intégrés en réseaux maillés, éventuellement utilisés en coordination avec une aviation de combat. Des barrières de défense navales de plusieurs centaines de kilomètres de large ou de profondeur peuvent gêner certains modes d’action offensifs et défensifs. La capacité de frapper des cibles à haute valeur ajoutée dans la profondeur du dispositif adverse, en mer ou à terre en limitant les risques, nécessite de pouvoir agir depuis le territoire national, à partir de bases aériennes projetées, d’emprises terrestres avancées ou depuis la mer. Cela implique diverses préparations : développement du futur missile antinavire et du futur missile de croisière mis en œuvre à partir de plateformes aériennes ou navales ; rénovation à mi-vie du missile de croisière naval ; mise au point de futurs matériaux énergétiques de défense ; montée à maturité des technologies des planeurs hypersoniques pour faire face à l’évolution des défenses et aux stratégies de déni d’accès de l’espace aérien ; évaluation des technologies de missiles pour répondre à la frappe sol-sol longue portée ; maintien de la capacité d’innovation dans le domaine des missiles ; développement de technologies pour l’artillerie électrique.

Systèmes spatiaux. Face aux menaces de déni d’accès (enjeu de souveraineté) et de leurrage (enjeu industriel), la navigation par satellite doit disposer de récepteurs intégrables dans les systèmes d’armes. La « Navwar », qui correspond à la maîtrise du spectre sur les bandes de fréquences de GNSS (système de positionnement par satellite d’un élément en temps réel partout dans le monde), inclut les activités suivantes : la protection pour se prémunir d’une attaque adverse et maintenir ses propres capacités de navigation ; la surveillance pour détecter, localiser et caractériser les attaques adverses ; l’action offensive pour empêcher l’utilisation des informations de GNSS par l’adversaire sur une zone donnée. Il s’agit aussi de préparer les évolutions du programme « Oméga » (opération de modernisation des équipements de radionavigation par satellite des armées) selon la menace, en améliorant les antennes et les traitements de données. Vers 2030, l’approche défensive d’Oméga sera complétée par des capacités de détection, caractérisation et localisation de la menace. Le développement d’une résilience système et un volet offensif permettront ainsi d’adapter la manœuvre opérationnelle.

Loïc Salmon

Guerre future : menaces balistiques et spatiales accrues

Stratégie : maîtrise des fonds marins, ambition et opérations

Défense : l’AID, interlocutrice des porteurs d’innovation

 




« Les galons de la BD », un hommage à l’engagement militaire

Le ministère des Armées s’intéresse à la bande dessinée via l’initiative « Les
galons de la BD », destinée à rendre hommage aux militaires engagés en opérations.

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Service historique de la défense

En lien depuis plusieurs années avec le Service historique de la défense (SHD), Michel Bugeaud, président de la section, s’est investi dans la collecte des témoignages d’anciens combattants de la guerre d’Algérie en associant les plus jeunes générations. Il a souhaité nous en faire connaitre les archives privées et les témoignages oraux.

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S’engager ! De l’Antiquité au XXIème siècle

Au cours de l’Histoire, les armées professionnelles n’ont jamais suffi pour défendre un pays en cas de menace directe. Les circonstances ont imposé le recours aux réserves fournies par la conscription, pas toujours universelle.

Dans la Grèce antique, remplir ses obligations militaires à 18 ans donne au jeune homme accès aux droits civiques. Les conquêtes et le développement du commerce favorisent le recours aux mercenaires. Sous la République romaine, tout citoyen est mobilisable dès 17 ans. Au IIIème siècle, la défense de l’Empire ne repose plus que sur une armée de métier et surtout les tribus barbares alliées…qui finiront par provoquer sa chute en 476. En Gaule, en contrepartie de terres, la dynastie mérovingienne institue le « ban », forme embryonnaire du service militaire pour les nobles. Pendant la féodalité, celui-ci devient « l’ost », où la garantie de l’Etat en Grèce et à Rome est remplacée par une relation d’assistance mutuelle entre le vassal et son seigneur. Charlemagne impose à ces derniers l’obligation de fournir le dixième de leurs serfs pour assurer la logistique de l’ost. La guerre ne se pratique qu’au printemps. En 1303, Philippe le Bel convoque exceptionnellement le ban pour quatre mois au lieu de trois. Dès le Xème siècle, certaines villes constituent des milices pour se défendre. Par ailleurs, les nobles subissent la concurrence des bourgeois au sein du ban, qui se dévalorise avec l’apparition d’une armée royale de soldats de métier soldés par la « taille », impôt permanent. Cette armée, bien organisée, mieux entraînée et immédiatement disponible, se diversifie en infanterie, cavalerie et artillerie au cours de la guerre dite de Cent Ans (1337-1453). A partir du XVIIème siècle, la fonction militaire devient une profession à part entière, où l’éducation initiale et le perfectionnement des connaissances supplantent le respect des traditions ancestrales. L’entrée de la France dans la guerre de Trente Ans (1618-1648) et la disparition du mercenariat conduisent à un recrutement des troupes, pendant l’hiver, par les sous-officiers et les « bas-officiers » qui assurent la continuité de l’encadrement et du commandement. Les nobles, colonels ou capitaines propriétaires de leur unité, ne sont militaires que pendant les périodes de combat puis se retirent dans leurs terres. Les ordonnances royales améliorent la condition du soldat, notamment par la constitution d’un cops d’inspecteurs des troupes et de leur matériel (1667) et la construction de l’Hôtel royal des Invalides (1675). Pour compléter les effectifs, Louis XIV institue, au sein des paroisses, la milice royale, fondement du devoir militaire des sujets du roi par tirage au sort mais avec des exemptions possibles. La désertion, passible de la peine de mort depuis l’ordonnance de 1635, se trouve, dans les faits, commuée en condamnation aux galères de la Marine royale. Devant la menace d’invasion de la France par les armées européennes l’Assemblée nationale déclare la patrie en danger en 1793 et décrète la levée en masse des volontaires. La conscription, officialisée par la loi Jourdan-Delbrel de 1798, perdure, avec le retour des exemptions et du tirage au sort, pendant les guerres napoléoniennes et après. Les deux conflits mondiaux nécessitent la mobilisation générale. Pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), 80 % des soldats déployés sont des « appelés ». Depuis 2002, la conscription, suspendue mais pas supprimée, concerne aussi les filles.

Loïc Salmon

« S’engager ! De l’Antiquité au XXIème siècle », Matthieu Chillaud. Editions Pierre de Taillac, 200 pages, illustrations, 29,90 €.

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