Qatar, vérités interdites

Grâce à ses réserves de gaz et sa position stratégique au sein du Moyen-Orient, le Qatar a acquis une stature internationale, mais qui reste fragile pour des raisons intrinsèques.

Depuis son émancipation de la tutelle britannique en 1971, ses deux premiers souverains successifs tentent de moderniser l’émirat, tout en respectant les traditions ancestrales. La société est façonnée par les descendants des rusés bédouins, vivant d’élevage et de rapines, et des pêcheurs de perles, durs au travail et aptes au négoce. Aujourd’hui, les premiers, indolents et conservateurs, ne songent qu’à la réussite sociale et son pouvoir induit, acquis par héritage familial ou tribal. Les seconds, progressistes et ouverts sur l’Occident, comptent sur leur travail pour y parvenir. Malgré leur mépris réciproque, tous présentent deux points communs : un nationalisme exacerbé et un islam un peu moins rigoureux que le wahhabisme saoudien. En effet, les femmes ne sont pas obligées de porter le voile, peuvent divorcer, travailler (80 % des effectifs des filières de communication et la culture) et exercer des responsabilités importantes. La plupart des Qataris, ayant étudié aux Etats-Unis ou en Europe, reviennent quelques années plus tard dans un pays qu’ils ne reconnaissent pas. La généreuse redistribution de la rente gazière à la population n’incite guère à occuper un emploi, considéré comme une déchéance sociale. A ces 300.000 autochtones, s’ajoutent environ 2 millions d’expatriés, affectés à certaines tâches selon leur nationalité : ménage pour les Philippin (e)s ; gestion hôtelière subalterne pour les Indiens ; sécurité pour les Népalais ; chantiers de construction pour les Pakistanais ; postes d’ingénieurs, de techniciens de haut niveau et de cadres supérieurs pour les Occidentaux. Ces derniers, chargés de former des jeunes Qataris à diriger des équipes dans le cadre du plan de développement « Qatar 2030 », se heurtent à leur manque de motivation et à leur susceptibilité. Les coopérants militaires rencontrent les mêmes difficultés avec les officiers, difficiles à gérer et qui ont beaucoup de mal à se concentrer, sauf ceux formés à l’étranger. Les équipements militaires, ultra-modernes, s’abîment et vieillissent plus ou moins bien, en raison de la rudesse du climat et du manque de suivi de leur entretien. Pour sa défense, le Qatar s’en remet aux Etats-Unis, qui disposent de la base d’Al-Uyeded (10.000 GI’s) et de la Vème Flotte en permanence dans le golfe Arabo-Persique. La coopération se maintient, malgré l’ingérence de l’émirat dans la guerre civile en Syrie et son soutien à l’organisation terroriste Al-Nosra, filiale d’Al-Qaïda. S’estimant menacé par les guerres incessantes au Moyen-Orient, le Qatar pratique une diplomatie tous azimuts. Il soutient la confrérie des Frères musulmans, considérée comme terroriste en Egypte et aux Emirats arabes unis, et le Hamas dans la bande de Gaza. Des familles qataries ont financé des agents recruteurs pour Daech. Par ailleurs, le Qatar partage l’exploitation du vaste gisement de gaz de North Dome avec l’Iran. Ce dernier a ainsi pu contourner les sanctions internationales à son encontre, grâce aux grands commerçants qataris d’origine iranienne. La modernisation de l’Iran dans les années 1960 reste un modèle pour le Qatar, conscient d’un basculement possible de la politique américaine. En conséquence, il investit en Europe, Asie et Afrique pour devenir incontournable sur les plans économique et diplomatique.

Loïc Salmon

L‘Égypte en révolutions

Arabie Saoudite : retour du sacré dans les relations internationales

Iran : retour difficile sur la scène internationale

« Qatar, vérités interdites », par Emmanuel Razavi. Éditions L’Artilleur, 198 pages, 17 €




La face cachée d’internet

Le piratage informatique à des fins d’espionnage fait partie de la capacité offensive des services de renseignement (SR), même si leur gouvernement est considéré comme démocratique.

Un faisceau d’indices oriente la décision politique de haut niveau d’attribuer l’origine d’une cyberattaque à un pays ou un mouvement politico-militaire donné. La Chine, l’Iran et l’Etat islamique (Daech) hier, puis la Russie aujourd’hui sont soupçonnés, car considérés comme très actifs dans ce domaine. Or, en juin 2016, le satellite américain « Mentor », aussi dénommé « Advanced Orion », a été mis en orbite géostationnaire pour intercepter les communications électroniques au profit de l’agence de renseignement National Reconnaissance Office, avec la contribution de la CIA. Les sept satellites Advanced Orion déjà en service transmettent les données de téléphones personnels, courriels et autres comptes de réseaux sociaux à un centre de stockage situé dans le désert de l’Utah. Depuis longtemps, le réseau « Echelon » d’interception des satellites de télécommunications commerciaux alimente les SR des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, surnommés les « Five Eyes » (cinq yeux). En outre, la NSA américaine et le CGHQ britannique surveillent les câbles sous-marins par où transitent les communications internet entre les Etats-Unis, l’Europe et le Moyen-Orient. Ces interceptions sont estimées vitales dans la lutte contre le terrorisme. Mais toutes sortes d’informations sont aussi collectées et exploitées en Irak et sur le territoire américain, malgré les réserves de certains hauts magistrats. Le déploiement de ce gigantesque système de surveillance a été révélé en 2013 par Edward Snowden, ex-consultant pour la NSA. De son côté, « l’hacktiviste » (pirate informatique qui défend une cause) australien Julian Assange, qui a ouvert le site internet « Wikileaks » en Islande en 2006, attire l’attention internationale en avril 2010 par la diffusion d’une vidéo réalisée en 2007 pendant la guerre en Irak et intitulée « Assassinat collatéral ». L’opérateur d’un hélicoptère américain Apache tire sur deux journalistes de l’agence Reuters, dont il a pris les caméras pour des armes. Il tue ensuite la famille, civile elle aussi, venue ramasser les corps. Or un tel acte délibéré est considéré comme un crime de guerre ! Toujours en 2010, Wikileaks et plusieurs journaux occidentaux publient 250.000 télégrammes et documents confidentiels de diplomates américains émis entre décembre 1966 et février 2010. Ces « câbles » détaillent la corruption au sommet de plusieurs Etats (Tunisie, Egypte, Soudan, Gabon et Libye notamment), relatent « affaires » et scandales et exposent les politiques extérieures et intérieures de nombreux pays. Outre les condamnations de gouvernements du monde entier, Wikileaks subit les représailles de la CIA, du FBI et des « géants » d’internet : Amazon, PayPal, Apple, Visa et Mastercard. Entrent alors en scène les lanceurs d’alerte « Anonymous », qui perturbent les sites et services en ligne de Visa, Mastercard et PayPal. Mi-juillet 2016, Wikileaks annonce la publication de documents « compromettants » sur le parti gouvernemental turc AKP. Or certains contiennent les données personnelles de 20 millions de citoyennes turques. Cela ouvre la voie aux harcèlements et usurpations d’identité ! Encore en 2016, les « fake news » (informations déformées ou fabriquées) sur les réseaux sociaux enveniment la campagne présidentielle américaine.

Loïc Salmon

Cyber : de l’omniprésence à l’hyperpuissance

Cyber : prise de conscience du risque et perspectives (2030)

Sécurité : l’usurpation d’identité, un risque mal maîtrisé

« La face cachée d’internet » par Rayna Stambolyiska. Editions Larousse, 352 pages, 18,50 €.




Du Sabre à l’Esprit

Le guerrier, qui a assimilé les techniques individuelles et collectives, garde l’esprit libre pour mieux appréhender la réalité et renforcer son efficacité au combat.

Le « sabre », qui symbolise la technique (armes et méthodes) doit rester subordonné à « l’esprit » (dimensions intellectuelle et morale) pour gagner la guerre, à savoir rétablir la paix. Ce concept s’applique au soldat et à l’unité combattante, comme aux populations qu’ils défendent et qui les soutiennent. Il reste universel, malgré les différences culturelles. Alors que le chevalier occidental recherchait l’exploit, le héros traditionnel chinois restait discret. Selon le stratège chinois Sun Tzu (VIème siècle avant JC), le « comble du savoir-faire ne consiste pas à remporter toutes les batailles, mais à pouvoir soumettre l’armée ennemie sans livrer bataille ». Si celle-ci devient inévitable, son issue dépend des conditions météorologiques, des potentialités du terrain, de l’organisation des forces armées, de la qualité de leurs chefs et de l’engagement du peuple derrière son souverain. En Occident, Alexandre le Grand et Napoléon l’ont amplement démontré. L’essor considérable des moyens techniques militaires depuis la première guerre mondiale a créé une dépendance de leurs utilisateurs, avec le risque d’un appauvrissement de la pensée stratégique et d’un amoindrissement de la volonté de combattre. En 1992, le professeur Thomas Caokley, retraité de l’armée de l’Air américaine, a identifié sept dangers générés par la technique dans le commandement et la conduite des opérations : excès de confiance dans ses capacités ; surdose d’informations ; exigences de soutien importantes ; défauts cachés ; étroitesse de la vision ; tromperie de la vitesse ; précision illusoire. Les dommages collatéraux, qui en découlent, provoquent une perte de légitimité des forces militaires sur le terrain qui doivent pourtant les éviter, conformément au droit international des conflits armés. Cette défaillance se propage au sein des populations et sur la scène internationale…par les nouvelles techniques d’information et de communication ! Au cours de multiples situations, chaque chef met à l’épreuve sa réactivité et la sûreté de son jugement, qui s’appuient sur une solide culture générale. Celle-ci, « véritable école du commandement », apporte des références permettant de « discerner dans les choses l’essentiel de l’accessoire » (Charles de Gaulle, 1932). L’efficacité au combat dépend aussi de la condition physique des soldats, pris dans le feu de l’action, et du chef, contraint de rester lucide malgré la pression des événements et le manque de sommeil. Dépositaires de la violence légale et légitime, les militaires peuvent donner la mort, même en dehors de la légitime défense, mais dans le respect des règles d’engagement (ouverture du feu). L’instinct de combat de chacun résulte en grande partie de la réminiscence de ce qui a été appris par un entraînement mécanique et répétitif. Au niveau collectif, par exemple, l’efficacité du commandement d’un détachement interarmes en milieu urbain repose sur un entraînement intensif et réaliste. En effet, l’intensité de la pratique porte à l’assimilation de la technique, tandis que le réalisme de l’entraînement permet de faire émerger les qualités requises pour un usage approprié de la technique. Par ailleurs, l’intuition du chef, qui lui permettra de gagner la bataille (objectif opérationnel), doit aller de pair avec une étude prospective en amont sur les effets recherchés (objectif stratégique). Le « Bushidô », (« Voie du guerrier » en japonais) associe la maîtrise d’un art martial à… la réflexion éthique.

Loïc Salmon

La guerre électronique : nouvel art de la guerre

La guerre par ceux qui la font

Enseignement militaire supérieur : former les chefs d’aujourd’hui et de demain

« Du Sabre à l’Esprit » par Matthieu Debas. Editions JPO, 192 pages, 9,90 €.




La Corée du Nord (en 100 questions)

En 2016, la population nord-coréenne connaît le monde extérieur grâce aux déplacements de personnes sélectionnées, à l’augmentation du nombre de touristes, à la multiplication des téléphones portables, aux contacts avec des proches réfugiés à l’étranger et aux chaînes de télévision sud-coréennes.

L’économie de survie pendant la famine de 1995-1998 (1,5-2 millions de morts et 5 millions de sinistrés) en Corée du Nord et le commerce frontalier avec la Chine ont permis le développement économique du pays. Puis, les devises étrangères majeures sont apparues. Les réformes de 2002, 2009 et 2012 dans l’agriculture et l’industrie ont amélioré le niveau de vie général. Des hommes d’affaires nord-coréens négocient avec leurs homologues chinois, russes et sud-coréens. Le port d’Incheon se trouve au centre d’une importante plateforme économique, dotée d’infrastructures aériennes et maritimes, d’un centre  d’affaires international et de services financiers. La richesse du pays provient de ses ressources minières : or, argent, zinc, magnésite (2ème réserve mondiale), tungstène (6ème réserve mondiale), cuivre, charbon, minerai de fer et certaines terres rares. Toutefois, la Chine fournit 90 % de l’énergie, 80 % des produits de consommation et 45 % de l’alimentation de la Corée du Nord. Conséquence de l’essor économique, l’argent y détermine la hiérarchie sociale, autrefois basée sur des critères idéologiques et confucéens. La disparité s’accroît entre les riches, voire très riches, et les pauvres et même les très pauvres. La nouvelle génération, apolitique, préfère le petit commerce ou la contrebande à une carrière administrative en province. Pour les cadres, être entrepreneur n’est plus incompatible avec l’appartenance au Parti des Travailleurs. La fidélité au régime repose davantage sur le nationalisme que sur la conviction politique. Inspiré du système soviétique en 1945, l’arsenal répressif nord-coréen s’est coulé dans la culture locale ancestrale : rééducation, endoctrinement, réhabilitation puis grâce et amnistie à l’occasion d’un anniversaire ou d’une cérémonie nationale, pour démontrer la clémence du régime. Selon les « défecteurs » (transfuges) ayant réussi à atteindre la Corée du Sud (30.000 au total en 2016), entre 80.000 et 120.000 personnes seraient encore incarcérées dans les « camps de travail ». Cet emprisonnement dépend du délit (droit commun ou politique) et de la sévérité de la peine. Certains cadres ou diplomates y passent quelques mois au retour d’une mutation à l’étranger, en vue d’une « rectification », avant de rejoindre leur nouveau poste. Pour les défecteurs, la seule issue reste la frontière du Nord avec la Chine, car celle du Sud se trouve barrée par la zone démilitarisée du 38ème parallèle. Une fois parvenus en Corée du Sud, souvent après un voyage périlleux, les défecteurs suivent un stage d’intégration à leur nouvelle patrie d’adoption, précédé par un interrogatoire poussé, qui peut durer plusieurs mois, pour détecter les espions infiltrés et les faux réfugiés. Puis de nouvelles difficultés surgissent : tout réapprendre, y compris les comportements, et s’adapter à une langue qui a évolué différemment depuis la fin de la guerre de Corée (1953). Beaucoup se sentent mal à l’aise dans la société sud-coréenne très compétitive, où l’embauche passe par les réseaux scolaires, universitaires, régionaux ou claniques, et préfèrent quitter le pays pour les Etats-Unis ou l’Europe.

Loïc Salmon

Corée du Nord : « royaume ermite » et facteur de crise en Asie du Nord-Est

« La Corée du Nord » par Juliette Morillot et Dorian Malovic. Editions Tallandier, 384 pages, 15,90 €.




James Bond n’existe pas

Le renseignement permet d’établir une vision du monde. Sa recherche dépend de spécialistes, disposant de moyens techniques très sophistiqués ou rompus à la manipulation des « sources » humaines, rôle de « l’officier traitant ».

L’auteur du livre, aujourd’hui retraité, dévoile cette fonction qu’il a exercée dans les années 1980-1990 au Etats-Unis, en Ethiopie, au Sénégal, en Tunisie et au Pakistan. Saint-Cyrien à l’origine, il commence une carrière dans les transmissions puis décide, à 32 ans, d’entrer au Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, qui deviendra la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) en 1982. Cet organisme, surnommé la « Centrale », compte surtout des analystes qui ne vont jamais sur le terrain. L’officier traitant (OT) agit avec discrétion et minutie pour recueillir, de façon illégale, des renseignements d’ordres économique, technique et politique, parfois dans des pays « sensibles » : secrets d’Etat, processus de fabrication, contrats de vente, caches d’armes etc. Il travaille avec des « agents », qu’il doit corrompre, et des « honorables correspondants », qui lui apportent des aides ponctuelles, notamment logistiques. Toutefois, l’OT ne participe pas aux opérations du « Service Action », seul habilité à éliminer des personnes physiques et à effectuer des actes de sabotage ou de soutien à des rebellions.  Sa « cible » varie selon l’intérêt correspondant aux attentes du gouvernement : fonctionnaire, cadre supérieur, universitaire scientifique ou même…simple employé. Le recrutement prend de plusieurs mois à deux ans, nécessitant parfois le recours à d’honorables correspondants, en vue d’établir des liens de « confiance » et non une relation d’intérêt. Pour crédibiliser sa démarche lors d’une mission courte à l’étranger, l’OT se forge une « légende » où tout est faux : profession, documents d’identité et situation de famille. En revanche, il conserve son vrai nom pour des séjours de plusieurs années sous couverture diplomatique. Invité à tous les cocktails et repas et officiels, il recueille des informations ou effectue des recoupements, sans dévoiler ses intentions. Toutefois, il doit mener en parallèle son activité officielle à l’ambassade. S’il est découvert, il ne risque que l’expulsion par les autorités locales en raison de son statut diplomatique. Tout ambassadeur, qui recueille aussi du renseignement dans ses activités quotidiennes, reçoit également une formation à la Centrale avant de rejoindre son poste. L’OT ne juge pas de la qualité du renseignement obtenu, du ressort de la Centrale qui en évalue la pertinence et en décide la rémunération, souvent principale motivation de la « source ». Dans la diplomatie comme dans le commerce international, la réussite dépend de la qualité du renseignement. Une information, une fois analysée, pesée et mesurée, devient un renseignement susceptible de faciliter une prise de décision importante par son destinataire. En 2017, la DGSE compte recruter des « crypto-mathématiciens », des « hackers » et des spécialistes du « traitement du signal » ou des langues orientales. Bien entendu, l’OT rencontre ses homologues du pays de résidence et se sait épié par son service de contre-espionnage. Lui, qui ressemble à n’importe qui, doit toujours se méfier des jolies femmes souriantes, qui ne se trouvent jamais sur son chemin…par hasard ! Par contre, James Bond, trop séduisant, charismatique, idéaliste et pressé, n’aurait jamais pu devenir OT.

Loïc Salmon

James Bond dans le spectre géopolitique

DGSE : le renseignement à l’étranger par des moyens clandestins

Les diplomates, acteurs de la politique étrangère et représentants de la France

 

« James Bond n’existe pas » par François Waroux. Mareuil Editions, 224 pages, 17,95 €.




19ème Régiment du génie, entreprendre et réussir

Depuis 1876, le 19ème Régiment du génie, décoré des croix de Guerre 1914-1918 et 1939-1945, apporte un appui incontournable aux opérations.

Le nom de « sapeurs d’Afrique », employé dans le chant régimentaire, reste attaché à cette unité. Dès les premières années de son existence, le 19ème Régiment du génie (RG) est déployé en Extrême-Orient et en Afrique. A Madagascar, le génie assure, durant 8 ans, la construction et l’entretien des casernements, hôpitaux, voiries et installations d’assainissement. Il joue déjà un rôle de pacificateur qui marquera son histoire à diverses reprises. Dès l’automne 1914, il s’illustre dans la guerre de position à laquelle se livrent Français et Allemands dans les tranchées : aménagement des fortifications de campagne ; appui aux offensives ; construction de galeries sous les tranchées ennemies lors de la « guerre des mines ». Le génie connaît une croissance rapide avec la création de nouvelles unités spécialisées : télégraphistes, sapeurs de chemins de fer, pontonniers et colombophiles. Les sapeurs s’imposent à tous les niveaux de la hiérarchie, à l’arrière comme au front, jusqu’à entrer les premiers dans le fort de Douaumont (bataille de Verdun, 1916). Le 19ème RG reçoit son appellation officielle en 1935.Il changera plusieurs fois de nom.

Durant l’entre-deux-guerres, il développe sa vocation nord-africaine en menant des travaux d’aménagements en Algérie et au Maroc, dont un réseau de 100 km de ligne télégraphique au sommet de collines tunisiennes ou une voie ferrée algéro-tunisienne. Au cours de la seconde guerre mondiale le 19ème RG participe aux campagnes de Tunisie, d’Italie, de France et d’Allemagne. Il compte alors dans ses rangs le fameux Alain Mimoun…futur champion olympique du marathon en 1956 ! Déminage, franchissement et rétablissement d’itinéraires font partie du quotidien des sapeurs. A la fin du conflit, une citation à l’ordre de l’armée leur est décernée. La 19ème Compagnie de marche du génie, issue du 19ème RG, participe au conflit en Indochine de 1949 à 1955. La tâche est rendue difficile par le terrain, le climat, l’action ennemie incessante, un matériel ancien et défaillant. Au cours de 22 opérations, les sapeurs d’Afrique réalisent près de 600 km de routes et de pistes, construisent plus de 100 ponts et radiers (souvent détruits par le Viêt Minh puis reconstruits), trois pistes d’aviation, un terrain pour les hélicoptères et un autre pour les avions de transport. Le régiment, regroupé à Hussein-Dey, est aux premières loges lorsqu’éclatent « les événements d’Algérie » (1954). Outre leurs missions traditionnelles de mise en valeur du territoire et d’assistance aux populations, les sapeurs d’Afrique sont déployés dans des opérations de maintien de l’ordre. A la fin de la guerre d’Algérie (1962), le 19ème RG s’installe à Besançon. Les sapeurs poursuivent leur instruction, s’entraînent à la navigation en courant rapide, à construire et détruire des ponts de nuit… pour faire face à la menace venant de l’Est. Depuis les années 1990, le  19ème RG s’illustre dans de nombreuses opérations extérieures : Balkans, Côte d’Ivoire, Liban, Kosovo, Afghanistan et bande sahélo-saharienne. En 2016, composée de 1500 personnels, l’unité est organisée en 9 compagnies et devient le régiment d’appui de la  1ère Division.

Nathalie Deleau

« Serval » : manœuvre aéroterrestre en profondeur et durcissement de l’engagement

Opérations : Afghanistan, Libye, Côte d’Ivoire et Tchad

Robotisation du champ de bataille : état de l’art

« Entreprendre et réussir, histoire du 19ème Régiment du génie », par Christophe Lafaye. Editions Pierre de Taillac, 2016, 175 pages, 35€.




Les commandos parachutistes de l’air

Les commandos parachutistes de l’air, forces spéciales, prolongent l’action de l’arme aérienne à terre sur tous les théâtres d’opérations extérieurs.

Dans cet ouvrage riche en photographies et en témoignages, une partie est consacrée à leur histoire, particulièrement mouvementée depuis leur création en mars 1956 dans le contexte de la guerre d’Algérie. La France se trouve alors engagée dans une nouvelle forme de conflit : la guérilla ! L’armée de l’Air souhaite créer la surprise en appuyant la manœuvre aérienne par ses propres troupes au sol. La solution consiste à parachuter ou héliporter les troupes là où personne ne les attend. Agglomérations, déserts sahariens, djebels…la topographie variée demande des conditions physiques hors normes. Les trois premières sections de commandos parachutistes de l’air (CPA), numérotées 10, 20 et 30, sont formées en quelques semaines, puis aguerries au contact des unités d’élite de l’armée de Terre. Les CPA assurent précision de tir et protection des équipages des hélicoptères en cas de poser dans un endroit imprévu. En 1957, sont créés le groupement des commandos parachutistes de l’air (GCPA) et le CPA 40 puis, en 1959, le CPA 50. En opérations, ces cinq CPA utilisent les indicatifs « Martel » (CPA 10), « Manoir » (20), « Maquis » (30) et « Maxime » (40). En 1961, le CPA 40 s’étant rallié au putsch des généraux le 21 avril, disparaîtra. Pourtant, pour la majorité de la population et des militaires, les commandos parachutistes de l’air font partie des putschistes. Le GCPA, dissous le 31 mai 1961, est reconstitué le lendemain sous le nom de Compagnie des commandos parachutistes de l’air (CCPA). Elle comprend les hommes des CPA 30 et 50, dont la mission va consister à protéger, dans le Massif central, les armes nucléaires confiées par les Etats-Unis à la France dans le cadre de l’OTAN (1949). Le retrait de la France du commandement intégré de l’OTAN en 1966, signe la disparition de la CCPA. La guerre du Golfe (1991) représente un tournant pour les CPA. En effet, le retour d’expérience rend nécessaire la constitution d’une composante Air des forces spéciales, créées en 1992. Celles-ci incluent aussi des unités de l’armée de Terre et de la Marine nationale. Dès 1993, l’Escadron d’intervention des commandos de l’air, regroupant CPA 10 et CPA 40, agit au profit du Commandement des opérations spéciales. Sa première mission a lieu au Rwanda en 1994. Pour la première fois, les CPA sont mêlés à d’autres composantes, à savoir des hommes des commandos Marine et du 1er Régiment de parachutistes d’infanterie de marine. Entre 1994 et 1999, les CPA sont réduits à trois unités : les 10, 20 et 30. Depuis 2000, le CPA 10 (248 personnels) s’est notamment illustré au Kosovo (2000-2001), en Afghanistan (2002-2012), en République démocratique du Congo (2003), dans la bande sahélo-saharienne (depuis 2013), en République Centrafricaine (2005-2015) et en Irak (depuis 2014). Le CPA 20 (272 hommes et…femmes !) assure surtout le guidage d’aéronefs, la reconnaissance de terrain pour le poser d’assaut et le renseignement. Quant au CPA 30, (210 personnels dont 2 s  fusiliers-commandos (féminins), sa mission principale demeure la recherche et le sauvetage au combat, notamment la récupération des équipages des avions tombés en zone hostile.

Nathalie Deleau

Forces spéciales : ET «Poitou»/CPA10, binôme avions/commandos

Défense : les opérations aéroportées, capacités spécifiques selon les missions

Forces spéciales : création du commando Ponchardier de la Marine nationale

« Les commandos parachutistes de l’air », par Jean-Marc Tanguy, éditions Pierre de Taillac, 192 pages,  plus de 200 photographies, 29,90 €. 




France Allemagne(s) 1870-1871

« L’Année terrible » (19 juillet 1870-28 mai 1871) transforme durablement les sociétés de chaque côté du Rhin. Un empire s’effondre, un autre surgit. Paris, capitale culturelle de l’Europe, devra se relever de ses ruines. Berlin deviendra celle du IIème Reich.

Napoléon III dirige 280.000 hommes (7 corps d’armée) et la Garde impériale. Malade, il en confie le commandement au maréchal Bazaine après 25 jours de guerre. Guillaume Ier, roi de Prusse, dispose de 500.000 soldats de la Confédération de l’Allemagne du Nord (16 corps d’armée). Toutefois, il délègue la conduite des opérations à son chef d’état-major, le général von Moltke. La modernisation de son armée a permis à la Prusse de gagner les guerres précédentes contre le Danemark (1864-1865) et contre l’Autriche (1866) : augmentation des effectifs ; service militaire obligatoire de 3 ans ; armée de réserve permanente. L’armement des forces prussiennes et françaises connaît des innovations importantes : chargement du fusil par la culasse ; canon rayé qui accroît la portée et la précision du projectile ; cartouche métallique ; remplacement des boulets par des obus, explosifs ou à balles. Après la déchéance de l’Empire consécutive à la défaite de Sedan (1er septembre 1870), le Gouvernement de la défense nationale favorise la fabrication, par l’industrie privée, de mitrailleuses multitubes pour les armées de secours. Mais elles ne sont guère décisives, faute de doctrine d’emploi et de formation du personnel. Par la suite, les hauts commandements vont minimiser les innovations de l’armement et la létalité du feu et privilégier l’esprit offensif de l’infanterie. L’Empire allemand est proclamé le 18 janvier dans la galerie des glaces du château de  Versailles, suivi de l’armistice du 28 janvier mettant fin au siège de Paris. Le 13 février, la capitulation de Belfort, également assiégé, entraîne un armistice complet le 15 février. L’instauration de la Commune de Paris, le 28 mars, est suivie d’une guerre civile jusqu’au 28 mai, faisant entre 5.700 et 7.400 victimes la dernière semaine. Paris, défiguré par le feu et les massacres, voit son économie dévastée et sa population diminuée de plus de 100.000 personnes. Cette guerre bouleverse la représentation réciproque de la France et de l’Allemagne, dans laquelle la culture joue un rôle décisif. Celle-ci s’incarne dans deux compositeurs allemands qui vont chercher dans le Paris du Second Empire une reconnaissance, tremplin pour une carrière internationale : Jacques Offenbach (1819-1880) et Richard Wagner (1813-1883). Créateur de l’opérette, Offenbach réussit et prendra la nationalité française en 1860. Wagner, précurseur de la musique romantique, échoue. La guerre de 1870 place Offenbach dans une position délicate, écartelé entre son pays d’origine et  celui qu’il a adopté. En revanche, Wagner triomphera avec le festival de Bayreuth inauguré en 1876. Un tableau de l’exposition montre l’empereur Guillaume Ier chevauchant sur un champ de bataille escorté de Walkyries germaniques. Après la guerre, la IIIème République développe l’enseignement de l’histoire de France et l’éducation civique pour exalter la patrie, l’héroïsme et le sacrifice. Les monuments aux morts se multiplient pour symboliser l’esprit de résistance. Le tourisme de mémoire se développe sur les champs de bataille de l’Est et du Nord. Dans la société allemande militarisée, la rhétorique commémorative perpétue la victoire de 1870 et la fidélité à l’empereur.

Loïc Salmon

Exposition « France Allemagne (s) 1870-1871 » aux Invalides

Exposition « Images interdites de la Grande Guerre » à Vincennes

« France Allemagne(s) », ouvrage collectif. Éditions Gallimard/Musée de l’Armée, 304 pages, 35 €




Henri Gouraud, photographies d’Afrique et d’Orient

Le général d’armée Henri Gouraud (1867-1946), qui finira gouverneur militaire de Paris avec la grand-croix de la Légion d’Honneur, s’est passionné toute sa vie pour la photo. Archétype de l’officier colonial qui construit des routes plutôt que de rechercher des actions d’éclat (théorie du maréchal Hubert Lyautey), sa carrière l’a amené en Afrique sub-saharienne et au Levant. Il en a rapporté 10.000 clichés et 200 cartons d’archives, témoignages de ses peuples, de leur histoire, de leur culture et de leurs combats. Utilisées précédemment à des fins personnelles ou scientifiques, les photos vont trouver des applications militaires et justifieront les opérations coloniales aux yeux du public français et des autres puissances européennes. Soucieux de « montrer sa force sans avoir à s’en servir », Lyautey, résident général au Maroc, utilise la presse, les correspondants de guerre et la photo comme outils de gouvernement au début du premier conflit mondial. Suivant son exemple, Gouraud apprend à se servir de l’image à des fins politiques : magnifier le rôle des troupes, conserver celui d’intercesseur avec la famille, former les soldats et employer le pittoresque pour incarner la « pacification ». La photo de presse participe à l’essor de l’usage du document photographique par les officiers, qui voyagent facilement partout dans le monde. Lors de son mandat de haut-commissaire en Syrie et au Liban et de commandant en chef des troupes du Levant, Gouraud lance un programme archéologique et envoie ses équipes photographier la région. Les prises de vues, parfois destinées aux élèves des écoles des Beaux-Arts, servent aussi aux opérations de propagande de la « vulgarisation coloniale » au développement du tourisme. Dès sa formation à Saint-Cyr (1888-1890), Gouraud a été atteint par le « virus » de l’Afrique, mais commence par intégrer…le 21ème bataillon de Chasseurs à pied de Montbéliard. Faute d’une affectation à la Légion étrangère en 1893, il obtient un poste d’état-major au Soudan l’année suivante. Il se donne pour objectif de devenir un bon « broussard » au contact d’officiers et de soldats qui se qualifient tous « d’Africains ». En 1898, à la tête d’une colonne de 271 hommes (9 Européens, 212 tirailleurs et 50 porteurs), le capitaine Gouraud recherche Samory, un chef de tribu qui dispose d’une armée de 100.000 personnes et sème la terreur dans la bande sahélo-saharienne. Il parvient à le capturer… sans tirer un seul coup de feu ! En 1907, le colonel Gouraud doit empêcher les rezzous des populations maures, qui descendent régulièrement vers le Sénégal. En outre, l’Adrar, au cœur de la Mauritanie, est devenu la plaque tournante d’un vaste trafic d’armes à travers le Sahara. Gouraud pratique alors une guerre de partisans face à la guérilla incessante. Ses clichés sur l’Adrar lui permettront de soutenir les propositions de décorations pour ses officiers et soldats. Après la signature du traité de protectorat par le sultan du Maroc en 1912, Gouraud réprime avec succès une révolte des tabors de Fès et obtient ses étoiles de général de brigade. De retour en France pendant la première guerre mondiale, il est blessé à deux reprises et doit être amputé du bras droit en 1915. Commandant de la IVème Armée en Champagne, il remporte, le 15 juillet 1918, une bataille décisive qui lui vaut l’honneur d’entrer le premier à Strasbourg le 22 novembre.

Loïc Salmon

Armée de Terre : retour d’expérience de l’opération « Serval » au Mali

Evolution et continuité de la gestion des crises en Afrique

Afrique : les armées, leur construction et leur rôle dans la formation de l’État

« Henri Gouraud, photographies d’Afrique et d’Orient » par Julie d’Andurain. Éditions Pierre de Taillac et Archives diplomatiques, 240 pages, nombreuses illustrations, 35 €.




Arabie Saoudite, de l’influence à la décadence

« Etat-providence » chez elle et pratiquant une diplomatie du « portefeuille » grâce à ses revenus pétroliers, l’Arabie Saoudite se trouve fragilisée à l’intérieur, faute de réformes sociales, et à l’extérieur, par suite de son enlisement dans la guerre civile au Yémen et son financement, indirect, du terrorisme islamique.

Depuis plus de 80 ans, la rente pétrolière assure le fonctionnement de l’Etat, l’entretien de la famille royale (2 Mds$/an) et la paix sociale. En échange du bien-être subventionné par l’Etat, les Saoudiens ne peuvent réclamer de comptes à leur roi. Le secteur public emploie 90 % de Saoudiens et le secteur privé 90 % d’étrangers, surtout indiens, égyptiens, pakistanais, philippins, bangladais et yéménites et, accessoirement, occidentaux (cadres). Par suite de cette « mentalité rentière », très peu de Saoudiens acceptent de travailler dans le secteur privé, synonyme de bas salaires (3 à 4 fois inférieurs à ceux du secteur public) et d’instabilité professionnelle, et à condition d’occuper un poste d’encadrement ! Selon le FMI, grâce à l’amélioration de ses conditions de vie, la population saoudienne a atteint 28 millions de personnes en 2016 (+ 245 % en 35 ans), dont la moitié a moins de 25 ans. Le marché du travail n’absorbe que 30 % des nouveaux entrants, estimés à 300.000-400.000/an dont 200.000 diplômés. En outre, 3-4 millions de personnes vivraient sous le seuil de pauvreté, alors que le produit intérieur brut (PIB) par habitant dépasse 50.000 $. La lutte contre le chômage préoccupe davantage la jeunesse saoudienne que celle contre l’Iran, le rival héréditaire, ou le terrorisme (274 morts en 20 attentats en 2004). L’or noir représentait 91 % des recettes budgétaires et 41 % du PIB, qui s’élevait à 700 Mds$ en 2014. La baisse drastique du prix du pétrole et le risque de banqueroute, anticipé par le FMI, ont incité les autorités saoudiennes à préparer « l’après-pétrole », malgré des réserves considérables (le quart du total mondial) mais surestimées de 40 % selon des fuites de Wikileaks. Un vaste programme de diversification économique prévoit notamment la construction de 16 réacteurs nucléaires d’ici à 2030 et 41 gigawatts de panneaux photovoltaïques en plein désert (équivalent de 25 réacteurs nucléaires). Premier importateur de matériel militaire avec 6 Mds$ en 2014 (10 % du marché mondial), l’Arabie Saoudite s’est impliquée militairement à la tête d’une coalition, en 2009 puis en 2015, dans la guerre civile au Yémen. Ce pays contrôle le détroit de Bab el-Mandeb, où transite 10 % du commerce maritime international. Les frappes de la coalition arabe (10 pays avec l’aide des Etats-Unis pour le renseignement et la logistique) ont causé, selon une estimation de l’ONU d’août 2016, 10.000 morts, 3 millions de déplacés et des risques de famine pour près de 7,6 millions d’habitants, dont 1,3 million d’enfants parmi la population yéménite. S’y ajoute la destruction d’une grande partie du patrimoine culturel de cet antique royaume de Saba… comme en Syrie et en Irak par Daech (Palmyre, Hatra et Nimroud). Les documents rendus publics par Wikileaks depuis 2009 démontrent que les donateurs privés en Arabie Saoudite demeurent la principale source mondiale de financement des groupes terroristes sunnites, au nom de la diffusion du wahabisme. Leurs liens économiques et diplomatiques avec l’Arabie Saoudite empêchent les pays occidentaux d’y dénoncer les atteintes aux droits de l’homme et surtout… de la femme !

Loïc Salmon

Arabie Saoudite : retour du sacré dans les relations internationales

Proche-Orient : retour en force de la Russie dans la région

« Arabie Saoudite, de l’influence à la décadence » par Ardavan Amir-Aslani. Edition L’Archipel, 240 pages, 18 €.