Marine nationale : le « MICA Center », compétence mondiale

Lien entre la Marine nationale et celle de commerce, le Maritime information Cooperation & Awareness (MICA) Center recueille et diffuse en permanence l’information sur les zones à risques, dans le cadre d’une coopération internationale.

Le capitaine de corvette commandant du MICA Center l’a présenté au cours d’une visioconférence organisée, le 8 juin 2021 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine.

Zones à surveiller. La piraterie (attaque armée) en haute mer et le brigandage maritime dans un port (vol de marchandises à bord d’un navire au mouillage), peu apparents aux XIXème et XXème siècles, ont repris dès la fin de la guerre froide (1991) avec la mondialisation. Le transport par mer assure 90 % des échanges mondiaux, 74 % du commerce européen et 78 % des importations françaises. En 2018, il a atteint 3,3 Mds de tonnes de pétrole et de gaz, 5,2 Mds de tonnes de vracs secs, 150 MEVP (unités de mesure des conteneurs). Parmi les 20 principaux ports à conteneurs, 16 se situent en Asie, dont 9 en Chine. En 2020, des vols dans les eaux territoriales se sont produits en Asie du Sud-Est. En outre, des approches (intention établie) ont eu lieu surtout dans la mer des Caraïbes et le golfe du Mexique, des attaques (usage d’armes) dans le golfe de Guinée et la Corne de l’Afrique et des prises de contrôle de navires au large du Yémen et dans le golfe de Guinée. D’une superficie de 3,4 Mkm2, ce dernier compte 18 pays riverains et 5 des plus grands ports africains. Au cours des cinq premiers mois de 2021, il a été le théâtre de 13 brigandages maritimes, 4 approches, 5 attaques et 5 prises de contrôle. Pendant la même période et sur toutes les zones à risques, il y a eu 5 enlèvements d’équipages contre rançon, contre 10 en 2020. En haute mer, les pirates attaquent par groupes de deux « skiffs » (embarcations locales) à moteur, l’un avec 8 à 10 hommes à bord et l’autre chargé de fûts d’essence pour parcourir jusqu’à 300 milles marins (555 km). Il s’agit souvent de pêcheurs. Leurs autorités à terre, renseignées dans les ports, fixent les objectifs et organisent la revente des marchandises volées.

Prévention et anticipation. Le MICA Center suit les navires de commerce grâce à la « coopération navale volontaire », consistant à signaler sa position, signaler tout incident et recommander la route à suivre et le comportement à adopter. Elle est passée de 28 navires de 4 compagnies maritimes en 2002 à plus de 300 navires de 30 compagnies françaises et étrangères en 2021. Composé d’une trentaine de personnes des Marines française, espagnole, belge et portugaise, le MICA Center traite et diffuse alertes et avertissements en temps réel et transmet de la documentation sur demande. Il recueille les informations sur les actes de contrebande et de piraterie, vols et trafics d’êtres humains et de drogue. Il les obtient auprès des médias, compagnies maritimes, navires de commerce, commandements de zone maritimes, d’agences étatiques et d’autres Marines. Ensuite, il compile les données pour établir des statistiques, afin d’évaluer la situation sécuritaire et publier des rapports périodiques. Sa couverture se concentre sur la Méditerranée, l’océan Indien, l’Asie du Sud-Est et le golfe de Guinée. Les centres MICA de Brest et de Portsmouth suivent environ 1.000 navires/jour dans le golfe de Guinée. La sûreté navale dans la Corne de l’Afrique est assurée par l’opération européenne « Atalante » et des navires russes, indiens, pakistanais, chinois, japonais et sud-coréens.

Loïc Salmon

Golfe de Guinée : sécurité et sûreté en mer et à terre

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Armée de Terre : l’imprévisibilité, facteur de succès sur l’adversaire

Dans la manœuvre aéroterrestre, l’imprévisibilité donne l’ascendant dans les espaces physique et immatériel et le champ des perceptions, afin d’accroître la liberté d’action du chef tactique.

Ce facteur déterminant a fait l’objet d’un colloque organisé, le 4 février 2021 à Paris, par le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement de l’armée de Terre. Y sont notamment intervenus : le député Jean-Michel Jacques, vice-président de la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale ; le général Thierry Burkhard, chef d’état-major de l’armée de Terre ; le général Patrick Justel, commandant en second du renseignement des forces terrestres ; l’historien Jean-Vincent Holeindre, directeur scientifique de l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire ; Elie Tenenbaum, chercheur à l’Institut français des relations internationales ; le professeur Olivier Sibony, enseignant au département stratégie d’HEC.

Dimension géopolitique. Selon Jean-Michel Jacques, le contexte géopolitique demeure imprévisible sur les plans politique, diplomatique et militaire avec le retour sur la scène internationale de la Chine, de la Russie, et de la Turquie. La guerre devient hybride avec des actions directes et indirectes ou des cyberattaques indétectables. Les conflits se manifestent dans les champs national et international, au loin ou au plus près. La surprise provoque un choc émotionnel, suivi d’une faute dans la prise de décision. La capacité de défense repose sur le renseignement, l’innovation technologique et le facteur humain. Les enjeux portent sur la maîtrise de l’information et le soutien à la recherche fondamentale. L’imprévisibilité implique de s’affranchir de règles, des normes établies et du principe de précaution.

Guerre asymétrique. La surprise stratégique, qui fait partie de l’imprévisibilité, est consubstantielle à la notion de guerre, estime Elie Tenenbaum. Lors des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, l’organisation terroriste Al Quaïda a utilisé des avions de ligne comme missiles. La guerre irrégulière emploie populations civiles, téléphones portables, engins explosifs improvisés, et petits avions télécommandés transformés en drones. L’armée française en a tiré les leçons au Sahel. Conséquence de la guerre du Golfe (1990-1991), la « guerre hors limites », évoquée par deux colonels chinois dans un livre publié en 1999, inclut la finance, le terrorisme et la lutte idéologique. La stratégie, qui s’est émancipée du champ militaire sans pour autant s’en dispenser à cause des enjeux physiques, pourrait connaître des combinaisons considérables d’ici à 2035.

Force et ruse. Véritable opération spéciale, le cheval de Troie a combiné la ruse et la force guerrière, rappelle Jean-Vincent Holeindre. La guerre irrégulière exclut la norme éthique, liée à la fonction du soldat dans les régimes démocratiques. La Russie et la Chine ont la culture de la ruse, alors que la logique de l’honneur et du courage prévaut dans les pays occidentaux. En matière de défense, la ruse n’y est utilisée que dans les situations extrêmes, car elle suscite la défiance dans un monde de plus en plus transparent. Condition de sa crédibilité, la dissuasion nucléaire de la France repose sur sa prévisibilité pour éviter la guerre nucléaire, tout en conservant une part d’imprévisibilité, à savoir le refus de définir ses intérêts vitaux. La ruse s’impose au niveau tactique comme, par exemple, la « surinformation » par multiplication des signaux pour embrouiller l’état-major de l’adversaire. La recherche stratégique se fonde sur la ruse, complémentaire de la force.

Champ des perceptions. A la guerre du Golfe (1990-1991), transparente grâce aux capteurs utilisés, a succédé le conflit en Afghanistan (2001-2014), où un adversaire rustique a pu porter des coups à une coalition internationale disposant de moyens de guerre électronique et de quatre fois plus de drones qu’avant, rappelle le général Justel. L’aide numérique à la décision devient difficile à assimiler par un pilote en situation de combat. La manipulation de l’information par les réseaux sociaux cible la cohésion des militaires. Pour renforcer l’imprévisibilité de sa propre action, il faut sortir de l’enseignement acquis en école, que l’adversaire connaît, dissimuler ses propres informations, éviter la déconnexion du terrain, pour ne pas se trouver immergé dans une « bulle » d’état-major, et prendre l’initiative pour imposer son rythme. Il faut tout connaître sur l’adversaire : doctrine, équipements, expertise numérique, environnement, base arrière, stratégie et psychologie. Il faut l’attaquer dans ses perceptions en perturbant ses moyens de communications radio et numérique, pour provoquer de l’incompréhension, puis en lui fournissant des informations divergentes, pour l’empêcher de percevoir le risque le plus grave.

Crédibilité et réversibilité. Depuis vingt ans, l’action d’urgence a donné une crédibilité tactique mais, aujourd’hui, l’instabilité revient, avertit le général Burkhard. Le monde évolue de la compétition à la contestation et à l’affrontement sur les plans économique, politique et sanitaire. L’escalade entre grandes puissances redevient possible. L’adversaire fait en sorte que la crise reste en dessous du seuil de l’affrontement. Il va chercher à vaincre sans combattre par des moyens immatériels pour imposer un fait accompli. Afin d’éviter de perdre une guerre avant de l’avoir livrée, il s’agit de renforcer les capacités de renseignement et d’analyse avec l’intelligence artificielle. La décision politique, fondée sur des critères militaires, doit faire face à des menaces plus globales aux implications diplomatiques, sécuritaires et sanitaires, comme la crise liée au Covid-19. Le maintien du niveau d’interopérabilité entre les armées de Terre française, britannique et américaine exige des exercices non plus de 800-1.000 militaires mais de 7.000-20.000. Les adversaires potentiels en connaissent les principes moraux, procédures et signaux faibles. Exercices intensifs, mises en alerte et déplacements hors programmes, facteurs d’incertitude, compliquent leur travail d’analyse. Les forces terrestres doivent pouvoir passer rapidement des exercices à proximité des zones sensibles aux opérations. Aux messages clairs et dissuasifs, doivent s’ajouter des messages flous pour créer de l’imprévisibilité, conclut le général.

Loïc Salmon

L’imprévisibilité se trouve d’abord dans la tête des protagonistes, souligne Olivier Sibony. Les entreprises veulent de la diversité dans le recrutement mais pas dans la pensée. L’excès de confiance tend à sous-estimer la qualité de l’information reçue. Il convient de se méfier des évidences apparentes. Les organisations ont tendance à réagir vite. Or, il s’agit d’éviter le piège du consensus et de fabriquer des divergences et des capacités de penser autrement, tout en empêchant l’adversaire de faire de même afin de le déstabiliser. Une bonne connaissance de l’adversaire permet de saisir comment il pense et pourrait réagir de manière disproportionnée à un acte qu’il jugerait hostile. La « déception », fréquente dans le monde économique, consiste à amener un concurrent à agir contre ses intérêts.

Afrique : l’opération « Barkhane », créer de l’incertitude chez l’adversaire

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Armée de Terre : la préparation opérationnelle, source de la puissance au combat

 




Afrique : l’opération « Barkhane », créer de l’incertitude chez l’adversaire

Quoiqu’affaiblies par les actions conjointes et imprévisibles de la force Barkhane et de ses partenaires, les organisations terroristes du Sahel veulent toujours exporter le djihadisme.

Le général de division Marc Conruyt, commandant la force Barkhane dans la bande sahélo-saharienne, a présenté la situation le 11 février 2021 lors d’une visioconférence avec la presse à Paris.

Deux actions majeures. Une première opération de grande ampleur dénommée « Bourrasque », lancée contre l’organisation « Etat islamique au grand Sahara » (EIGS), s’est déroulée du 28 septembre au 1er novembre 2020 dans le Liptako Gourma, zone frontière entre le Mali et le Niger. Elle a mobilisé 3.000 militaires, dont 1.600 Français de la force Barkhane et 1.400 des forces armées maliennes et nigériennes, avec des moyens aériens français, britanniques, américains et danois. La seconde opération dénommée « Eclipse », qui a visé le « Rassemblement pour la victoire de l’islam et des musulmans » (RVIM), a eu lieu dans la région de Mopti (Mali), près de la frontière avec le Burkina Faso, du 2 au 20 janvier 2021 sur une zone d’environ 300 km sur 450 km. Elle a mobilisé 3.400 militaires, dont 1.500 de la force Barkhane et 1.900 des forces armées du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Au cours des deux opérations, la précision du renseignement a permis de déjouer les modes opératoires adverses.

Les conséquences. Selon le général Conruyt, « Bourrasque » a cassé la dynamique qu’avait l’EIGS en 2019. Ce dernier, qui a perdu des ressources en combattants et armements, fuit désormais le combat. Toutefois, il conserve une capacité de nuisance contre des cibles civiles au Niger. Lors de l’opération « Eclipse » le RVIM a subi des pertes moindres que l’EIGS et se montre plus agressif. Porteur d’un projet politique, le RVIM recourt à l’intimidation des populations, l’embrigadement des jeunes, l’action indirecte, le renseignement et la manipulation de l’information. La désinformation, qui existe depuis longtemps dans la bande sahélo-saharienne, exerce une influence sur les populations locales avec un écho parmi certains cercles à Bamako, mais n’a guère d’effet important sur le terrain, précise le général Conruyt. La force Barkhane procède aussi à des actions informationnelles, en complément des autres moyens à sa disposition. De son côté, à partir de sa base arrière dans la région, l’organisation « Al-Qaïda au Maghreb islamique » tente d’exporter le djihadisme, notamment vers le Mali et le Bénin et dispose de cellules dormantes en Côte d’Ivoire et au Sénégal.

Les partenariats. La task force européenne Takuba, composée notamment de membres des forces spéciales tchèques et estoniennes, accompagne les unités maliennes qui conservent leur liberté d’action. La compréhension de la menace, indique le général Conruyt, repose sur le partage de renseignement avec les pays partenaires et frontaliers ainsi que sur une coordination avec les forces françaises stationnées en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Gabon. Enfin, les Etats-Unis maintiennent une coopération importante en matière de renseignement, de ravitaillement en vol et de transport stratégique.

L’avenir de « Barkhane ». A l’issue du sommet des 15-16 février à N’Djamena (Tchad) avec les dirigeants du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), le président de la République, Emmanuel Macron, a exclu, dans l’immédiat, toute baisse des effectifs de la force Barkhane (5.100 militaires).

Loïc Salmon

Afrique : quelles perspectives pour l’opération « Barkhane » ?

Bande sahélo-saharienne : opérations aériennes, permanence et réactivité

Afrique : soutiens intégrés à l’opération « Barkhane »




Afrique : quelles perspectives pour l’opération « Barkhane » ?

Pour la première fois depuis huit ans, le Sénat a débattu d’une opération militaire, en l’occurrence l’opération « Barkhane » au Sahel. L’action de l’Agence française de développement complète celle des forces armées.

A l’issue du débat, Christian Cambon, président de la commission sénatoriale des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a tenu une visioconférence de presse à Paris le 9 févier 2021. Rémy Rioux, directeur général de l’Agence française de développement, a fait de même le lendemain avec l’Association des journalistes de défense.

Le débat sénatorial. Le débat sur « Barkhane » a rassemblé la presque totalité des sénateurs et chaque groupe s’est exprimé. Selon le président Cambon, un consensus s’est dégagé sur la qualité et le courage des forces françaises engagées, avec des résultats notables. Ainsi, environ 1.200 à 1.500 djihadistes les plus dangereux auraient été « neutralisés » (mis hors de combat) depuis le début de l’opération. Toutefois, dans ce conflit asymétrique où l’adversaire, invisible, se cache au milieu de la population, les technologies les plus pointues ne s’avèrent pas toujours les plus efficaces. Les décès et blessures de militaires français sont souvent causés d’engins explosifs improvisés, lors des transports par la route. La sécurité devrait s’améliorer grâce à une livraison accélérée des nouveaux véhicules blindés Scorpion, au blindage des véhicules plus anciens, à l’emploi de radars plus sensibles pour précéder les convois et au transport de soldats par des hélicoptères lourds, moins repérables que les convois. Ainsi, les hélicoptères suédois et britanniques CH-47 Chinook ont présenté un avantage par rapport à l’avion A400M. Par ailleurs, les forces africaines concernées se mobilisent petit à petit auprès des forces françaises, en vue d’un transfert de responsabilité à terme. La présence de contingents européens, à savoir estonien, puis suédois et bientôt italien, font avancer l’Europe de la défense, dont la frontière Sud commence au Sahel. Ce conflit pourrait provoquer un « effet domino » au Maghreb, où des tentatives de déstabilisation se produisent en Libye, Tunisie et Maroc. D’autres ont eu lieu dans le golfe de Guinée, notamment en Côte d’Ivoire. Il s’ensuivrait un exode de centaines de milliers de migrants sur tout le continent africain. Pour l’éviter, la France doit peser de tout son poids vers une réconciliation au Mali, seule solution aux mains des forces politiques maliennes. La junte militaire s’est engagée en ce sens et a pris des contacts avec les organisations qui ne veulent pas détruire l’Etat. Celui-ci est quasiment absent dans le Nord du pays, où écoles et services de santé sont fermés et où la police et l’institution judiciaire ont été remplacées par des organisations islamistes. Enfin, une aide de l’Agence française du développement, assurée directement dans les villages, doit permettre au pays de s’en sortir. Selon un récent sondage, 51 % des Français s’interrogent sur le maintien des forces françaises au Mali. Le président Cambon rappelle que, suite à l’embuscade d’Uzbin (10 morts et 21 blessés) en Afghanistan en août 2008, le président de la République Nicolas Sarkozy a décidé de ne plus y envoyer de troupes pour une cause mal perçue en France. De même, un rapport sénatorial sur l’efficacité des drones armés a conduit à la décision de la France d’acquérir des systèmes américains Reaper, actuellement déployés au Niger contre les groupes armés terroristes.

Le pilier développement. Institution financière, l’Agence française de développement (AFD) a déjà consacré 5 Mds€ au Sahel depuis 2013, soit de 500 M€ à 1 Md€/an, pour déclencher les mécanismes de développement par les acteurs locaux, souligne son directeur général. Une moitié des financements est versée au gouvernement de chaque pays et une moitié aux autres partenaires, comme la Banque publique de développement du Mali, qui intervient dans le Nord et le centre du pays, ou la Banque nationale du Mali, principal financier des secteurs de l’agriculture, du commerce et de l’industrie. Rien qu’au Mali en 2020, l’AFD a financé 43 ouvrages hydrauliques, pour fournir de l’eau à 50.000 personnes, 38 établissements de santé (38.000 consultations), 17 écoles (4.000 élèves) et 700 exploitations agricoles. L’AFD dispose d’un directeur régional à Ouagadougou (Burkina Faso) avec autorité sur le groupe G 5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) et le Sénégal. Cette région, qui connaît un taux de croissance économique élevé, suscite des tensions et attire les groupes terroristes. L’effort de développement doit porter sur tous le territoire, car les emplois se trouvent là où la richesse se produit. Avec d’autres partenaires financiers, elle promeut quelque 800 projets à l’épicentre de la crise. Au Mali, l’AFD change les perspectives au-delà du court terme et ailleurs qu’à la capitale Bamako. Au Burkina Faso, elle contribue à la sécurité et à l’éducation. Au Niger, elle établit une cartographie commune aux diplomates et aux militaires. Le commandement de « Barkhane » au Mali et le Centre de planification et de conduite des opérations du ministère des Armées à Paris disposent chacun d’un conseiller « développement », l’Etat-major des armées détachant un officier supérieur à l’AFD. Ailleurs en Afrique, l’AFD intervient dans les pays riverains du golfe de Guinée, notamment en Côte d’Ivoire, au Nigeria et au Bénin. Selon Rémy Rioux, les actions militaires et de développement devraient intervenir simultanément et non pas se succéder. Il faut agir côte à côte avant, pendant et après une crise. Après la séparation des belligérants et l’aide aux populations, il convient d’intégrer l’idée de développement dans les analyses. Une crise exerce une transformation concrète sur la vie des populations en matière d’approvisionnement en eau d’agriculture, d’infrastructure ou d’éducation. Par ses prêts sur 20 ans au Mali, l’AFD manifeste sa confiance dans l’avenir et explique comment le gouvernement doit développer le pays…afin de pouvoir la rembourser. En outre, elle acquière la connaissance de l’environnement, des acteurs économiques, de la société civile et des collectivités locales qui développeront le pays. Elle parvient ainsi « à faire entendre la voix de l’autre » auprès des ministères des Armées et des Affaires étrangères. Au sein de ce dernier, elle s’occupe de la mise en œuvre de projets de longue durée (4-5 ans), alors que la cellule de crise intervient dans l’action humanitaire d’urgence (alimentation et tentes). Le Haut-commissariat des nations unies pour les réfugiés et la Croix-Rouge internationale s’adressent à l’AFD pour les infrastructures des camps (eau, électricité et voierie).

Loïc Salmon

Depuis le 1er août 2014, l’opération « Barkhane » mobilise : 5.100 militaires ; 3 systèmes de drones ; 7 avions de chasse ; 20 hélicoptères ; 5 à 8 avions de transports tactique et stratégiques ; 280 véhicules blindés lourds ; 400 véhicules logistiques ; 220 véhicules blindés légers. Dans la bande sahélo-saharienne, aussi vaste que l’Europe, « Barkhane » a pour missions d’appuyer les forces armées des pays partenaires (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) dans la lutte contre les groupes armés djihadistes et d’empêcher la reconstitution de sanctuaires terroristes dans la région.

Afrique : hétérogénéité des crises et conflits au Sahel

Afrique : soutiens intégrés à l’opération « Barkhane »

Sahel : l’opération « Barkhane », un effet d’entraînement fort




Bande sahélo-saharienne : opérations aériennes, permanence et réactivité

L’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) assure des missions de renseignement, protection et soutien logistique au profit des forces terrestres et africaines de l’opération « Barkhane » au Sahel.

Le général Stéphane Virem, commandant la brigade des opérations aériennes, les a présentées au cours d’une visioconférence organisée le 17 décembre 2020 entre Paris et la base aérienne projetée de Niamey (Niger).

Les missions. A la suite du sommet de Pau, qui a réuni en janvier 2020 les chefs d’Etat de France et du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), l’AAE contribue au renforcement des capacités militaires des Etats de la région et de ceux du golfe de Guinée, du Sénégal à l’Angola. Elle participe au combat contre les groupes armés terroristes « Etat islamique dans le Grand Sahara » et « Rassemblement pour la victoire de l’Islam et des musulmans ». Les opérations sont conduites et commandées depuis la France. Le Poste de commandement interarmées de théâtre, installé à N’Djamena (Tchad), détermine les objectifs et les effets à produire. Ses demandes sont traduites en missions précises par le Centre de conduite des opérations aériennes (base de Lyon-Mont Verdun) qui définit les modes d’actions et les moyens aériens adéquats à envoyer sur les bases aériennes projetées de Niamey et N’Djamena. Les missions portent sur : le renseignement et la surveillance ; les frappes aériennes de neutralisation et de réassurance ; le ravitaillement en vol, le transport et l’aérolargage (28 opérations de largage et 240 t de fret en 2020) ; les évacuations sanitaires médicales sur un hôpital de théâtre et éventuellement des rapatriements en métropole. A titre indicatif, 103 sorties ont été organisées entre le 9 et le15 décembre 2020 : 26 pour le renseignement et la surveillance ; 32 pour la chasse (appui au sol) ; 45 pour le ravitaillement et le transport. Par ailleurs, le partenariat opérationnel « Air » assure la montée en puissance des forces africaines partenaires par des formations sur les deux bases aériennes projetées. Ainsi 100 soldats maliens et nigériens ont reçu une formation de guetteurs aériens tactiques avancés en 2019 et 70 en 2020. A terme et en liaison avec le Centre de formation au Sénégal, un centre d’expertise Air sera constitué pour le G5 Sahel, intégrant l’appui de troupes au sol, le transport, le renseignement, la maintenance et la planification des opérations aériennes.

Les moyens. L’opération « Barkhane » mobilise notamment 5.100 militaires, 280 blindés lourds, 220 blindés légers, 400 véhicules logistiques et 20 hélicoptères. La base aérienne projetée de Niamey abrite : 1 avion de transport polyvalent A 400M ; 1 avion ravitailleur C-130J ; 2 avions ravitailleurs C-135 ; 7 avions de chasse Mirage 2000D ; 1 système de drones Reaper (2 shelters et 3 drones) renforcé par 1 système Reaper Block 5 au premier semestre 2021 ; 1 avion de transport tactique allemand C-160 Transall ; 1 avion de patrouille maritime ATL2 mais de façon temporaire. En outre, des avions cargos Casa sont déployés au Sahel : 2 français à N’Djamena ; 1 français à Gao (Mali) ; 2 espagnols à Dakar (Sénégal). Par ailleurs, des renforts ponctuels sont envoyés de France : A 400 M, C-130, C-160 ou A330 MRTT (transport ou ravitaillement). En cas de besoin, des avions ravitailleurs américains peuvent intervenir : 2 KC-135 de la base de Moron (Espagne) ; 1 C-130J de la base de Ramstein (Allemagne). Un officier américain est impliqué dans les opérations ariennes.

Loïc Salmon

Afrique : une base aérienne projetée pour « Barkhane »

Afrique : soutiens intégrés à l’opération « Barkhane »

Armée de Terre : un état-major de forces immédiatement projetable




Terrorisme : instrumentalisation de la pandémie du Covid-19

Les organisations terroristes Etat islamiste (EI) et Al Qaïda voient en la pandémie du Covid-19 une punition divine et non une crise sanitaire, qui ne remet pas en cause l’objectif de la fondation d’une société islamique.

Pierre Boussel, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique, l’explique dans une note publiée le 29 juin 2020 à Paris.

Propagande et recrutement. Dans le cadre d’une propagande anti-occidentale, le Covid-19 est utilisé sur les réseaux sociaux pour séduire les populations musulmanes et susciter des vocations de djihadistes, indique Pierre Boussel. Ainsi, il touche surtout les pays riches sur les plans sanitaire et économique. Leurs banques leur portent secours par des prêts à intérêt, interdits par l’islam. Le virus, châtiment divin, infecte les personnalités influentes : des présidents (Botswana, Soudan du Sud) ; un vice-président (Iran) ; des Premiers ministres (Grande-Bretagne, Côte d’Ivoire) ; des ministres (Espagne) ; une vice-présidente d’Assemblée nationale (Burkina Faso) ; des députés (Italie) ; des sportifs, acteurs, musiciens et écrivains célèbres. La fréquentation des réseaux sociaux, accrue par le confinement, facilite le recrutement. Selon une étude (avril 2020) du Centre international d’étude de l’extrémisme violent, sur 236 nouveaux membres de l’EI, 49 % des hommes et 52,6 % des femmes ont été recrutés par voie « numérique ». Depuis sa fondation en 622, l’islam s’est renforcé malgré les crises, épidémies et autres aléas. Aujourd’hui, l’islam « radical » s’estime être le peuple « voulu » et « missionné par Dieu ». Comme lors de la grande peste de 1346, des djihadistes pourraient envoyer des personnes infectées par le Covid-19 au sein de populations vulnérables, notamment africaines. La cellule du renseignement financier du Luxembourg alerte sur les menaces liées au Covid-19, à savoir blanchiment d’argent et financement du terrorisme. Enfin, la récession économique creuse les inégalités sociales, causes de vocations djihadistes.

La complexité du Proche-Orient. En Irak, le confinement consécutif au Covid-19 affaiblit l’économie. La paupérisation, accrue et conjuguée à l’antagonisme sunnite/chiite, pourrait favoriser le recrutement de djihadistes, indique Pierre Boussel. Sur les 70.000 soldats américains présents au Moyen-Orient, 5.000 seulement se trouvent en Irak. Par ailleurs, la 5ème Division irakienne déployé à Diyala, bastion de l’EI, manque de matériels. Quelque 300 véhicules sont hors service et les caméras thermiques de surveillance, détruites par l’EI, ne sont pas remplacées. Selon un ancien directeur des forces spéciales américaines, la pandémie du Covid-19 donne l’occasion de revoir les priorités et d’examiner la valeur et les coûts des efforts entrepris. Le Pentagone a réduit la mobilité des forces déployées en Irak, mais y maintient leur capacité de réaction par le pré-positionnement d’urgence au Koweït de 3.000 soldats de la 82ème Division aéroportée. En Syrie, les forces américaines sont stationnées à l’Ouest de Deir er-Zor et de Bakamal, après l’offensive victorieuse contre l’EI en 2017-2019, avec parfois des incidents de tirs en présence d’éléments russes. En outre, les programmes américains de soutien et de formation à la lutte anti-terroriste se poursuivent en Jordanie, en Somalie et au Kenya. Par suite de la pandémie, la France a rapatrié la centaine de personnels chargés de la formation de l’armée irakienne, dans le cadre de l’opération « Chammal ». Mais des officiers français restent présents au sein de l’état-major de la force d’intervention combinée situé au Qatar, dans le cadre de l’opération internationale « Inherent Resolve » de reconquête des territoires syrien et irakien sur l’EI. Parallèlement au déclenchement de l’épidémie du Covid-19 en Irak au premier trimestre 2020, l’EI reconstitue ses forces, estimées à environ 500 à 3.000 hommes par les services de renseignement occidentaux. Il profite de l’affectation d’une grande partie de l’armée régulière irakienne à la surveillance du confinement pour conduire des attentats à Bagdad et des attaques contre des postes paramilitaires chiites.

L’Afrique en sursis. L’impact du Covid-19 sur le radicalisme islamiste dans la bande sahélo-saharienne (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad) reste difficile à évaluer, estime Pierre Boussel. Une rivalité oppose le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans à l’Etat islamique au Grand Sahara. La répartition des subsides issus de la « zakat » (aumône légale de l’islam), les litiges pastoraux ou les défections de combattants entre les différents groupes l’emportent sur les considérations de santé publique. Le confinement n’arrête pas le terrorisme. Ainsi, en mars 2020 au Tchad, l’organisation Boko Haram a lancé un assaut avec plusieurs centaines d’hommes sur l’île de Bohoma, faisant 92 morts et 47 blessés. Le gouvernement tchadien a riposté par l’opération « Colère de Bohoma », qui a tué un millier de djihadistes. La crise économique, consécutive au Covid-19, parmi les Etats riverains du Lac Tchad pourrait inciter de jeunes déshérités à s’improviser djihadistes pour nourrir leur famille. Au Mozambique, le recul de la présence de l’Etat incite l’EI à lancer d’incessantes opérations « coups de poing » dans la province de Cabo Delgado. Au Sahel, des dizaines de milliers d’hectares, abandonnés par la puissance régalienne, se trouvent ainsi livrés à la prédation des organisations djihadistes.

La Chine, ennemi « verbal ». Selon Pierre Boussel, l’EI et Al Qaïda reprochent à la Chine son point de départ de la propagation du Covid-19, son athéisme, sa pratique de prêts financiers à intérêts et son oppression des Ouïghours musulmans de la province du Xinjiang. Celle-ci avait conquis son indépendance en 1933 sous le nom de « République islamique turque du Turkestan oriental » jusqu’à son absorption, en 1934, par la Chine devenue République populaire en 1949. Après les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, les forces américaines engagées en Afghanistan contre Al Qaïda découvrent des combattants ouïghours, dont 22 sont envoyés à la prison de Guantanamo. Malgré un soutien financier, limité, au « Mouvement islamique du Turkestan oriental », Al Qaïda ne parvient pas à ouvrir un nouveau front dans le Xingiang, où l’islam radical reste minoritaire. A partir de 2011, des centaines de combattants ouïghours se rendent en Syrie. Il s’agit surtout de recrues issues des 25.000 ressortissants ouïghours de la diaspora d’Istanbul. L’effectif passe progressivement de 300 à 1.000 mis en scène dans une propagande vidéo. Mais, contrairement à ce qu’espérait l’EI, la province du Xingiang ne se soulève pas contre le pouvoir central chinois. En outre, les djihadistes ouïghours s’adaptent mal au conflit et réprouvent l’hyper-violence et les tactiques trop coûteuses en vies humaines. Sur le terrain, ils maîtrisent mal la langue, car leur connaissance de l’arabe du Coran diffère beaucoup de l’argot des troupes irako-syriennes de l’EI. Quant au Covid-19, les attaques de l’EI et d’Al Qaïda contre la Chine se limitent à la propagande, sans capacité opérationnelle ni engagement armé.

Loïc Salmon

Terrorisme : impacts et enjeux du « cyberdjihadisme »

Afrique : les risques de déstabilisation et de terrorisme

Chine : diplomatie « sanitaire » via les « Routes de la Soie »




Afrique : hétérogénéité des crises et conflits au Sahel

Les groupes de rebelles djihadistes de la bande sahélo-saharienne présentent des spécificités, selon leurs implantations, leurs idéologies et leurs modes d’action.

Niagalé Bagayoko, présidente de l’African Security Sector Network (ASSN), l’a expliqué au cours d’une conférence-débat organisée, le 9 mars 2020 à Paris, par l’Institut des hautes études de défense nationale. Organisation d’experts de la sécurité en Afrique, l’ASSN a son siège au Ghana et dispose d’antennes au Soudan du Sud, au Kenya et en Afrique du Sud.

Les acteurs. Les différents groupes armés actifs au Sahel, minés par les rivalités et la corruption, font allégeance au organisations terroristes Al Qaïda au Maghreb islamique ou Daech (voir encadré). Le « Groupe de soutien à l‘islam et aux musulmans » (GSIM), dirigé par le touareg Iyad Ag Ghali impliqué en 2010 dans la libération d’otages occidentaux, a décidé de négocier avec le gouvernement malien, en application des recommandations du dialogue national au Mali (8 mars 2020). Le GSIM veut obtenir le départ des troupes étrangères, notamment françaises. Le mouvement « Islamic States in West Africa » compte deux branches. La première, présente autour du lac Tchad, inclut le « Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest » et la branche armée du mouvement « Boko Haram », actif au Nigeria ; la seconde, « l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), est responsable de la plupart des violences contre la population civile, les forces armées et les représentants de l’Etat. L’EIGS, qui profite de nombreuses défections en raison de ses succès militaires au Mali et au Niger, obtient des ressources sur les territoires contrôlés et prélève un droit de passage sur les éleveurs en transhumance vers le delta du Niger. Les chefs des groupes armés se positionnent en fonction de la religion, de motifs politiques, de raisons économiques ou de vengeances interethniques. Le sommet de Pau (13 janvier 2020), qui a réuni les chefs d’Etat du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) à l’initiative de la France, a défini une stratégie contre l’EIGS.

Une grande complexité. Selon Niagalé Bagayoko, le Sahel se trouve en situation insurrectionnelle, avec des groupes qui remettent en cause le modèle d’Etat actuel, deuxième phase de la décolonisation. Les populations civiles se sentent abandonnées, en raison des faillites dans plusieurs domaines : la démocratisation, faute de transparence et d’alternance ; la décentralisation, qui gère mal les régions ; l’éducation, qui n’améliore pas les conditions sociales avec, pour conséquences, la fermeture d’écoles autour du lac Tchad et des menaces contre les enseignants par Boko Haram, qui a brûlé des livres venus de l’Occident ; l’urbanisation, qui laisse les zones rurales de côté ; le développement, car les populations ne tirent aucun bénéfice des réformes de l’Etat. En outre, les groupes armés bénéficient de la collaboration de la part des populations civiles, victimes des exactions des forces de défense et de sécurité. Les revendications indépendantistes se manifestent dans les régions exclues du développement depuis l’indépendance du pays. Depuis 2015 au Mali, un groupe armé s’oppose au gouvernement de Bamako et un autre, s’en sentant proche, veut négocier avec lui. Les fréquents conflits intercommunautaires se focalisent sur la gestion des ressources agro-pastorales et forestières au Sahel, en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. S’y ajoutent ceux entre catégories professionnelles, à savoir entre éleveurs nomades et agriculteurs sédentaires et ceux entre autochtones et allochtones (extérieurs au territoire), sans liens avec les groupes islamistes. En outre, des querelles opposent les tenants des normes traditionnelles sur l’eau, la terre et le bétail et les partisans des règles de décentralisation des décennies 1990-2000. D’autres conflits portent sur l’exploitation des ressources du sous-sol, notamment l’or du Sud du Mali et de l’Ouest du Burkina Faso. Dans les sociétés très hiérarchisées des Touaregs et des Peuls, les « dominés » estiment avoir droit à l’égalité. La sécurité se « communautarise » au Mali avec la constitution de groupes d’auto-défense et de milices, à l’origine de massacres en 2019. Le gouvernement, qui a favorisé leur émergence, tente de les dissoudre. Au Burkina Faso, le gouvernement a fait voter une loi pour institutionnaliser les groupes d’auto-défense, plébiscités par la population qui les considère comme plus aptes à les protéger que les forces de sécurité. Enfin, les groupes criminels, qui vivent notamment sur le trafic de stupéfiants, entretiennent des liens avec la plupart des autres acteurs.

Les limites des interventions. Depuis 2019, se développe un ressentiment à l’égard de la politique étrangère de la France et non pas un sentiment anti-français, car les communautés françaises ne sont pas prises à partie, estime Niagalé Bagayoko. S’y ajoutent la difficulté à comprendre que l’opération « Barkhane » (5.100 militaires déployés) ne parvienne pas à éradiquer les groupes armés et l’impossibilité de vérifier les chiffres des résultats annoncés, pour en évaluer l’efficacité. L’objectif de restaurer l’autorité de l’Etat (sommet de Pau) ne parle pas aux populations, qui en dénoncent le modèle actuel. L’architecture de sécurité repose sur un conseil de paix et de sécurité et une force africaine pré-positionnée, encore en attente, et huit communautés économiques régionales. Selon Niagalé Bagayoko, ce dispositif ne fonctionne pas dans une conflictualité transrégionale. En outre, la MINUSMA (force de l’ONU) n’est pas capable de protéger les populations civiles. Enfin, les actions européennes de formation des forces armées africaines ne sont guère adaptées au contexte.

Les pistes possibles. Niagalé Bagayoko préconise de revoir les paramètres d’analyse des crises et conflits en Afrique, avec des sociologues et des anthropologues qui maîtrisent les langues locales. Au-delà de l’action militaire, il conviendrait de renforcer les capacités de la Police, de la Justice, du Parlement, de la Cour des comptes et du Médiateur (litiges entre les citoyens et l’Etat). La dimension « droits de l’homme » devrait s’intégrer à tous les échelons. La prise de décision, « hybride », devrait prendre en compte l’informalité, très importante en Afrique. Le concept de conflit de basse intensité nécessite une révision, en vue d’élaborer une pensée stratégique spécifique. Celle-ci, basée sur des références historiques africaines, devrait d’abord viser la protection des populations et en assumer le coût. Enfin, les Etats africains devraient définir eux-mêmes leurs propres besoins en armement.

Loïc Salmon

Deux coalitions terroristes se font concurrence au Sahel. La première, dénommée « Groupe de soutien à l‘islam et aux musulmans », créée en 2017, réunit plusieurs formations affiliées à Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) : le groupe Ansar Dine qui avait participé à la prise de contrôle du Nord du Mali, renommé « Azawad » en 2012-2013 avant l’opération « Serval », lancée par la France en janvier 2013 à la demande du gouvernement malien ; le groupe Al-Mourabitoune ; la Katiba du Macina. La seconde, dénommée « Etat islamique au Grand Sahara », s’est ralliée à Daech et sévit dans la zone des trois frontières entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso.

Opex : bilans de « Chammal » et de « Barkhane » en 2019

Afrique : les risques de déstabilisation et de terrorisme

Afrique : zone sahélienne sous tension et résolution de crises




Chine : l’instrumentalisation de l’Afrique et ses conséquences

Devenue la première partenaire commerciale de l’Afrique, la Chine l’utilise dans sa stratégie d’influence au-delà des enjeux économiques. Même l’élection d’un Ethiopien à la tête de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), acquise par son action diplomatique, a servi ses intérêts.

Valérie Niquet, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, l’explique dans une note rendue publique le 14 avril 2020 à Paris.

Les organisations internationales. Le poids des Etats africains à l’ONU a constitué un élément important pour la « République populaire de Chine » (RPC), estime Valérie Niquet. Lors du vote sur le remplacement de la « République de Chine » (Taïwan) par la RPC en 1971, ils étaient 25 sur 76 pays à la soutenir. Leur nombre est passé à 52 en 1996 puis à 54 en 2011. Après la répression de la place Tiananmen (1989) et les sanctions internationales à son encontre, la RPC a pu compter sur les votes africains au sein des commissions de l’ONU, dont celle des Droits de l’Homme. En contrepartie, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, elle a opposé son véto aux condamnations d’Etats africains répressifs, dont le Zimbabwe et le Soudan. Ce soutien africain a permis à la Chine de bloquer la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU, lancée en 2005 par le Japon, l’Allemagne, l’Inde et le Brésil, pour en porter le nombre de membres permanents de 5 à 11. Cette réforme aurait notamment menacé son statut d’unique représentant des pays asiatiques et du Sud. Malgré son échec pour obtenir la direction de l’Organisation de la propriété intellectuelle et la perte de celle d’Interpol, la Chine se trouve à la tête de quatre commissions de l’ONU : aviation civile internationale ; alimentation et agriculture ; développement industriel ; télécommunications internationales. Cela lui permet de promouvoir son projet des « Nouvelles Routes de la Soie » et de développer la « 5 G » (5ème génération des standards pour la téléphonie mobile) au niveau mondial. Sévèrement dénoncée par l’OMS après l’épidémie du « Sras » en 2003, la Chine y a alors augmenté ses contributions, qui ont atteint 18,95 M$ pour la partie « officielle » et 86 M$ pour la partie « volontaire » en 2019. Selon les règles internationales de l’OMS, juridiquement contraignantes pour les 193 pays membres de l’ONU, la gestion d’une crise sanitaire doit appliquer trois principes : transparence ; diligence dans le rapport de l’émergence d’une épidémie ; respect des Droits de l’Homme et des libertés individuelles. Les degrés d’urgence, définis par l’OMS, influent sur les mesures prises par les Etats.

La dépendance de l’Afrique. Après une première reconnaissance par l’Egypte en 1956, la RPC commence à s’intéresser à l’Afrique au cours des années 1960-1970 dans le cadre des conflits de décolonisation pour contrer l’influence soviétique. Elle soutient les différents mouvements de libération, notamment en Angola et au Zimbabwe, et envoie des personnels soignants dans plusieurs pays d’Afrique. Entre 1968 et 1973, elle construit le chemin de fer entre la Zambie, pays enclavé, et le port tanzanien de Dar es Salaam. Dans les années 1980, la Chine recherche plutôt l’ouverture vers les pays occidentaux, en vue d’attirer leurs investissements. Puis au milieu de la décennie 1990, devenue la première consommatrice d’énergie dans le monde, elle se tourne à nouveau vers l’Afrique subsaharienne pour ses matières premières comme le pétrole de l’Angola, le bois du Gabon et les métaux rares, indispensables à son industrie, ailleurs. Ses petites et moyennes entreprises y vendent des produits de qualité moyenne et des appareils de télécommunications. En outre, elle y promeut la « coopération Sud-Sud », soutient l’Union africaine à l’ONU et s’efforce de réduire l’influence diplomatique de Taïwan. Sur les vingt pays africains qui reconnaissaient Taïwan en 1990, il ne reste plus que le Swaziland en 2020. Contrairement aux pays démocratiques, indique Valérie Niquet, la Chine se montre très « souple » en matière de développement durable, de transparence et de contrôle de la corruption, dans ses négociations avec les régimes africains en place. Elle multiplie les prêts pour financer la construction d’infrastructures…par des entreprises chinoises ! Ses investissements en Afrique atteignent 43 Mds$ en 2017, année de la signature de 76 projets en partenariat public/privé dont 60 % dans les transports. Par ailleurs, le « Forum pour la coopération entre la Chine et l’Afrique », inauguré à Pékin en 2000 (52 chefs d’Etat africains) se tient tous les trois ans, alternativement en Chine et en Afrique. En 2015, dix grands projets y ont été présentés pour intégrer l’Afrique aux « Nouvelles Routes de la Soie ».

L’Ethiopie, partenaire privilégié. Après l’établissement de relations diplomatiques en 1970, les liens idéologiques entre Pékin et Addis-Abeba se sont renforcés depuis 1991 avec l’arrivée au pouvoir du Front populaire démocratique de libération, qui adopte le modèle chinois de développement. La Chine délocalise des entreprises en Ethiopie, dont le statut de pays en développement lui donne accès aux marchés nord-américain et européens sans quotas ni droit de douane. En 2019, 147 projets d’investissements portent sur les infrastructures, dont une ligne ferroviaire à grande vitesse vers Djibouti…où les forces armées chinoises disposent d’une base logistique depuis 2018 ! La Chine a aidé l’Ethiopie à lancer son premier satellite de télédétection en 2019. Elle va financer et construire le siège d’un centre africain pour le contrôle des maladies à Addis-Abeba, faisant de l’Ethiopie la future zone de transit des produits médicaux chinois vers l’Afrique. Toutefois, souligne Valérie Niquet, l’OMS, soumise à l’influence de la Chine, a échoué dans le traitement de la pandémie du Covid-19, avec de graves conséquences sanitaires.

Loïc Salmon

Les décisions de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont été prises en concordance avec l’évolution du Covid-19 en Chine. 1er décembre 2019 : multiplication de cas de pneumonies de type « Sras » (Symptôme respiratoire aigu sévère) autour d’un marché de la ville chinoise de Wuhan (province de Hubei). 1er janvier 2020 : fermeture du marché de Wuhan. 3 janvier : la Commission nationale de santé ordonne aux laboratoires ayant travaillé sans autorisation sur le « virus H+H » d’arrêter leurs travaux et de détruire leurs échantillons. Le même jour, l’OMS publie un communiqué reprenant la déclaration des autorités chinoises sur 44 cas de contamination, dont 33 patients guéris. 20 janvier : le président chinois Xi Jinping reconnaît l’existence d’une crise sanitaire. Le même jour, une mission d’experts de l’OMS admet l’existence de transmission du virus H+H et préconise des études supplémentaires pour en évaluer la portée. 23 janvier : Wuhan et le Hubei sont mis en quarantaine. Le même jour, le directeur général de l’OMS déclare qu’il n’existe aucune preuve de transmission du virus H+H hors de Chine. 30 janvier : l’OMS déclare une situation d’urgence de santé publique de portée internationale. 11 février : la dénomination officielle de « Covid-19 » est adoptée. 13 février : les responsables politiques de Wuhan sont démis de leurs fonctions. 11 mars : l’OMS déclare la pandémie du Covid-19.

Afrique : nouvelle frontière de la Chine avec des enjeux stratégiques

Chine : diplomatie « sanitaire » via les « Routes de la Soie »

Chine : routes de la soie, conséquences induites

 




Défense : durer et vaincre dans un conflit de haute intensité

L’érosion accélérée des équipements et des personnels dans un engagement de longue durée nécessite de disposer d’un volume conséquent de forces et d’une capacité suffisante de renouvellement.

Ce thème a été abordé lors d’une conférence-débat organisée, le 16 janvier 2020 à Paris, par l’association Les Jeunes IHEDN. Y sont intervenus : le colonel (er) et écrivain Michel Goya ; Nicolas Maldera, chercheur associé au Centre de doctrine et d’enseignement du commandement de l’armée de terre et contributeur à la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques.

Evolution du modèle d’armée. L’emploi de la force légitime vise à rétablir un ordre géopolitique face à un ennemi désigné, rappelle le colonel Goya. Mais la France a engagé des opérations militaires sans ennemi déclaré, comme au Liban depuis 1978 où l’attentat terroriste de 1983 a causé la mort de 58 soldats français de la Force multinational de la sécurité de Beyrouth. A la fin de la guerre d’Algérie (1962), son modèle d’armée repose sur : la dissuasion nucléaire, face à un ennemi étatique majeur menaçant ses intérêts vitaux ; un corps conventionnel de bataille renforcé par la mobilisation pour montrer sa détermination ; une petite force de militaires professionnels déployée en opérations extérieures (Opex). Ces dernières, liées à la personnalité du président de la République, chef des armées, consistent à s’engager facilement en prenant le moins de risques possibles, pour limiter le nombre de morts, par l’appui aux forces armées locales alliées et l’emploi de l’arme aérienne contre leur ennemi. Cette conception stratégique exclut l’hypothèse d’une guerre longue contre les forces du Pacte de Varsovie (1955-1991). Or la sécurisation du Sud du Tchad (1969) a engagé 2.500 soldats professionnels pendant trois ans avec 2.000-4.000 hommes en réserve. Dans les années 1980, l’Iran a attaqué la France au Liban et commis des attentats terroristes à Paris, jusqu’au remboursement des fonds avancés par le Shah en 1974. Simultanément, a eu lieu l’opération, réussie, de dissuasion conventionnelle « Manta » (1983-1984) au Tchad contre la Libye. La guerre du Golfe (1990-1991) a mobilisé 12.000 soldats professionnels, considérés comme une force secondaire de la coalition internationale contre l’Irak. Cela a conduit à porter les effectifs professionnalisés à 50.000 personnels. Après la dissolution du pacte de Varsovie, les programmes d’armement majeurs sont maintenus pour éviter une crise industrielle. En 2002, la suspension de la conscription, vivier de soldats à faible coût et de réservistes, supprime toute capacité de montée en puissance. La crise financière de 2008 entraîne la suppression de 80.000 postes dans les armées, dont les effectifs projetables en Opex sont réduits à 30.000 personnels. La création de bases de défense provoque un désordre administratif, estime le colonel Goya. En 2013, le contrat pour les Opex est ramené à 15.000 personnels et 45 avions, à peu près comme lors de la guerre du Golfe. Des « trous capacitaires » perdurent en matière de ravitaillement en vol et de renseignement, créant une dépendance stratégique à l’égard des Etats-Unis. Les armées sont utilisées de façon dispersée lors des opérations « Serval » (2013), au Mali, « Chammal » (depuis 2014), en Irak et Syrie, et « Sangaris » (2013-2016) en Centrafrique. Pour rassurer l’opinion publique française après les attentats de 2015, l’opération « Sentinelle » de protection de la population française mobilise 7.000 personnels, effectif porté à 10.000 en cas de besoin. Elle entame une remontée en puissance des armées, confortée par la loi de programmation militaire 2019-2025. Le modèle d’armée actuel permet des opérations « coup de poing » ou des raids aériens et dispose d’une capacité d’intervention forte contre des organisations armées. Mais pour dissuader un adversaire majeur dans la durée, le colonel Goya préconise : une 1ère Armée avec de gros effectifs mobilisables, moins chers que des militaires professionnels, et disposant de centaines de milliers de réservistes ; une Force de réaction rapide, composée uniquement de professionnels, pour intervenir n’importe où ; une adaptation des moyens à l’ennemi, pas nécessairement avec les équipements les plus sophistiqués. A tire indicatif, pendant la guerre du Golfe, la force américaine comptait 40 % de réservistes. L’opération « Barkhane » au Sahel coûte 600 M€/an pour 300 combattants adverses, soit 2 M€/djihadiste. L’hélicoptère de manœuvre NH90 est utilisé contre des pickups armés, alors qu’il a été conçu pour affronter les troupes du Pacte de Varsovie. L’opinion publique française, prête à assumer des pertes considérables pendant la guerre froide (1947-1991), s’est déclarée en faveur de la guerre du Golfe et a eu une vision claire de l’opération « Serval ». Mais pour un conflit mal perçu, les pertes sont considérées comme inutiles (Afghanistan, 2001-2014) ou difficiles à expliquer (Sahel depuis 2014).

« Soutenabilité » des opérations. L’engagement opérationnel implique de vaincre dans le temps imparti et de dépenser suffisamment de ressources pour imposer sa volonté politique à l’adversaire, explique Nicolas Maldera. Le seuil de « soutenabilité » est atteint quand la capacité militaire engagée égale celle de son renouvellement. Il faut avoir usé l’adversaire ou devoir subir une érosion de son propre capital opérationnel, car les ressources vont finir par manquer. Le scénario d’un engagement majeur, contre un ennemi étatique ou non et juste au-dessous du seuil de l’emploi de l’arme nucléaire, retient un effectif de 17.600 personnels terrestres. La durée de cet engagement se répartit en 6 mois de montée en puissance, 6 mois pour l’intervention elle-même, 6 mois de désengagement et 24 mois de remise en condition opérationnelle. Pour un soldat au combat, il faut compter un autre à l’entraînement et un troisième en reconditionnement. Entre 1989 et 2017, l’armée de Terre a vu le nombre de ses chars divisé par 5, celui de ses canons par 3 et celui de ses hélicoptères par 2,5. Son transport stratégique dépend des avions gros porteurs ukrainiens ou russes. La France a négligé les programmes d’équipements intermédiaires, qui manquent aujourd’hui. Toutefois, le programme Scorpion va reconstituer le corps blindé mécanisé avec un format final de 200 chars Leclerc, 109 canons Caesar, 300 véhicules blindés Jaguar et 1.000 véhicules blindés de l’aide à l’engagement. La disponibilité des équipements, de 60 % en moyenne, devrait monter à 90 %. Leur capacité de régénération, à savoir leur entretien programmé, sous-budgétée pendant des années, remonte depuis 2019 à raison de 4,2 Md€/an. La répartition de la maintenance, actuellement de 90% par l’armée de Terre et de 10 % par les industriels, devrait passer à 60 %-40 % à terme. En outre, les groupes Nexter (armement), Arquus (véhicules) et Thales (électronique) augmentent leurs cadences de production. Les munitions sont standardisées OTAN, mais chaque pays demandeur est soumis au bon vouloir du vendeur, en l’occurrence les Etats-Unis, qui réserveront leurs stocks en priorité à leurs propres troupes.

Loïc Salmon

Guerre : complexité des approches politique et militaire

Armée de Terre : opérations et relations internationales

Défense : la mort, au cœur de la singularité militaire




Opex : bilans de « Chammal » et de « Barkhane » en 2019

Les moyens déployés et les résultats obtenus en 2019 par les opérations extérieures (Opex) « Chammal », au Levant, et « Barkhane », au Sahel, ont été présentés à la presse, le 23 janvier 2020 à Paris, par le colonel Frédéric Barbry, porte-parole de l’Etat-major des armées.

« Chammal ». Lancée le 19 septembre 2014, cette Opex contribue à la formation des forces armées irakiennes par les « task forces » (forces d’intervention) « Narvik » et « Monsabert ». En outre, elle appuie les troupes au sol de la coalition internationale contre l’organisation terroriste Daech par le recueil de renseignement et des frappes aériennes contre ses capacités militaires. Outre la présence permanente de 1.000 militaires et de 11 avions de chasse Rafale, elle déploie de façon ponctuelle : 1 avion de détection et de commandement aéroporté E-3F AWACS ; 1 avion ravitailleur C-135 FR ; 1 avion de patrouille maritime Atlantique 2 ; 1 frégate en Méditerranée orientale. En 2019, l’artillerie de la task force « Wagram », qui a engagé 150 militaires et des canons Caesar, a effectué plus de 117 missions de feu. L’appui aérien de l’armée de l’Air, à partir de bases de Jordanie et d’Abou Dhabi, et de l’aviation du groupe aéronaval, de passage sur zone, a totalisé plus de 1.180 sorties, 45 frappes et plus de 65 objectifs détruits. La task force « Narvik », chargée d’instruire les forces spéciales du Service irakien de contre-terrorisme, a formé 1.400 soldats et 130 instructeurs de son académie et a perfectionné 700 soldats de ses bataillons opérationnels. La task force « Monsabert », qui conseille et assiste la 6ème Division d’infanterie irakienne, a formé 1.000 soldats et 200 instructeurs et a aussi évalué 2.600 soldats. En outre, elle conseille et forme les cadres de l’Ecole d’artillerie irakienne, soit 200 officiers et sous-officiers en 2019.

 « Barkhane ». Commencée le 1er août 2014 à la suite de l’opération « Serval » au Mali (2013), cette Opex appuie les forces armées des pays partenaires du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) dans la lutte contre les groupes armés terroristes et empêche leur regroupement dans des « sanctuaires » de la région en tarissant leurs flux logistiques. A cet effet, sont déployés : effectif porté à 5.1 00 militaires ; 3 drones ; 7 avions de chasse ; 21 hélicoptères ; 6 à 10 avions de transport tactiques et stratégiques ; 260 véhicules blindés lourds ; 360 véhicules logistiques ; 210 véhicules blindés légers. En 2019, elle a mobilisé en permanence tous les acteurs et capteurs du renseignement dans 105 combats. En outre, l’action médicale a réalisé quotidiennement 100 consultations et 400 soins au profit des populations. Le domaine civilo-militaire a concerné 76 actions, dont 35 projets dans la région du Liptako, dans le Burkina Faso à l‘Ouest du Niger : 6 pour l’adduction d’eau ; 13 dans l’agropastoralisme ; 16 dans l‘éducation, l’énergie et l’accès à l’information (internet). Le partenariat miliaire avec les armées du G5 Sahel porte sur l’instruction au tir, le sauvetage au combat tactique, la coordination des opérations et la lutte contre les engins explosifs improvisés. Depuis 2014, 13.000 de leurs soldats ont suivi une formation particulière. Enfin, l’opération « Barkhane » bénéficie de l’assistance de plusieurs pays alliés de la France : véhicules blindés fournis par l’Estonie ; avions de transport par l’Espagne et l’Allemagne ; hélicoptères lourds par la Grande-Bretagne ; hélicoptères légers par le Danemark ; moyens de renseignement et ravitaillement en vol par les Etats-Unis.

Loïc Salmon

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