Le soutien médical des blessés psychiques est assuré par le Service de santé des armées (SSA) et leur soutien psychologique par le commandement, qui adapte le dispositif au fur et à mesure de l’évolution du conflit. Tout combattant de l’armée de Terre effectue une préparation opérationnelle avant son départ en opération extérieure (Opex) et fait l’objet d’un suivi systématique à son retour.
La prise en compte des troubles psychiques a été présentée à la presse, le 7 juin 2012 à Paris, par des responsables de l’armée de Terre et du SSA.
Les troubles psychiques sont étudiés depuis la première guerre mondiale. Selon le SSA, chaque conflit engendre des perturbations psychiques propres. Le nombre de troubles constatés diminue dans les conflits de basse intensité, mais augmente au cours d’engagements lourds comme celui en Afghanistan. Les origines sont diverses : traumatismes crâniens (95 % des cas), dépression ou sentiment de la mort après un événement directement lié, comme celle d’un camarade. Ne sont évacués sur la métropole que les blessés psychiques « étiquetés » comme tels sur le terrain. Ils sont suivis dans le temps pour vérifier le diagnostic initial. Par ailleurs, certains événements graves peuvent susciter des crises d’angoisse ou des cauchemars trois mois après le retour en métropole. Le sentiment de honte n’existe pas chez un soldat en temps de guerre, en raison du rapport direct avec la mort. Le commandement l’a intégré dans la préparation opérationnelle du combattant et le SSA ne le considère pas comme une pathologie.
L’envoi en Opex est précédé d’un contrôle d’aptitude médicale puis d’une préparation opérationnelle en garnison. Cette préparation porte sur : les actes réflexes ; le « savoir-être » ; les savoir-faire spécifiques à la mission ; la résistance physique et psychique ; l’aguerrissement physique et mental ; la connaissance des réactions au stress ; l’utilisation des techniques d’optimisation du potentiel. Ensuite, a lieu la mise en conditions spécifiques à la mission. Sur le théâtre d’opérations, chaque régiment dispose de son service de santé composé d’un médecin et d’un infirmier, renforcé par un dispositif de soutien psychologique, qui compte des « référents de section », un « officier environnement humain » (OEH) et une « cellule d’intervention et de soutien psychologique de l’armée de terre » (CISPAT). Depuis le bombardement du camp de Bouaké par l’aviation ivoirienne le 6 novembre 2004 où neuf soldats français avaient été tués, un psychiatre est présent sur chaque théâtre d’opérations. Le référent de section est un militaire du rang ou un sous-officier expérimenté ayant la confiance de la section. Chargé d’identifier les réactions psychologiques et comportementales inadaptées, il alerte son chef le cas échéant. L’OEH a suivi un stage de cinq semaines, dont deux au sein du service psychiatrie d’un hôpital militaire. Il coordonne l’action des référents de section et des autres intervenants, pour détecter les situations à risques et le personnel vulnérable, et participe à la préparation au retour en métropole. Enfin, la CISPAT, composée d’officiers psychologues, assure le soutien d’urgence après un événement traumatisant au cours d’un engagement. Les médecins et infirmiers des forces, formés aux dépistages et prises en charge de troubles psychiques post-traumatiques, prodiguent des soins immédiatement et à proximité du lieu de l’événement. De son côté, le psychiatre de l’hôpital médicochirurgical de campagne intervient, en synergie avec le médecin d’unité et le « psychologue du théâtre » (conseiller du commandement sur les éventuelles mesures à prendre), pour déterminer si un patient a besoin de soins ambulatoires et/ou d’une hospitalisation et/ou d’une évacuation en métropole. Même s’ils n’ont apparemment pas ressenti de troubles psychologiques, tous les combattants envoyés en Afghanistan passent par un « sas de fin de mission », à savoir un court séjour à Chypre pour éviter un décalage trop brutal à leur arrivée en France. Outre une nécessaire période de détente, c’est l’occasion de procéder à des entretiens collectifs et individuels, de préparer le retour et de détecter les personnels susceptibles de recevoir un soutien psychologique adapté. Une fois réinstallés dans leur garnison d’origine, les militaires se remettent en conditions pendant plusieurs mois. Par ailleurs, chacun d’eux a un entretien avec le médecin de son unité, en vue de l’établissement d’une « fiche de suivi opérationnel » qui recense les événements graves auquel il a été confronté. Cette fiche sera complétée tout au long de sa carrière. Le médecin dresse aussi un bilan médico-psychologique post mission et prescrit une visite systématique annuelle et, si nécessaire, un suivi psychologique ou psychiatrique.
Les familles des militaires jouent un rôle important, de même que les assistantes sociales et les aumôniers. Depuis mars 2011, la Direction des ressources humaines du ministère de la Défense assure un soutien psychologique aux familles des blessés psychiques. Pour l’ensemble des familles, elle propose deux séances de prévention et de sensibilisation : une avant l’envoi du militaire en Opex, pour apprendre à gérer son absence, et une un mois avant son retour pour se réadapter à la vie familiale et être capable de détecter des signes annonciateurs de troubles. En cas d’événement grave, un psychologue assure une intervention d’une journée auprès de la famille. A titre individuel, tout blessé psychique dispose d’un numéro de téléphone vert pour s’entretenir 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 avec un psychologue. Parfois, cette prise en charge à distance suffit. Mais, s’il l’estime nécessaire, le psychologue peut proposer des consultations individuelles ou familiales en cabinet. Selon le SSA, 340 personnes ont appelé, dont 134 ont été ensuite orientées vers un psychologue. Enfin, la prise en charge s’arrête à l’initiative du psychologue… ou à la demande de l’intéressé !
Loïc Salmon
Parmi les milliers de militaires envoyés en Afghanistan depuis dix ans, environ 400, dont une dizaine du Service de santé, sont considérés comme atteints de blessures psychiques et suivent un traitement. Certains ont été rapatriés sanitaires, notamment à l’hôpital d’instruction des armées Percy (photo). En fait, le suivi psychologique du soldat commence dès son recrutement. La réflexion sur son engagement porte sur : le service de la France ; l’accomplissement de la mission ; la maîtrise de sa force ; l’obéissance aux ordres ; la prise d’initiatives ; le professionnalisme ; les sentiments d’honneur, de franchise et de loyauté ; l’œuvre pour la cohésion et le dynamisme de son unité ; l’ouverture sur le monde et la société ; la fierté de son engagement. Ce métier, où chaque militaire expose sa vie, nécessite de solides aptitudes physiques, mentale et psychologique. La formation initiale de quatre mois est suivie d’une spécialisation pendant un an.