Armée de Terre : un état-major de forces immédiatement projetable

image_print

La France développe sa capacité d’entrer en premier sur un théâtre d’opérations extérieur et celle de nation cadre dans une coalition. Outre des missions sur le territoire national, son système d’état-major de forces lui permet de projeter immédiatement un commandement opérationnel.

Ce système comprenait 4 états-majors de forces (EMF), réduits aujourd’hui à 2 et interchangeables : l’un à Besançon (EMF N°1) et l’autre à Marseille (EMF N°3). Ce dernier est commandé par le général de division Philippe Pontiès, qui l’a présenté, avec son équipe de direction, à l’Association des journalistes de défense le 25 novembre 2013 à Marseille. L’EMF 3 est en posture de projection pendant toute l’année 2014, tandis que l’EMF 1 reste en alerte et en préparation opérationnelle au moyen de divers exercices. Les rôles s’inverseront en 2015.

Opérations extérieures. Tous les personnels des EMF ont participé à des opérations extérieures. Pendant un an, un EMF est en mesure de projeter immédiatement environ 20 % de son effectif en temps ordinaire, chiffre passé à 80 % fin 2013 pour l’EMF 1 en raison de la relève dans l’opération « Serval » au Mali. Pour honorer le contrat opérationnel de l’armée de Terre (voir encadré), il remplit 4 missions : planifier et conduire des opérations interarmées de niveau division de l’OTAN ; assurer la mise sur pied d’un poste de commandement interarmées à dominante terrestre (PC opératif type « Serval ») pour un engagement national limité à 5.000 hommes en alerte « Guépard » ; armer un PC de circonstance dans le cadre de la défense du territoire national ; renforcer un PC interarmées à dominante aérienne ou maritime dans le cadre d’une opération. Il s’agit de s’adapter au contexte d’une guerre et dans l’urgence. L’EMF apporte la capacité de travailler ensemble, à la différence de la juxtaposition de compétences individuelles. La clé de son succès réside dans la cohérence, la connaissance mutuelle, la confiance et les automatismes. « Il faut bien connaître la doctrine pour mieux s’en affranchir », souligne le général Pontiès. L’efficacité repose sur la qualité des combattants, du 2ème classe au général et acquise par la formation, sur celle du dispositif de commandement et de contrôle et sur celle de la préparation opérationnelle. Pour rester à niveau, cette dernière correspond, idéalement, à 90 jours d’entraînement par homme et par an et à 180 heures de vol pour les équipages de l’Aviation légère de l’armée de terre. Des exercices d’EMF avec des pays alliés entretiennent la préparation opérationnelle. Avec le Qatar, cela envoie un signal fort dans la région du Moyen-Orient. Suite aux accords de Lancaster House, 60 personnels d’EMF sont envoyés en Grande-Bretagne dans le cadre de la force expéditionnaire commune. Renseignement. Tous les personnels officiers et sous-officiers viennent de l’École du renseignement de l’armée de terre (Saumur), de la Direction du renseignement militaire (DRM) et de la Direction générale de la sécurité extérieure. Pendant 4 semaines et dans des bâtiments sécurisés, ils se forment à l’outil SAERc (Solution d’aide à l’exploitation du renseignement « convergé »), dont la production est diffusée à toute personne habilitée de la planification et de la conduite des opérations. La chaîne SEARc assure une cohérence bout à bout pour un meilleur partage et une exploitation plus performante du renseignement. Un moteur de recherche dédié stocke des volumes très importants d’informations diverses (textes, images et sons), retrouve des données pertinentes (pays, armement, personnes etc.) et extrait au bon moment et rapidement celles recherchées. Il identifie : les relations entre plusieurs types d’entités dans une même phrase (personnes et mots clés par exemple) ; les principaux thèmes et catégories d’informations à partir d’un corpus documentaire. Il visualise : les relations entre les différentes entités (ébauche de réseau mafieux) ; les redondances dans le temps, coïncidences ou rapprochement entre différents types d’entités (présence dans un attentat d’un individu fiché) ; les entités géolocalisées (réseaux mafieux identifiés). Quelque 60.000 fiches thématiques permettent de faire des analyses statistiques et thématiques, de comprendre l’enchaînement d’événements et d’en déterminer le « centre de gravité ». Pendant la préparation opérationnelle, la cellule renseignement de l’EMF s’entraîne à partir des comptes rendus de situation d’un théâtre d’opération réel provenant de la base de données du Centre de planification et de conduite des opérations à Paris. Lors de la projection de l’EMF, elle assure la veille en relation avec le Système d’information et de commandement des forces.

Environnement opérationnel. Outre la logistique, le renseignement, la planification et  la conduite des opérations, les fonctions de l’EMF incluent les actions sur les perceptions et l’environnement opérationnel : ciblage, opérations d’information, opérations militaires d’influence et actions civilo-militaires. Le ciblage consiste à identifier puis sélectionner des cibles pour agir sur elles avec des moyens létaux ou non, en vue d’obtenir l’effet recherché. Il est assuré par les forces spéciales, la guerre électronique, la cyberdéfense et les opérations d’information. Ces dernières visent à utiliser ou à défendre l’information, les systèmes d’information et les processus décisionnels pour appuyer une stratégie d’influence en respectant les valeurs défendues. Il s’agit d’informer la population et les responsables locaux neutres, de promouvoir les gens favorables à la cause défendue et de discréditer les opposants. Contrairement à la propagande, tout ce qui est diffusé par tracts ou par radio doit être exact et vérifiable. Les opérations militaires d’influence cherchent à obtenir un effet sur les comportements d’individus, de groupes ou d’organisations afin d’atteindre des objectifs politiques et militaires. En Afghanistan, les personnels français chargés des opérations militaires d’influence et des actions civilo-militaires ont été formés à l’OTAN. Après leur départ, le relais a été pris par l’ambassade de France et des organisations non gouvernementales, car l’effet durable se fera sentir… au bout d’une génération !

Loïc Salmon

Coalition 2012 : exercice majeur d’état-major à l’Ecole de guerre

« Serval » : manœuvre aéroterrestre en profondeur et durcissement de l’engagement

Selon le Livre blanc 2013 sur la défense et la sécurité nationale, l’armée de Terre doit pouvoir disposer de 66.000 personnels projetables à l’horizon 2025, dont : 10.000 sur le territoire national ; 7.000 en tout dans 2 ou 3 opérations de gestion de crises ou 15.000 dans 1 opération de coercition avec préavis et après réarticulation du dispositif engagé en opération ; 1.500 dans un groupement tactique interarmes de la Force interarmées de réaction immédiate (2.300 h) et déployable jusqu’à 3.000 km en 7 jours. L’État-major de forces N°3 (Marseille) compte 291 personnels, dont 107 officiers (3 généraux), 107 sous-officiers et 77 militaires du rang. Il inclut un escadron de quartier général pour le déploiement du système d’information et de commandement et la protection immédiate. S’y ajoutent 128 réservistes et 13 personnels civils.

image_print
Article précédentService de santé : traumatismes psychiques dans les armées, problème de santé publique
Article suivantLes Compagnies des Indes