La Compagnie des Indes orientales fonctionne, sous plusieurs statuts, de Louis XIV à la Révolution française.
Sa création marque l’irruption des ports de la façade atlantique dans les circuits traditionnellement réservés à ceux de la Méditerranée vers le Levant et la mer Noire. Les échanges commerciaux avec l’Asie s’accélèrent aux XIIIème et XIVème siècles avec l’unification des « routes de la soie » par l’Empire mongol. Le Portugais Vasco de Gama franchit le Cap de Bonne-Espérance en 1498 et arrive en Inde. La politique de l’Empire portugais qui, en 1515 s’étend jusqu’aux Moluques, consiste « à faire du commerce là où c’était possible et à faire la guerre là où c’était nécessaire ». En 1580 quand il reçoit la couronne du Portugal, le roi d’Espagne Philippe II interdit l’accès de ses ports aux navires des Provinces-Unies. La Compagnie hollandaise des Indes orientales, plus connue sous le sigle « VOC », voit alors le jour et établit des agences commerciales en Asie. Elle devient le modèle des autres nations marchandes de l’Occident, qui copient sa puissance financière avec le recours à de nombreux actionnaires privés et l’organisation d’un monopole commercial protégé par l’État. Après 1608, des armateurs de Londres s’associent à la haute noblesse anglaise pour développer l’East India Company (EIC). En France en 1664, Louis XIV et Colbert instituent la Compagnie des Indes orientales, qui obtient le monopole des relations maritimes et commerciales de la Perse à la Chine et au Japon. Elle fait construire ses navires dans ce qui deviendra le port de Lorient, à proximité de Port-Louis, auparavant dévolu à la Marine royale qui installera ses arsenaux à Brest, Rochefort et Toulon. Au fil des années, la Compagnie des Indes orientales forme ses propres officiers responsables de l’itinéraire d’une campagne, du respect de la discipline à bord, de l’encadrement des marins, de la surveillance des opérations commerciales et du transport des passagers. Le recrutement des équipages est une préoccupation permanente dans un contexte de fréquente pénurie. Les navires sont armés de canons pour leur protection. Outre des marchandises et des esclaves africains, ils transportent aussi des passagers, dont plus de 50 % sont des soldats du roi et des troupes de la compagnie. Les gouverneurs des comptoirs français de l’Inde engagent aussi ponctuellement des mercenaires indiens armés à l’européenne, les « cipayes », dont la valeur sera démontrée pendant les guerres franco-anglaises. Malgré la chute du comptoir français de Pondichéry en 1761, l’EIC ne triomphe pas complètement. En effet, des officiers et ingénieurs français se mettent au service d’États indiens pour contribuer à la modernisation de leurs armées. Cette influence sera entretenue jusqu’en 1840 par de discrets envois français et plusieurs générations d’arrivants. Au cours du premier tiers du XIXème siècle, l’EIC exerce une véritable souveraineté sur toute la péninsule. Toutefois, après la révolte des cipayes en 1857, elle est reléguée au commerce et perd ses attributions politiques. En 1874, la reine Victoria devient impératrice des Indes et l’EIC disparaît. De 1815 à 1962, la France conservera 5 comptoirs en Inde : Pondichéry, Karikal, Yanaon, Mahé et Chandernagor.
Loïc Salmon
« Les Compagnies des Indes », ouvrage collectif sous la direction de René Estienne. Éditions Gallimard/Ministère de la Défense-DMPA, 288 pages, plus de 350 illustrations. 49 €