Le Commandement des forces terrestres (CFT) doit recruter, former, entraîner et fidéliser des combattants, projetables sur le territoire national ou sur un théâtre d’opérations extérieur.
Son état-major, implanté à Lille, l’a présenté à l’Association des journalistes de défense le 23 mai 2016. Sont notamment intervenus : le général de corps d’armée Sainte-Claire Deville, commandant le CFT ; le colonel Dirou ; le lieutenant-colonel Hunot ; le colonel Givre ; le commandant Sackreuter.
Remontée en puissance. Il s’agit de recruter 11.000 personnels entre avril 2015 et début 2017 et d’augmenter les effectifs au niveau section, rappelle le général Sainte-Claire Deville. Pendant ce temps, il faut former 40 unités de combat supplémentaires, dont 20 d’arme blindée cavalerie : 10 fin juillet, 10 fin octobre, 10 fin décembre et 10 début 2017. Le recrutement s’établit à 2 candidats par poste proposé. La formation initiale se répartit sur tout le territoire national, à raison de 6 à 12 mois pour les soldats, 1 an pour les sous-officiers et 4 ans pour les officiers. Pour l’entraînement, la priorité est donnée à la préparation avant projection, sous la responsabilité du chef d’unité : tir ; secourisme ; instruction collective au niveau de la section d’infanterie ou du peloton de cavalerie. Le commandement doit entretenir les savoir-faire du niveau élémentaire à celui du régiment. La préparation opérationnelle se fait dans les centres d’entraînement spécialisés de Champagne et de Provence, dans le cadre de sous-groupements tactiques interarmes incluant des éléments de cavalerie, d’infanterie, du génie, d’artillerie et de logistique. Les effectifs subissent une certaine attrition au cours des six premiers mois d’engagement, dont 3 % pour des pathologies … détectées lors de la première marche ! Par ailleurs, les absences prolongées du domicile, de l’ordre de 180 à 230 jours par an, donnent droit à des primes équivalant à un 13ème ou un 14ème mois de solde, mais créent des difficultés au sein des familles. L’opération « Sentinelle » de lutte contre le terrorisme sur le territoire national permet aux militaires du rang de percevoir au quotidien la reconnaissance de la population. Mais pour les sous-officiers ou officiers subalternes, elle ne correspond pas à ce qu’ils souhaitent, à savoir des responsabilités plus guerrières. Au bout de 5 ans de service, se pose la question de la fidélisation des meilleurs soldats. L’objectif du CFT est de la rendre supérieure à 40 %, alors qu’elle dépasse à peine 15 % aujourd’hui, souligne le général Sainte-Claire Deville.
Rééquilibrage. Pour contribuer à l’équilibre stratégique de la défense (dissuasion nucléaire, connaissance/anticipation, prévention, protection et intervention), l’armée de Terre doit réévaluer ses engagements sur les théâtres extérieurs et en métropole explique le colonel Dirou. Le programme « Scorpion » de renouvellement de ses équipements va connecter entre elles toutes les composantes d’un groupement tactique interarmes (infanterie, cavalerie, appui et soutien). Sa mise en œuvre va décloisonner et favoriser la combinaison et la formation interarmes. Cela se traduira, à terme, par des changements sur les structures et dans les relations humaines et le maintien des matériels en condition opérationnelle. Parallèlement, les acquis des opérations extérieures sont pris en compte dans la formation et l’entraînement d’un combattant qui doit devenir polyvalent, notamment l’autonomie, la créativité, l’initiative et l’imagination. Entre 1996 et 2016, les forces terrestres françaises ont été déployées au Liban, en Bosnie, au Kosovo, en Côte d’Ivoire, en Afghanistan, en Libye, au Mali et … en France ! Actuellement, quelque 31.500 militaires français des trois armées sont déployés en missions et en opérations à travers le monde, indique le lieutenant-colonel Hunot. Sur le territoire national, 13.000 d’entre eux participent à l’opération « Sentinelle », à la posture permanente de sûreté aérienne et à la posture permanente de sauvegarde maritime. Les forces prépositionnées, soit 11.000 personnels, se répartissent entre : celles de souveraineté nationale aux Antilles, et en Guyane, zone Sud de l’océan Indien, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française ; celles de présence à l’étranger, à savoir au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Gabon, aux Émirats arabes unis et à Djibouti. Enfin, 7.500 sont engagés dans des opérations extérieures : « Barkhane » dans la bande sahélo-saharienne ; « Sangaris » en Centrafrique ; « Corymbe », surveillance maritime du golfe de Guinée ; « Atalante » pour lutter contre la piraterie en océan Indien ; « Chammal » contre Daech en Irak.
Retours d’expériences. Le colonel Givre se trouvait à Bagdad, entre octobre 2015 et mars 2016, à la tête de 150 militaires français dans le cadre du programme d’assistance aux forces irakiennes. Cette mission, destinée à créer un climat de confiance pour lutter contre Daech, consiste à dupliquer l’opération « Sentinelle » dans la capitale irakienne, centre du pouvoir chiite, militaire, policier et des services de renseignement. Ces derniers entretiennent des relations avec leurs homologues syriens. La mission française recueille aussi du renseignement sur les gens de Daech susceptibles de revenir en Europe. En outre, l’armée de l’Air française participe aux frappes en appui aux troupes irakiennes au sol, après avoir obtenu le feu vert de Paris et du commandement de la coalition internationale (70 pays), installé au Qatar. Les États-Unis effectuent 80 % des frappes et la France 20 %. Il n’y a pas d’accompagnement terrestre direct des troupes irakiennes en première ligne par la coalition, sauf par les forces spéciales américaines, australiennes et britanniques. De son côté, le commandant Sackreuter a séjourné six mois à Kidal, au sein de la Mission des nations unies au Mali (MINUSMA). La recherche, difficile, du renseignement sur les djihadistes se fait surtout par des sources d’origine humaine. Compte tenu de leurs liens avec la population, il est possible de localiser les djihadistes et de savoir ce qui se passe dans un rayon de 20 km du camp de la MINUSMA. En revanche, ceux-ci bénéficient de la complicité de civils qui y travaillent. Enfin, la relation avec les Maliens n’est pas toujours facile, car la France est encore perçue comme l’ancien colonisateur.
Loïc Salmon
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Le Commandement des forces terrestres (CFT) a autorité sur : l’état-major du Corps de réaction rapide-France de l’OTAN ; deux états-majors de force ; 7 brigades interarmes (2 brigades de décision, 3 brigades multirôles et 2 brigades d’engagement d’urgence) ; 3 brigades spécialisées (renseignement, transmissions et logistique) ; la division aéromobilité (3 régiments d’hélicoptères de combat). L’état-major du CFT compte 738 personnels militaires et civils et peut faire appel à 150 réservistes. Les forces terrestres incluent également : la Brigade des forces spéciales terre ; la Brigade franco-allemande ; le commandement des centres de préparation des forces. Le 5ème Régiment de cuirassiers, recréé et installé aux Émirats arabes unis à partir de juin 2016, assure l’entraînement en zone désertique. Les effectifs totalisent 70.000 militaires.