Piraterie maritime : l’action d’Europol

image_print

La piraterie maritime est une nébuleuse de réseaux hiérarchisés et organisés, comme le trafic de stupéfiants. Ces réseaux sont à l’origine des actes de piraterie proprement dits et des prises d’otages contre rançons (voir revue téléchargeable mars 2011 p.9-16). Leur démantèlement nécessite une coopération civilo-militaire.

C’est ce qu’a expliqué Michel Quillé, directeur adjoint opérations d’Europol, lors d’un séminaire organisé, le 16 juillet 2012 à Paris, par la Direction des affaires stratégiques (DAS) du ministère de la Défense.

Le renseignement sur la piraterie maritime vise à établir l’identité des individus et, par recoupement, faire apparaître leurs réseaux et structures. Europol apporte une vision stratégique en profondeur, en vue d’anticiper la menace. Son but est d’identifier les financiers, les organisations et les négociateurs. Ses 200 analystes reçoivent des informations des bâtiments de la force navale européenne « Eunavfor », déployée dans le golfe d’Aden dans le cadre de l’opération « Atalante » depuis décembre 2008. En outre, des personnels des Marines européennes sur zone viennent à La Haye et des analystes d’Europol se rendent à Northwood (Grande-Bretagne), siège de la lutte conte la piraterie maritime. Europol travaille aussi avec le Service européen pour l’action extérieure (réseau diplomatique commun de l’UE). Grâce à la centralisation des fichiers d’analyse, Europol dispose de 21.000 informations (numéros de téléphone, de cartes d’identité, de passeports etc.) pour mettre en évidence les liens entre des individus et certaines entités suspectes, de déterminer leurs déplacements et de les retrouver. Quelque 50.000 liens ont permis d’ouvrir des dizaines de pistes d’enquête. Europol coopère avec Interpol et reçoit des contributions des Pays-Bas, d’Allemagne, de France et de Belgique. Des équipes communes d’enquête demandent aux services de renseignement de ces pays de concentrer leurs recherches sur un sujet donné.

Les difficultés sont nombreuses dans une zone où les administrations centrales des Etats ne sont guère solides, que ce soit pour l’identification des liens familiaux ou la traçabilité des flux financiers. En effet, les rançons sont payées en espèces et leur répartition entre plusieurs acteurs de la prise d’otages a lieu sur place et sur le champ. Le système bancaire international est parfois utilisé, mais de façon très marginale. Europol, faute de preuves formelles, est parvenue néanmoins à rassembler un faisceau d’indices tendant à démontrer qu’une partie des rançons finance le terrorisme. En outre, il existe un lien, fonctionnel mais non hiérarchique, entre les pirates du golfe d’Aden et le groupe d’insurgés somaliens Al Shebab, à l’origine de tensions dans la région. Par ailleurs, l’échange d’informations entre la flotte européenne de l’opération « Atalante » et Europol n’est que ponctuel, car il n’existe aucune base juridique pour l’échange en continu. En revanche, c’est bien le cas pour la mission « Eulex » (justice, police et douanes) de l’UE qui vise à promouvoir l’état de droit au Kosovo, depuis la proclamation de son indépendance en décembre 2008. Europol compte aussi des gendarmes, douaniers et gardes-frontière dans ses rangs.

La démarche innovante d’Europol consiste à créer un lien nouveau avec la mission de l’Eunavfor dans le golfe d’Aden, en lui apportant une dimension civile « opérationnelle » par la présence d’un magistrat néerlandais, habilité à procéder à l’arrestation des pirates en vue de leur mise en jugement et leur condamnation. Actuellement, les pirates sont quasiment assurés de l’impunité. Selon Michel Miraillet, directeur de la DAS, 90 % des pirates appréhendés par l’Eunavfor sont relâchés, en raison de l’insuffisance du dispositif juridique.

Loïc Salmon

L’agence européenne de police Europol, qui a son siège à La Haye (Pays-Bas), emploie 800 personnes et dispose de 150 officiers de liaison dans les Etats membres de l’Union européenne (UE), aux Etats-Unis et en Colombie. Elle gère l’échange et l’analyse des renseignements relatifs aux activités criminelles : trafic de drogue, terrorisme, immigration clandestine, traite des êtres humains et exploitation sexuelle des enfants, contrefaçon et piratage de produits, blanchiment d’argent, fabrication de fausse monnaie et falsification d’autres moyens de paiement. Europol rédige aussi des évaluations de la menace et des analyses criminelles, fournit une expertise et un soutien technique pour les enquêtes et opérations menées au sein de l’UE. L’agence facilite l’échange de renseignements par son propre système d’information et le réseau sécurisé SIENA (Secure Information Exchange Network Application). Enfin, elle participe à l’harmonisation des techniques d’enquête et de la formation entre les États membres.

image_print
Article précédentL’Europe de la défense pour faire face aux crises
Article suivantLa sécurisation des océans : un impératif mondial