Dans les opérations extérieures (Opex) en interarmées, les hélicoptères apportent une plus-value en termes de modes d’action dans des conditions extrêmes et dans la durée.
Ces questions ont été abordées au cours d’un colloque organisé, le 18 juin 2015 au Salon international de l’aéronautique et de l’espace du Bourget (région parisienne), par le Commandement de l’aviation légère de l’armée de terre. Y sont notamment intervenus : le général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de Terre ; le colonel Hervé Auriault, Commandement des forces terrestres ; le colonel Bernard Tardy, Commandement des forces aériennes ; le capitaine de vaisseau Frédéric Babin Chevaye, chef d’état-major de la Force de l’aéronautique navale.
La manœuvre aéroterrestre. Depuis 2010, l’aérocombat s’est exercé dans des milieux très différents : Libye, Somalie et Centrafrique. Les hélicoptères combinent une attaque au sol avec une unité d’infanterie ou de cavalerie. Selon le colonel Auriault, cette intégration complète à la manœuvre interarmes résulte d’une culture de « terrien » : les équipages, formés dans l’armée de Terre, connaissent les combattants au sol et leur environnement. Elle implique une forte capacité d’adaptation et un emploi coordonné ou autonome des appareils. Le succès d’une opération combinée repose sur la capacité de s’engager et se déployer avec et comme les unités au sol. Leur préparation opérationnelle commune exige de maîtriser la totalité du spectre des missions en interarmées. Ainsi, les opérations au Mali ont nécessité : renseignement par les drones moyenne altitude longue endurance de l’armée de l’Air ; frappes programmées des avions de chasse ; interception et neutralisation de l’adversaire dans la profondeur par les hélicoptères ; ravitaillement en carburant, vivres et munitions par le bataillon logistique ; reconnaissance et escorte du soutien logistique pour les troupes au sol, qui saisissent et détruisent les caches d’armes ; contrôle combiné des espaces sensibles. Les appareils de nouvelle génération (Tigre et NH 90 Caïman) augmentent autonomie, puissance de feu et capacité de protection. Les plus anciens (Super Puma et Gazelle) conservent une capacité de résilience dans la durée. La maintenance constante des hélicoptères exige la présence permanente des mécaniciens. Une masse de manœuvre d’une vingtaine d’hélicoptères permet de tenir un engagement pendant 2 à 4 mois. Enfin, le commandement des hélicoptères nécessite une boucle décisionnelle courte, en vue d’une très forte réactivité pour exploiter l’occasion. La chaîne de l’aérocombat inclut brigade, régiment, groupement tactique interarmes et patrouille.
L’armée de l’Air. Les hélicoptères Fennec, Puma et Caracal, engagés en permanence en Opex, allient polyvalence, souplesse d’emploi et interopérabilité, explique le colonel Tardy. Leurs missions couvrent un large spectre : renseignement par les Fennec dans l’opération « Sangaris » en Centrafrique depuis 2013 ; action en Somalie (2013) par les Caracal ; reconnaissance armée et appui feu au canon de 20 mm par les Fennec en Centrafrique et par les Puma dans l’opération « Barkhane » (Tchad, Niger et Centrafrique, 2014) ; aéromobilité des troupes dans les opérations « Pamir » (Afghanistan, 2006-2013), « Serval » (Mali, 2013) et « Barkhane » ; contribution permanente aux opérations spéciales avec l’escadrille spéciale d’hélicoptères de l’escadron 1/67 (EH 1/67) puis au sein du 4ème Régiment d’hélicoptères des forces spéciales, dont l’opération « Sabre » (Mauritanie, Burkina Faso et Niger, 2012) ; évacuation de personnel pendant « Pamir », « Harmattan » (Libye 2011), « Serval », « Barkhane » et « Bois Belleau » (golfe Arabo-Persique et océan Indien avec le groupe aéronaval, 2014). La recherche et le sauvetage de combat (Resco), du ressort des Caracal, consistent à récupérer un ou plusieurs personnels isolés en zone hostile. Ils concernent le segment héliporté et la capacité à intégrer et diriger, dans certaines phases de la mission, un dispositif aérien complexe, national ou interalliés (États-Unis), avec des procédures standardisées OTAN. L’armée de l’Air a déployé 3 de ses 5 Caracal dans l’opération « Baliste » (2006) pour évacuer des ressortissants français et européens hors du Liban. L’emploi des Caracal, ravitaillables en vol (photo), nécessite une forte intégration avec les unités spéciales : Commandos parachutistes de l’air N°10 (assistance, soutien, neutralisation et renseignement au profit du Commandement des opérations spéciales), N°20 (participation aux mesures actives de sûreté aérienne) et N°30 (Resco) ; service action de la Direction générale de la sécurité extérieure. Les Opex mobilisent en permanence 25 %-35 % des équipages des Caracal, 40 %-50 % de ceux des Puma de l’EH 1/67 et 30 % des équipages des forces spéciales.
La Marine nationale. Par leur allonge, les hélicoptères de combat embarqués donnent, aux bâtiments une capacité d’action susceptible de modifier le rapport de forces. Les Lynx sont déployés sur les frégates anti-sous-marines, les Panther sur les frégates antiaériennes et de type La- Fayette (à faible signature radar) et les Caïman, plus lourds, sur les frégates de défense arienne, les frégates multimissions et le porte-avions Charles-de-Gaulle. Compte tenu de l’environnement marin, tous disposent d’outils spécifiques (capacité de pliage, roues et harpon d’appontage), d’un radar et d’une caméra infrarouge pour détecter les navires militaires dans les eaux internationales. Dans le cadre de l’opération « Chammal » (golfe Arabo-Persique, depuis 2014), ces appareils ont été intégrés à un groupe aéronaval américain pour sécuriser la zone et recueillir des renseignements sur les unités navales et drones iraniens (identification nocturne et suivi des activités). L’information est partagée pour éviter de provoquer des tirs iraniens. Au cours de l’opération européenne « Atalante » (côte somalienne et océan Indien, depuis 2008), le renseignement d’origine électromagnétique porte sur les boutres et skiffs des pirates et les navires détournés et transformés en « bateaux mères ». Déjà, 190 tirs d’avertissement ont été autorisés et une action héliportée a permis de capturer des pirates à terre. La détection sous-marine se fait par immersion variable d’un sonar actif, largage de bouées actives ou passives et confirmation par caméra infrarouge. Lors de l’opération « Arromanches » (golfe Arabo-Persique, 2015), les hélicoptères du Charles-de-Gaulle ont établi, par radar, la situation maritime, transmise par la liaison tactique 11. Enfin, des torpilles MU90 héliportées peuvent détruire des patrouilleurs dans une zone de crise.
Loïc Salmon
Territoire national : emploi des hélicoptères en interarmées
ALAT : forte qualification et uniquement de l’opérationnel
Libye : bilan du Groupe aéromobile dans l’opération Harmattan
Selon le général Jean-Pierre Bosser, les opérations extérieures se caractérisent par une menace plus diluée et plus mobile, avec des élongations majeures et une capacité de frappe dans la profondeur. Dans un conflit asymétrique, l’affrontement final, face à face avec l’adversaire, nécessite des matériels protégés et une forte puissance de feu. La technologie des hélicoptères permet d’attaquer jour et nuit et de fusionner le renseignement avec celui des drones.