Opérations aériennes : la cohérence, clé du succès

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Dans une opération interarmées et en interalliés, la composante aérienne réagit la première. Sa cohérence, à savoir la capacité d’agréger des moyens (personnels et matériels) extérieurs, est un avantage de l’armée de l’Air française à préserver.

Son chef d’état-major, le général d’armée aérienne Denis Mercier, l’a expliqué au cours d’une rencontre organisée, le 19 juin 2013 au Bourget, par l’Association des journalistes de défense lors du 50ème Salon de l’aéronautique et de l’espace.

Réactivité. L’opération « Serval » au Mali souligne l’importance des réseaux informatiques gérés en temps réel et différé : centre de commandement, liaison tactique 16 complète, drones, fusion des renseignements des Rafale, planification et conduite des opérations. La capacité de combat repose d’abord sur le Rafale, avion polyvalent unique en Europe (renseignement, bombardement et sûreté aérienne) et capable d’effectuer des missions très longues. Même si un Rafale perd l’usage de son radar, il peut utiliser celui d’un autre Rafale pour tirer son missile. En outre, les avions de chasse opèrent en coordination avec les forces terrestres. En matière de transport, il a fallu regrouper à Abidjan (Côte d’Ivoire), en deux semaines, 15 avions de transport tactique et monter des opérations de parachutage de personnels (le plus massif depuis Kolwezi au Zaïre en 1978) et de largage de matériel (dont un bulldozer de 8 t) à différentes altitudes et de poser d’assaut de nuit sur des pistes de moins de 900 m. La prise des aéroports de Gao et Tombouctou a été planifiée en deux jours à Paris et exécutée immédiatement, au lieu de la période habituelle d’une quinzaine de jours d’entraînement en Corse. Selon le général Mercier, la formation de base des parachutistes peut s’externaliser, mais pas la capacité des équipages à travailler avec les troupes au sol. Il précise qu’aucun autre pays n’est capable de le faire avec ce niveau de réactivité, sauf les Etats-Unis. La coopération franco-britannique doit notamment déboucher sur une force d’intervention commune. Déjà, les avions des deux pays opèrent ensemble selon le concept OTAN. « On souhaite que la Grande-Bretagne ait le même niveau de réactivité pour partager le renseignement et les structures de commandement et monter rapidement des systèmes de communication protégés ». Sont déjà en cours : l’échange de pilotes sur avions de transport tactique et de ravitaillement en vol ; l’interopérabilité des matériels avec des normes communes et des stocks de pièces de rechange.

Entraînement et formation. Depuis 2008, les avions en service ont diminué en nombre mais, devenus polyvalents, peuvent effectuer plusieurs missions en même temps. L’activité des pilotes a baissé. Un pilote de Rafale, censé voler 250 h/an, n’effectue plus que 180 h/an avec la simulation. Celui d’un avion de transport ne vole que 250 h/an au lieu des 400 h/an et celui d’un hélicoptère est passé de 250 h/an à 150 h/an. Depuis l’opération « Harmattan » (Libye 2011), l’interopérabilité des avions de chasse Air et Marine augmente : des pilotes de l’armée de l’Air vont s’entraîner dans la Marine et réciproquement. « Je suis prêt à diminuer le format de l’armée de l’Air, déclare le général Mercier, mais pour remonter le niveau d’activité des gens de première ligne ».  Des négociations sont en cours avec les industriels pour faire baisser le coût de maintenance en coordination avec la Simmad (Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense) à Bordeaux. « On doit apprendre à se former différemment et maintenir des mécaniciens plus longtemps que prévu sur le terrain ». En outre, l’entraînement va se différencier. Les pilotes du premier cercle recevront l’entraînement le plus complet possible. Tous les pilotes de Rafale ont participé à l’opération « Serval » avec des relèves mensuelles, car la fatigue s’accumule avec les longues missions de 9 heures. Les 50 meilleurs deviendront instructeurs au futur centre de formation des chasseurs à Cognac, qui sera ouvert après 2016. Ils ne voleront que 40 h/an sur Rafale, mais formeront des pilotes du deuxième cercle sur un avion moins cher (pas encore acheté) et configuré Rafale avec gestion des plots radar en place avant.  Le nombre d’avions de combat en ligne devant diminuer, il s’agit de constituer un réservoir de pilotes opérationnels pour d’autres missions, afin de pouvoir durer en opérations. Comme la formation directe sur avion de combat coûte cher, un projet d’avion de formation devrait voir le jour à l’horizon 2020-2025.

L’avenir. D’ici à l’entrée en service du futur avion multi-rôles de ravitaillement en vol et de transport (MRTT), le Rafale n’utilise pas encore toute sa capacité. En conséquence, indique le général Mercier, la prochaine loi de programmation militaire (LPM) va prévoir la prolongation des Mirage 2000D et le maintien des Mirage 2000-5 pour la défense aérienne jusqu’en 2025, date de leur obsolescence. Parallèlement, le Rafale va monter en puissance. En effet, le prochain escadron nucléaire Rafale sera opérationnel en 2018 et le prochain escadron de combat Rafale en 2020. Ensuite, la mise au format de 225 avions de combat (armée de l’Air et Marine) implique un ralentissement de la cadence de production des Rafale après 2020. La LPM fixera à 50 le nombre d’avions de transport tactique. En attendant l’entrée en service des A-400M, une flotte de 14 C-160 Transall et C-130 Hercules sera gardée plus longtemps que prévu avec des visites d’entretien simples à coût « raisonnable », en vue de permettre le maintien d’équipages opérationnels. D’ici à 2025-2030, les drones armés seront probablement en service. Mais, aujourd’hui, aucun pays n’a encore de conception très claire de leur emploi.  Selon le général Mercier, il faut construire des démonstrateurs technologiques pour aboutir à une réflexion conceptuelle. Une flotte de drones permet une plus grande furtivité. Mais, la composante aérienne pilotée laisse une capacité de jugement de dernière minute pour éviter des dommages collatéraux.  Pour gérer leur complémentarité, il faudra intégrer la logique des engins non pilotés à celle des aéronefs pilotés. Des travaux sont déjà en cours sur la composante drone, qui devra pouvoir faire autre chose qu’un avion piloté, à la furtivité accrue. Enfin, la préoccupation majeure reste le missile sol/air qui deviendra toujours plus performant.

Loïc Salmon

Armée de l’Air : anticiper et avoir un coup d’avance

Un nouveau chef d’état-major pour l’armée de l’Air

Le concept d’emploi de l’armée de l’Air est défini dans le Livre Blanc 2013 sur la défense et la sécurité nationale.  Ainsi, la sûreté aérienne assure le respect de la souveraineté de la France dans son espace aérien et la défense du territoire contre toute menace aérienne. L ‘accomplissement de cette mission requiert de disposer de capacités nationales permettant d’évaluer la menace et de la contrer avec des moyens adaptés et mieux proportionnés. Elle nécessite également une profondeur stratégique permettant d’établir, avec un préavis suffisant, la situation de la menace aérienne, grâce aux accords transfrontaliers et l’arrivée du nouveau système de commandement et de conduite Air Command and Control System de l’OTAN.

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