Malgré les effectifs considérables qu’ils ont commandés, les généraux de la première guerre mondiale ne pouvaient prétendre qu’aux grades de brigadier et divisionnaire. Ceux de général de corps d’armée et d’armée ne seront introduits qu’en 1921.
Certains officiers ont connu un avancement rapide, de lieutenant-colonel au début de la guerre à général de division commandant une armée à la fin. Jeune brigadier en 1914, Mangin occupe cette haute fonction 2 ans et demi plus tard. Pétain, colonel ancien, y parvient en…quelques mois ! Ce brusque rajeunissement des cadres, qui exerceront longtemps de hautes responsabilités, aura de graves conséquences. Pétain demeure vice-président du Conseil supérieur de la guerre jusqu’en 1931… à 75 ans ! Son disciple Debeney commande l’École de guerre, où s’élabore la doctrine de l’armée, avant de devenir chef d’état-major. Gouraud, commandant de la IVème armée en 1918, reste gouverneur militaire de Paris et membre du Conseil supérieur de la guerre jusqu’en 1937. L’enseignement militaire supérieur sera marqué jusque dans les années 1930 par un « magistère bleu horizon » (couleur de l’uniforme de la Grande Guerre). En 1977, le général Beaufre, juge ainsi son propre passage à l’École de guerre (1927-1929) : « La guerre de 1914-1918, codifiée par Pétain et Debeney, avait conduit à tout placer sous le signe de barèmes, d’effectifs, de munitions, de tonnes, de délais, de pertes, le tout ramené au kilomètre courant. C’était technique et commode, voire rassurant, mais foncièrement faux ; on le vit bien en 1940 ». L’ouvrage « Les généraux français de la Grande Guerre » présente notamment la carrière de 6 commandants en chef, 6 commandants de groupes d’armées et 13 commandants d’armées. L’apolitisme militant est la règle. Malgré l’affaire Dreyfus et celle des fiches, les influences politiques directes sont quasiment absentes des critères de choix des commandeurs. Parmi eux, figurent trois maréchaux entrés vainqueurs dans l’Histoire : Foch pour la guerre elle-même (1918), Joffre pour la bataille de la Marne (1914) et Pétain pour celle de Verdun (1916). Ferdinand Foch (1851-1929) choisit l’artillerie à sa sortie de l’École Polytechnique. Professeur 6 ans à l’École de guerre où il enseigne la théorie de « la bataille pour vaincre », il adaptera la doctrine aux possibilités et contraintes du moment et appliquera dans son commandement le concept « des batailles pour user ». Jacques Joffre (1852-1931), issu lui aussi de Polytechnique, préfère le génie et commence sa carrière en Extrême-Orient, au Soudan et à Madagascar. Promu général de brigade à 49 ans mais non breveté de l’École de guerre, il s’entoure de jeunes officiers brevetés… qui appliqueront les idées en vogue sans discernement quant à leur niveau d’exécution, lorsqu’il commandera en chef. Au début de la guerre, il « limoge » 160 généraux qu’il juge incompétents face à l’offensive allemande. Philippe Pétain (1856-1951) sort de Saint-Cyr fortement marqué, comme sa génération, par l’idée de « revanche » après la défaite de 1870. Il fixera l’armée allemande à Verdun par des évacuations, relèves et ravitaillements permanents des troupes françaises le long de la « voie sacrée », partant de Bar-le-Duc. Enfin, en 1917, il rétablit la discipline dans l’armée avec doigté et fermeté… sans que les Allemands s’en aperçoivent !
Loïc Salmon
Enseignement militaire supérieur : former les chefs d’aujourd’hui et de demain
« Les généraux français de la Grande Guerre » par Claude Franc. Éditions E-T-A-I, près de 300 photos, 192 pages. 39 €