Les espions du Vatican

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Etat souverain, le Vatican dispose de moyens de renseignement pour soutenir son action diplomatique et assurer sa sécurité intérieure. Les six derniers papes les ont utilisés selon leurs priorités stratégiques et doctrinales, où le sentiment de continuité prédomine.

Le réseau diplomatique du Saint-Siège passe de 41 nonces (ambassadeurs) et 20 délégués apostoliques en 1945 à 183 représentations diplomatiques en 2018. La sécurité relève des Gardes suisses, pour la protection du pape, et de la « Vigilanza » (gendarmerie), qui rend compte directement au secrétaire d’Etat, chef du gouvernement du Vatican. Ce micro-Etat combine le domaine temporel aux directives spirituelles envers 1,3 milliard de catholiques dans le monde. Ainsi crédité d’une influence exceptionnelle, il a fait l’objet d’une attention particulière des services de renseignement (SR) des grandes puissances du moment. Dès les accords du Latran (1929) établissant les conditions juridiques et territoriales du Vatican, les SR italiens y infiltrent des agents et procèdent à des écoutes téléphoniques. Au début de la seconde guerre mondiale, le Vatican accepte d’inclure sa correspondance diplomatique…dans la valise diplomatique de la Suisse. Par la suite, il recourt aux SR britanniques, pour la correspondance avec l’empire, et américains. Dès les années 1930, il mène une politique offensive de lutte contre le communisme, avec un volet d’action clandestine, vis-à-vis de l’Union soviétique. Celle-ci considère alors la papauté comme le centre nerveux d’une « Internationale d’espionnage », opposée à l’Internationale communiste. Pour les Etats-Unis, le Vatican constitue un poste d’observation crucial sur le reste de l’Europe. Le plan Marshall (1947) de reconstruction économique de l’Europe de l’Ouest et endiguement de la menace du bloc de l’Est inclut un volet occulte pour financer l’Eglise dans sa lutte contre l’influence communiste en Italie. Dès 1949, la CIA développe un programme d’infiltration d’agents en URSS. Avec le MI6 britannique et le SDECE français, elle subventionne le « Russicum » (collège pontifical pour étudiants russophones), qui dispense aussi à ses missionnaires une formation militaire adaptée. Pape de 1939 à 1958, Pie XII mène cette croisade, qui durera jusqu’à la fin de la guerre froide (1991). Peu avant sa mort, il nomme évêque un prêtre polonais qui, vingt ans plus tard, deviendra pape jusqu’en 2005 sous le nom de Jean-Paul II et accomplira la mission, après la période de détente Est-Ouest amorcée sous les pontificats de Jean XXIII (1958-1963) et Paul VI (1963-1978). Jean-Paul II entend gérer directement les dossiers de tous les pays de l’Est, organise des « opérations spéciales » et développe une intense activité diplomatique. Plusieurs SR étrangers accroissent écoutes téléphoniques et infiltrations de « taupes » au Vatican. Cela n’empêchera pas le pape de contribuer à la chute du rideau de fer (1989) et à la fin de l’URSS en 1991. La lutte anti-communiste menée par le Saint-Siège a nécessité d’importants moyens financiers. La papauté a notamment bénéficié de l’aide de la riche organisation catholique Opus Dei, qui promeut « l’apostolat de pénétration » et fonctionne comme un service de renseignement. La gestion des « fonds secrets » du Saint-Siège a connu des dérapages. Ainsi, l’Institut pour les œuvres de religion, (banque du Vatican) s’est trouvé lié à divers scandales politico-financiers qui ont, parmi d’autres, provoqué la démission du pape Benoît XVI (2005-2013).

Loïc Salmon

« Les espions du Vatican », Yvonnick Denoël. nouveau monde éditions, 636 pages, 25,90 €.

Profession Espion

KGB-DGSE

Dictionnaire renseigné de l’espionnage

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