Le drone, engin volant sans pilote, est presqu’aussi ancien que l’avion. En cent ans, il est passé de l’emploi exclusivement militaire à des usages civils variés. Le lieutenant (Air) féminin Océane Zubeldia, docteur en Histoire et chercheur au Centre stratégiques aérospatiales, en a retracé l’historique lors de la 5ème Rencontre aviation civile aviation militaire, tenue le 19 mai 2011 à Paris.
Pendant la première guerre mondiale, les grand pays aéronautiques (Allemagne, Grande-Bretagne, France et Etats-Unis) se dotent d’avions sans pilotes et télécommandés par TSF. Puis l’idée tombe dans l’oubli. En 1950, l’armée de l’Air française utilise, comme engins cibles, des avions en fin de vie pilotés par radioguidage. L’armée de Terre demande à la compagnie Nord-Aviation de construire des engins sans pilotes pour le renseignement photographique. Les drones sont nés. Pendant la guerre du Viet Nam (1959-1975), ils effectuent des dizaines de milliers de missions sans pertes. Leur emploi militaire est généralisé pendant la guerre israélo-arabe du Kippour (1973). Au cours de celle du Golfe (1991), ils complètent le renseignement d’origine spatiale. De cette expérience, divers types de drones, Predator et Crécerelle notamment, sont déployés au Kosovo (1999) dans des cadres interarmées et interalliés. Ils sont ensuite systématiquement mis en œuvre en Irak, en Afghanistan, dans le cadre de l’opération Atalante contre la piraterie en Somalie et enfin en Libye. En Afrique du Sud, ils sont utilisés depuis 25 ans pour des missions de sécurité intérieure. Au Japon, ils ont trouvé depuis longtemps des applications civiles, comme l’épandage et la surveillance des cultures, et, en 2011, pour la mesure de radioactivité au-dessus de la centrale nucléaire endommagée de Fukushima. La Chine les a employés pour la surveillance des Jeux olympiques de Pékin en 2008 et la Grande-Bretagne compte faire de même pour ceux de Londres en 2012. En Russie, ils servent à la recherche des cadavres dans les zones fluviales et aux Etats-Unis pour la surveillance des tempêtes tropicales.
Cependant, indique le lieutenant Zubeldia, des problèmes se posent sur leur fiabilité et leur capacité d’endurance. En outre, leurs systèmes de transmissions ne doivent pas interférer avec ceux des aéronefs pilotés. Par ailleurs, leur transfert d’emploi d’un théâtre d’opérations vers une zone urbaine implique des garanties et des autorisations. Les transmissions de données nécessitent des liaisons et donc l’utilisation de bandes de fréquences limitées et largement occupées. Enfin, en Afghanistan, des insurgés sont parvenus à capter des données non cryptées, grâce à un logiciel peu onéreux… acheté sur internet !
Les potentialités des drones sont énormes dans les conflits asymétriques, avec une déclinaison de la menace du Proche-Orient à la Corée du Nord, sans oublier la prolifération des armes de destruction massive. Dans le domaine civil, ils pourront servir notamment au contrôle des pollutions et à la surveillance des glaciers. Enfin, à terme, il sera possible de les équiper d’intelligence artificielle.
Loïc Salmon